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Franc-Maçonnerie — Sous-thèmes

La vie créditiste - III

le jeudi, 15 août 1940. Dans La vie créditiste

«  Je  » et «  On  »

Je est un pronom personnel. Il remplace une personne bien déterminée, la personne qui parle, qui écrit, qui signe.

On est un pronom indéfini. Il ne représente personne en particulier. C'est le pronom employé par les mous et les lâches pour éviter une responsabilité personnelle.

L'homme est une personne. Dans la mesure où l'on s'éloigne de la personne, on s'éloigne de l'homme. Celui qui sait dire : "Je vais faire telle et telle chose, fiez-vous à moi" — celui-là est un homme. Celui qui dit : "On va y voir" peut bien être un individu faisant partie d'une aggrégation, une unité dans un troupeau — il y a loin de là à un homme.

★ ★ ★

Dans la ville de X, après une bonne conférence sur le Crédit Social, voici bientôt deux ans, un groupe fut formé pour continuer la propagande dans la localité. Il prit le nom de Comité de la Ligue du Crédit Social de X. Président, vice-président, secrétaire, trésorier et huit directeurs. Douze au total.

Les mois passèrent, et de la ville de X nous n'entendions point parler.

Lettre au secrétaire : pas de réponse. Lettre au président. Réponse : C'est vrai, on n'a pas fait grand'chose, mais on va se réunir et on va décider quelque action, il faut que ça marche.

Trois mois s'écoulent. Pas de signe de vie.

De passage dans la ville de X, le propagandiste provincial rencontre un des directeurs :

    • Et comment va le Crédit Social, Georges ?

    • On est toujours pour ça.

    • Qui, on ?

    • Nous autres, les membres du comité.

    • Et autour de vous ? En dehors du comité ?

    • Ah bien, voyez-vous, on en parle des fois.

    • Qui, on ?

    • Nous autres, des fois, quand ça s'adonne.

    • Ça s'adonne-t-il souvent ? À beaucoup de monde ?

    • Non. C'est dur ici, voyez-vous.

    • Comme partout, je suppose.

    • Ah ! bien pire qu'ailleurs. Notre ville, c'est spécial. C'est difficile de décoller le monde, vous n'avez pas idée.

    • Croyez-vous être le premier à me dire cela de sa ville dans la province de Québec ? Je pense que c'est à peu près partout la même chose, les problèmes varient mais s'équivalent. Avez-vous fait des assemblées depuis le mois de novembre 1938 ?

    • Non.

    • Quel moyens prenez-vous ? Que fait votre comité ? Vous réunissez-vous bien souvent ?

    • On n'a pas eu de réunion encore... Oui. Je me rappelle qu'on s'est réuni une fois, mais on n'a rien décidé. On a ajourné.

    • Ajourné à quand ?

    • Bien, le président devait avertir. Puis on n'en a pas entendu reparler.

    • Et le vice-président ?

    • Je suppose qu'il attend le président.

    • Le secrétaire vous envoie-t-il des communications de temps en temps ?

    • Pas à moi, toujours.

    • Votre trésorier collecte-t-il ? A-t-il des cotisations dans son trésor ?

    • Le trésor doit être pas mal à sec, à en juger par ma part.

    • Qu'est-ce que vous êtes prêt à faire personnellement, Georges, pas en argent, mais en travail, pour avancer le mouvement dans X ?

    • Moi, je serais bien prêt, mais j'attends les autres.

    • Et si chacun attend les autres ?

    • C'est vrai qu'on devrait y voir.

    • Qui, on ? Je vous dis, Georges, qu'il faudra d'autre chose que des comités de paralytiques. Aucun mouvement ascensionnel ne réussit avec des "ON".

★ ★ ★

Deux heures plus tard, le propagandiste est chez le président du Comité de la Ligue du Crédit Social de X. :

    • Je n'ai pas eu de nouvelles, Philippe, depuis. que vous deviez faire quelque chose, il y a trois mois.

    • C'est vrai. Mais voyez-vous, j'étais bien occupé. Puis quand j'en ai parlé aux autres, il y en avait plus de la moitié qui m'ont dit que ce n'était pas le temps de faire quelque chose. Plus tard, après la guerre, ça sera plus facile. Le monde a l'esprit ailleurs.

    • Où l'avaient-ils, de novembre 1938 à septembre 1939 ?

    • Faut bien avouer. Mais voyez-vous, on était un ou deux prêts à bouger, mais on se tanne quand on est tout seul.

    • Qu'êtes-vous prêt à faire personnellement, Philippe, pour raviver l'action créditiste à X ?

    • Ah bien, faudrait qu'on décide cela ensemble.

  • Qui, on ?

    • Les membres du comité.

    • Vous me dites qu'ils sont figés. Voulez-vous, Philippe, c'est vous et moi qui allons remplacer "ON" ?

    • Et puis ?

    • Et puis vous allez bouger et je vais bouger.

    • Comment ?

    • Vous allez me préparer une assemblée.

    • Pour quand ?

    • Pour ce soir.

    • Impossible. Pas de salle. Personne n'est averti.

    • Un petit groupe dans une maison.

    • Ah ! C'est aller trop vite, ça va être un fiasco. Et puis qu'est-ce que les autres vont penser ?

    • Ce qu'ils voudront. Ont-ils jamais pensé ?

    • Écoutez, Monsieur. Je suis bien pour le Crédit Social, et je le serai toujours. Mais j'aime mieux ne pas m'en occuper.

    • Comment l'aurez-vous, le Crédit Social ? Un dernier service, Philippe, puisque vous préférez vous caser. Connaissez-vous un cultivateur de la paroisse qui semble être pour le Crédit Social ?

    • Tant qu'à ça, il y a Michel Lamontagne qui est bien chaud pour le Crédit Social. Lui, il en parle toutes les fois que je le rencontre.

    • Son adresse ?

    • Rang de la Petite-Côte, la... 1, 2, 3, 4, 5, 6,... la septième maison à partir de la grande-route. Le chemin du rang commence en face d'une croix, à trois ou quatre milles d'ici.

★ ★ ★

Huit heures du soir. Quelques autos et des voitures à cheval dans la cour de la ferme de Michel Lamontagne. Soixante personnes dans la grande cuisine.

Conférence bien suivie d'une heure et demie. Dix abonnements à VERS DEMAIN ET... quatre membres de l'I.A.P.

Et qu'est-ce que ça, quatre membres de l'I.A.P. ?

Quatre personnes qui ont signé une formule par laquelle elles s'engagent à une action bien déterminée.

Michel Lamontagne, François Plamondon, Alfred Bélanger et Ludovic Larouche ont signé chacun son propre engagement. La formule commence par : JE soussigné,...

Michel, François, Alfred et Ludovic n'ont pas à se consulter mutuellement, à discuter, à ajourner avant d'agir. Chacun a sa besogne bien tracée, et chacun a déjà commencé à remplir son engagement. Ils ne font pas partie d'un comité de paralytiques, mais sont membres d'un Institut de travailleurs.

Et c'est comme cela qu'à X, après 19 mois d'existence, le Comité de douze qui disait "On" n'avait rien fait. Ni le journal créditiste ni l'opinion ne marquait aucun progrès à X.

Et c'est comme cela qu'à X, après deux mois seulement, quatre membres d'un Institut qui disent "Je" ont augmenté d'une vingtaine le nombre des familles qui lisent. Dans un an, plus de cent familles, à X s'instruiront régulièrement des questions publiques à la lumière du Crédit Social.

L'Institut bâtit le journal, le journal bâtit l'opinion, l'opinion donnera le Crédit Social. Êtes-vous au bas, au milieu ou au haut de l'échelle. Au haut ce sont les bénéficiaires, tout le monde. Au bas, ce sont les pionniers, les fondateurs, les hommes d'action. Voulez-vous en être ? Si vous avez du sang rouge dans les veines, si vous savez prendre une décision "Je" et la résoudre en acte, écrivez à I.A.P., Vers Demain, 1657 Boulevard St-Joseph Est, Montréal.

Aujourd'hui. Tout de suite.

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