Le milieu est l'ensemble des conditions naturelles ou factices dans lesquelles un être fait sa vie.
Les bêtes ne peuvent changer leur milieu. Certaines d'entre elles changent de milieu, selon les saisons. C'est le cas des oiseaux migrateurs. Mais elles ne modifient pas le milieu où elles sont pour l'adapter à leurs besoins. Ce sont elles qui doivent s'adapter à leur milieu ou disparaître.
Les grands sauriens de la période jurassique n'ont pas laissé de descendants parce que les bouleversements terrestres ou les grandes modifications de climat ont créé un milieu nouveau auxquels ils ne pouvaient s'adapter. Devant un milieu défavorable, l'animal capitule.
Mais l'homme n'est pas ainsi esclave de son milieu. Il s'ingénie pour le changer. Il exploite, transforme, transporte les richesses de sa planète. D'une forêt impénétrable, il fait des champs qui lui fournissent une nourriture variée. D'une cascade terrorisante, il tire lumière, chaleur et force motrice. Il plie à son service les microbes invisibles aussi bien que les animaux géants. Il change des marécages en villes, des déserts en jardins.
L'homme vingtième-siècle peut être fier des merveilles de son génie.
Il est cependant un milieu dans lequel l'homme s'affaisse, désemparé. Ce milieu-là, il ne l'assouplit pas, il tâche péniblement de s'y adapter : s'il échoue, il se laisse mourir.
Ce milieu, nos lecteurs créditistes l'ont deviné, c'est le système financier. Le plus humiliant pour l'être de génie qu'est l'homme, c'est que ce milieu, le seul qui le brave et le brise, c'est justement lui qui l'a créé. L'homme triomphe de milieux naturels liguant contre lui des forces formidables. Devant une comptabilité qu'il a lui-même instaurée, il se déclare impuissant. Grand partout ailleurs, lorsqu'il s'agit de son argent, de l'argent établi par lui-même, l'homme n'est plus qu'un animal qui capitule et meurt.
Louis EVEN
