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Franc-Maçonnerie — Sous-thèmes

Dans la province de Québec

le vendredi, 15 novembre 1940. Dans La vie créditiste

Qui parlait de Crédit Social dans la province de Québec il y a six ans ? Des groupes s'agitaient déjà en Afrique du Sud, dans l'Ouest canadien, aux Antipodes. Mais dans la province de Québec, les traditionnalistes voyaient bleu ou rouge ; les réformistes parlaient de changer les cliques qui se succédaient au pouvoir par une clique nouvelle ; d'autres cherchaient à introduire une bureaucratie, sous les noms les plus vertueux, pour dicter aux hommes et aux femmes ce qu'il faut faire et ce qu'il ne faut pas faire, ce qu'il faut acheter et ce qu'il ne faut pas acheter. Ainsi dans le domaine public.

Dans le domaine privé, on prêchait la formation de groupes pour revendiquer des droits qu'on jugeait piétinés par d'autres groupes ; ou l'organisation en vue de garder dans le milieu les dollars trop rares qui y parvenaient et d'étirer leur valeur d'achat jusqu'aux limites du possible.

Mais qui s'en prenait à l'émission de l'argent ? Qui se demandait où commence l'argent, quel mécanisme règle la quantité d'argent en circulation ? On était encore sous l'impression que, si les uns manquent d'argent, c'est parce que les autres l'ont, comme si le volume total en était intangiblement le même de toute éternité.

Aujourd'hui, dans presque toutes les paroisses de la province de Québec, même dans les cantons de colonisation, vous entendez discuter de réforme monétaire, de monnaie-dette, de dividendes sociaux. Et nous prions nos lecteurs de croire que cette vulgarisation d'un sujet jusque-là réservé, même banni de nos manuels d'enseignement, ne procède point du tout d'une de nos savantes universités. C'est le miracle du Crédit Social, du mouvement qui a le plus fait en peu de temps pour introduire dans les masses l'étude de la chose publique-sociale, économique et politique.

L'école de Gardenvale - Le Moniteur

Jusqu'en 1935, des revues et des ouvrages exclusivement de langue anglaise propageaient les théories monétaires de l'école nouvelle. Quelques étudiants de notre province seulement avaient eu l'occasion de lire les livres de Douglas.

En 1934, M. J. J. Harpell, de Gardenvale, qui avait fait de la prison pour avoir dénoncé trop fortement et trop personnellement des agioteurs de la haute, commençait la publication mensuelle du Moniteur pendant les mois d'hiver. C'était l'édition française de The Instructor. Lui-même en était le rédacteur, M. Louis Even le traducteur.

Le Moniteur aborda d'abord l'étude de l'électricité... et du trust de l'électricité. En dévisageant ce monstre, on trouva des banquiers. Aussi l'année suivante, entreprenait-on l'étude du système monétaire.

Le premier livre traduit en français sur le sujet fut "La Monnaie et ses Mystères", de Mme Caldwell, que le cercle d'étude de Gardenvale et les cercles affiliés adoptèrent comme manuel. Il s'en écoula deux mille dans le Canada français.

La chasse aux manuels amena les éducateurs de Gardenvale en contact avec plusieurs auteurs : entre autres G. G. McGeer, maire de Vancouver, qui, bien avant le Père Lamarche, réclamait des émissions de crédit par l'État distribuées par l'État en retour de travail par des embauchés de l'État. (Il publia "The Conquest of Poverty"). Puis, Larkin, jeune homme d'affaires de Buffalo, qui expliquait dans une brochure le système de Douglas. Puis W. A. Tutte, dont le livre "Social Credit for Canada" devint le compagnon inséparable du directeur actuel de VERS DEMAIN.

Sur ce, étaient venues les élections provinciales d'Alberta et le triomphe créditiste du 22 août 1936. Au cours de l'hiver, on décida à Gardenvale la traduction de la brochure de Larkin. L'édition française parut sous le titre de "Propositions du Crédit Social". Il s'en est écoulé trois mille.

La Ligue du Crédit Social

Ces travaux mirent M. Even en rapport avec M. Armand Turpin de Hull. Ils firent bientôt connaissance. Un groupe de Hull étudiait déjà le Crédit Social depuis quelque temps.

Le Moniteur avait porté les écrits de Gardenvale à Québec, à Sherbrooke, à Shawinigan et en bien d'autres centres. M. Even fit plusieurs visites aux groupements formés dans ces villes, surtout à Québec. À l'occasion de l'une de ces visites, un groupe décida de former la Ligue du Crédit Social de la Province de Québec, dont M. Louis Dugal, avocat, fut choisi comme président. On était en mai 1936.

La Ligue resta dans les langes quelques semaines. Mais au mois de juillet, sous l'inspiration de M. J. J. Harpell, on convoqua à Montréal des créditistes de différentes villes pour étudier l'opportunité de prendre part ou non à l'élection provinciale. Ce fut l'occasion de donner un peu plus de consistance à la jeune association.

Les Cahiers du Crédit Social

Au mois d'octobre, M. Louis Even, jugeant que la suspension du Moniteur durant les mois d'été et la diversité des sujets qu'il couvrait, ne répondrait pas à un mouvement foncièrement créditiste que plusieurs désiraient voir mener rondement, lança les "Cahiers du Crédit Social." Le Moniteur, qui en deux ans avait atteint un chiffre d'abonnement de 1200, avait préparé un bon terrain. La brochure du R. P. Lévesque, "Crédit Social et Catholicisme" armait contre des accusations qu'on devinait.

Les Cahiers parurent, irrégulièrement selon les ventes. Les douze numéros composant la première année couvrirent en réalité deux années du calendrier et allèrent jusqu'à 2400 abonnés. Il s'en distribuait un bien plus grand nombre par des volontaires qu'on appela "clairons". Chaque édition était tirée à un minimum de 10,000. On en eut de 15,000, deux de 20,000 une de 25,000, une de 40,000, une de 50,000 et une de 60,000. Toute cette littérature a pénétré un peu partout.

Plusieurs articles furent aussi acceptés dans les journaux, particulièrement dans l'hebdomadaire "L'Homme Libre".

De son côté, M. Armand Turpin prit part à des polémiques dans les colonnes de l'Action Catholique, et fit paraître un bon exposé de la technique monétaire de Douglas dans une brochure intitulée "La crise et son remède, le Crédit Social". Il publia aussi pendant plusieurs mois un journal créditiste, "La Voix du Peuple", qui circula surtout dans la région de Hull.

Les cercles d'étude de la Ligue

De 1936 à 1938, la Ligue se développa surtout au moyen de cercles d'étude, plusieurs établis par correspondance là où les Cahiers du Crédit Social avaient fait impression ; d'autres par contacts personnels à la suite de réunions-conférences.

Pour activer ce développement, la Ligue nomma M. Georges Grenier, des Trois-Rivières, organisateur général. Il fit plusieurs tournées, dans lesquelles M. Even l'accompagna. Mais ce n'étaient que des activités transitoires, M. Even étant lié par son emploi à Gardenvale, M. Grenier, après quelques mois, résigna ses fonctions en juillet 1937, et M. Even accepta de s'en acquitter dans la mesure où le permettaient les circonstances.

En juin 1938, la Ligue tint son premier congrès provincial à Saint-Hyacinthe. Premier déploiement de forces encourageant. On y décida de prendre les moyens de soutenir financièrement un propagandiste-organisateur, afin qu'il pût consacrer tout son temps à l'expansion de la Ligue dans la province. Mais les souscriptions furent très insuffisantes.

Le 14 août de la même année, des représentants de la Ligue et des organisations embryonnaires des autres provinces de l'Est, se réunirent à Drummondville, pour fonder l'Association des Créditistes de l'Est, destinée à unifier le travail des organismes provinciaux du Québec, de l'Ontario et des trois provinces maritimes. Mais comme les organismes de ces autres provinces étaient pratiquement inexistants, l'association ne tint pas.

Au mois de septembre 1938, M. Louis Even quittait son emploi de Gardenvale et commençait à donner son plein temps au Crédit Social, comptant sur les recettes de la Ligue pour compenser le salaire auquel il renonçait.

MM. Louis Dugal, président de la Ligue, et Louis Even, organisateur, entreprirent le parcours des comtés les plus travaillés par les activités précédentes, fondant partout où ils parlaient des comités de la Ligue et finançant leur tournée par la vente de cartes de membres.

Tout alla bien jusqu'aux fêtes de l'an. Le 20 novembre, la tournée dans la région de Québec se termina par un congrès régional très enthousiaste.

En janvier 1939, le même travail se fit dans le district de Hull, comtés de Hull, Labelle, Prescott (Ont.) et Russell (Ont.), et se termina par le magnifique ralliement de Hull le 29 janvier, auquel prirent part une douzaine de députés fédéraux de l'Alberta et des délégations de Montréal et même de Québec.

Les mois suivants furent plus ternes. Des territoires nouveaux, plus apathiques, répondirent moins bien à l'appel. Les routes de campagne étaient impraticables, ce qui barrait l'accès à la partie la plus intéressante de la population.

Monsieur Dugal avait cessé de participer à l'organisation. Il reprit temporairement plus tard dans le district de Québec, alors que M. Even travaillait surtout le comté de Labelle.

Le second congrès provincial, tenu à Québec le 19 juin 1940, fut une grandiose démonstration de l'élan créditiste. Des enthousiastes étaient venus de toutes les parties de la province. L'après-midi fut relevée encore par la présence de l'Hon. Lucien Maynard, de l'Alberta, et de M. Blackmore, le leader du groupe fédéral.

M. Even tint à prévenir les congressistes contre le danger de se méprendre sur la véritable situation du Crédit Social dans la province. Il ne fallait pas juger de toute la population par la foule choisie qui se pressait au Palais Montcalm.

L'automne devait en ramener plusieurs à la nue réalité.

Septembre 1939

Le 10 septembre 1939, le Canada déclarait la guerre à l'Allemagne. Au cours de la courte session d'urgence qui précéda cette date historique, MM. Herridge (hors du Parlement) et Blackmore (dans l'enceinte du Parlement) réclamèrent la conscription totale des richesses et des hommes.

Comme Herridge avait approché les créditistes au cours de l'été et qu'on avait acclamé Blackmore à Québec à cause de ses idées créditistes, bien qu'au même congrès la Ligue eût passé une résolution contre toute participation à des guerres extérieures, le public mal renseigné traita les créditistes de conscriptionnistes. Les journaux de parti se plurent à intensifier la fausse impression. De nombreux créditistes se découragèrent en face de ces difficultés. Tout le mouvement semblait paralysé.

La ligue du Crédit Social avait pu faire du travail et travailler l'opinion. Elle avait eu le tort de construire trop superficiellement. Elle établissait des comités, prélevant les contributions du plus grand nombre de membres possible, seule ressource à la disposition des propagandistes. Mais elle ne laissait aucune littérature, aucun moyen de cultiver les convictions. On avait bien les Cahiers du Crédit Social ; mais c'était le paiement d'un dollar pour la carte de membre, non l'abonnement aux Cahiers, qui faisait le ligueur.

L'assemblée de fondation d'un groupe présentait assez clairement la doctrine créditiste et la faisait généralement bien accueillir. Mais combien facile pour un adversaire de jeter le discrédit le lendemain sur des conférenciers de passage lorsque les gens n'étudiaient pas, n'avaient en main aucun organe pour réfuter les attaques qui paraissaient dans les colonnes des journaux, ni pour tenir les membres au courant de ce qui se faisait ailleurs !

Au lieu de faire pivoter le travail sur la vente d'une carte de membre, il eût été beaucoup plus sage de le faire pivoter sur l'abonnement à un organe de propagande et de renseignements.

De plus, en face des forces adverses qui disposent d'une presse puissante pour former l'opinion, il est inutile de compter sur des résultats décisifs sans avoir au service du Crédit Social un journal d'une circulation imposante.

C'était une lacune. En face de l'effondrement général menaçant, il était plus que jamais temps de tenter un effort suprême pour bâtir une presse créditiste. Et ça pressait.

VERS DEMAIN

C'est ce que comprirent M. Louis Even et Mlle Gilberte Côté et ce qu'ils résolurent d'entreprendre immédiatement.

Le 1er novembre 1939 paraissait le premier numéro de VERS DEMAIN. Il fallait en faire un succès. Faire vivre un journal d'idées par les simples revenus de l'abonnement. Ceux qui ont essayé dans la province de Québec savent ce que signifie ce problème.

On réduisit les dépenses au strict minimum. On multiplia les efforts ; énergies physiques et énergies morales furent mises à contribution. On bénéficia aussi de magnifiques collaborations. Nous tenons à souligner d'une manière toute spéciale celle de M. J.-E. Grégoire, qui nous valut une bonne part des progrès du journal dans la région de Québec, et l'indéfectible appui tangible de M. l'abbé Ed. Lavergne, curé de Notre-Dame-de-Grâce, de Québec.

Au printemps de 1940, les élections fédérales détournaient momentanément les esprits de l'attention à un mouvement d'étude. Après des hésitations, le directeur de VERS DEMAIN accepta la candidature qu'on lui offrait au Lac St-Jean. Dans Hull, M. Armand Turpin avait déjà posé la sienne. L'un et l'autre se présentaient comme indépendants, avec le Crédit Social comme programme.

L'accident arrivé à M. Even l'empêcha de mettre les pieds dans son comté jusqu'au jour de l'élection ; mais la campagne fut conduite avec dévouement par des créditistes locaux, comme MM. Wilbrod Tremblay et Jean Nil Jean, et par d'autres venus des quatre coins de la province : Mlle Gilberte Côté de Montréal, M. J.-E. Grégoire de Québec, M. Louis Tardivel de Portneuf, M. Henri Dubuc de Sherbrooke.

On sait le résultat de l'élection, tant dans Hull qu'au Lac St-Jean. Mais le travail de propagande ne fut certes pas perdu, non plus que l'expérience acquise. Il devenait de plus en plus évident que seules des convictions bien formées par de l'étude continuelle nous vaudront un véritable changement. Le comté du Lac St-Jean comptait moins de 300 abonnements à l'époque de l'élection. C'est 1000 abonnements et une organisation qu'il eût fallu avoir.

Après sa convalescence, en juin dernier, M. Even reprenait la route, cette fois non seulement pour faire connaître le journal et prêcher l'étude, mais aussi pour établir l'Institut d'Action Politique (l'I.A.P.).

L'Institut s'est avéré la meilleure organisation à date. Les résultats sont là pour le prouver.

Nous croyons pouvoir juger de l'expansion du Crédit Social dans le Canada français par la proportion de la population qui s'abonne au seul organe créditiste de langue française. Une fois le journal dans une famille, on peut compter sur cette famille et deux ou trois autres par rayonnement.

Après une année, VERS DEMAIN aligne 6,500 abonnés. Si l'on jette un coup d'œil sur le diagramme ci-dessous, on verra que le mouvement prend de l'accélération. Au Moniteur, il fallut deux années pour atteindre 1,200 abonnés. Les Cahiers du Crédit Social doublèrent la vitesse d'ascension, atteignant 2400 en deux ans. Quant au journal VERS DEMAIN, puisqu'il touche à 6,500 après une année, son allure égale cinq fois et demie celle des Cahiers, onze fois celle du Moniteur. Ce n'est point déprécier les devanciers, c'est reconnaître que leurs labours furent bons.

Nous n'allons point entreprendre la mention des apôtres qui ont mis l'épaule à la roue pour faire marcher le Crédit Social dans la province de Québec. Nous risquerions des omissions et des injustices. Ce n'est d'ailleurs point pour la gloriole que travaillent des gens comme MM. Forest en Abitibi, le Docteur Fortin en Beauce... mais pas de noms. Donnons seulement la liste des comtés qui sont en tête pour le nombre d'abonnés. On comprendra que, les comtés n'ayant pas tous la même population, un chiffre moins élevé dans une circonscription peut représenter une plus forte représentation qu'un nombre supérieur dans un autre. Nous n'entreprenons ni une échelle de mérites, ni une distribution de prix. Nous faisons un simple relevé, laissant chacun prendre la résolution de stimuler encore son travail en remarquant ce qu'on a pu obtenir ailleurs. Il n'existe aucune région qui ne présente ses difficultés.

Comtés provinciaux                                   Abonnés

Abitibi .....................................................763

Lac St-Jean et Roberval (2 comtés)..............530

Beauce .....................................................330

Sherbrooke................................................251

Portneuf....................................................170

Frontenac....................................................168

Bellechasse.................................................145

Chicoutimi......................................................141

Québec Comté..................................................138

Montmorency...................................................138

Mégantic..........................................................136

Kamouraska.......................................................136

Dorchester...........................................................115

Compton............................................................100

Québec (ville de)....................................................746

Certaines fourmillières isolées vont bien finir par déborder sur leur comté : telle la ville ouvrière d'Asbestos, avec ses 74 abonnés. Il faudrait citer en exemple aussi la petite ville nouvelle, à peine accessible sur la Côte Nord, Baie Comeau, où, sous l'impulsion d'un simple homme du peuple, le journal entre maintenant dans 37 familles.

L'Institut d'Action Politique compte déjà plusieurs centaines de membres, et si l'on se rend compte que chaque membre est un apôtre, il laisse augurer des résultats réconfortants d'ici douze mois. M. Grégoire, de Québec, en a immédiatement saisi la portée et ne manque aucune occasion de le recommander aux âmes dynamiques.

L'objectif de 24 abonnements fixé à chaque membre a déjà été dépassé par quelques-uns en moins de six mois. Signalons M. J.-E. Grégoire lui-même ; l'abbé E. LaVergne, curé de Notre-Dame de Grâce de Québec ; Alphonse Robitaille de Québec ; Arthur Morrissette, de Limoilou ; Gérard Mercier, de Sainte-Anne de Beaupré ; Mme Rosaire Gosselin, d'Asbestos. Plusieurs autres, entrés plus récemment, vont plus vite que la moyenne d'un abonnement par quinze jours.

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