Dans sa nouvelle encyclique, le Pape François fait abondamment mention des déclarations de Jean-Paul II et de Benoît XVI sur l’environnement. En fait, le Pape actuel n’a rien inventé sur la question de l’écologie, il ne fait que reprendre l’enseignement du Magistère, déjà très bien exprimé par ses deux derniers prédécesseurs.
Pour Benoît XVI, les deux principaux documents sur l’écologie sont son encyclique «Caritas in veritate», de 2009, et son Message pour la Journée mondiale de la Paix 2010, ayant pour thème «Si tu veux construire la paix, protège la création».
Quant à Jean-Paul II, c’est lui qui, en novembre 1979, avait nommé saint François d’Assise patron céleste des écologistes. Les deux principaux documents de Jean-Paul II sur l’écologie sont son encyclique «Centesimus annus» de 1991, et son Message pour la Journée mondiale de la Paix 1990, ayant pour thème «La paix avec Dieu créateur, la paix avec toute la création». Voici de larges extraits de ce Message du 1er janvier 1990, qui résument bien la nouvelle encyclique «Laudato Si» du Pape François:
Face à la dégradation générale de l'environnement, l'humanité se rend compte désormais que l'on ne peut continuer à utiliser les biens de la terre comme par le passé. L'opinion publique et les responsables politiques en sont inquiets; les savants dans les disciplines les plus diverses en étudient les causes. On assiste ainsi à la formation d'une conscience écologique qu'il ne faut pas freiner mais favoriser, en sorte qu'elle se développe et mûrisse en trouvant dans des programmes et des initiatives concrets l'expression qui convient.
Lorsqu'il s'écarte du dessein de Dieu créateur, l'homme provoque un désordre qui se répercute inévitablement sur le reste de la création. Si l'homme n'est pas en paix avec Dieu, la terre elle-même n'est pas en paix: «Voilà pourquoi le pays est en deuil et tous ses habitants dépérissent, jusqu'aux bêtes des champs et aux oiseaux du ciel, et même les poissons de la mer disparaîtront» (Os 4, 3).
Certains éléments de la crise écologique actuelle font apparaître à l'évidence son caractère moral. Il faut y inscrire en premier lieu l'application sans discernement des progrès scientifiques et technologiques. Beaucoup de découvertes récentes ont apporté à l'humanité des bienfaits indiscutables; elles manifestent même la noblesse de la vocation de l'homme à participer de manière responsable à l'action créatrice de Dieu dans le monde.
On a cependant constaté que l'application de certaines découvertes dans le cadre industriel et agricole produit, à long terme, des effets négatifs. Cela a mis crûment en relief le fait que pour aucune intervention dans un domaine de l'écosystème on ne peut se dispenser de prendre en considération ses conséquences dans d'autres domaines et, en général, pour le bien-être des générations à venir.
Mais le signe le plus profond et le plus grave des implications morales du problème écologique se trouve dans les manquements au respect de la vie qui se manifestent dans de nombreux comportements entraînant la pollution. Les conditions de la production prévalent souvent sur la dignité du travailleur, et les intérêts économiques l'emportent sur le bien des personnes, sinon même sur celui de populations entières. Dans ces cas, la pollution ou la destruction de l'environnement sont le résultat d'une vision réductrice et antinaturelle qui dénote parfois un véritable mépris de l'homme.
De même, des équilibres écologiques délicats sont bouleversés par une destruction incontrôlée des espèces animales et végétales ou par une exploitation imprudente des ressources; et tout cela, il faut le rappeler, ne tourne pas à l'avantage de l'humanité, même si on le fait au nom du progrès et du bien-être.
Enfin, on ne peut pas ne pas considérer avec une profonde inquiétude les possibilités considérables de la recherche biologique. On n'est peut-être pas encore en mesure d'évaluer les troubles provoqués dans la nature par des manipulations génétiques menées sans discernement et par le développement inconsidéré d'espèces nouvelles de plantes et de nouvelles formes de vie animale, pour ne rien dire des interventions inacceptables à l'origine même de la vie humaine. Dans un domaine aussi délicat, il n'échappe à personne que l'indifférence ou le refus des normes éthiques fondamentales portent l'homme au seuil même de son auto-destruction.
La norme fondamentale que doit respecter un juste progrès économique, industriel et scientifique, c'est le respect de la vie et, en premier lieu, de la dignité de la personne humaine.
La terre est essentiellement un héritage commun dont les fruits doivent profiter à tous. Le Concile Vatican II l'a réaffirmé: «Dieu a destiné la terre et tout ce qu'elle contient à l'usage de tous les hommes et de tous les peuples» (Constitution Gaudium et spes, n. 69). Cela entraîne des conséquences directes pour notre problème. Il n'est pas juste qu'un petit nombre de privilégiés continuent à accumuler des biens superflus en dilapidant les ressources disponibles, alors que des multitudes de personnes vivent dans des conditions de misère, au niveau le plus bas de survie.
C'est maintenant l'ampleur dramatique du désordre écologique qui nous enseigne à quel point la cupidité et l'égoïsme, individuels et collectifs, sont contraires à l'ordre de la création, dans lequel est inscrite également l'interdépendance mutuelle.
Il convient d'ajouter encore que l'on ne parviendra pas à un juste équilibre écologique si l'on ne s'attaque directement aux formes structurelles de la pauvreté existant dans le monde. Par exemple, la pauvreté rurale et la répartition des terres ont conduit dans de nombreux pays à une agriculture de simple subsistance et à l' appauvrissement des sols. Quand la terre ne produit plus, de nombreux agriculteurs s'établissent dans d'autres zones, aggravant souvent le processus de déforestation incontrôlée, ou bien ils s'installent dans des centres urbains déjà dépourvus d'infrastructures et de services.
En outre, certains pays fortement endettés sont en train de détruire leur patrimoine naturel, entraînant d'irrémédiables déséquilibres écologiques, afin d'obtenir de nouveaux produits d'exportation. Toutefois, face à ces situations, lorsqu'on évalue les responsabilités, il serait inacceptable de ne mettre en accusation que les pauvres pour les effets négatifs qu'ils produisent sur l'environnement. Il convient plutôt d' aider les pauvres, à qui la terre est confiée comme à tous les autres, à surmonter leur pauvreté; et cela requiert une réforme courageuse des structures et de nouveaux modèles de rapports entre les Etats et les peuples.
La société actuelle ne trouvera pas de solution au problème écologique si elle ne révise sérieusement son style de vie. En beaucoup d'endroits du monde, elle est portée à l'hédonisme et à la consommation, et elle reste indifférente aux dommages qui en découlent. Comme je l'ai déjà fait observer, la gravité de la situation écologique révèle la profondeur de la crise morale de l'homme. Si le sens de la valeur de la personne et de la vie humaine fait défaut, on se désintéresse aussi d'autrui et de la terre. L'austérité, la tempérance, la discipline et l'esprit de sacrifice doivent marquer la vie de chaque jour, afin que tous ne soient pas contraints de subir les conséquences négatives de l'incurie d'un petit nombre.
L'éducation à la responsabilité écologique est donc nécessaire et urgente: responsabilité envers soi-même, responsabilité à l'égard des autres, responsabilité à l'égard de l'environnement. C'est une éducation qui ne peut être fondée simplement sur l'affectivité ou sur des velléités mal définies. Son objectif ne peut être ni idéologique ni politique, et sa conception ne peut s'appuyer sur le refus du monde moderne ou le désir vague d'un retour au «paradis perdu». La véritable éducation à la responsabilité suppose une conversion authentique dans la façon de penser et dans le comportement. Dans ce domaine, les Eglises et les autres institutions religieuses, les Organisations gouvernementales et non gouvernementales, et aussi toutes les composantes de la société ont un rôle précis à remplir. Toutefois, la première éducatrice demeure la famille, dans laquelle l'enfant apprend à respecter son prochain et à aimer la nature.
14. On ne peut négliger, enfin, la valeur esthétique de la création. Le contact avec la nature, par lui-même, est profondément régénérateur, de même que la contemplation de sa splendeur donne paix et sérénité. La Bible parle souvent de la bonté et de la beauté de la création, appelée à rendre gloire à Dieu (cf., par exemple, Gn 1, 4 ss.; Ps 8,2; 104, 1 ss.; Sg 13, 3-5; Si 39, 16.33; 43, 1.9). La contemplation des œuvres du génie humain est peut-être plus difficile, mais non moins intense...
Les hommes et les femmes qui n'ont pas de convictions religieuses particulières reconnaissent aussi leur devoir de contribuer à l'assainissement de l'environnement, de par le sens qu'ils ont de leurs responsabilités à l'égard du bien commun. A plus forte raison, ceux qui croient en Dieu créateur et qui sont convaincus, par conséquent, de l'existence dans le monde d'un ordre et d'une finalité bien définis doivent se sentir appelés à se préoccuper du problème. Les chrétiens, notamment, savent que leurs devoirs à l'intérieur de la création et leurs devoirs à l'égard de la nature et du Créateur font partie intégrante de leur foi.
Saint Jean-Paul II