Dans la matinée du 3 octobre 2004, Place Saint-Pierre, S. S. le Pape Jean-Paul II a élevé aux honneurs des autels cinq serviteurs de Dieu, dont la célèbre stigmatisée, allemande, Anna Katarina Emmerich, vierge de l'Ordre des Chanoinesses régulières de Saint-Augustin. Les visions extraordinaires de cette grande sainte ont été réunies en 3 volumes par le R. P. Fr. Joseph-Alvare des prêtres prêcheurs. Ces livres sont disponibles à la « Librairie Pierre Téqui », éditeur, 82 rue Bonaparte, 75006 -Paris. Les amis de Vers Demain peuvent aussi se les procurer à nos bureaux. On sait que le fameux film de la "Passion du Christ" de Mel Gibson, qui a connu un si grand succès, a été réalisé d'après les "Visions d'Anne-Catherine Emmerich. Pour l'édification de nos lecteurs, nous tirons, de ces fameux livres, des extraits de la vie crucifiée de cette âme privilégiée.
Th. Tardif
Anne-Catherine Emmerich naquit au hameau de Flamchen, en Allemagne, le 8 septembre 1774, fête de la Nativité de Marie. Elle démontra dès son enfance, une piété extraordinaire ; ainsi, elle priait Dieu de la retirer du monde avant l'âge où elle aurait pu l'offenser.
Favorisée dès lors de communications célestes, son ange gardien lui apparaissait sous forme d'un jeune pâtre et venait se mêler à ses jeux. Jésus, la Sainte Vierge, saint Joseph, saint Jean-Baptiste venaient comme des enfants de son âge et lui expliquaient les scènes de la nature. Elle pouvait dire à la fin de sa vie :
« Grâce à Dieu, je n'ai presque jamais rien lu, et quand je venais à jeter les yeux sur un livre quelconque, il me semblait, à chaque ligne, déjà tout savoir par cœur. L'histoire même des saints, quand je la comparais à leur vie telle qu'elle m'était montrée, me paraissait comme un soleil de terre jaune comparé au véritable soleil. »
« Un jour dit-elle, je devais avoir 5 ou 6 ans, j'essayais de méditer sur le premier article du symbole des apôtres : Je crois en Dieu le Père Tout-puissant. Des tableaux de la création se présentèrent au regard de mon âme. La chute des anges, la création de la terre et du paradis, celle d'Adam et d'Eve et de leur désobéissance, tout me fut montré. Je m'imaginais que toutes les personnes de mon entourage voyaient ces choses. »
Dès sa tendre enfance, elle avait un sentiment très vif des souffrances et des joies d'autrui. Elle donnait aux pauvres tout ce qu'elle avait.
Son père entendit parler des récits que Catherine faisait à ses petites compagnes. Il lui dit un jour en la prenant dans ses bras : « Mon enfant, nous voilà seuls, raconte aussi une histoire à ton vieux père. »
Et Catherine de dérouler dans son langage naïf, tout ce qu'elle savait des belles histoires d'Abraham ou des prophètes ; « et, dit la sœur, il n'avait jamais rien vu de semblable, il se mit à pleurer, ses larmes coulaient sur moi, et il me dit : « Enfant où as-tu donc pris toutes ces choses ? » « Alors je lui répondis que je voyais toutes ces choses. Il se tut et, dès lors, il ne me demanda plus rien. »
Après quatre mois d'école, son maître la renvoya en déclarant qu'elle savait déjà tout ce qu'il pouvait lui apprendre.
Le renoncement et la mortification furent la grande école de sa piété. Dès ses premières années, elle ne prenait de sommeil et de nourriture que ce qui était strictement nécessaire. Elle passait une partie de ses nuits en prière. Souvent, l'hiver, elle priait à genoux dans la neige. Elle couchait par terre sur des planches disposées en croix.
Il était rare qu'elle demandait à Dieu des choses pour elle-même ; toutes ses demandes avaient pour but la conversion des pécheurs et la délivrance des âmes du purgatoire. Servante pendant plusieurs années de sa jeunesse, à peine avait-elle achevé son travail qu'elle se retirait à l'écart pour converser avec Dieu, comme un enfant avec son père.
Revenue dans sa pauvre famille, un jour qu'elle travaillait au champ avec les siens, la cloche du couvent des Annonciades de Coësfield qui sonnait l'Angelus lui inspira un désir si ardent de la vie religieuse, qu'elle s'évanouit. Elle brûlait du désir d'être tout à Dieu. C'est alors qu'elle reçut une faveur divine qui indiquait le but providentiel de sa merveilleuse existence. Elle raconte elle-même :
« C'était quatre ans avant mon entrée au couvent, donc en 1798, dans la vingt-quatrième année de mon âge. Agenouillée devant un crucifix, dans la chapelle des Jésuites de Coësfeld, je priais avec toute la ferveur dont j'étais capable, plongée dans une contemplation pleine de douceur, lorsque tout à coup, je vis mon fiancé céleste sortir du tabernacle, sous la figure d'un jeune homme tout environné de splendeur. Il tenait dans sa main gauche une couronne de fleurs, et dans sa main droite, une couronne d'épines, et il m'offrit à choisir entre l'une et l'autre. Je demandai la couronne d'épines, qu'il me mit lui-même sur la tête, et que j'enfonçai de mes deux mains sur mon front. Il disparut, et je sentis immédiatement de violentes douleurs autour de la tête. Bientôt des blessures se montrèrent comme des piqûres d'épines qui saignaient. » Pour cacher ses souffrances, Anne-Catherine baissait davantage son bonnet sur son front.
Des épreuves sans nombre vinrent contrarier sa vocation. Enfin son désir du cloître fut exaucé. Introduite par la libérale main du Seigneur dans la famille de saint Augustin, elle prit l'habit religieux en 1802. Elle eut à souffrir beaucoup de la part de ses sœurs qui la taxaient d'inconvenance, d'indiscrétion, d'écouter aux portes, etc. Rien de tout cela n'altérait la profonde paix de son âme.
Lorsque les révolutions politiques eurent dispersé son couvent, sous le gouvernement de Jérôme Bonaparte, roi de Westphalie, elle disait : « Notre pauvre cloître, que sera-t-il devenu dans quelques années ? Bientôt, on ne connaîtra même plus le lieu où tant d'âmes consacrées au Seigneur ont prié pour les pécheurs. J'étais heureuse au-delà de tout ce que je pouvais dire... »
Ces courtes années du cloître forment la partie la plus remplie et la plus riche de cette vie privilégiée. Ses extases étaient plus fréquentes, ses visions prirent un caractère d'ensemble vraiment merveilleux. Elle voyait tout l'Ancien Testament, toutes ses figures, c'est-à-dire le lien intime qui les rattache aux mystères de l'Incarnation et de la Rédemption. En un mot, la Sœur a eu l'intuition profonde et complète de l'unité des deux Testaments en Jésus-Christ, centre et fin de toutes choses.
En même temps, elle apercevait tout le travail de l'enfer, l'origine et la diffusion de l'idolâtrie, les formes variées de l'erreur et de la superstition inspirées et propagées par Satan, pour arrêter, en le contrefaisant, le seul progrès véritable, le règne de Jésus-Christ.
Enfin l'histoire de la Rédemption, la vie entière du Sauveur se dévoila, jour par jour et dans tous les détails, aux yeux de son âme ravie. Elle suivit tous les pas du Sauveur, entendit tous ses enseignements, fut témoin de tous ses miracles.
Toutes ses visions sont marquées au coin de l'exactitude historique la plus rigoureuse, dit Clément Brentano, son sténographe, désigné par la Providence, pour écrire en détails les visions et révélations reçues par Anne-Catherine.
Le son de la cloche qui appelait les fidèles à la sainte messe suffisait pour la ravir dans une contemplation du sacrifice universel de Notre-Seigneur Jésus-Christ. « Je vois dit-elle, au-dessus de l'autel et du prêtre qui célèbre, la grande scène de la Passion : Notre-Seigneur s'offrant à son père sur la croix, »
Le 29 décembre 1812, elle reposait sur sa couche, les bras étendus en forme de croix, immobile, ravie en extase, et le visage en feu. Elle contemplait la Passion du Sauveur, et son ardente prière sollicitait la faveur de partager ses souffrances. Tout à coup, il descendit sur elle une lumière, au centre de laquelle elle aperçut Jésus-Christ crucifié, avec ses cinq plaies resplendissantes comme des soleils. Le cœur d'Anne-Catherine était suspendu entre la douleur et la joie ; et à l'aspect des stigmates sacrés de Jésus, son désir de ressentir les douleurs du Fils de Dieu devint si violent, qu'il lui sembla que son désir prenait une forme sensible et s'élançait de ses propres mains, de ses pieds et de son côté, et pénétrait dans les plaies du Sauveur. Aussitôt, de chacune d'elles jaillirent trois rayons d'un rouge pourpre, terminés en flèches et qui transpercèrent ses pieds, ses mains et son côté. Aussitôt, des gouttes de sang s'échappèrent des plaies qui venaient de lui être faites. Dès lors, elle souffrit toutes les douleurs intérieures et extérieures de Jésus dans sa Passion.
La charité parfaite l'avait unie à l'Époux divin et, transformée en lui, jusqu'à reproduire miraculeusement en son corps les douleurs et les plaies de sa passion ; de même l'excès de son amour pour les membres mystiques de Jésus devait porter en elle la compassion, jusqu'à lui faire éprouver réellement et sensiblement les souffrances morales et physiques, les maladies mêmes de ceux qu'elle voulait aider et soulager.
Pendant l'année 1823, qui fut la dernière année de sa vie, ses souffrances augmentèrent encore, et avec elles, son amour. Une vision terrible lui dévoila plus clairement toutes les plaies et tous les maux de l'Église. Elle s'offrit à Dieu comme victime. Cette année s'écoula au milieu d'un martyre indescriptible. Elle disait : « Ce sont de bonnes souffrances. » Elle expira enfin le 9 février 1824, après avoir récité ces paroles : « Seigneur secourez-moi ; venez, Seigneur Jésus, venez. » Cette admirable vie de rédemption tout illuminée de la connaissance des mystères divins, miraculeusement associée aux souffrances et à la passion de Jésus-Christ, avait pris fin sur terre.