Voici un texte écrit par saint Alphonse-Marie de Liguori (1696-1797, fondateur des Rédemptoristes, évêque et docteur de l’Église), intitulé : « Sept méditations en l’honneur de saint Joseph », pour les sept mercredis qui précèdent sa fête (19 mars), ou même pour les sept jours qui la précèdent immédiatement. Ce texte nous aide à méditer sur les grandeurs de saint Joseph :
par saint Alphonse-Marie de Liguori
(Méditation pour le premier mercredi, ou bien pour le premier des sept jours.)
« Joseph monta aussi de Galilée en Judée, de la ville de Nazareth, en la cité de David, appelée Bethléem » (Luc 2, 4).
Considérez les doux entretiens que durent avoir ensemble, durant ce voyage, Marie et Joseph, touchant la miséricorde de Dieu, qui envoyait ainsi son fils au monde pour racheter le genre humain ; et touchant l’amour de ce fils qui venait dans cette vallée de larmes pour expier, par ses souffrances et par sa mort, les péchés des hommes. Considérez ensuite la peine de Joseph quand il se vit, en cette nuit où naquit le Verbe divin, repoussé partout avec Marie dans Bethléem, en sorte qu’ils furent contraints de chercher asile dans une étable.
Quelle fut la peine de Joseph en voyant sa sainte épouse, jeune personne de quinze ans, sur le point d’accoucher, tremblant de froid dans cette grotte humide et ouverte de plusieurs côtés ! Mais quelle dut être ensuite sa consolation quand il entendit Marie l’appeler et lui dire : « Venez, Joseph, venez adorer notre Dieu enfant, qui vient de naître dans cette étable. Admirez sa beauté ; contemplez dans cette crèche, sur ce foin, le Roi de l’univers. Voyez comme il tremble de froid, lui qui embrase d’amour les Séraphins ! Voyez comme il pleure, lui qui est la joie des cieux ! »
Or, considérez ici quel fut l’amour et l’attendrissement de Joseph, alors qu’il vit de ses propres yeux le Fils de Dieu fait enfant ; qu’il entendit en même temps les anges chanter autour du Seigneur nouveau-né, et qu’il vit la grotte remplie de lumière ! Alors, Joseph à genoux et pleurant d’attendrissement : « Je vous adore, dit-il ; oui, je vous adore, mon Seigneur et mon Dieu. Quel n’est pas mon bonheur d’être après Marie le premier à vous voir nouveau-né, et de savoir que vous voulez dans le monde être appelé mon fils et estimé tel ! Permettez donc que moi aussi je vous donne ce nom, et que, dès maintenant, je vous dise : Mon Dieu et mon fils, je me consacre tout à vous. Ma vie ne sera plus à moi, elle sera toute à vous ; elle sera uniquement employée à vous servir, ô mon Seigneur. » Combien plus encore s’accrut la joie de Joseph quand il vit arriver cette nuit même les bergers, invités par l’ange à venir voir leur Sauveur nouveau-né ; et plus tard les saints mages venus de l’Orient pour rendre leurs devoirs au Roi du ciel, au Dieu fait homme pour sauver ses créatures.
Mon saint patriarche, je vous prie, au nom des peines que vous éprouvâtes lorsque vous vîtes le Verbe divin né dans une étable, en un tel état de pauvreté, sans feu, sans linge, et lorsque vous l’entendîtes pleurer par la souffrance que lui causait la rigueur du froid ; je vous prie, dis-je, de m’obtenir une vraie douleur de mes péchés, par lesquels j’ai été cause des larmes qu’a versées Jésus. Mais, au nom de la consolation que vous éprouvâtes lorsque, pour la première fois vous vîtes Jésus enfant, né dans une crèche, si beau, si gracieux, en sorte que dès cet instant votre cœur commença de brûler d’un plus ardent amour envers cet aimable et bien-aimé enfant, obtenez-moi la grâce de l’aimer moi aussi d’un grand amour sur la terre, pour être admis un jour à le posséder dans le ciel.
Et vous, ô Marie, mère de Dieu et ma mère, recommandez-moi à votre Fils, et obtenez-moi le pardon de toutes les offenses que j’ai commises envers lui, et la grâce de ne plus l’offenser.
Et vous, mon bien-aimé Jésus, pardonnez-moi pour l’amour de Marie et de Joseph, et accordez-moi la grâce de pouvoir un jour vous voir en paradis pour vous y louer, et aimer votre beauté divine, et votre bonté qui vous a fait enfant pour l’amour de moi. Je vous aime, beauté infinie. Je vous aime, mon Jésus. Je vous aime, mon Dieu, mon amour, mon tout.
« L’ange du Seigneur apparut en songe à Joseph et lui dit : « Levez-vous ; prenez l’enfant et sa mère, et fuyez en Égypte. » (Matthieu 2, 13).
Les saints mages ayant informé Hérode que le roi des Juifs venait de naître, ce prince barbare ordonna de mettre à mort tous les enfants qui se trouvaient alors dans les environs de Bethléem. Ainsi, comme Dieu voulait pour le moment préserver son fils de la mort, il envoya un ange avertir Joseph qu’il eût à prendre l’enfant et la mère et à s’enfuir en Égypte.
Considérez ici la prompte obéissance de Joseph, qui, quoique l’ange ne lui eût pas prescrit le temps du départ, n’éleva aucune difficulté, ni quant au temps, ni quant au mode d’un pareil voyage, ni quant au lieu où il pourrait s’établir en Égypte, mais se disposa sur-le-champ à partir. Ainsi, à l’instant même il en fit part à Marie, et la nuit même, comme le veut Gerson, recueillant les pauvres outils de sa profession qu’il pouvait porter, et qui devaient lui servir en Égypte pour alimenter sa pauvre famille, il se mit en chemin avec son épouse Marie. Les voilà seuls, sans guide, faisant route vers l’Égypte, c’est-à-dire entreprenant un voyage d’une longueur de quatre cent milles, à travers les montagnes, des chemins âpres et de vastes déserts.
Or, quelle dut être la peine de Joseph dans ce voyage, quand il voyait souffrir ainsi sa chère épouse, peu faite à la marche, portant entre ses bras ce cher enfant que Marie et Joseph, tout en fuyant, se passaient l’un à l’autre, dans la continuelle appréhension de rencontrer à chaque pas les soldats d’Hérode, et cela par le temps le plus rigoureux de l’hiver, avec l’incommodité du vent et de la neige. De quoi pouvaient-ils se nourrir dans ce voyage, si ce n’est d’un morceau de pain qu’ils avaient emporté de la maison ou qu’ils avaient reçu en aumône ? La nuit où pouvaient-ils reposer, si ce n’est dans quelque mauvaise halte, ou en rase campagne à découvert, ou tout au plus sous quelque arbre ?
Joseph était bien tout résigné à la volonté du Père Éternel, qui voulait que son fils commença dès son enfance à souffrir pour expier les péchés des hommes ; mais le cœur tendre et aimant de Joseph ne pouvait pas ne pas ressentir une peine bien vive en entendant Jésus pleurer à cause du froid et des autres incommodités qu’il éprouvait.
Considérez enfin combien Joseph dut souffrir pendant un séjour de sept années en Égypte, au milieu d’une nation idolâtre, barbare et inconnue ; puisqu’il n’avait là ni parents ni amis qui pussent l’assister. Aussi saint Bernard disait-il que pour nourrir son épouse et ce divin enfant qui pourvoit à la nourriture de tous les hommes et de tous les animaux de la terre, le saint patriarche était contraint de travailler jour et nuit.
Mon saint protecteur, au nom de cette prompte soumission que vous montrâtes toujours à la volonté de Dieu, obtenez-moi de votre Jésus la grâce d’une soumission parfaite aux divins commandements. Obtenez-moi dans le voyage que fait mon âme vers l’éternité, au milieu de tant d’ennemis, la grâce de ne jamais perdre la compagnie de Jésus et de Marie, jusqu’à mon dernier soupir. Ainsi accompagné, toutes les peines de cette vie et la mort même me seront douces et agréables.
Marie, mère de Dieu, au nom des souffrances qu’étant si jeune et si délicate, vous dûtes éprouver dans votre voyage en Égypte, obtenez-moi la force de supporter avec patience et résignation toutes les incommodités et toutes les choses fâcheuses qui m’arrivent. Et vous, mon bien-aimé Jésus, ayez pitié de moi. Ô Dieu, vous l’innocence même, vous qui êtes mon Seigneur et mon Dieu, vous avez voulu dès votre enfance tant souffrir pour moi, et moi pécheur, qui tant de fois ai mérité l’enfer, comment ai-je pu être si peu résigné et si impatient quand il s’est agi de souffrir quelque chose pour vous ? Seigneur, pardonnez-moi.
Je veux à l’avenir supporter tout ce que vous voudrez, et dès ce moment je m’offre à porter toutes les croix que vous m’enverrez. Soutenez-moi donc par votre grâce, autrement je ne vous serai pas fidèle. Je vous aime, mon Jésus, mon trésor, mon tout, et je veux vous aimer toujours ; je veux, pour vous être agréable, souffrir tout ce qu’il vous plaira.
« L’enfant Jésus demeura dans Jérusalem, et ses parents ne s’en aperçurent pas » (Luc 2, 43).
Le temps de partir d’Égypte étant arrivé, l’ange avertit de nouveau Joseph de s’en retourner en Judée avec l’enfant et sa mère. Saint Bonaventure considère que, dans ce retour, la peine de Joseph et de Marie fut plus grande que pour aller, parce que Jésus étant alors âgé de sept ans environ, il était trop grand pour le porter sur les bras, et il était d’ailleurs trop petit pour faire à pied un long voyage : ainsi bien souvent cet aimable enfant était obligé de s’arrêter et de se coucher à terre par l’excès de la fatigue.
En outre, considérons la peine que ressentirent Joseph et Marie, cinq ans après leur retour, lorsqu’ils perdirent de vue Jésus (alors âgé de douze ans) dans la visite qu’ils firent au temple. Joseph était accoutumé à la douce jouissance que lui procuraient la vue et la compagnie de son bien-aimé Sauveur ; or, quelle dut être ensuite sa douleur quand il s’en vit privé pendant ces trois jours, sans savoir s’il devait jamais le retrouver, et sans savoir le motif de cette disparition — ce qui fut sa peine la plus cruelle ; car le saint patriarche dans sa grande humilité, craignait que peut-être pour quelque manquement de sa part, Jésus n’eût résolu de ne plus habiter dans sa maison, et ne l’estimait plus digne de sa compagnie et de l’honneur de l’assister, en ayant soin d’un si grand trésor.
Pour une mère qui a mis en Dieu tout son amour, il n’y a pas de plus grande peine que de douter si on lui a déplu. Aussi, pendant ces trois jours, Marie et Joseph ne purent prendre un instant de repos ; ne cessant de pleurer, ils allaient de toute part cherchant leur bien-aimé, comme la Vierge elle-même le lui dit ensuite quand elle le retrouva dans le temple : « Mon fils, oh ! quelle peine cruelle vous nous avez fait éprouver pendant ces trois jours que nous sommes allés pleurant sans cesse et vous cherchant sans que nous puissions avoir de vos nouvelles. »
Considérons d’autre part la joie de Joseph, quand ensuite, il eut retrouvé Jésus, et qu’il sut que la cause de sa disparition n’avait pas été quelque manquement de sa part, mais le zèle de la gloire de son Père céleste.
Mon saint patriarche, vous pleurez pour avoir perdu de vue Jésus ; mais vous l’avez toujours aimé, il vous a tant aimé qu’il vous a choisi pour son père nourricier et pour le gardien de ses jours. Laissez-moi pleurer, moi qui, pour les créatures et pour suivre mes caprices, ai tant de fois abandonné et perdu de vue mon Dieu, au mépris de sa divine grâce. Ah ! vous que j’invoque, par les mérites de la peine que vous éprouvâtes pour avoir perdu de vue Jésus, obtenez-moi des larmes pour pleurer sans cesse les outrages que j’ai faits à mon divin maître. Et au nom de la joie que vous ressentîtes quand vous le retrouvâtes dans le temple, obtenez-moi le bonheur de le retrouver moi aussi, lorsque par sa grâce je rentre en moi-même et de ne plus le perdre jamais.
Et vous, ô Marie, ma mère, vous qui êtes le refuge des pécheurs, ne m’abandonnez pas, ayez pitié de moi. Si j’ai offensé votre fils, je m’en repens aujourd’hui de tout mon cœur, et je suis prêt à perdre mille fois la vie, avant que de perdre sa divine grâce. Priez-le qu’il me pardonne, et qu’il me donne la sainte persévérance.
Et vous, mon bien-aimé Jésus, si vous ne m’avez pas encore pardonné, pardonnez-moi dans ce jour. Je déteste et je hais tout ce que j’ai pu faire d’injurieux contre vous ; j’en suis marri, je voudrais en mourir de douleur. Je vous aime, et parce que je vous aime, j’estime votre amour et votre grâce plus que tous les royaumes du monde. Seigneur, assistez-moi, afin que toujours je vous aime et ne vous offense plus jamais.
« Il partit avec eux, et vint à Nazareth, et il leur était soumis » (Luc 2, 51).
Jésus, après avoir été retrouvé dans le temple par Marie et Joseph, retourna avec eux à Nazareth, et vécut avec Joseph jusqu’à sa mort, lui obéissant comme à son père. Considérez ici la sainte vie que mena depuis Joseph en la compagnie de Jésus et de Marie. Dans cette famille, il n’y avait point d’autre affaire que la plus grande gloire de Dieu ; point d’autre pensée ni d’autre désir que de plaire à Dieu, point d’autres discours si ce n’est de l’amour que les hommes doivent à Dieu, et de celui que Dieu porte aux hommes, surtout de celui qu’il leur a témoigné en envoyant dans ce monde son fils unique pour souffrir et terminer sa vie dans une mer de douleurs et d’ignominies, et par-là sauver le genre humain.
Oh ! avec quels torrents de larmes Marie et Joseph, parfaitement instruits dans les divines Écritures, devaient-ils parler de la cruelle passion et de la mort de Jésus-Christ en sa propre présence ! Avec quel attendrissement devaient-ils se dire l’un à l’autre, suivant la prédiction d’Isaïe, que
leur bien-aimé devait être l’homme des douleurs et des opprobres ; que ses ennemis devaient tellement défigurer, que ce beau visage ne serait plus reconnaissable, qu’on devait tellement le déchirer à coups de fouets et lui meurtrir les chairs qu’il paraîtrait comme un lépreux couvert de plaies et de blessures ; que leur fils chéri souffrirait tout avec patience, sans même ouvrir la bouche pour se plaindre de tant d’outrages, et comme un agneau se laisser conduire à la mort ; qu’enfin attaché à un bois infâme au milieu de deux larrons, il devait terminer sa vie dans l’excès des tourments. Or, considérez les sentiments de douleur et d’amour que de tels entretiens devaient éveiller dans le cœur de Joseph.
Mon saint patriarche, au nom de ces larmes que vous versiez en contemplant les souffrances futures de votre Jésus, obtenez-moi un tendre et continuel souvenir des tourments de mon Rédempteur. Mais aussi au nom de cette sainte flamme d’amour, que ces entretiens et ces pensées allumaient dans votre cœur, obtenez-en une étincelle à mon âme, qui par ses péchés a eu une si grande part dans la cause des tourments de Jésus.
Et vous, ô Marie, au nom de tout ce que vous souffrîtes dans Jérusalem à la vue des tourments et de la mort de votre cher fils, obtenez-moi une grande douleur de mes péchés.
Et vous, mon doux Jésus, qui pour l’amour de moi avez tant souffert et êtes mort, faites que je n’oublie jamais un si grand amour. Mon Sauveur, votre mort est mon espérance. Je crois que vous êtes mort pour moi.
J’espère mon salut par vos mérites. Je vous aime de tout mon cœur, je vous aime plus que toute autre chose, je vous aime plus que moi-même. Il n’est aucun mal qui me cause autant de déplaisir que de vous avoir contristé, ô mon souverain bien. Je ne désire rien autre chose que de vous aimer et de vous être agréable. Assistez-moi, Seigneur, ne permettez pas que jamais je ne puisse me séparer de vous.
« Jésus partit avec eux, et vint à Nazareth et il leur était soumis » (Luc 2, 51).
Considérez d’abord l’amour que Joseph eut pour sa sainte épouse. Elle était la plus belle femme qu’il y eût jamais eu ; elle était en même temps la plus humble, la plus douce, la plus pure, la plus obéissante, et la plus avancée dans l’amour de Dieu qu’il y ait jamais eu entre tous les hommes et entre tous les anges : ainsi elle méritait tout l’amour de Joseph qui aimait tant la vertu. Ajoutez encore à cela que Joseph voyait combien il était aimé de Marie, qui bien certainement préférait dans son cœur son époux à toutes les créatures. Il la considérait d’ailleurs comme la bien-aimée de Dieu, choisie pour être la mère de son fils unique. Or à tous ces égards, considérez quelle devait être l’affection qu’entretenait dans son cœur le juste et reconnaissant Joseph pour une épouse si aimable.
Considérez en second lieu l’amour que Joseph avait pour Jésus. Lorsque Dieu choisit ce saint pour tenir lieu de père à Jésus, il dut certainement graver dans son cœur l’amour qui convenait à un père, au père d’un fils si aimable, au père d’un Enfant-Dieu. Ainsi l’amour de Joseph ne fut pas un amour purement humain, comme est l’amour des autres pères, mais un amour surhumain, qui lui faisait trouver dans la même personne et un fils et un Dieu. Joseph savait bien par la révélation certaine et divine qu’il en avait eue de l’ange, que cet enfant dont il se voyait toujours accompagné était le Verbe divin qui, pour l’amour des hommes en particulier de lui, s’était incarné. Il savait que lui-même l’avait choisi entre tous pour être le gardien de sa vie, et voulait être appelé son fils. Or, considérez quel incendie de saint amour devait s’allumer dans le cœur de Joseph quand il songeait à tout cela, et quand il voyait son divin maître le servir comme un apprenti : tantôt ouvrir, tantôt fermer la boutique, tantôt l’aider à couper le bois, ou manier le rabot et la hache ; tantôt ramasser les copeaux et balayer la maison ; en un mot, lui obéir en tout ce qu’il ordonnait, et même ne faire aucune chose que sous la dépendance de l’autorité qu’il exerçait comme père.
Quels sentiments affectueux devaient se réveiller dans son cœur, tandis qu’il le portait dans ses bras, le caressait et recevait les caresses que lui rendait cet aimable enfant ! Tandis qu’il recueillait de sa bouche les paroles de vie éternelle qui devenaient autant de flèches amoureuses dont son cœur était transpercé ; et particulièrement ensuite, lorsqu’il observait les saints exemples de toutes les vertus que lui donnait ce divin enfant ! La longue familiarité des personnes qui s’aiment refroidit quelquefois l’amour, parce que plus les hommes conversent longuement entre eux, plus ils connaissent les défauts les uns des autres.
Il n’en était pas ainsi pour Joseph : plus il conversait avec Jésus, plus il connaissait sa sainteté. Jugez de là combien il aimait Jésus, ayant au rapport de plusieurs auteurs, joui de la compagnie de Jésus l’espace de vingt-cinq ans.
Mon saint patriarche, je me réjouis de votre bonheur et de votre élévation, vous qui avez été rendu digne de pouvoir commander comme père à celui auquel obéissent les cieux et la terre. Vous que j’invoque, puisque vous avez été servi par un Dieu, je veux moi aussi me mettre à votre service. Je veux vous servir dorénavant, vous honorer, et vous aimer comme mon Seigneur. Prenez-moi sous votre patronage, et ordonnez-moi ce qu’il vous plaira. Je sais que tout ce que vous me direz sera pour mon bien et pour la gloire de notre commun Rédempteur. Saint Joseph, priez Jésus pour moi. Certainement il ne vous refusera jamais rien après que sur la terre il ait obéi à tous vos ordres. Dites-lui qu’il me pardonne les offenses qu’il a reçues de moi. Dites-lui qu’il me détache des créatures et de moi-même, qu’il m’enflamme de son saint amour, et puis qu’il fasse de moi tout ce qu’il lui plaira.
Et vous, ô Marie toute sainte, au nom de l’amour que vous porta Joseph, accueillez-moi sous votre manteau, et priez votre saint époux de m’agréer pour son serviteur.
Et vous mon cher Jésus, qui pour expier mes désobéissances, voulûtes vous humilier et obéir à un homme, je vous en supplie par les mérites de l’obéissance que sur la terre vous pratiquâtes à l’égard de Joseph, faites-moi la grâce d’obéir dorénavant à toutes vos divines volontés ; et au nom de l’amour que vous eûtes pour Joseph, et qu’il eut pour vous, accordez-moi un grand amour envers votre bonté infinie, vous qui méritez qu’on vous aime de tout son cœur.
Oubliez les outrages que je vous ai faits, et prenez pitié de moi. Je vous aime, Jésus, mon amour ; je vous aime, ô mon Dieu, et veux toujours vous aimer.
« La mort des saints est précieuse devant le Seigneur » (Psaume 116, 15).
Considérez comme saint Joseph, après avoir fidèlement servi Jésus et Marie, arriva au terme de sa vie dans la maison de Nazareth. Là, environné des anges, et assisté du roi des anges, Jésus-Christ, ainsi que de Marie son épouse, qui se placèrent de chaque côté de sa chétive couche, consolé par une si douce et noble compagnie, et conservant jusqu’à la fin un calme tout céleste, il sortit de cette vie misérable. Combien la présence d’une telle épouse et d’un tel fils, d’un fils à qui était dû le titre de Rédempteur, dut rendre douce et précieuse la mort de saint Joseph ! Comment la mort aurait-elle pu lui devenir amère, quand il mourait entre les bras de la Vie ? Qui pourra jamais exprimer, ou même comprendre les pures délices, les consolations, les bienheureuses espérances, les actes de résignation, les flammes de charité qu’excitaient dans le cœur de Joseph les paroles de vie éternelle que lui faisaient entendre tour à tour Jésus et Marie à ce dernier instant de sa vie ? Elle est donc bien raisonnable l’opinion proposée par saint François de Sales, que saint Joseph mourut de pur amour envers Dieu.
Telle fut la mort de notre saint, toute paisible, toute suave, sans angoisses et sans terreurs, parce que sa vie fut toujours sainte. Mais on ne peut aspirer à une semblable mort quand on a autrefois offensé Dieu, et qu’on a mérité l’enfer. Oui, sans doute ; mais néanmoins ce sera certainement une grande consolation en ce dernier moment que de se voir protégé par saint Joseph. Lui qui jadis se vit obéi de Dieu même, le sera certainement par les démons. Il les chassera et les empêchera au moment de la mort de tenter ceux qui l’invoquent. Bienheureuse l’âme qui en cette extrémité a pour elle ce grand avocat, qui pour être mort avec l’assistance de Jésus et de Marie, et pour avoir sauvé Jésus enfant d’une mort imminente en fuyant en Égypte, jouit du privilège d’être le patron de la bonne mort, et de délivrer ses serviteurs moribonds du péril de la mort éternelle.
Mon saint protecteur, vous aviez bien droit à une si sainte mort, puisque toute votre vie fut sainte. Pour moi j’aurais bien raison de ne m’attendre qu’à une mort malheureuse, puisque je l’ai méritée par une mauvaise vie. Mais si vous me défendez, je ne saurai me perdre. Non seulement vous avez été un grand ami de mon juge, mais vous fûtes encore son gardien et son père nourricier. Si vous me recommandez à Jésus, il ne saurait me condamner. Mon saint patriarche, je vous choisis après Marie pour mon principal avocat et protecteur. Je vous promets pour le reste de ma vie de vous honorer chaque jour par quelque hommage spécial, et de me mettre sous votre patronage. Je n’en suis pas digne, mais néanmoins, au nom de l’amour que vous portez à Jésus et à Marie, agréez-moi pour votre serviteur à perpétuité. Au nom de cette douce société que formèrent auprès de vous Jésus et Marie pendant tout le temps de votre vie, protégez-moi tant que je vivrai, afin que je ne me sépare jamais de Dieu, en perdant sa sainte grâce. Au nom de l’assistance que vous trouvâtes en Jésus et en Marie à l’heure de votre mort, protégez-moi spécialement à l’heure de la mienne, afin que mourant accompagné de vous, de Jésus et de Marie, je vienne un jour vous remercier en paradis, et que je puisse en votre compagnie louer et aimer éternellement votre Dieu.
Vierge très sainte, vous mon espérance, vous savez bien que par les mérites de Jésus-Christ d’abord, et ensuite par votre intercession, j’espère faire une bonne mort et me sauver. Ô ma mère, ne m’abandonnez pas, mais assistez-moi particulièrement au moment décisif de la mort ; obtenez-moi la grâce d’expirer en vous invoquant et en vous aimant, vous, ainsi que Jésus.
Et vous, mon bien-aimé Rédempteur, qui devez être un jour mon juge, je vous en supplie, pardonnez-moi toutes les offenses dont je suis coupable envers vous. Je m’en repens de toute mon âme, mais pardonnez-moi sans retard, avant que ne vienne l’heure de ma mort, où vous devez me juger. Que je suis malheureux d’avoir perdu tant d’années sans vous aimer ! Ah ! faites-moi la grâce de vous aimer et de vous aimer beaucoup pendant ce peu de jours qui me restent. Et quand sera venue l’heure de mon passage de cette vie à l’éternité, faites-moi mourir tout embrasé d’amour pour vous. Je vous aime, mon Rédempteur, mon Dieu, mon amour, mon tout ; et je ne vous demande pas d’autre grâce que celle de vous aimer. Je désire et je demande le paradis pour vous aimer de toutes mes forces, et pendant toute l’éternité. Amen, ainsi je l’espère, ainsi-soit-il. Jésus, Joseph et Marie, je vous donne mon cœur et mon âme. Jésus, Joseph et Marie, dans cette agonie suprême, faites-moi mourir en votre compagnie.
« Courage, bon et fidèle serviteur ; puisque vous avez été fidèle en peu de choses, entrez dans la joie de votre maître. » (Matthieu 25, 23).
La gloire que Dieu accorde à ses saints dans le ciel correspond à la sainteté de leur vie sur la terre : pour avoir une idée de la sainteté de saint Joseph, il suffit de faire attention seulement à ce qu’en dit l’Évangile : « Joseph son époux étant un homme juste » ; homme juste veut dire un homme qui possède toutes les vertus, car celui à qui manquerait une seule vertu ne pourrait plus être appelé juste. Or, si l’Esprit-Saint appela Joseph homme juste, lorsqu’il fut choisi pour époux de Marie, considérez quelle abondance d’amour divin et de toutes les vertus, notre saint dut retirer des entretiens et du commerce habituel qu’il eut avec sa sainte épouse, ce parfait modèle de toutes les vertus.
Si un seul mot de Marie suffit pour sanctifier Jean-Baptiste, et remplir Élisabeth de la vertu du Saint-Esprit, à quelle haute sainteté devons-nous penser que parvint la belle âme de Joseph par le commerce habituel et les entretiens familiers que, durant l’espace de vingt-cinq ans, d’après les traditions, il eut avec Marie ? En outre, quel accroissement de vertus et de mérites ne devons-nous pas supposer que dut acquérir Joseph dans les rapports journaliers qu’il eut pendant plus de trente années avec la sainteté même, c’est-à-dire Jésus-Christ, chargé qu’il était de le servir, de le nourrir et de l’assister dans tous les besoins de la vie. Si Dieu promet une récompense à celui qui donne un simple verre d’eau froide à un pauvre pour l’amour de lui, songez quelle gloire il aura préparée dans le ciel à saint Joseph qui le sauva des mains d’Hérode, le pourvut de vêtements et de nourriture, le porta tant de fois entre ses bras, et l’éleva avec une si tendre sollicitude ?
Certainement, nous devons croire que la vie de saint Joseph, passée ainsi en la présence et sous les yeux de Jésus et de Marie, ne fut qu’une prière continuelle enrichie d’actes de foi, de confiance, d’amour, de résignation et d’offrande. Or, si la récompense répond aux mérites de la vie, pensez quelle sera la gloire de Joseph dans le paradis. Saint Augustin compare les autres saints aux étoiles, mais saint Joseph au soleil. Le Père Suarez regarde comme bien raisonnable le sentiment selon lequel saint Joseph, après Marie, a surpassé en mérite et en gloire tous les autres saints. D’où le vénérable Bernardin de Bustis conclut que saint Joseph dans le ciel commande en quelque sorte à Jésus et à Marie, lorsqu’il veut obtenir quelque grâce à ceux qui ont confiance en lui.
Mon saint patriarche, maintenant que dans le ciel vous êtes au comble du bonheur, assis sur un trône élevé ; auprès de votre bien-aimé Jésus, qui vous fut soumis sur la terre, ayez pitié de moi. Vous voyez que je vis au milieu d’innombrables ennemis, de démons, de passions mauvaises, qui viennent m’assaillir continuellement pour me faire perdre la grâce de Dieu. Ah ! je vous en supplie, au nom de la faveur qui vous fut accordée de pouvoir sur la terre jouir continuellement de la compagnie de Jésus et de Marie, obtenez-moi la grâce de vivre le reste de mes jours toujours uni à Dieu, de résister à tous les assauts de l’enfer, et de mourir ensuite en aimant Jésus et Marie ; afin que je puisse un jour être admis à jouir avec vous de leur compagnie dans le royaume des bienheureux.
Vierge très sainte, ô Marie, ma mère, quand sera-ce que, délivré de la crainte de pécher davantage, il me sera permis de me jeter à vos pieds, pour ne plus me séparer de vous ? C’est vous-même qui devez m’aider à obtenir cette félicité.
Et vous, mon bien-aimé Jésus, mon cher Rédempteur, quand sera-ce que je serai admis à vous posséder dans le ciel et à vous aimer face à face, assuré alors de ne pouvoir plus vous perdre ? Tant que je suis sur la terre, je suis toujours en péril. Ah ! mon divin maître, et mon unique bien, par les mérites de saint Joseph, que vous aimez tant, et que vous honorez tant dans le ciel ; par ceux de votre mère, mais plus encore par les mérites de votre vie et de votre mort, par lesquels vous m’avez assuré toute sorte de biens et d’espérances ; ne permettez pas qu’il m’arrive jamais de me séparer de votre amour ici-bas. Mais faites que je vienne dans cette patrie d’amour vous posséder et vous aimer de toutes mes forces, pour ne plus me séparer de votre présence et de votre amour pendant toute l’éternité. Amen ! Ainsi je l’espère, ainsi soit-il.
I. Pour comprendre combien l’intercession de saint Joseph est puissante auprès de Jésus-Christ, il suffit de savoir ce que dit l’Évangile : « et il leur était soumis » (Luc 2, 51). Donc le fils de Dieu pendant un si long espace de temps ne s’occupa qu’à obéir attentivement à Joseph et à Marie ! Il suffisait que Joseph d’un mot, ou d’un signe, témoignât qu’il désirait quelque chose, et aussitôt Jésus obéissait. Cette humilité que montrait Jésus à obéir, fait connaître que la dignité de saint Joseph est supérieure à celle de tous les saints, excepté celle de sa divine Mère.
II. Écoutons ce que dit sainte Thérèse d’Avila de la confiance que nous devons tous avoir en la protection de saint Joseph : « Pour les autres saints, il paraît que Dieu ne leur accorde que de nous secourir dans une seule nécessité ; mais pour saint Joseph nous éprouvons par expérience qu’il peut secourir en toute occasion. Or que veut par-là nous donner à entendre le Seigneur, si ce n’est que comme sur la terre il voulut lui être soumis, de même dans le ciel il fait tout ce que le saint lui demande. C’est ce qu’ont vu par expérience d’autres personnes à qui je conseillais de l’invoquer. Je n’ai jamais vu aucune personne lui rendre des hommages particuliers sans la voir avancer toujours de plus en plus dans la vertu. Je demande pour l’amour de Dieu que ceux qui ne le croiraient pas, veuillent bien en faire l’épreuve, pour moi je ne sais comment on peut penser à la reine des anges, et à toutes les peines qu’elle se donnait durant l’enfance de Jésus, sans rendre grâce à saint Joseph pour tous les services qu’il rendit dans le même temps à la mère et au fils. »
III. Nous devons particulièrement avoir de la dévotion à saint Joseph afin qu’il nous obtienne une bonne mort. En retour de ce qu’il sauvât l’enfant Jésus des embûches d’Hérode, il a le privilège de délivrer les moribonds des embûches du démon. En outre pour avoir pendant tant d’années assisté Jésus et Marie, et les avoir pourvus par son travail, soit de logement, soit de nourriture ; il a le privilège d’obtenir à ceux qui l’honorent une assistance particulière de Jésus et Marie au moment de leur mort.
Ô mon saint protecteur saint Joseph, mes péchés m’ont mérité une mauvaise mort ; mais si vous me défendez, je ne saurais me perdre. Non seulement vous avez été un grand ami de mon juge, mais vous avez encore été son gardien et son père nourricier ; recommandez-moi à votre Jésus, qui vous aime tant. Je me mets sous votre protection, recevez-moi pour votre serviteur à perpétuité. Et au nom de la sainte société de Jésus et Marie, dont vous pûtes de votre vivant goûter les avantages, obtenez-moi au moment de ma mort une assistance particulière de Jésus et de Marie.
Vierge sainte, au nom de l’amour que vous eûtes pour votre époux Joseph, ne manquez pas de m’assister au moment de ma mort.
Saint Alphonse-Marie de Liguori