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Sauvés par l'espérance - Spe Salvi I

le mardi, 01 janvier 2008. Dans Benoît XVI, Encycliques et autres documents du Magistère

Deuxième Encyclique du Pape Benoît XVI, « Spe Salvi »

Le vrai bonheur est d'être éternellement avec Dieu au Ciel

Le 30 novembre 2007, le Vatican publiait la deuxième Encyclique du Pape Benoit XVI intitulé Spe Salvi (Sauvés par l'Espérance). Cette encyclique, riche d'enseignements doctrinaux très profonds, projette des lumières profondes pour dissiper les ténèbres dans les esprits et cultiver dans les cœurs la grande vertu de l'Espérance, se rattachant à la Foi et à la Charité. Nous voulons ici publier de larges extraits sur les quinze premiers paragraphes de l'encyclique qui en comptent 50.

1. « SPE SALVI facti sumus » dans l'espérance nous avons été sauvés, dit saint Paul aux Romains et à nous aussi (Rm 8, 24). Selon la foi chrétienne, «la rédemption », le salut n'est pas un simple donné de fait. La rédemption nous est offerte en ce sens que nous a été donnée l'espérance, une espérance fiable, en vertu de laquelle nous pouvons affronter notre présent : le présent, même un présent pénible, peut être vécu et accepté s'il conduit vers un terme et si nous pouvons être sûrs de ce terme, si ce terme est si grand qu'il peut justifier les efforts du chemin.

La foi est espérance

De fait espérance » est un mot central de la foi biblique au point que, dans certains passages, les mots « foi » et « espérance » semblent interchangeables. Ainsi, la Lettre aux Hébreux lie étroitement à la « plénitude de la foi (10, 22) l'indéfectible profession de l'espérance » (10, 23). De même, lorsque la Première Épitre de Pierre exhorte les chrétiens à être toujours prêts à rendre une réponse à propos du logos - le sens et la raison de leur espérance (cf. 3, 15), « espérance » est équivalent de « foi ». Ce qui a été déterminant pour la conscience des premiers chrétiens, à savoir le fait d'avoir reçu comme don une espérance crédible, se manifeste aussi là où est mise en regard l'existence chrétienne avec la vie avant la foi, ou avec la situation des membres des autres religions.

Paul rappelle aux Éphésiens que, avant leur rencontre avec le Christ, ils étaient « sans espérance et sans Dieu dans le monde » (cf. Ep 2, 12). Naturellement, il sait qu'ils avaient eu des dieux, qu'ils avaient eu une religion, mais leurs dieux s'étaient révélés discutables et, de leurs mythes contradictoires, n'émanait aucune espérance.

Malgré les dieux, ils étaient « sans Dieu » et, par conséquent, ils se trouvaient dans un monde obscur, devant un avenir sombre. « In nihil ab nihilo quam cito recidimus », (Du néant dans le néant, combien rapidement nous retombons), dit une épitaphe de l'époque, paroles dans lesquelles apparait sans ambiguité ce à quoi Paul fait référence.

C'est dans le même sens qu'il dit aux Thessaloniciens : vous ne devez pas être « abattus comme les autres, qui n'ont pas d'espérance » (1 Th 4, 13). Ici aussi, apparaît comme élément caractéristique des chrétiens le fait qu'ils ont un avenir : ce n'est pas qu'ils sachent dans les détails ce qui les attend, mais ils savent de manière générale que leur vie ne finit pas dans le néant. C'est seulement lorsque l'avenir est assuré en tant que réalité positive que le présent devient aussi vivable. Ainsi, nous pouvons maintenant dire : le christianisme n'était pas seulement une « bonne nouvelle » - la communication d'un contenu jusqu'à présent ignoré. Dans notre langage, nous dirions : le message chrétien n'était pas seulement « informatif », mais « performatif ». Cela signifie que l'Évangile n'est pas uniquement une communication d'éléments que l'on peut connaître, mais une communication qui produit des faits et qui change la vie. La porte obscure du temps, de l'avenir, a été ouverte toute grande. Celui qui a l'espérance vit différemment ; une vie nouvelle lui a déjà été donnée.

Sainte Joséphine Bakhita

Parvenir à la connaissance de Dieu, le vrai Dieu, cela signifie recevoir l'espérance. Pour nous qui vivons depuis toujours avec le concept chrétien de Dieu et qui y sommes habitués, la possession de l'espérance, qui provient de la rencontre réelle avec ce Dieu, n'est presque plus perceptible. L'exemple d'une sainte de notre temps peut en quelque manière nous aider à comprendre ce que signifie rencontrer ce Dieu, pour la première fois et réellement. Je pense à l'Africaine Joséphine Bakhita, canonisée par le Pape Jean-Paul II. Elle était née vers 1869 - elle ne savait pas elle-même la date exacte - dans le Darfour, au Soudan.

À l'âge de neuf ans, elle fut enlevée par des trafiquants d'esclaves, battue jusqu'au sang et vendue cinq fois sur des marchés soudanais. En dernier lieu, comme esclave, elle se retrouva au service de la mère et de la femme d'un général, et elle fut chaque jour battue jusqu'au sang ; il en résulta qu'elle en garda pour toute sa vie 144 cicatrices. Enfin, en 1882, elle fut vendue à un marchand italien pour le consul italien Callisto Legnani qui, face à l'avancée des mahdistes, revint en Italie. Là, après avoir été jusqu'à ce moment la propriété de « maîtres » aussi terribles, Bakhita connut un « Maître totalement différent - dans le dialecte vénitien, qu'elle avait alors appris, elle appelait « Paron » le Dieu vivant, le Dieu de Jésus Christ.

Jusqu'alors, elle n'avait connu que des maîtres qui la méprisaient et qui la maltraitaient, ou qui, dans le meilleur des cas, la considéraient comme une esclave utile. Cependant, à présent, elle entendait dire qu'il existait un « Paron » au-dessus de tous les maîtres, le Seigneur des seigneurs, et que ce Seigneur était bon, la bonté en personne. Elle apprit que ce Seigneur la connaissait, elle aussi, qu'il l'avait créée, elle aussi - plus encore qu'il l'aimait. Elle aussi était aimée, et précisément par le « Paron » suprême, face auquel tous les autres maîtres ne sont, eux-mêmes, que de misérables serviteurs. Elle était connue et aimée, et elle était attendue. Plus encore, ce Maître avait lui-même personnellement dû affronter le destin d'être battu et maintenant il l'attendait « à la droite de Dieu le Père ».

Désormais, elle avait une « espérance » - non seulement la petite espérance de trouver des maîtres moins cruels, mais la grande espérance : je suis définitivement aimée et quel que soit ce qui m'arrive, je suis attendue par cet Amour. Et ainsi ma vie est bonne. Par la connaissance de cette espérance, elle était « rachetée », elle ne se sentait plus une esclave, mais une fille de Dieu libre. Elle comprenait ce que Paul entendait lorsqu'il rappelait aux Éphésiens qu'avant ils étaient sans espérance et sans Dieu dans le monde - sans espérance parce que sans Dieu. Aussi, lorsqu'on voulut la renvoyer au Soudan, Bakhita refusa-t-elle ; elle n'était pas disposée à être de nouveau séparée de son « Paron ».

Baptisée et confirmée

Le 9 janvier 1890, elle fut baptisée et confirmée, et elle fit sa première communion des mains du Patriarche de Venise. Le 8 décembre 1896, à Vérone, elle prononça ses vœux dans la Congrégation des Sœurs canossiennes et, dès lors - en plus de ses travaux à la sacristie et à la porterie du couvent, elle chercha surtout dans ses différents voyages en Italie à appeler à la mission : la libération qu'elle avait obtenue à travers la rencontre avec le Dieu de Jésus-Christ, elle se sentait le devoir de l'étendre, elle devait la donner aussi aux autres, au plus grand nombre de personnes possible. L'espérance, qui était née pour elle et qui l'avait « rachetée », elle ne pouvait pas la garder pour elle ; cette espérance devait rejoindre beaucoup de personnes, elle devait rejoindre tout le monde.

(Mère Bakhita rendit le dernier soupir le 8 février 1947 au Couvent Canossien de Schio, Italie. Elle a été béatifiée le 17 mai 1992 et canonisée le 1er octobre 2000, par le Pape Jean-Paul II.)

Il n'est pas difficile de se rendre compte que l'expérience de la petite esclave africaine Bakhita a été aussi l'expérience de nombreuses personnes battues et condamnées à l'esclavage à l'époque du christianisme naissant. Le christianisme n'avait pas apporté un message social révolutionnaire comme celui de Spartacus, qui, dans des luttes sanglantes, avait échoué. Jésus n'était pas Spartacus, il n'était pas un combattant pour une libération politique, comme Barabbas ou Bar-Khoba. Ce que Jésus, personnellement mort sur la croix, avait apporté était quelque chose de totalement différent : la rencontre avec le Seigneur de tous les seigneurs, la rencontre avec le Dieu vivant, et ainsi la rencontre avec l'espérance qui était plus forte que les souffrances de l'esclavage et qui, de ce fait, transformait de l'intérieur la vie et le monde.

Les hommes qui, selon leur condition sociale, ont entre eux des relations de maîtres et d'esclaves, en tant que membres de l'unique Église, sont devenus frères et sœurs les uns des autres - c'est ainsi que les chrétiens se nomment les uns les autres. En vertu du Baptême, ils avaient été régénérés, ils s'étaient abreuvés du même Esprit et ils recevaient ensemble, côte à côte, le Corps du Seigneur.

Même si les structures extérieures demeuraient identiques, cela changeait la société, de l'intérieur. Si la Lettre aux Hébreux dit que les chrétiens n'ont pas ici-bas une demeure stable, mais qu'ils cherchent la demeure future (cf. He 11, 13-16 : Ph 3, 20), cela est tout autre qu'un simple renvoi à une perspective future : la société présente est considérée par les chrétiens comme une société imparfaite ; ils appartiennent à une société nouvelle, vers laquelle ils sont en chemin et qui, dans leur pèlerinage, est déjà anticipée.

Nous devons ajouter encore un autre point de vue. La Première Lettre aux Corinthiens (1, 18-31) nous montre qu'une bonne part des premiers chrétiens appartenaient aux couches sociales basses et, précisément pour cela, étaient disposés à faire l'expérience de la nouvelle espérance, comme nous l'avons vu dans l'exemple de Bakhita. Cependant, depuis les origines, il y avait aussi des conversions dans les couches aristocratiques et cultivées, puisqu'elles vivaient, elles aussi, « sans espérance et sans Dieu dans le monde ». Le mythe avait perdu sa crédibilité : la religion d'État romaine s'était sclérosée en un simple cérémonial, qui était exécuté scrupuleusement, mais qui était désormais réduit à une simple « religion politique ».

Les étoiles ne gouvernent pas le monde

Dieu gouverne le monde

Le rationalisme philosophique avait cantonné les dieux dans le champ de l'irréel. Le Divin était vu sous différentes formes dans les forces cosmiques, mais un Dieu que l'on puisse prier n'existait pas. Paul illustre de manière particulièrement appropriée la problématique essentielle de la religion d'alors, lorsqu'il oppose à la vie « selon le Christ » une vie sous la seigneurie des « éléments du cosmos » (cf. Col 2, 8). Dans cette perspective, un texte de saint Grégoire de Nazianze peut être éclairant. Il dit que le moment où les mages, guidés par l'étoile, adorèrent le nouveau roi, le Christ, marqua la fin de l'astrologie, parce que désormais les étoiles tournaient selon l'orbite déterminée par le Christ. De fait, dans cette scène, est inversée la conception du monde d'alors qui, sous une forme différente, est en vogue encore aujourd'hui.

Ce ne sont pas les éléments du cosmos, les lois de la matière qui, en définitive, gouvernent le monde et l'homme, mais c'est un Dieu personnel qui gouverne les étoiles, à savoir l'univers ; ce ne sont pas les lois de la matière et de l'évolution qui sont l'instance ultime, mais la raison, la volonté, l'amour - une Personne. Et si nous connaissons cette Personne et si elle nous connaît, alors vraiment l'inexorable pouvoir des éléments matériels n'est plus l'instance ultime, alors nous ne sommes plus esclaves de l'univers et de ses lois, alors nous sommes libres. Dans l'antiquité, une telle conscience a déterminé les esprits sincères qui étaient en recherche. Le ciel n'est pas vide. La vie n'est pas un simple produit des lois et des causalités de la matière, mais, en tout, et en même temps au-dessus de tout, il y a une volonté personnelle, il y a un Esprit qui, en Jésus, s'est révélé comme Amour.

Une définition de la foi

Nous devons encore une fois revenir au Nouveau Testament. Dans le onzième chapitre de la Lettre aux Hébreux (v. 1), on trouve une sorte de définition de la foi, qui relie étroitement cette vertu à l'espérance. Autour de la parole centrale de cette phrase, s'est créée, depuis la Réforme, une discussion entre les exégètes, où semble s'ouvrir aujourd'hui la voie vers une interprétation commune. Pour le moment, je laisse cette parole centrale non traduite : la phrase sonne donc ainsi : « La foi est l'hypostasis des biens que l'on espère, la preuve des réalités qu'on ne voit pas"

Pour les Pères et pour les théologiens du Moyen-Âge, il était clair que la parole grecque hypostasis devait être traduite en latin par le terme substantia. La traduction latine du texte, née dans l'Église antique, dit donc : « Est autem fides sperandarum substantia rerum, argumentum non apparentium »- la foi est la « substances des réalités à espérer, la preuve des réalités qu'on ne voit pas. Utilisant la terminologie de la tradition philosophique dans laquelle il se trouve, Thomas d'Aquin l'explique ainsi : la foi est un « habitus », c'est-à-dire une disposition constante de l'esprit, grâce à laquelle la vie éternelle prend naissance en nous et grâce à laquelle la raison est portée à consentir à ce qu'elle ne voit pas.

Le concept de « substance » est donc modifié dans le sens que, par la foi, de manière initiale, nous pourrions dire « en germe » - donc selon la « substance » - sont déjà présents en nous les biens que l'on espère - la totalité, la vraie vie. Et c'est précisément parce que les biens eux-mêmes sont déjà présents que la présence de ce qui se réalisera crée également la certitude : ces « biens » qui doivent venir ne sont pas encore visibles dans le monde extérieur (ils « n'apparaissent » pas), mais en raison du fait que, comme réalité initiale et dynamique, nous les portons en nous, naît déjà maintenant une certaine perception de ces biens.

Une interprétation protestante insoutenable de la foi causée par l'influence de Luther

À Luther, pour qui la Lettre aux Hébreux comme telle n'était pas très sympathique, le concept de « substance », dans le contexte de sa vision de la foi, ne disait rien. C'est pourquoi il comprit le terme hypostase/substance non dans le sens objectif (de réalité présente en nous), mais dans le sens subjectif, comme expression d'une disposition et, par conséquent, il dût naturellement comprendre aussi le terme argumentum comme une disposition du sujet. Cette interprétation s'est affermie au vingtième siècle, au moins en Allemagne même, dans l'exégèse catholique, de sorte que la traduction oecuménique du Nouveau Testament en langue allemande, approuvée par les Évêques, dit : « Glaube aber ist : Feststehen in dem, was man erhofft, Überzeugtsein von dem, was man nicht sieht » (La foi consiste à être ferme en ce que l'on espère, à être convaincu de ce que l'on ne voit pas). En soi, cela n'est pas faux, mais ce n'est pas cependant le sens du texte, parce que le terme grec utilisé (elenchos) n'a pas la valeur subjective de «conviction », mais la valeur objective de « preuve ». C'est donc à juste titre que l'exégèse protestante récente est parvenue à une conviction différente : « Mais maintenant, on ne peut plus mettre en doute que cette interprétation protestante, devenue classique, est insoutenable. »

La foi n'est pas seulement une tension personnelle vers les biens qui doivent venir, mais qui sont encore absents ; elle nous donne quelque chose. Elle nous donne déjà maintenant quelque chose de la réalité attendue, et la réalité présente constitue pour nous une « preuve » des biens que nous ne voyons pas encore. Elle attire l'avenir dans le présent, au point que le premier n'est plus le pur « pas encore ». Le fait que cet avenir existe change le présent ; le présent est touché par la réalité future, et ainsi les biens à venir se déversent sur les biens présents et les biens présents sur les biens à venir.

Cette explication est renforcée ultérieurement et elle se rapporte à la vie concrète si nous considérons le verset 34 du chapitre 10 de la Lettre aux Hébreux qui, en ce qui concerne l'aspect linguistique et le contenu, est lié à la définition d'une foi remplie d'espérance et qui la prépare. Ici, l'auteur parle aux croyants qui ont subi l'expérience de la persécution et il leur dit : « Vous avez pris part aux souffrances des prisonniers ; vous avez accepté avec joie la spoliation de vos biens, (hyparchonton - Vulgate : bonorum), sachant que vous étiez en possession de biens meilleurs (hyparxin Vulgate : substantiam) et stables. « Hyparchonta » sont les propriétés, ce qui, dans la vie terrestre, constitue le fondement, à savoir la base, la « substance » pour la vie, sur laquelle on compte.

Chrétiens persécutés pour leur foi

Cette « substance », la sécurité normale dans la vie, a été enlevée aux chrétiens au cours des persécutions. Ils ont supporté ces dernières parce qu'ils considéraient de toute façon cette substance matérielle comme négligeable. Ils pouvaient l'abandonner, parce qu'ils avaient trouvé une « base » meilleure pour leur existence - une base qui demeure et que personne ne peut enlever. On ne peut pas ne pas voir le lien qui court entre ces deux sortes de « substance », entre le fondement, ou base matérielle, et l'affirmation de la foi comme « base », comme « substance qui demeure.

La foi confère à la vie une base nouvelle, un nouveau fondement sur lequel l'homme peut s'appuyer et ainsi le fondement habituel, la fiabilité des revenus matériels, justement se relativise. Il se crée une nouvelle liberté face à ce fondement de la vie, qui n'est qu'apparemment en mesure de l'entretenir, bien que sa signification normale ne soit par là certainement pas niée.

Grands renoncements des Moines

Cette nouvelle liberté, la conscience de la nouvelle « substance » qui nous a été donnée, ne s'est pas révélée seulement dans le martyre, où les personnes se sont opposées au pouvoir extrême de l'idéologie et de ses organes politiques, et, par leur mort, ont renouvelé le monde. Elle s'est manifestée surtout dans les grands renoncements à partir des moines de l'antiquité jusqu'à François d'Assise et aux personnes de notre époque qui, dans les Ordres modernes et dans les Mouvements religieux, par amour pour le Christ, ont tout laissé pour porter aux hommes la foi et l'amour du Christ, pour aider les personnes qui souffrent dans leur corps et dans leur âme.

Là, la nouvelle « substance » s'est montrée réellement comme la « substance » ; de l'espérance des personnes touchées par le Christ a jailli l'espérance pour d'autres qui vivaient dans les ténèbres et sans espérance. Là il s'est vérifié que cette nouvelle vie possède vraiment la « substance » et qu'elle est une « substance » qui suscite la vie pour les autres. Pour nous qui regardons ces figures, leur façon d'agir et de vivre est de fait une « preuve que les biens à venir, la promesse du Christ, ce n'est pas seulement une réalité attendue, mais une véritable présence : Il est vraiment le « philosophe » et le « pasteur » qui nous indique ce qu'est la vie et où elle est.

Pour comprendre plus en profondeur cette réflexion sur les deux espèces de substance - hypostasis et hyparchonta - et sur les deux modes de vie qu'elles expriment, nous devons réfléchir encore brièvement sur deux mots concernant cette question qui se trouvent dans le dixième chapitre de la Lettre aux Hébreux. Il s'agit des mots hypomone (10, 36) et hypostole (10, 39). Hypomone se traduit normalement par « patience » - persévérance, constance. Savoir attendre en supportant patiemment les épreuves est nécessaire au croyant pour pouvoir « obtenir la réalisation de la promesse » (cf. 10, 36).

Dieu s'est manifesté dans le Christ

Dans l'ambiance religieuse du judaïsme antique, ce mot était utilisé de manière expresse pour parler de l'attente de Dieu qui caractérise Israël, à savoir persévérer dans la fidélité à Dieu, en se fondant sur la certitude de l'Alliance, dans un monde qui est en opposition à Dieu. Ainsi, le mot indique une espérance vécue, une vie fondée sur la certitude de l'espérance. Dans le Nouveau Testament, cette attente de Dieu, le fait d'être du côté de Dieu, prend une nouvelle signification : dans le Christ, Dieu s'est manifesté. Il nous a communiqué désormais la « substance » des biens à venir, et l'attente de Dieu obtient ainsi une nouvelle certitude. C'est l'attente des biens à venir à partir d'un présent déjà donné.

En présence du Christ, avec le Christ présent, c'est l'attente que son Corps se complète, dans la perspective de sa venue définitive. Au contraire, par hypostole est exprimé l'attitude de qui fait défection et n'ose pas dire ouvertement et avec franchise la vérité, qui peut mettre en danger. Se cacher devant les hommes par esprit de crainte par rapport à eux conduit à la « perdition » (Heb. 10, 39). « Ce n'est pas un esprit de peur que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, d'amour et de sagesse - c'est ainsi que, par une belle expression, la Seconde Lettre à Timothée (1, 7) caractérise l'attitude fondamentale du chrétien. La vie éternelle-qu'est-ce que c'est ? Jusqu'à présent, nous avons parlé de la foi et de l'espérance dans le Nouveau Testament et aux origines du christianisme ; il a cependant toujours été évident que nous ne parlons pas uniquement du passé ; la réflexion dans son intégralité intéresse la vie et la mort de l'homme en général, et donc nous intéresse nous aussi, ici et maintenant. Cependant, nous devons à présent nous demander de manière explicite : la foi chrétienne est-elle aussi pour nous aujourd'hui une espérance qui transforme et soutient notre vie ? Est-elle pour nous « performative » - un message qui forme de manière nouvelle la vie elle-même, ou est-elle désormais simplement une « information » que, entre temps, nous avons mise de côté et qui nous semble dépassée par des informations plus récentes ?

Dans la recherche d'une réponse, je voudrais partir de la forme classique du dialogue par lequel le rite du Baptême exprimait l'accueil du nouveau-né dans la communauté des croyants et sa renaissance dans le Christ. Le prêtre demandait d'abord quel nom les parents avaient choisi pour l'enfant, et il poursuivait ensuite par la question : « Que demandez-vous à l'Église ? » Réponse : « La foi ». « Et que donne la foi ? » « La vie éternelle ».

Dans le dialogue, les parents cherchaient pour leur enfant l'accès à la foi, la communion avec les croyants, parce qu'ils voyaient dans la foi la clé de « la vie éternelle ». En fait, aujourd'hui comme hier, c'est de cela qu'il s'agit dans le Baptême, quand on devient chrétien : non seulement d'un acte de socialisation dans la communauté, non pas simplement d'un accueil dans l'Église. Les parents attendent plus pour le baptisé : ils attendent que la foi, dont fait partie la corporéité de l'Église et de ses sacrements, lui donne la vie - la vie éternelle. La foi est la substance de l'espérance.

Mais alors se fait jour la question suivante : voulons-nous vraiment cela vivre éternellement ? Peut-être aujourd'hui de nombreuses personnes refusent-elles la foi simplement parce que la vie éternelle ne leur semble pas quelque chose de désirable. Ils ne veulent nullement la vie éternelle, mais la vie présente, et la foi en la vie éternelle semble, dans ce but, plutôt un obstacle. Continuer à vivre éternellement - sans fin - apparaît plus comme une condamnation que comme un don. Bien sûr, on voudrait renvoyer la mort le plus loin possible. Mais vivre toujours, sans fin - en définitive, cela peut être seulement ennuyeux et en fin de compte insupportable. C'est précisément cela que dit par exemple saint Ambroise, Père de l'Église, dans le discours funèbre pour son frère Saturus :

« La mort n'était pas naturelle, mais elle l'est devenue ; car, au commencement, Dieu n'a pas créé la mort ; il nous l'a donnée comme un remède [...] à cause de la transgression ; la vie des hommes commença à être misérable dans le travail quotidien et dans des pleurs insupportables. Il fallait mettre un terme à son malheur, afin que sa mort lui rende ce que sa vie avait perdu. L'immortalité serait un fardeau plutôt qu'un profit, sans le souffle de la grâce ». Auparavant déjà, Ambroise avait dit : « La mort ne doit pas être pleurée, puisqu'elle est cause de salut ».

Dans sa longue lettre sur la prière adressée à Proba, une veuve romaine aisée et mère de trois consuls, Augustin écrivit un jour : dans le fond, nous voulons une seule chose - « la vie bienheureuse », la vie qui est simplement vie, simplement « bonheur ». En fin de compte, nous ne demandons rien d'autre dans la prière. Nous ne marchons vers rien d'autre - c'est de cela seulement qu'il s'agit. Mais ensuite, Augustin ajoute aussi : en regardant mieux, nous ne savons pas de fait ce qu'en définitive nous désirons, ce que nous voudrions précisément.

Nous ne connaissons pas du tout cette réalité ; même durant les moments où nous pensons pouvoir la toucher, nous ne la rejoignons pas vraiment. « Nous ne savons pas ce que nous devons demander », confesse-t-il avec les mots de saint Paul (Rm 8, 26). Nous savons seulement que ce n'est pas cela. Toutefois, dans notre non-savoir, nous savons que cette réalité doit exister. Il y a donc en nous, pour ainsi dire, une savante ignorance (docta ignorantia) », écrit-il. Nous ne savons pas ce que nous voudrions vraiment ; nous ne connaissons pas cette « vraie vie » ; et cependant, nous savons qu'il doit exister un quelque chose que nous ne connaissons pas et vers lequel nous nous sentons poussés...

Immersion dans l'océan de l'Amour infini

Nous pouvons seulement chercher à sortir par la pensée de la temporalité dont nous sommes prisonniers et en quelque sorte prévoir que l'éternité n'est pas une succession continue des jours du calendrier, mais quelque chose comme le moment rempli de satisfaction, dans lequel la totalité nous embrasse et dans lequel nous embrassons la totalité. Il s'agirait du moment de l'immersion dans l'océan de l'amour infini, dans lequel le temps - l'avant et l'après - n'existe plus.

Nous pouvons seulement chercher à penser que ce moment est la vie au sens plénier, une immersion toujours nouvelle dans l'immensité de l'être, tandis que nous sommes simplement comblés de joie. C'est ainsi que Jésus l'exprime dans Jean : « Je vous reverrai, et votre cœur se réjouira ; et votre joie, personne ne vous l'enlèvera (16, 22). Nous devons penser dans ce sens si nous voulons comprendre ce vers quoi tend l'espérance chrétienne, ce que nous attendons par la foi, par notre être avec le Christ.

La Rédemption rétablissement de l'unité

... Le salut a toujours été considéré comme une réalité communautaire. La Lettre aux Hébreux parle d'une « cité » (cf. 11, 10.16 ; 12, 22 ; 13, 14) et donc d'un salut communautaire. De manière cohérente, le péché est compris par les Pères comme destruction de l'unité du genre humain, comme fragmentation et division. Babel, le lieu de la confusion des langues et de la séparation, se révèle comme expression de ce qu'est fondamentalement le péché. Et ainsi, la « rédemption apparaît vraiment comme le rétablissement de l'unité, où nous nous retrouvons de nouveau ensemble, dans une union qui se profile dans la communauté mondiale des croyants. Il n'est pas nécessaire que nous nous occupions ici de tous les textes dans lesquels apparaît le caractère communautaire de l'espérance.

Restons dans la Lettre à Proba, où Augustin tente d'illustrer un peu cette réalité connue inconnue dont nous sommes à la recherche. Le point de départ est simplement l'expression « vie bienheureuse ». Puis il cite le Psaume 144 [143]. 15 : « Bienheureux le peuple dont le Seigneur est le Dieu ». Et il continue : « Pour faire partie de ce peuple et que nous puissions parvenir [...] à vivre avec Dieu pour toujours, "le but du précepte, c'est l'amour qui vient d'un cœur pur, d'une bonne conscience et d'une foi sincère" (1 Tm 1,5) ».

Cette vie véritable, vers laquelle nous cherchons toujours de nouveau à tendre, est liée au fait d'être en union existentielle avec un « peuple » et, pour toute personne, elle ne peut se réaliser qu'à l'intérieur de ce « nous ». Elle présuppose donc l'exode de la prison de son propre « moi », parce que c'est seulement dans l'ouverture de ce sujet universel que s'ouvre aussi le regard sur la source de la joie, sur l'amour lui-même - sur Dieu.

Cette vision de la « vie bienheureuse » orientée vers la communauté vise en fait quelque chose au-delà du monde présent, mais c'est précisément ainsi qu'elle a aussi à voir avec l'édification du monde en des formes très diverses, selon le contexte historique et les possibilités offertes ou exclues par lui... Jetons (maintenant) au hasard un regard sur un moment du Moyen-Âge selon certains aspects emblématiques. Dans la conscience commune, les monastères apparaissaient comme des lieux de fuite hors du monde (« contemptus mundi ») et de dérobade aux propres responsabilités dans le monde, pour la recherche du salut personnel.

Bernard de Clairvaux, qui, avec son Ordre réformé, fit rentrer une multitude de jeunes dans les monastères, avait sur cette question une vision bien différente. Selon lui, les moines ont une tâche pour toute l'Église et par conséquent aussi pour le monde. Par de nombreuses images, il illustre la responsabilité des moines pour tout l'organisme de l'Église, plus encore, pour l'humanité ; il leur applique la parole du Pseudo-Ruffin :

« Le genre humain vit grâce à peu de gens ; s'ils n'existaient pas, le monde périrait ». Les contemplatifs - contemplantes - doivent devenir des travailleurs agricoles - laborantes -, nous dit-il.

La noblesse du travail, que le christianisme a héritée du judaïsme, était apparue déjà dans les règles monastiques d'Augustin et de Benoît. Bernard reprend à nouveau ce concept. Les jeunes nobles qui affluaient dans ses monastères devaient se plier au travail manuel. En vérité, Bernard dit explicitement que pas même le monastère ne peut rétablir le Paradis ; il soutient cependant qu'il doit, étant comme lieu de défrichage pratique et spirituel, préparer le nouveau Paradis.

Un terrain sauvage est rendu fertile précisément tandis que sont en même temps abattus les arbres de l'orgueil, qu'est enlevé ce qui pousse de sauvage dans les âmes et qu'est préparé ainsi le terrain sur lequel peut prospérer le pain pour le corps et pour l'âme. Ne nous est-il pas donné de constater de nouveau, justement face à l'histoire actuelle, qu'aucune structuration positive du monde ne peut réussir là où les âmes restent à l'état sauvage ?

+ Benoit XVI

[NDLR : Dans des journaux ultérieurs de Vers Demain, nous continuerons de faire connaître les autres thèmes de l'Encyclique Spe Salvi sur l'espérance qui éclaire les esprits trompés par le libéralisme, le matérialisme, le rationalisme, le marxisme, etc. L'homme a été aveuglé par la science et le progrès. Il a cru bâtir une société où régnerait la paix et la justice sans Dieu. « Ce n'est pas la science qui sauve l'homme : l'homme est sauvé par l'amour..., l'Amour de Dieu dans le Christ Notre-Seigneur ». Le Saint-Père nous parle de l'amour de Dieu et du prochain, de l'espérance dans l'action, de la persévérance dans les souffrances, de la nécessité de souffrir et de travailler pour la justice, du Jugement dernier, du Ciel, de l'enfer et du Purgatoire et comme conclusion Marie, Étoile de l'Espérance.]

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