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Sainte Marguerite d'Youville

Gilberte Côté-Mercier le vendredi, 01 janvier 1999. Dans Saints & Bienheureux

par Gilberte Côté-Mercier

Le 9 décembre 1990, S.S. le Pape Jean-Paul II canonisait la fondatrice des Sœurs de la Charité, connues sous le nom de Sœur Grises de Montréal, sainte Marguerite d'Youville, dont la fête dans l'Église est le 16 octobre. Voici une courte biographie de la sainte. Nous avons puisé les renseignements dans le beau livre : "Elle a beaucoup aimé" de Sœur E. Mitchell, s.g.m.

Marie-Marguerite Dufrost de la Jemmerais – mieux connue sous le nom de Mère d'Youville — est la première personne d'origine canadienne à recevoir les honneurs de la canonisation.

Marguerite Dufrost naquit à Varennes le 15 octobre 1701. Par sa mère, elle était petite-fille du chevalier René Gauthier, seigneur de Varennes et gouverneur des Trois-Rivières, et arrière-petite-fille de Pierre Boucher, seigneur de Boucherville (premier Canadien anobli par le roi de France).

Marguerite avait sept ans quand elle perdit son père. La maman restait avec six enfants, trois filles et trois garçons, tous en bas âge. Deux des garçons devaient plus tard entrer dans le sacerdoce.

Aînée des enfants, Marguerite fut celle qui eut le plus à aider sa mère dans les soins domestiques. Cependant, elle put aller en classe et même, grâce à l'aide de personnes charitables, faire deux années de pensionnat chez les Ursulines, à Québec.

C'est au pensionnat des Ursulines que Marguerite fit sa première communion. Elle fut notée comme élève intelligente et appliquée. L'une des maîtresses, Mère Marie-des-Anges sans doute sous l'effet d'une inspiration providentielle – mit entre les mains de la jeune Marguerite un ouvrage bien sérieux, "Les Saintes Voies de la Croix", qu'elle garda toute sa vie et dont elle fit son livre de chevet.

La jeune fille ne pressentait sans doute pas à cette époque quelle suite d'épreuves l'attendait. À l'âge de seize ans, disent ses biographes, elle était belle, gracieuse, distinguée dans ses manières, y alliant une délicatesse et une modestie qui rehaussaient encore ses charmes naturels. Aussi fut-elle recherchée, d'autant plus qu'à ces attraits elle joignait la sensibilité à l'égard d'autrui, le courage et l'amour du travail.

À 21 ans, le 12 août 1722, Marguerite épousait un jeune homme, héritier d'une fortune et d'un titre honorable, François You d'Youville, fils de Pierre You qui avait accompagné Cavelier de la Salle dans ses expéditions vers la Louisiane. Le mariage fut célébré dans l'église paroissiale de Montréal ; le gouverneur et toute la société élégante de la ville y assistaient.

Mais, au lieu de l'abondance et de la joie qui auraient dû être le lot de ce foyer, la jeune épouse n'y rencontra que désillusions et sources de larmes. Son mari faisait la traite de l'eau-de-vie avec les sauvages, menait une vie dissolue, engloutit sa fortune et même la modeste dot apportée par Marguerite. Au bout de huit années de mariage, il mourait, laissant Marguerite veuve, avec deux des six enfants qu'elle avait mis au monde, les quatre autres ayant été rappelés à Dieu, en bas âge.

Modèle de patience

Au cours de ces épreuves, une force mystérieuse s'emparait graduellement de la jeune femme. Vertueuse, elle l'avait toujours été ; elle devint un modèle de patience et de résignation, se tournant de plus en plus vers Dieu et tâchant d'oublier les égarements de son mari en se dévouant à l'éducation de ses enfants. Plus tard, tous les deux se firent prêtres.

Veuve à 28 ans, Marguerite d'Youville eut à faire face à une rude tâche : éteindre les grosses dettes laissées par son mari et trouver le nécessaire pour elle et ses deux enfants. Elle entreprit un petit commerce. Avec la bienveillance de quelques parents et amis, et par son énergie infatigable, elle réussit à acquitter les dettes de son mari, à nourrir ses enfants, à les faire instruire au séminaire de Québec. Elle trouvait encore, au travers de tout cela, le moyen de donner du temps à la prière et de soulager des pauvres.

Aucune tempête n'empêchait Mme d'Youville d'assister à la messe tous les matins. Et souvent dans l'après-midi, elle faisait une visite au Saint Sacrement.

Marguerite d'Youville eut comme conseiller spirituel, d'abord le Sulpicien Jean-Gabriel Dulescouat, un fils de Bretagne, né à St-Malo et venu au Canada en 1717. C'est lui qui, au milieu des épreuves qui accablaient la jeune femme, lui dit un jour : "Consolez-vous, ma fille ; Dieu vous destine à une grande œuvre, et vous relèverez une maison sur son déclin". Cette prédiction devait se réaliser.

Après M. Dulescouat, épuisé avant l'âge par son zèle, son labeur et l'austérité de sa vie, c'est un autre Sulpicien, lui aussi né en Bretagne, à Nantes, M. Louis Normant, qui dirigea Marguerite d'Youville et lui fut d'un grand secours dans les difficultés dont fut tissée la fondation de son œuvre.

Maison ouverte aux pauvres

Aux dures leçons de la pauvreté, la veuve d'Youville apprit à aimer les pauvres. De plus en plus, elle fit d'eux sa famille. Elle prenait soin des malades. Elle visitait les prisonniers. Elle soulageait toutes les misères. Son directeur spirituel lui implanta dans l'âme cette pensée : "Pourquoi n'ouvrirait-elle pas aux pauvres sa maison, comme elle leur ouvrait son cœur ?"

L'heure vint de réaliser ce vœu. Le 30 octobre 1736, Mme d'Youville loua une maison plus vaste, où elle pourrait, avec trois compagnes qu'elle s'était adjointes, s'installer et accueillir un plus grand nombre de pauvres. Marguerite d'Youville avait alors 36 ans. Le 21 novembre de cette même année, en la fête de la Présentation de Marie, Mme d'Youville accueillait chez elle la première protégée de l'œuvre naissante, une pauvre aveugle.

Le 31 décembre, deux nouvelles héroïnes de la charité s'étant jointes au groupe, les six compagnes se consacrèrent définitivement au service des membres souffrants du Christ.

Calomnies et injures

Mais ce n'est ni de l'admiration ni de la reconnaissance de la part de la population qu'apporta ce dévouement. Au contraire, elles furent persécutées, moquées, traitées de folles, huées et accueillies par des pierres lorsqu'elles se rendaient à l'église, injuriées, calomniées auprès des autorités civiles et religieuses. L'enfer se déchaînait. On les accusa de faire du commerce de l'eau-de-vie avec les Indiens, de s'enivrer elles-mêmes, et on les surnomma "grises" par dérision. Ce nom leur est resté, mais devenu glorieux.

On alla plus tard jusqu'à vouloir les faire passer pour des pécheresses publiques, des femmes scandaleuses. Cela, avec tant d'intensité que des bons eux-mêmes se laissèrent tromper ; un Père Récollet fut même amené un jour à refuser la sainte Communion à Mme d'Youville et à ses compagnes.

Mais ces âmes dévouées aux pauvres continuèrent leur œuvre. Des vieillards furent accueillis dans leur maison et traités comme des hôtes d'honneur.

Guérison miraculeuse

En 1744, Mme d'Youville, qui souffrait d'une impotence d'un genou, depuis six ans, fut subitement guérie. Elle redoubla de zèle dans son apostolat auprès des pauvres.

"Une épreuve matérielle vint éprouver la fondation. Le 31 janvier 1745, en plein hiver, leur maison devenait la proie de l'incendie. Au lieu de plaindre les saintes femmes, on faisait circuler dans le public un jugement de condamnation : "Cet incendie est un jugement du ciel", disait-on.

Mais Mme d'Youville en tirait une toute autre conclusion ; elle dit à ses compagnes : "Nous avions peut-être trop nos aises et trop d'attaches aux choses du monde ; désormais nous vivrons en commun et plus pauvrement." Jusque-là, la petite communauté était restée séculière. C'est peu de temps après, que le directeur spirituel, M. Normant, jugea le moment venu de leur donner une règle de communauté. C'était le commencement de la congrégation des Sœurs de la Charité, plus communément connues sous le nom de Sœurs Grises.

Il y avait alors à Montréal, outre l'Hôtel-Dieu fondé par Jeanne Mance, une sorte de refuge de charité connu sous le nom d'hôpital général, établi par trois laïcs qui y vivaient en communauté, et qu'on appelait Frères Hospitaliers. Il avait abrité une centaine de vieillards vers 1701, à l'époque de la naissance de Marguerite Dufrost. Mais à la mort de l'un d'eux, le Frère Charron, en 1719, la maison était dans un état lamentable et piètrement administrée. En 1747, les Frères Hospitaliers demandaient depuis deux ans d'être relevés de la direction du refuge. Les bâtiments tombaient en ruine. Il n'y restait plus que quatre vieillards malades, et les deux frères hospitaliers étaient eux-mêmes malades.

Depuis une dizaine d'années déjà, le Sulpicien, M. Normant, prévoyait la faillite du refuge et préparait le groupe de Mme d'Youville à se charger du rétablissement de l'œuvre. Mais son projet avait suscité de vives oppositions de la part du gouverneur, de l'intendant, et même de l'évêque de Québec (unique diocèse alors), Mgr Pontbriand. On accusa M. Normant de vouloir favoriser des femmes ambitieuses. Une pétition fut signée contre Mme d'Youville et sa petite communauté. La plainte alla jusqu'en France.

Quand les deux derniers frères du refuge donnèrent leur démission finale, personne ne voulait se charger de leur succession. Le groupe de Mme d'Youville y aurait consenti, mais on entretenait tellement de préventions contre elles, que l'affaire paraissait impossible.

Comme il fallait tout de même trouver une solution, le gouverneur-général, M. de Beauharnois, l'intendant Hocquart et l'évêque finirent par confier, mais provisoirement seulement, l'administration du refuge à Mme d'Youville et ses compagnes. Mais rien n'arrêta le courage de la Mère, et les améliorations furent immédiates.

Réalisation d'une prédiction

C'était la réalisation de la prédiction faite par le saint prêtre Dulescouat : "Vous relèverez une maison sur son déclin" : C'était le 27 août 1747. Dans la maison, Mme d'Youville trouva les quatre vieillards et les deux frères, tous malades. Elle amenait avec elle neuf pauvres et six compagnes. L'installation à l'Hôpital Général ne signifiait pas seulement un immense travail à faire ; mais ce fut aussi pendant six années une lutte continuelle entre Mme d'Youville et les autorités de la colonie. Succédant à l'intendant Hocquart, l'intendant Bigot mena un combat direct pour ôter l'administration de l'hôpital à Mme d'Youville. L'évêque de Québec, lui, flottait, passant de l'encouragement à la froideur vis-à-vis de la petite communauté. Le 15 octobre 1750, l'évêque, le gouverneur et l'intendant déclarèrent annulé le décret provisoire de 1747. Les biens meubles et immeubles de l'Hôpital Général de Montréal seraient cédés aux Sœurs Hospitalières de Québec. Bigot voulait presser les choses, et déjà du mobilier était transporté à Québec avant l'hiver.

Mais à Montréal, M. Normant se concertait avec des citoyens influents et adressait une lettre au roi de France. À Paris, le supérieur général des Sulpiciens, informé du projet, jugea qu'on lésait ses droits de seigneur de l'île de Montréal. Il présenta au Chancelier de France les propositions de Mme d'Youville ; et le 12 mai 1752, le roi annulait l'ordonnance du 15 octobre 1750. Puis, par lettres patentes du 3 juin 1753, Mme d'Youville et ses "sœurs" gardaient définitivement l'administration de leur hôpital de Montréal, et leur communauté recevait le statut de communauté religieuse.

La guerre entre la France et l'Angleterre, qui devait aboutir à la défaite des Plaines d'Abraham en 1759 et à la perte de la Nouvelle-France aux mains de l'Angleterre, causa de grandes misères à Montréal comme ailleurs. La communauté de la Mère d'Youville se dévoua de toutes ses forces à les soulager, sans discrimination de race, de langue ni de religion. La Mère d'Youville avait déjà recueilli des enfants abandonnés dans sa maison. Mais les désordres de la guerre et la misère multiplièrent le nombre de ces petits malheureux. On en trouvait sur les chemins livrés aux injures des saisons, à la merci des animaux.

La Mère d'Youville, traversant un jour la rivière St-Pierre, vit elle-même sur la glace le cadavre d'un de ces petits, portant encore enfoncé dans la poitrine le poignard qui lui avait ôté la vie. Son cœur n'y tint plus. Malgré ses modiques ressources, mettant toute sa confiance en la Providence, elle ouvrit toutes grandes les portes de son hôpital aux petits abandonnés. Elle obtint l'approbation nécessaire du gouverneur anglais pour l'établissement d'une maison qui recueillerait les enfants trouvés.

La première Crèche

Ainsi fut fondée la première Crèche en Amérique du Nord. Dès la première année, 17 berceaux. Depuis sa fondation, 50,000 petits êtres ont été recueillis par la Crèche d'Youville. Mère d'Youville fut, à cette période de notre histoire, une grande consolation pour la population de Nouvelle-France, passée sous le joug de l'Angleterre, et presque toute abandonnée par son élite, retournée en France, sauf son clergé qui dut accumuler bien des tâches en sus de son ministère religieux.

Mère d'Youville consacra les dix-huit dernières années de sa vie à consolider son œuvre. Elle mourut le 23 décembre 1771, à l'âge de 70 ans. Au moment où elle expirait, un citoyen notable de la ville, Jean Delisle de Lacailleterie, se promenant le long de la Pointe à Callières, vit un point lumineux au-dessus de l'hôpital. Il crut d'abord à un incendie. Mais le point lumineux devint une croix de feu. Craignant une hallucination, il appela des voisins, qui constatèrent le même phénomène.

L'œuvre qui a coûté tant de persécutions, tant de croix à la Sainte Mère d'Youville, a essaimé en six communautés autonomes, qui s'occupèrent d'hôpitaux, d'hospices, de crèches, d'Institutions pour les aveugles, d'écoles ordinaires, d'écoles normales, d'écoles pour épileptiques, d'enseignement rural, d'écoles maternelles, d'orphelinats, etc., etc.

En 1960, les Sœurs Grises étaient plus de 7,000, exerçant leur apostolat dans 75 diocèses et 7 vicariats apostoliques. On les trouvait non seulement au Canada, mais aussi aux États-Unis, y compris l'Alaska, au Japon, en Haïti, à St-Domingue, au Brésil, en Afrique, au Basutoland (maintenant le Lesotho) et au Nyassaland (maintenant le Malawi).

Le petit grain de sénevé de 1737 - la Mère avec trois compagnes est devenu un grand arbre qui fait bénéficier de ses fruits des multitudes de membres souffrants du Christ.

À l'Occasion de l'année du Père Éternel, pour qui sainte Marguerite d'Youville avait une si grande dévotion, nous ne croyons pas hors de propos de présenter aux lecteurs de Vers Demain quelques traits de cette grande et sainte figure de Nouvelle-France. Il y a bien des leçons à tirer de sa vie. Nous laissons à chacun le soin, en méditant, de le faire.

Ceux qui se trouvent parfois incompris, persécutés alors même qu'ils essaient de faire du bien, pourront affermir leur confiance en Dieu, assurés que, si ce qu'ils font est conforme à la volonté divine et accompli avec pureté d'intention, et pureté d'âme aussi, ni l'opposition des hommes ni les machinations de l'enfer n'empêcheront la semence de germer et la plante de croître quand le bon Dieu le voudra. Mais il ne faut pas se fier uniquement à soi-même, ni se croire d'importance. Il faut, au contraire, se considérer comme petits instruments, d'eux-mêmes très inefficaces, rester dans une sincère humilité, recourir au Ciel ; et tâcher aussi d'imiter, même de très loin, les vertus dont Sainte Marguerite d'Youville a donné l'exemple.

Cadeau du Père Éternel

En novembre 1961, nous allons faire une visite chez les Sœurs Grises, à leur maison mère de la rue Guy, à Montréal. Nous y apprenons que, durant sa vie, Marguerite d'Youville avait fait peindre un tableau du Père Éternel parce qu'elle avait une grande dévotion envers lui. Louis Even achète un grand cadre de la reproduction de ce tableau, ainsi qu'un grand cadre de Marguerite d'Youville. Et nous demandons au Père Éternel et à Marguerite d'Youville de nous trouver l'endroit voulu par le Père Éternel pour construire une maison dans le but d'y installer nos Pèlerins de saint Michel.

Pas même un mois après, nous achetions le terrain à St-Michel de Rougemont, où fut construite notre Maison Saint-Michel. C'était un grand cadeau du Père Éternel et de Marguerite d'Youville. Depuis, ce temps, en reconnaissance, les Pèlerins de saint Michel récitent, chaque matin, la prière au Père Éternel en lui demandant de protéger, par l'intercession de sainte Marguerite d'Youville, nos deux maisons, la Maison Saint-Michel, construite en 1962, et la Maison de l'Immaculée, construite en 1975.

Gilberte Côté-Mercier

Gilberte Côté-Mercier

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