Le dimanche 16 octobre 2016, le Pape François a canonisé sept nouveaux saints, dont une religieuse française, sainte Élisabeth de la Trinité. Carmélite tout comme sainte Thérèse de Lisieux, elle a vécu pratiquement à la même époque (de 1880 à 1906, comparativement de 1873 à 1897 pour sainte Thérèse), et est décédée à peu près au même âge (26 ans, contre 24 pour la sainte de Lisieux.) Et tout comme sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, sainte Élisabeth a laissé des écrits profonds sur la vie d’union avec le Dieu trinitaire, écrits valables non seulement pour les personnes consacrées, mais pour tout baptisé. Puisque le Ciel consiste essentiellement à vivre éternellement en union avec Dieu, nous pouvons commencer cette relation dès ici-bas en faisant de notre cœur la demeure des trois personnes de la Sainte Trinité. Le nom que notre nouvelle sainte reçut au baptême marquait déjà sa vocation, puisque «Élisabeth» signifie en hébreu «maison de Dieu». Voici sa biographie , tirée de la lettre de novembre 2016 de l’Abbaye Saint-Joseph de Clairval:
«À notre humanité désorientée qui ne sait plus trouver Dieu ou qui le défigure, qui cherche sur quelle parole fonder son espérance, Élisabeth de la Trinité donne le témoignage d’une ouverture parfaite à la Parole de Dieu», déclarait saint Jean-Paul II, dans son homélie pour la béatification de cette carmélite (25 novembre 1984). Le lendemain, s’adressant aux pèlerins, le Pape ajoutait: «Témoin admirable de la grâce du Baptême épanouie dans un être qui l’accueille sans réserve, elle nous aide à trouver à notre tour les voies de la prière et du don de nous-mêmes ».
Ce matin du dimanche 18 juillet 1880, au camp militaire d’Avor, près de Bourges, l’angoisse règne autour de la maisonnette où Madame Catez attend son premier enfant: «J’ai eu une fille, expliquera-t-elle ensuite, Marie-Élisabeth, condamnée avant sa naissance car les deux médecins qui étaient auprès de moi avaient déclaré à mon mari qu’il fallait faire le sacrifice du bébé dont le cœur ne battait plus; mais Dieu veillait, et, au dernier évangile de la Messe, que j’avais demandée à l’aumônier et qui se célébrait à la chapelle du camp, la petite Élisabeth faisait son entrée dans la vie, très belle, très vivante.
Au mois de novembre 1882, la famille Catez s’installe à Dijon. Le 20 février 1883, naît une deuxième fille, Marguerite, surnommée «Guite». Une profonde affection unira les deux sœurs qui, pourtant, diffèrent par leur tempérament: autant Élisabeth est vive et ardente, autant Guite se montre douce et réservée. Fille et petite-fille d’officier, Élisabeth a, en effet, hérité d’un caractère bien trempé. «Enfant, témoignera Guite, Élisabeth était très colère, très vive, impulsive... nature très sensible, très affectueuse, pour laquelle la punition la plus dure était la privation des caresses de sa mère.»
Le 2 octobre 1887, M. Catez meurt subitement, dans les bras d’Élisabeth qui n’a que sept ans. Les ressources financières étant diminuées, Madame Catez et ses deux filles quittent leur villa pour un appartement, toujours à Dijon. La vie reprend, et les colères aussi... Élisabeth essaie de se dominer pour faire plaisir à ses proches. Sa maman lui parle de Dieu, et la petite fille commence à aller au catéchisme: son cœur droit et profond est touché; elle s’applique à s’oublier pour faire plaisir aux autres et à Jésus. Vers la fin de l’année, elle fait sa première Confession. Ce jour restera dans son esprit comme celui de sa «conversion» et de son éveil à l’égard des choses divines. Mère Germaine, la Prieure (supérieure) du Carmel, confirmera: «Élisabeth elle-même m’a confié que sa résolution vraiment réfléchie et persévérante de se vaincre dans ses violences date de sa première Confession.»
Au cours des vacances de l’été 1888, Élisabeth se trouve à Saint-Hilaire (Aude) en famille. Le curé du lieu, le chanoine Angles, reçoit une confidence de sa part: «C’était un soir, écrira-t-il en 1907 à Mère Germaine... Élisabeth était parvenue à grimper sur mes genoux. Vite, elle se pencha à mon oreille et me dit: “Monsieur Angles, je serai religieuse; je veux être religieuse!” Je me souviendrai longtemps de ce timbre angélique... et aussi de l’exclamation quelque peu irritée de sa mère: “Qu’est-ce qu’elle dit, la petite folle?”... Madame Catez, anxieuse, me demandait si je croyais sérieusement à une vocation; et moi, je répondis une parole qui, comme un glaive, transperça son âme: “J’y crois!”»
Le 19 avril 1891, Élisabeth fait sa première Communion à l’église paroissiale Saint-Michel de Dijon. Sa rencontre intime avec Jésus vivant, présent en son cœur, est un instant de grâce et de joie qui produit une nouvelle transformation intérieure. «À partir de ce jour, plus jamais de colère!», écrira sa mère. L’après-midi, Élisabeth se rend au Carmel, et Mère Marie de Jésus lui apprend que son nom signifie «Maison de Dieu».
Deux mois après, elle reçoit le sacrement de Confirmation. «À partir de ce moment, témoigne une amie, Marie-Louise Hallo, la piété d’Élisabeth s’accrut davantage, elle communiait souvent et versait d’abondantes larmes après.» Sa mère s’effraie d’une piété qu’elle estime trop intense, mais Élisabeth sent grandir en elle la faim de cet Ami qui la nourrit et la fortifie merveilleusement. Jésus est de plus en plus pour elle «le Bien-Aimé de l’Eucharistie». Mais, pendant des années, il ne lui sera permis de communier qu’une fois ou deux par semaine, selon l’usage du temps. Toutefois, elle peut visiter et adorer ce Bien-Aimé présent dans le tabernacle.
Elle désire entrer au Carmel, mais sa mère n’est pas de cet avis: elle lui interdit de se rendre au parloir du monastère tout proche, et la pousse à découvrir la vie du monde. Élisabeth devient coquette; elle aime à porter de belles toilettes ainsi que des bijoux, et participe avec entrain aux soirées mondaines, tout en s’appliquant à garder la présence de Dieu.
Dès l’âge de huit ans, Élisabeth était entrée au Conservatoire de musique. L’orthographe restera toujours un peu déficiente chez elle, mais les longues heures passées devant son piano, en compagnie de Chopin, Schumann, Liszt et d’autres grands compositeurs, développent son sens profond de la beauté. À treize ans, elle obtient le premier prix du Conservatoire, et, l’année suivante, le prix d’excellence. Elle livrera un jour son secret, en écrivant à une amie: «Je prierai pour Madeleine afin que le bon Dieu l’envahisse jusqu’en ses petits doigts; alors, je défie qui que ce soit de rivaliser avec elle. Qu’elle ne s’énerve pas; je vais lui donner mon secret: il faut qu’elle oublie tous ceux qui l’écoutent et se croie seule avec le Maître divin; alors on joue pour Lui avec toute son âme, et l’on fait sortir de son instrument des sons pleins, à la fois puissants et doux. Oh! Que j’aimais à Lui parler ainsi!» Quand Élisabeth joue, elle est, en effet, avec «l’Ami de tous les instants», le Dieu tout Amour qui remplit son cœur.
Dans le même temps, Élisabeth participe aux activités de la paroisse: elle enseigne le catéchisme, chante à la chorale, entraîne des jeunes à l’église pour prier pendant le mois de Marie. Mais son désir d’être tout à Jésus ne cesse de croître. Un matin, à la fin de la Messe, elle reçoit une grâce spéciale: «J’allais avoir quatorze ans, rapportera-t-elle à Mère Germaine, quand un jour, pendant mon action de grâces, je me sentis irrésistiblement poussée à choisir Jésus comme unique époux, et sans délai, je me liai à Lui par le vœu de virginité. Nous ne nous dîmes rien, mais nous nous donnâmes l’un à l’autre en nous aimant si fort, que la résolution d’être toute à Lui devint chez moi plus définitive encore.» Quelques semaines plus tard, de nouveau au terme de la Messe, une indication lui est donnée: «Il me sembla, dira-t-elle, que le mot “Carmel” était prononcé dans mon âme.»
Mais sa mère ne veut toujours pas accepter sa vocation. Respectant cette volonté, Élisabeth, qui n’a pas atteint sa majorité légale, s’arme de patience. Les poésies qu’elle écrit, de quatorze à dix-neuf ans, murmurent les noms de son Bien-Aimé Jésus, de son bon ange, des saints du paradis, en particulier de sainte Jeanne d’Arc, «la vierge qu’on ne peut flétrir.»
Les vacances se passent souvent en montagne, dans les Pyrénées, le Jura, les Vosges et les Alpes suisses, ou au bord de la mer. Elles donnent l’occasion de danser, de jouer de la musique et de faire des excursions. À l’âge de dix-huit ans, Élisabeth commence à tenir un journal intime. On y lit, en date du 30 janvier 1899: «J’ai eu aujourd’hui la joie d’offrir à mon Jésus plusieurs sacrifices sur mon défaut dominant, mais comme ils m’ont coûté! Je reconnais là ma faiblesse... Il me semble, lorsque je reçois une observation injuste, que je sens bouillir mon sang dans les veines, tant mon être se révolte... Mais Jésus était dans mon cœur et alors j’étais prête à tout supporter pour l’amour de Lui.»
Un jour, sa mère ayant eu connaissance d’un bon parti, lui propose de se marier; mais Élisabeth réaffirme sa volonté d’entrer au Carmel. Madame Catez l’autorise finalement à rencontrer la supérieure du couvent, mais refuse qu’elle devienne religieuse avant l’âge de sa majorité, vingt et un ans.
Au début de 1899, Élisabeth lit le «Chemin de la perfection» de sainte Thérèse d’Avila. Dans les explications de la sainte, elle reconnaît ce que le Seigneur lui a déjà enseigné sur l’oraison. «Cela m’intéresse énormément et me fait beaucoup de bien», écrit-elle dans son journal. Elle recherche la présence de Dieu dans son âme, et avoue à une amie: « Il me semble qu’Il est là.» Le Père Vallée, dominicain qu’elle rencontre plusieurs fois au Carmel, attise son amour pour Dieu, charité infinie, trop grand Amour (Ep 2, 4) qui nous est offert en Jésus. Puis, il lui rappelle que ce Dieu d’amour dont elle expérimente déjà la présence, est Père, Fils et Saint-Esprit; il l’oriente vers le mystère de la Très Sainte Trinité, en conformité avec cette parole de saint Jean: Si quelqu’un m’aime, mon Père l’aimera; nous viendrons en lui et nous ferons en lui notre demeure (Jn 14, 23).
Nous savons que Dieu est Trinité grâce à Jésus qui nous a révélé ce mystère de la vie intime du Créateur. Le Catéchisme de l’Église Catholique enseigne: «L’Incarnation du Fils de Dieu révèle que Dieu est le Père éternel, et que le Fils est consubstantiel au Père, c’est-à-dire qu’il est en lui et avec lui le même Dieu unique... La mission du Saint-Esprit, envoyé par le Père au nom du Fils, et par le Fils d’auprès du Père, révèle qu’il est avec eux le même Dieu unique. Avec le Père et le Fils il reçoit même adoration et même gloire» (CEC 262,263). C’est pourquoi l’Église affirme: «Nous ne confessons pas trois dieux, mais un seul Dieu en trois personnes... Les personnes divines ne se partagent pas l’unique divinité mais chacune d’elles est Dieu tout entier... Les personnes divines sont réellement distinctes entre elles... “Père”, “Fils”, “Esprit Saint” ne sont pas simplement des noms désignant des modalités de l’être divin, car ils sont réellement distincts entre elles... Ils sont distincts entre eux par leurs relations d’origine: “C’est le Père qui engendre, le Fils qui est engendré, le Saint-Esprit qui procède”» (CEC 253-254). «La fin ultime de toute l’économie divine, c’est l’entrée des créatures dans l’unité parfaite de la Bienheureuse Trinité. Mais dès maintenant nous sommes appelés à être habités par la Très Sainte Trinité» (CEC 260). Ce mystère, dont a vécu Élisabeth, est la lumière de notre vie spirituelle.
En 1900, celle-ci visite l’exposition universelle à Paris. Toutefois, elle lui préfère les basiliques du Sacré-Cœur de Montmartre et de Notre-Dame-des-Victoires. Au cours des mois qui suivent, Élisabeth traverse une épreuve de sécheresse spirituelle au point qu’elle se dit «insensible comme une bûche». Au milieu des fêtes mondaines, pourtant, elle garde la nostalgie du cloître. À une amie, elle montre l’importance de l’attention à la présence de Dieu: «Dieu en moi, et moi en Lui», que ce soit notre devise!»
Enfin, son entrée au Carmel de Dijon est fixée au 2 août 1901. Le jeudi 1er, Élisabeth passe en prière une partie de la nuit, voulant accompagner le Bien-Aimé dans la solitude de Gethsémani. Madame Catez ne peut dormir. Elle vient s’agenouiller près du lit de sa fille. Leurs larmes se mêlent: «Alors, pourquoi me quitter? — Ah! ma chère maman, puis-je résister à la voix de Dieu qui m’appelle? Il me tend les bras et me dit qu’Il est méconnu, outragé, délaissé. Puis-je l’abandonner, moi aussi?... Il faut que je parte, malgré mon chagrin de vous laisser, de vous plonger dans la douleur; il faut que je réponde à son appel.»
Au début de sa vie religieuse, Élisabeth est favorisée de grâces sensibles: «Que le bon Dieu est bon! écrit-elle à sa sœur. Je ne trouve pas d’expression pour dire mon bonheur... Ici, il n’y a plus rien, plus que Lui... On le trouve partout, à la lessive comme à l’oraison!» Chaque jour, elle passe plusieurs heures au chœur pour l’oraison silencieuse du matin, l’office, la Messe et encore l’oraison du soir. Toutefois, elle n’oublie pas ceux qu’elle a quittés et elle les retrouve dans son cœur auprès de Jésus. Pour vivre avec Dieu, Élisabeth s’applique au silence extérieur et intérieur: «Si mes désirs, mes craintes, mes joies, mes douleurs, si tous les mouvements provenant de ces quatre puissances ne sont pas parfaitement ordonnés à Dieu, je ne serai pas solitaire: il y aura du bruit en moi.»
Dans un questionnaire récréatif, à la question: «Quel est, selon vous, l’idéal de la sainteté?», elle répond: «Vivre d’amour.» Et à la question: «Quel est le moyen le plus rapide pour y parvenir?», sa réponse est: «Se faire toute petite, se livrer entièrement.» On demande aussi: «Quel est le trait dominant de votre caractère? — La sensibilité.» Puis: «Le défaut qui vous inspire le plus d’aversion? — L’égoïsme en général.»
Le 8 décembre 1901, la novice prend l’habit du Carmel et reçoit son nom de religieuse: Élisabeth de la Trinité. Peu de temps après, sa facilité pour l’oraison fait place à la sécheresse. Sœur Élisabeth continue à chercher Dieu dans la foi: «La foi me dit qu’Il est là tout de même, et à quoi bon les douceurs, les consolations? Ce n’est pas Lui. Et c’est Lui seul que nous cherchons... Allons donc à Lui dans la foi pure.» Elle écrit encore: «Moi aussi j’ai besoin de chercher mon Maître qui se cache bien. Mais alors, je réveille ma foi et je suis plus contente de ne pas jouir de sa présence pour Le faire jouir, Lui, de mon amour.»
Sœur Élisabeth lit les écrits de saint Jean de la Croix, de sainte Catherine de Sienne et de sœur Thérèse de Lisieux, jeune carmélite morte peu auparavant (1897) qui la marque profondément; elle recopiera plusieurs fois son «Acte d’offrande à l’Amour miséricordieux». Mais sa source spirituelle la plus profonde reste le Nouveau Testament. Déjà avant son entrée au Carmel, elle appréciait spécialement l’Évangile de saint Jean; après sa profession, elle se nourrira des Lettres de saint Paul et en particulier de la Lettre aux Éphésiens. Mère Germaine écrira: «Les plus beaux textes du grand Apôtre appuient les mouvements de son âme contemplative... Élisabeth en découvre le sens profond, s’identifie à cette doctrine substantielle qui la fortifie et alimente son incessante oraison».
Ce travail spirituel se réalise sous l’influence du Saint-Esprit. Les mois qui suivent sont marqués chez la jeune sœur par des doutes sur sa vocation; elle passe par des moments de scrupule et, la veille de sa profession perpétuelle, il faut appeler un prêtre pour l’aider à dissiper ses doutes. «En la nuit qui précéda le grand jour, affirmera-t-elle, tandis que j’étais au chœur dans l’attente de l’Époux, j’ai compris que mon ciel commençait sur la terre, le ciel dans la foi, avec la souffrance et l’immolation pour Celui que j’aime.» Le 11 janvier 1903, sœur Élisabeth fait sa profession, et le 21, fête de sainte Agnès, vierge et martyre, elle prend le voile noir des professes.
Les seize sœurs du Carmel se réunissent pour les repas, ainsi que pour les deux récréations où l’on parle simplement et joyeusement, tout en accomplissant quelque travail manuel. Mais au cours de la journée, chaque sœur fait son ouvrage autant que possible dans la solitude. Sœur Élisabeth rend différents services, notamment à la roberie. Sœur Marie de la Trinité témoigne: «Comme sous-prieure, étant chargée, chaque semaine, de distribuer les offices domestiques, j’ai pu constater qu’elle était un vrai trésor en communauté, un de ces sujets auxquels on peut demander tous les services, avec l’assurance de lui faire plaisir.»
Élisabeth de la Trinité a toujours nourri une dévotion particulière pour la Vierge Marie. Elle contemple particulièrement le mystère de l’Annonciation: «Je n’ai besoin d’aucun effort pour entrer dans ce mystère de l’habitation divine en la Vierge. Il me semble y trouver mon mouvement d’âme habituel, qui fut le sien: adorer en moi le Dieu caché.» Le jour de la fête de la Présentation de Marie au Temple, 21 novembre 1904, elle rédige une prière devenue célèbre, que l’on retrouvera après sa mort: «Ô mon Dieu, Trinité que j’adore...» Du Carmel, Élisabeth écrit de nombreuses lettres, notamment à sa sœur, à qui elle donne rendez-vous à des heures précises pour prier ensemble. Elle rédige également des poèmes et des écrits spirituels. Elle désire partager avec tous ses amis cette expérience de la présence du Dieu-Trinité dans son âme: «Cette meilleure part qui semble être mon privilège en ma bien-aimée solitude du Carmel, est offerte par Dieu à toute âme de baptisé.» Elle écrit à une de ses amies: «C’est si simple. Il est toujours avec nous, soyez toujours avec Lui, à travers toutes vos actions, dans vos souffrances, quand votre corps est brisé, demeurez sous son regard, voyez-le présent, vivant en votre âme.» Selon Élisabeth, il suffit, pour vivre cette réalité, de «faire des actes de recueillement en Sa présence».
En 1905, un passage de saint Paul la touche profondément: Dieu le Père nous a d’avance destinés à devenir pour lui des fils par Jésus-Christ: voilà ce qu’il a voulu dans sa bienveillance, à la louange de sa gloire, de cette grâce dont il nous a comblés en son Fils bien-aimé (Ep 1, 5-6). Au cours des mois qui suivent, elle médite ce texte et y devine le nom nouveau qu’elle aura au Ciel: laudem gloriæ (louange de gloire). La louange de gloire devient le centre de sa spiritualité: «Mon rêve, écrit-elle, est d’être louange de sa gloire. C’est dans saint Paul que j’ai lu cela et mon Époux m’a fait entendre que c’était là ma vocation dès l’exil.» Sœur Élisabeth commence à signer des lettres avec ces mots Laudem gloriæ. Pour elle, être louange de gloire consiste à refléter la gloire de Dieu, et pour cela, il est nécessaire de s’oublier, de se dépouiller de tout, et de rechercher le silence. Cet oubli et ce silence favorisent l’adoration et la contemplation qui permettent à Dieu de transformer la personne, de restaurer en elle son image et d’en faire sa louange de gloire.
Dès le printemps de 1905, Élisabeth commence à ressentir les premiers symptômes de la maladie d’Addison, une insuffisance surrénalienne, alors inguérissable et très pénible. Le 19 mars 1906, elle entre à l’infirmerie. «Je m’affaiblis de jour en jour, écrit-elle, et je sens que le Maître ne tardera plus beaucoup à venir me chercher. Je goûte, j’expérimente des joies inconnues: les joies de la douleur... Avant de mourir, je rêve d’être transformée en Jésus crucifié et cela me donne tant de force dans la souffrance.» Élisabeth de la Trinité voit dans sa maladie la possibilité de ressembler à Jésus-Christ, qui a voulu Lui-même passer par la souffrance (cf. Lc 24, 26), et ainsi de Lui rendre amour pour amour. Elle appelle donc sa maladie, la «maladie de l’amour».
Le dimanche des Rameaux, sœur Élisabeth tombe en syncope et reçoit l’Extrême-Onction, mais le samedi suivant sa santé s’améliore un peu. Elle compose la retraite «Le Ciel dans la foi», pour sa sœur Guite, puis elle fait sa retraite personnelle. Mère Germaine lui demande d’écrire, pendant cette retraite, ses «bonnes rencontres»: le manuscrit sera appelé «Dernière Retraite». Elle y développe notamment une méditation sur la Vierge Marie, décrivant celle-ci comme le modèle à suivre dans la vie intérieure mais aussi dans la souffrance.
Quelque temps avant de mourir, Élisabeth donne comme testament à une amie: «À la lumière de l’éternité, l’âme voit les choses au vrai point. Oh! Comme tout ce qui n’a pas été fait pour Dieu et avec Dieu est vide. Je vous en prie, marquez tout du sceau de l’amour. Il n’y a que cela qui demeure.» Au cours de l’automne, la maladie s’aggrave et sœur Élisabeth meurt le 9 novembre 1906, après neuf jours d’agonie. Ses dernières paroles intelligibles sont: «Je vais à la Lumière, à l’Amour, à la Vie!» Elle a été canonisée par le Pape François, le 16 octobre 2016.
Peu de temps avant sa mort, Élisabeth de la Trinité écrivait: «C’est ce qui a fait de ma vie, je vous le confie, un ciel anticipé: croire qu’un Être, qui s’appelle l’Amour, habite en nous à tout instant du jour et de la nuit et qu’Il nous demande de vivre en société avec Lui.» Son désir le plus cher est de nous attirer dans cette intimité divine: «Il me semble qu’au Ciel, ma mission sera d’attirer les âmes en les aidant à sortir d’elles pour adhérer à Dieu par un mouvement tout simple et tout amoureux, et de les garder en ce grand silence du dedans qui permet à Dieu de s’imprimer en elles, de les transformer en Lui-même». Puissions-nous découvrir ce trésor caché et en vivre!
Dom Antoine Marie osb, abbé
Reproduit avec la permission de l’Abbaye Saint Joseph de Clairval, en France, qui publie chaque mois une lettre spirituelle sur la vie d’un saint. Adresse postale: Abbaye Saint Joseph de Clairval, 21150 Flavigny sur Ozerain, France. Site internet: www.clairval.com.