Parmi les saints qui ont vécu leur consécration à la Vierge Marie d'une façon remarquable, une figure ressort particulièrement, celle de saint Maximilien Kolbe, prêtre franciscain polonais mort martyr en 1941 et canonisé par saint Jean-Paul II en 1982. Toute sa vie est un témoignage exemplaire de son amour et de sa confiance absolue en la Vierge Immaculée. Voici donc sa vie telle que racontée dans la lettre de décembre 1997 de l'Abbaye Saint-Joseph de Clairval, en France.
par Dom Antoine Marie osb
Un jour de 1915, à Rome, un homme d'âge mûr vocifère devant frère Maximilien Kolbe contre le Pape et l'Église. Le jeune franciscain engage la discussion. « Je m'y entends, jouvenceau ! Je suis docteur en philosophie », s'exclame l'inconnu. « Et moi aussi », riposte le petit frère de vingt et un ans qui en paraît seize. Stupéfait, l'homme change de ton. Alors patiemment, avec une inexorable logique, le frère reprend un à un les arguments de son interlocuteur et les retourne contre lui. « Vers la fin de la discussion, raconte un témoin, le mécréant se tut. Il semblait profondément réfléchir ». Qui est donc cet apôtre ardent, décrit par le Pape Paul VI comme un « type d'homme auquel nous pouvons conformer notre art de vivre, lui reconnaissant le privilège de l'apôtre Paul de pouvoir dire au peuple chrétien : Montrez-vous mes imitateurs, comme je le suis moi-même du Christ (1 Co 11, 1) » ?
Raymond Kolbe, le futur saint Maximilien (canonisé par le Pape Jean-Paul II, le 10 octobre 1982), est né le 7 janvier 1894 de modestes tisserands polonais. Son père est très doux, un peu taciturne. Sa mère, Marie, est énergique et travailleuse. Outre deux enfants morts en bas âge, le foyer compte trois garçons, François, Raymond et Joseph. Raymond est violent, indépendant, entreprenant et têtu. D'un naturel vif et primesautier, il éprouve souvent la patience de sa mère qui s'écrie un jour : « Mon pauvre enfant, que deviendras-tu ? »
La réprimande provoque chez le petit une véritable conversion. Il devient sage et obéissant. La maman s'aperçoit qu'il disparaît souvent derrière l'armoire où se trouve un petit autel de Notre-Dame de Czestochowa. Là, il prie et pleure. « Voyons, Raymond, lui demande sa mère, pourquoi pleures-tu comme une fille ? – Lorsque vous m'avez dit : "Raymond, que deviendras-tu ?" j'ai eu beaucoup de peine et je suis allé demander à la Sainte Vierge ce que je deviendrai... La Sainte Vierge m'est apparue, en tenant deux couronnes, l'une blanche et l'autre rouge. Elle m'a regardé avec amour et m'a demandé laquelle je choisissais ; la blanche signifie que je serai toujours pur et la rouge que je mourrai martyr. J'ai répondu : "Je choisis les deux !" »
L'âme de l'enfant conserve depuis cette rencontre un amour indéfectible pour la Sainte Vierge. La lecture des écrits de saint Louis-Marie Grignion de Montfort lui apprend que « Dieu veut révéler et découvrir Marie, le chef-d'œuvre de ses mains, dans ces derniers temps où Marie doit briller, plus que jamais, en miséricorde, en force et en grâce » (Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge). Il donne sa vie à la Sainte Vierge. La consécration mariale est un don d'amour qui offre toute la personne et qui la lie à l'Immaculée. « De même que l'Immaculée est à Jésus, à Dieu, de même chaque âme va être par Elle et en Elle à Jésus, à Dieu, et cela beaucoup mieux que sans Elle », écrira saint Maximilien. « L'Église catholique a toujours affirmé que l'imitation de la Vierge Marie, non seulement ne détourne pas de l'effort pour suivre fidèlement le Christ, mais qu'elle le rend plus aimable et plus aisé » (Paul VI, Exhortation apostolique Signum Magnum, 13 mai 1967, n. 8).
Attiré par Marie, Raymond Kolbe embrasse la vie religieuse. Le 4 septembre 1910, il revêt l'habit franciscain, et prend pour nom "frère Maximilien Marie". À l'automne 1912, ses supérieurs l'envoient à l'université grégorienne de Rome. Ses études ne le détournent pas de son idéal de sainteté : il veut procurer à Dieu la plus grande gloire possible. « La gloire de Dieu consiste dans le salut des âmes. Le salut des âmes et la parfaite sanctification de celles-ci, déjà rachetées à grand prix par la mort de Jésus en croix, en commençant naturellement par notre âme, est donc notre noble idéal ».
Mais la voie du salut se trouve dans l'accomplissement de la volonté de Dieu. Aussi le jeune frère écrit-il à sa mère : « Je ne vous souhaiterai ni la santé, ni la prospérité. Pourquoi ? Parce que je voudrais vous souhaiter mieux que cela, quelque chose de tellement bon que Dieu lui-même ne saurait vous souhaiter mieux : qu'en toutes choses la volonté de ce très bon Père se fasse en vous, maman, que vous sachiez en toutes choses accomplir la volonté de Dieu ! C'est tout ce que je puis vous souhaiter de mieux ».
C'est à Rome que la Sainte Vierge lui inspire de fonder la "Mission de l'Immaculée". À l'époque, la franc-maçonnerie pavoisait dans la ville éternelle. « Lorsque les francs-maçons commencèrent à se démener de plus en plus effrontément, explique frère Maximilien, et qu'ils eurent dressé leur étendard sous les fenêtres du Vatican, cet étendard où, sur un fond noir, Lucifer foulait sous ses pieds l'archange saint Michel, lorsqu'ils se mirent à distribuer des tracts invectivant le Saint-Père, l'idée se fit jour en moi de fonder une association ayant pour but de combattre les francs-maçons et les autres suppôts de Lucifer ».
La franc-maçonnerie est une société secrète aux mille ramifications, qui s'efforce de diriger le monde selon des principes excluant l'autorité de Dieu et sa Révélation. « Comme la mission tout à fait propre et spéciale de l'Église catholique consiste à recevoir dans leur plénitude et à garder dans une pureté incorruptible les doctrines révélées par Dieu, aussi bien que l'autorité établie pour les enseigner, avec les autres secours donnés du ciel en vue de sauver les hommes, c'est contre elle que les franc-maçons déploient le plus d'acharnement et dirigent leurs plus violentes attaques » (Léon XIII, Encyclique Humanum Genus, 20 avril 1884). Mais la franc-maçonnerie détruit également la société civile, car ses principes contredisent la loi naturelle et sapent « les fondements de la justice et de l'honnêteté » (id.). Bien souvent, elle propose à l'homme pour seule règle d'action la satisfaction de ses désirs.
D'autre part, la prétention de rendre l'État complètement étranger à la religion et d'administrer les affaires publiques comme si Dieu n'existait pas, est « une témérité sans exemple » (id.). En effet, de même que chaque homme a l'obligation « d'offrir à Dieu le culte d'une pieuse reconnaissance, parce que c'est à Lui que nous sommes redevables de la vie et des biens qui l'accompagnent, un devoir semblable s'impose aux peuples et aux sociétés » (id.).
La Congrégation pour la Doctrine de la Foi, par une notification datée du 26 novembre 1983, a confirmé l'enseignement de Léon XIII : « Le jugement de l'Église sur les associations maçonniques demeure inchangé, parce que leurs principes ont toujours été considérés comme inconciliables avec la doctrine de l'Église, et l'inscription à ces associations reste interdite par l'Église. Les fidèles qui appartiennent aux associations maçonniques sont en état de péché grave et ne peuvent accéder à la sainte communion ».
Aujourd'hui, la franc-maçonnerie prône la "culture de mort" en favorisant la contraception, l'avortement et l'euthanasie. Elle contribue ainsi à ruiner la famille. Pour le franc-maçon Pierre Simon, qui écrivait, en 1979, « mon être véritable, ce n'est plus mon corps mais ma loge (maçonnique) », la vie est « non plus un don de Dieu, mais un matériau qui se gère. Elle perd le caractère d'absolu qu'elle avait dans la Genèse ». On peut donc la manipuler à volonté. Ainsi, « la sexualité sera dissociée de la procréation, et la procréation de la paternité. C'est tout le concept de famille qui est en train de basculer ».
Des principes semblables animent à l'heure actuelle de nombreux organismes qui, sans être toujours inféodés ouvertement à la franc-maçonnerie, œuvrent dans le même esprit. Aussi le Pape Jean-Paul II pouvait-il dire, à Denver, le 4 août 1993 : « Les menaces contre la vie ne faiblissent pas avec le temps. Au contraire, elles prennent des dimensions énormes... Ce sont des menaces programmées de manière scientifique et systématique ».
En présence des mêmes forces du mal, déjà à l'œuvre en son temps, saint Maximilien présente à nos regards un bel exemple de zèle apostolique. À la suite de saint Paul, il s'applique à vaincre le mal par le bien (Rm 12, 21). Fort de sa foi et d'une théologie très sûre, il se tourne vers la Vierge Marie et vers son divin Fils. Pour venir nous sauver, le Verbe de Dieu a daigné se faire homme, et choisir pour mère une vierge fiancée à un homme du nom de Joseph, de la maison de David, et le nom de la vierge était Marie (Lc 1, 26-27). La Mère du Sauveur, Marie, fut pourvue par Dieu de dons à la mesure d'une si grande responsabilité. L'ange Gabriel, au moment de l'Annonciation, la salue comme pleine de grâce (Lc 1, 28).
Explicitant cette expression, le Pape Pie IX a proclamé en 1854 le dogme de l'Immaculée Conception : « La Bienheureuse Vierge Marie a été, au premier instant de sa conception, par une grâce et une faveur singulière du Dieu Tout-Puissant, en vue des mérites de Jésus-Christ, Sauveur du genre humain, préservée intacte de toute souillure du péché originel ». N'ayant jamais connu le péché, l'Immaculée possède une puissance immense contre tout mal et elle est devenue la « Mère de toute Grâce ».
Puissante contre le mal, Notre-Dame est victorieuse du démon. Aussi, frère Maximilien fonde-t-il la "Mission de l'Immaculée" sur cette parole de Dieu au serpent (le diable) : Elle (la Sainte Vierge) t'écrasera la tête (Gn 3, 15 - Vulgate). Le saint relie cette prophétie divine à l'affirmation de la liturgie : « Par vous seule, ô Marie, ont été vaincues toutes les hérésies ». Le but de son œuvre est d'obtenir « la conversion des pécheurs, hérétiques, schismatiques, etc., et particulièrement des francs-maçons ; et la sanctification de tous les hommes sous la direction et par l'intermédiaire de la Bienheureuse Vierge Marie Immaculée ».
Dans son ardeur, il désire la conversion de tous les pécheurs, car le saint ne dira jamais « sauver des âmes », mais « toutes les âmes ». Ce désir correspond au dessein de Dieu. Dieu a tant aimé le monde qu'Il a donné son Fils unique afin que quiconque croit en Lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle (Jn 3, 16). C'est Dieu qui nous a aimés et qui a envoyé son Fils en victime de propitiation pour nos péchés (1 Jn 4, 10). Il est la victime offerte pour nos péchés, et non seulement pour les nôtres, mais encore pour ceux du monde entier (1 Jn 2, 2).
Les membres de la « Mission » feront l'offrande totale d'eux-mêmes à la Bienheureuse Vierge Marie Immaculée, comme instruments dans ses mains, et porteront la Médaille Miraculeuse. Ils réciteront, une fois par jour, la prière suivante : « Ô Marie conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à Vous et pour tous ceux qui n'ont pas recours à Vous, plus particulièrement pour les francs-maçons et pour tous ceux qui vous sont recommandés ».
La santé de frère Maximilien n'est pas robuste. Malgré cela, il s'adonne avec courage aux études, passe brillamment ses examens et devient, en 1915, docteur en philosophie. Quatre ans plus tard, il obtient, avec le même succès, un doctorat en théologie. Entre-temps, il a reçu l'ordination sacerdotale le 28 avril 1918. Il envisage sa formation intellectuelle dans le but d'instruire le prochain et de contribuer ainsi au salut des âmes.
Son désir est de « faire servir tout progrès à la gloire de Dieu », c'est-à-dire de christianiser la culture moderne. « Les problèmes nouveaux et les recherches suscitées par le progrès du monde moderne, déclare, de nos jours, le Concile Vatican II, seront étudiés très soigneusement. On saisira plus profondément comment la foi et la raison s'unissent pour atteindre l'unique vérité... De la sorte, se réalisera comme une présence publique, durable et universelle, de la pensée chrétienne dans tout l'effort intellectuel vers la plus haute culture ; et les étudiants de ces instituts (écoles supérieures, universités et facultés) seront formés à devenir des hommes éminents par leur science, prêts à assumer les plus lourdes tâches dans la société, en même temps que témoins de la foi dans le monde » (Gravissimum Educationis, 10).
Mais le saint doit expérimenter que le bien ne se fait pas sans la croix. En effet, comme le rappelle sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus, « seule la souffrance enfante les âmes ». Vers la fin de 1919, on l'envoie à Zakopane, dans un sanatorium où les secours religieux font défaut. Bien que malade, il entreprend un difficile apostolat auprès de ses compagnons, à l'aide de médailles miraculeuses. Il gagne les cœurs et les esprits un à un et fait si bien qu'on l'invite à donner des conférences. L'apôtre de Marie n'attendait que cela. Beaucoup d'incrédules se convertissent.
Puis, le Père inaugure une série de "causeries apologétiques", sur l'existence de Dieu et la divinité du Christ. L'amour qu'il manifeste pour la vérité transparaît dans une lettre écrite à son frère Joseph : « De nos jours, le plus grand poison est l'indifférence, qui trouve ses victimes non seulement parmi les bourgeois mais aussi parmi les religieux, à des degrés divers, bien entendu ». « Tous les chrétiens, dit le Pape Pie XII, devraient avoir, autant que possible, une instruction religieuse profonde et organique. Il serait, en effet, dangereux de développer toutes les autres connaissances et de laisser le patrimoine religieux sans changement, tel qu'il était dans la première enfance. Nécessairement incomplet et superficiel, il serait étouffé, et peut-être détruit, par la culture areligieuse et par les expériences de la vie adulte, comme en témoignent tous ceux dont la foi fit naufrage pour des doutes demeurés dans l'ombre, des problèmes restés sans solution. Comme il est nécessaire que le fondement de la foi soit rationnel, une étude suffisante de l'apologétique devient indispensable » (24 mars 1957).
En 1927, le Père Maximilien fonde la cité mariale franciscaine de Niepokalanow (littéralement : la cité de l'Immaculée). Tout y est consacré à Marie. Nombreux sont ceux qui demandent leur admission au noviciat, au point que le couvent comptera jusqu'à mille religieux. « À Niepokalanow, dit le Père, nous vivons d'une idée fixe, si l'on peut s'exprimer ainsi, volontairement choisie et aimée : l'Immaculée ! » La presse, dont l'influence ne cesse de grandir, lui apparaît comme un terrain privilégié d'apostolat. Il lance, en vue de l'évangélisation, la revue Le Chevalier de l'Immaculée, qui devient bientôt la plus importante publication de Pologne. En 1939, son tirage atteindra un million d'exemplaires.
Loin d'être l'unique objectif du Père Maximilien, la Pologne n'est qu'un tremplin. Trois ans à peine après la fondation de Niepokalanow, il rencontre, dans un train, des étudiants japonais. La conversation s'engage et le Père offre des médailles miraculeuses. En échange, les étudiants lui donnent de petits éléphants en bois qui leur servent de fétiches. Depuis ce temps, le saint ne cesse de penser à la grande pitié de ces âmes sans Dieu. Aussi se présente-t-il, un beau jour, chez son provincial et lui demande-t-il la permission d'aller au Japon pour y fonder un Niepokalanow japonais. « Avez-vous de l'argent ? demande le Père provincial – Non. – Savez-vous le japonais ? – Non. – Avez-vous, du moins, des amis là-bas, quelque appui ? – Pas encore, mais j'en trouverai, avec la grâce de Dieu ».
Toutes les autorisations obtenues, le Père part en 1930 avec quatre frères pour le Japon. À force de travail, d'audace, de prières et de confiance en l'Immaculée, ils parviennent à créer la Mugenzai no Sono, textuellement : le jardin de l'Immaculée. Deux ans après la fondation au Japon, le Père Maximilien s'embarque pour fonder aux Indes. Aux prises avec de grosses difficultés, il prie sainte Thérèse de Lisieux : n'avait-il pas convenu avec elle, jadis à Rome, qu'il prierait chaque jour pour sa canonisation, mais qu'en retour elle serait patronne de ses œuvres ? Sainte Thérèse honore le contrat. Tous les obstacles tombent comme par enchantement. Mais, exténué et miné par la fièvre, l'apôtre de Marie Immaculée doit rentrer en Pologne, en 1936.
Septembre 1939 : la guerre s'abat sur le pays. Saint Maximilien s'adonne, avec plus d'ardeur que jamais à l'apostolat. « Si le bien consiste en l'amour de Dieu et en tout ce qui jaillit de l'amour, le mal, dans son essence, est une négation de l'amour », lit-on dans la publication de son dernier article. Voilà le vrai conflit. Au fond de chaque âme, il y a ces deux adversaires : le bien et le mal, l'amour et le péché. Saint Augustin a exprimé ce conflit en ces termes : « Deux amours ont fait deux cités : l'amour de soi jusqu'au mépris de Dieu a fait la cité terrestre ; l'amour de Dieu jusqu'au mépris de soi a fait la cité céleste » (Cité de Dieu, XIV, 28).
Le 17 février 1941, des policiers de la Gestapo se saisissent du Père et de quatre autres frères qu'ils emmènent d'abord à la prison de Pawiak à Varsovie. Le Père y est violemment frappé en tant que religieux et prêtre. Il écrit à ses enfants restés à Niepokalanow : « L'Immaculée, Mère très aimante, nous a toujours entourés de tendresse et veillera toujours. Laissons-nous conduire par Elle, de plus en plus parfaitement où qu'elle veuille et quel que soit son bon plaisir, afin que, remplissant nos devoirs jusqu'au bout, nous puissions, par amour, sauver toutes les âmes ». Quelques jours plus tard, le Père Kolbe est transféré au camp d'Auschwitz.
Bientôt hospitalisé, à la suite des sévices endurés, il confesse à longueur de nuits, malgré l'interdiction et la menace de représailles. Il sait convertir en bien le mal lui-même, et explique un jour à un malade : « La haine n'est pas une force créatrice. Seul l'amour est créateur. Ces douleurs ne nous feront pas plier, mais elles doivent nous aider, toujours davantage, à être forts. Elles sont nécessaires, avec d'autres sacrifices, pour que ceux qui resteront après nous soient heureux ». Il fait partager à ses compagnons l'expérience du mystère pascal, où la souffrance vécue dans la foi se transforme en joie. « Le paradoxe de la condition chrétienne éclaire singulièrement celui de la condition humaine : ni l'épreuve ni la souffrance ne sont éliminées de ce monde, mais elles prennent un sens nouveau dans la certitude de participer à la Rédemption opérée par le Seigneur et de partager sa gloire » (Paul VI, Exhortation Apostolique sur la joie chrétienne, 9 mai 1975).
À la fin de juillet 1941, un prisonnier du bloc 14, celui du Père Maximilien, s'est évadé. Le chef de camp avait prévenu que, pour chaque évadé, dix hommes seraient condamnés à mourir de faim et de soif. Un des malheureux désignés pour la mort, Franciszek Gajowniczek, s'écrie : « Oh ! ma pauvre femme et mes enfants que je ne reverrai plus ! » Alors, au milieu de ses camarades interdits, le Père Maximilien se fraie un chemin et sort des rangs. « Je voudrais mourir à la place d'un de ces condamnés », et il désigne celui qui vient de se lamenter. « Qui es-tu ? » demande le chef. « Prêtre catholique », répond le Père. Car c'est comme prêtre catholique qu'il veut donner sa vie. L'officier, stupéfait, garde un moment le silence puis accepte l'héroïque proposition.
Dans le bloc de la mort, les geôliers se rendent compte qu'il se passe quelque chose de nouveau. Au lieu des cris de détresse habituels, ce sont des chants qu'ils entendent. La présence du Père Maximilien a changé l'atmosphère de l'affreuse cellule. Le désespoir a fait place à une aspiration pleine d'espérance, d'acceptation et d'amour, vers le ciel, vers la Mère de Miséricorde. À la veille de l'Assomption, seul le Père Maximilien est pleinement conscient. Au moment où les gardes entrent pour l'achever, il est en prière. Voyant la seringue, il tend lui-même son bras décharné à la piqûre mortelle.
De son vivant, saint Maximilien Kolbe aimait à répéter : « Sur cette terre, nous ne pouvons travailler que d'une seule main, car de l'autre nous devons bien nous cramponner pour ne point tomber nous-mêmes. Mais au Ciel, ce sera différent ! Point de danger de glisser, de tomber ! Alors nous travaillerons bien plus encore, de nos deux mains ! » Nous lui demandons d'intercéder pour vous et pour tous ceux qui vous sont chers, vivants et défunts, auprès de la Vierge Immaculée et de saint Joseph.
Dom Antoine Marie. osb
Reproduit avec la permission de l'Abbaye Saint-Joseph de Clairval, en France, qui publie chaque mois une lettre spirituelle sur la vie d'un saint. Adresse postale : Abbaye Saint-Joseph de Clairval, 21150 Flavigny sur Ozerain, France. Site internet : www.clairval.com