Extraits tirés du livre «La vie de saint Marcellin J.-B. Champagnat» écrit par un de ses premiers disciples:
Voyant les besoins pressants d’éduquer la jeunesse, M. Champagnat fonda l’Institut des Frères maristes. Le but de la vocation de cette nouvelle Congrégation était l’instruction chrétienne des enfants. Il envoyait ses frères fonder des écoles là où ils étaient réclamés. La première chose qu’il s’efforçait de bien faire comprendre aux frères, c’est le but de leur vocation.
«N’oubliez pas, leur disait-il, que l’instruction primaire que vous devez donner aux enfants, n’est pas proprement la fin que nous nous sommes proposée en fondant cet institut, elle n’est qu’un moyen pour arriver plus facilement et plus parfaitement à cette fin. Le but de votre vocation est de donner l’éducation chrétienne aux enfants, c’est-à-dire de leur apprendre le catéchisme, les prières, et de les former à la piété et à la vertu.
«MM. les curés qui vous appellent dans les paroisses, se déchargent en partie sur vous de cette fonction de leur ministère; les parents, dès qu’ils vous envoient leurs enfants, se reposent pareillement sur vous du soin de leur instruction religieuse, et ne se mettent plus la peine de les faire prier, de les faire confesser; ils n’ont plus aucun souci de la conduite et de l’éducation religieuse de ces enfants; ils croient avoir satisfait à leur devoir sur ce point principal, en vous les confiant. Si donc vous négligez de donner à vos élèves l’instruction et l’éducation chrétiennes, outre que vous offenseriez Dieu et que vous manqueriez au plus sacré, au premier de vos devoirs comme instituteurs, vous tromperiez encore la confiance de vos pasteurs de l’Église et des fondateurs de votre école; vous abuseriez de la bonne foi des parents qui vous envoient leurs enfants pour que vous leur donniez avant tout les principes religieux; vous ruineriez cette congrégation, en abandonnant le but qu’elle se propose, et vous vous opposeriez aux desseins que Dieu a eus en l’établissant.
«Que personne donc, sous prétexte qu’il doit enseigner les sciences profanes, ne néglige le catéchisme, et ne dise qu’il ne peut consacrer à cet exercice tout le temps prescrit par la règle. Souvenez-vous que votre premier but est d’élever chrétiennement les enfants, que nous n’avons consenti à leur enseigner les sciences profanes que pour avoir la facilité de leur faire le catéchisme à tous les jours, et par là même de graver plus profondément dans leur esprit et leur cœur la science du salut.»
Une autre chose que le Père Champagnat s’est beaucoup occupé, c’est la discipline de l’école: «La discipline, disait-il, est la moitié de l’éducation de l’enfant, et si cette moitié manque, la plupart du temps l’autre devient inutile. A quoi sert en effet qu’un enfant sache lire, écrire et même qu’il ait appris son catéchisme, s’il ne sait pas obéir, s’il ne sait pas se conduire, s’il n’a pas pris l’habitude de réprimer ses penchants mauvais et de suivre les inspirations de sa conscience ? D’où vient qu’aujourd’hui les hommes sont si inconstants, si sensuels, qu’ils ne savent rien se refuser, qu’ils ne peuvent rien supporter de tout ce qui contrarie la nature ? C’est qu’on ne les a pas soumis au joug dès l’enfance; c’est qu’on leur a donné trop de liberté; c’est qu’on ne leur a pas appris à se commander, à se faire violence et à combattre les mauvaises inclinations.
«Le but de cette vertu (la discipline «forte et paternelle»), poursuivait le Père, n’est pas seulement de maintenir l’ordre dans l’école et d’obtenir les devoirs classiques des élèves; c’est surtout de prévenir la contagion des vices et de conserver l’innocence des enfants. Envisagée à ce point de vue, la vigilance est la vertu la plus nécessaire à un maître. Le défaut de la surveillance rend inutile tout le bien qu’il pourrait faire d’ailleurs, et sa classe, qui devrait être pour ses enfants une école de vertu et un moyen de sanctification, lui devient une cause de dépravation et une occasion de ruine et de réprobation.
«Un frère doit être l’ange gardien des enfants, Dieu lui demandera compte de leur conduite dans l’école; leurs fautes lui seront imputées comme les siennes propres. Malheur à lui si, par une coupable négligence, il laisse les brebis galeuses répandre la contagion dans le petit troupeau qui lui est confié; si, faute de vigilance, il permet à l’ennemi du salut qui rôde sans cesse autour des enfants, de leur ravir l’innocence baptismale, la vie de la grâce et de semer l’ivraie dans leur cœur.»
Épuisé de fatigue à cause de son dévouement inlassable et de son grand esprit de mortification, le Père Champagnat tomba gravement malade. Il mourut le 6 juin 1840, un samedi, à l’âge de 51 ans. Plusieurs fois il avait dit pendant sa dernière maladie qui l’a emporté: «Je désirerais mourir un samedi; mais je ne mérite pas cette grâce, que j’espère pourtant de la bonté de Marie».
Cinquante ans après la mort du serviteur de Dieu, l’Institut des Frères maristes couvrait de nombreux pays de ses maisons d’école, de ses juvénats, de ses noviciats, et comptait plus de 5 000 membres qui enseignaient la foi à plus de 100,000 âmes. Le Canada a été un bénéficiaire de cet Institut. Mais, hélas! avec la Révolution tranquille, la Congrégation des Frères maristes a été graduellement chassée du système scolaire comme toutes les autres institutions religieuses enseignantes.
Nous nous réjouissons pour les saintes œuvres qui ont été accomplies à travers les siècles par une multitude de communautés religieuses, fondées par des saints de la trempe de saint Marcellin Champagnat. Nous souhaitons qu’elles redeviennent florissantes comme autrefois «avec la grâce de Dieu, qu’à genoux, nous implorons de tout cœur».