Le 24 février 2019, 7e dimanche du temps ordinaire, l’archevêque de Paris, Mgr Michel Aupetit, a proposé, dans le cadre de son homélie à la cathédrale Notre-Dame de Paris, la méditation suivante sur l’actualité de l’Église et le sommet sur la lutte contre les abus qui s’est clôturé ce jour-là au Vatican, en débutant avec ce qui fait la une des médias:
«Scandale dans l’Église!» «L’Église est une institution corrompue!» La formule «tous pourris» qui autrefois était destinée aux politiques semble cibler aujourd’hui les ecclésiastiques.
La première question qui se pose est de savoir si l’Église est une communauté de gens parfaits, une élite de la sainteté que Dieu préserverait du mal en laissant le reste de l’humanité dans la turpitude et la déchéance. En fait, il n’en a jamais été ainsi à aucun moment de son histoire, même quand le Christ vivait au milieu de nous. Autour de lui il y avait aussi des lâches, des traîtres, des renégats.
Le Seigneur lui-même nous a prévenus: dans le champ où il a semé le bon grain, il existe aussi l’ivraie que le diable a semée dans la nuit, c’est-à-dire dans les ténèbres de l’âme humaine.
Prenons la figure de David. Dans l’épisode qui nous est rapporté aujourd’hui (1 Samuel 26,2.7-9.12-13.22-23), il montre une extraordinaire grandeur d’âme en épargnant Saül, ce roi fou de jalousie qui voulait le tuer. Il agit ainsi en raison de sa foi. En revanche, quand il a pris la femme de son lieutenant Urie pour coucher avec elle, et qu’il n’a pas hésité à faire tuer son serviteur fidèle pour éviter le scandale, le roi David se montre sous un jour moins sympathique. Et ce n’est plus au nom de Dieu qu’il agit, mais en raison de cette ivraie qu’il y a dans le cœur de l’homme : les pulsions désordonnées, la lâcheté, l’absence de scrupules, la folie meurtrière.
Saint Paul nous le dit: il y a le premier Adam, homme pétri de la terre, mal dégrossi et le second Adam, Jésus, qui vient du Ciel. «Ce qui vient d’abord c’est le physique; ensuite seulement vient le spirituel». Nous sommes tous sans exception partagés entre ce premier homme marqué de faiblesse et celui qui vient du Ciel et dont nous devons refléter l’image. (1 Corinthiens 15,45-49)
C’est ainsi que chacun de nous est mis devant une véritable alternative: consentir au péché ou se convertir. Consentir au péché, c’est vouloir rester dans sa fange en justifiant ses turpitudes. Se convertir, c’est opérer un retournement vers Dieu et changer véritablement de vie. Ceci est vrai que nous soyons clercs ou laïcs.
C’est bien le combat de toute l’Église, c’est-à-dire le combat de chacun de nous. La ligne de démarcation entre l’ivraie et le bon grain qui poussent ensemble dans le champ ne se situe pas entre les bons et les méchants mais à l’intérieur de chacun de nos cœurs.
Depuis les commencements, l’Église a porté le message d’amour de notre Seigneur Jésus au monde entier. Sans elle ce message ne serait jamais parvenu jusqu’à aujourd’hui. Elle ne l’a ni transformé ni défiguré pour l’adapter aux modes du moment. Elle l’a transmis et vécu dans son intégralité grâce à ceux qui se sont laissé sanctifier par l’Esprit-Saint sans que le péché des hommes puisse l’altérer.
C’est un message révolutionnaire, comme nous venons de l’entendre dans l’évangile d’aujourd’hui (Luc 6,27-38). Il ne suffit plus d’avoir de bonnes relations. La règle d’or commune à toutes les civilisations qui nous dit «ne faites pas aux autres ce que vous ne voudriez pas qu’ils vous fassent», devient dans la bouche du Christ « ce que vous voulez que les autres fassent pour vous faites-le aussi pour eux».
Ce n’est plus le minimum exigé pour la vie commune, c’est la révolution de l’amour qui va jusqu’à aimer ses ennemis, à faire du bien à ceux qui nous haïssent, à prier pour ceux qui nous calomnient.
Nous sommes bien au-delà des sentiments humains, nous entrons dans une volonté divine qui éclaire notre liberté. C’est ce que signifie notre prière: «que ta volonté soit faite».
Ce message inouï qui, non seulement change la face de la terre, mais ouvre à tous les portes du Ciel, nous a été donné par Jésus-Christ, lui qui a été jusqu’au bout du pardon et de l’amour des ennemis.
Frères et sœurs, nous avons été baptisés pour devenir enfants de Dieu et annoncer le salut à tous les hommes pour qu’ils y trouvent la joie. Oui, le Christ nous a sauvés de la mort et du péché. Sa résurrection annonce la victoire de la vie sur la mort et de la miséricorde sur le péché.
Ensemble, nous sommes son Église. Et comme le disait Jeanne d’Arc: «M’est avis que le Christ et l’Église, c’est tout un». Si la barque est secouée par la tempête, nous sommes confiants. Nous savons qu’Il est là avec nous, même s’Il semble dormir.
Pour terminer, je vous révèle un des secrets de ma prière: Chaque jour je prie pour ne pas être moi-même objet de scandale car, comme tous les consacrés, j’ai donné ma vie pour que le plus grand nombre de mes frères humains puissent connaître cette joie de la rencontre suprême. Si une parole de ma part, un comportement inadéquat, devaient faire tomber un seul de ces petits qui croient en Jésus-Christ, je serais alors dans la plus profonde des douleurs. Voilà pourquoi nous devons nous porter mutuellement dans la prière.
+ Michel Aupetit
Archevêque de Paris
Source: www.paris.catholique.fr/homelie-de-mgr-michel-aupetit-49382.html
Vidéo de la messe: http://www.ktotv.com/video/00260002/messe-du-24-fevrier-2019