Le 11 décembre 1925, le pape Pie XI, par sa lettre encyclique « Quas Primas », instituait la fête liturgique du Christ-Roi, pour combattre « la peste du laïcisme » et les deux causes des calamités contre lesquelles se débat le genre humain : le fait « que la plupart des hommes avaient écarté Jésus-Christ et sa loi très sainte des habitudes de leur vie individuelle aussi bien que de leur vie familiale et de leur vie publique » et que « jamais ne pourrait luire une ferme espérance de paix durable entre les peuples tant que les individus et les nations refuseraient de reconnaître et de proclamer la souveraineté de Notre Sauveur. »
Depuis la réforme liturgique de 1969, cette fête est célébrée le dernier dimanche du calendrier liturgique, sous le nom de « la Solennité du Christ Roi de l’univers ». Voici l’homélie prononcée par l’archevêque de Paris, Mgr Michel Aupetit, en l’église Saint-Germain-l’Auxerrois de Paris, le dimanche 24 novembre 2019, qui explique bien pourquoi nous pouvons dire en toute vérité que Jésus est vraiment le Roi de l’Univers :
Nous fêtons le Christ, Roi de l’univers. Cela peut nous paraître un peu anachronique de fêter le Christ comme un roi puisqu’il n’y a plus beaucoup de rois aujourd’hui. Il est vrai que si je vous demandais de me citer quelques rois que vous pourriez connaître, bien sûr en fouillant dans la mémoire de nos cours d’histoire (de la France), nous pourrions en citer quelques-uns des plus notables, ceux qui nous ont marqués : Louis IX, qu’on appelle aussi saint Louis, bien sûr, cher à notre cathédrale et à notre pays ; Louis XIV, à cause de sa magnificence, peut-être aussi Charles-Quint, parce qu’il était connu, ou bien encore la reine d’Angleterre, puisque nous la voyons encore aujourd’hui, Elisabeth II.
Donc nous arriverions à citer quelques rois comme cela. Mais avez-vous remarqué que ces rois, ce sont des rois de France, des rois d’Espagne, des rois d’Angleterre, donc ce sont des rois auxquels sont attribués un certain territoire, qu’ils doivent défendre.
Eh bien, le Christ est roi de l’univers. Ce n’est donc pas un petit territoire qu’il faudrait défendre : c’est l’ensemble du monde créé. Ce n’est pas seulement un bout de terrain sur lequel il régnerait. Vous savez que les musulmans parlent de « Terre d’Islam » quand ils sont majoritaires quelque part. Les juifs, eux, ont une Terre Sainte. Mais dites-moi, où est la terre chrétienne ? Il n’y en n’a pas, nulle part.
Même là où les chrétiens sont majoritaires, personne n’a jamais parlé de terre chrétienne, parce que Jésus ne règne pas sur un territoire. Jésus est Roi de l’univers. Nous l’avons entendu, par Lui tout fut créé, dans le ciel et sur la terre, le monde visible et invisible : il ne s’agit pas seulement de ce monde immense que l’on peut observer avec nos télescopes ou bien avec les satellites, il s’agit de bien d’autres choses encore.
Bien sûr que cela, Il en est le roi, puisqu’Il en est à l’origine. Il est la parole créatrice, mais aussi des êtres invisibles, les anges — puissances, principautés, dominations — nous l’avons entendu.
Oui, Christ est vraiment le roi de l’univers, mais vous savez bien que pour un roi, le plus important n’est pas le territoire, ce sont les sujets : un roi a des sujets, ceux qui vivent sur son territoire, sur ce fameux territoire dont il a la responsabilité. Et le roi est là, normalement, pour protéger ses sujets, pour en prendre soin, pour leur permettre de vivre une vie heureuse.
C’est là son rôle. Voilà le rôle d’un roi : celui qui doit prendre soin de tous. Et un bon roi, c’est celui qui est capable de donner sa vie pour ses sujets.
Combien de rois ont donné leur vie pour leurs sujets ?... Eh oui, seul le Roi de l’univers a donné Sa vie. D’ailleurs, le bon berger donne sa vie pour ses brebis, c’est bien une phrase du Christ. Et s’Il prend l’exemple de ces bergers pour parler de Sa royauté, c’est simplement par rapport à ce roi David, dont nous avons entendu parler dans la première lecture.
Qu’était-il ce roi David ? Un jeune garçon, un berger. Et pourquoi ? Parce que le berger connaît chacune de ses brebis par son nom. Aucun roi — aucun président la République non plus — ne nous connaît chacun par nos noms, mais le Christ, lui, nous connaît chacun personnellement. Il est capable de dire le nom de chacun. Il prend soin de tous. Il va chercher la brebis égarée. Il va guérir celle qui était perdue.
Voilà le vrai roi, voilà celui qui prend soin de ses sujets jusqu’à donner sa vie pour chacun d’entre nous. Et ceci explique où est son trône : nous avons l’habitude de penser au trône d’un roi de manière extraordinaire, un trône incrusté de pierres précieuses, mais son trône à lui, c’est la croix.
Nous l’avons entendu dans l’Évangile que nous venons de proclamer à l’instant (Luc 23, 35-43) ; oui, c’est bien là son trône. N’est-il pas écrit au-dessus de sa tête, comme nous l’avons entendu : « Celui-ci est le roi des Juifs ». Et tous ceux qui sont autour lui donnent d’ailleurs ce titre, certes pour se moquer : « Si tu es le roi des Juifs, descends, sauve-toi toi-même, et nous croirons en toi ! » Les Romains, les païens, tout le monde s’y met, même les personnes qui sont autour de lui — enfin, l’un d’entre eux — des brigands, qui sont crucifiés.
Voilà un roi étrange, dont la couronne est faite d’épines, et dont le trône est un instrument de mort. Où est donc la toute-puissance de ce roi ? Nous, nous pensons que la toute-puissance d’un roi vient de son armée, sans doute ; mais une armée, que je sache, ça sert à détruire !
La toute-puissance d’un roi (de la terre) vient de sa puissance financière, mais que peut-il acheter ? Peut-il acheter nos âmes ? Peut-il sauver nos âmes ? Non.
Or Jésus, sur la croix, manifeste Sa toute-puissance. Certes, Il ne peut bouger ni le bras droit ni le bras gauche. Il ne peut pas non plus bouger Ses jambes, mais Il est capable d’ouvrir les portes du ciel — ce qu’aucun roi ne fit jamais.
Oui, à celui-là (le bon larron) qui fait un acte de foi extraordinaire et que nous pouvons admirer, ce brigand qui reconnaît d’abord qu’il est un brigand et qu’il mérite son sort, se tourne vers Jésus dans un acte de foi incroyable : il est en train de mourir, et Jésus est à côté de lui, humilié, couvert de crachats et de sang, et est en train de mourir aussi. Et ce brigand fait cet acte de foi que personne n’a jamais fait : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu seras dans ton Royaume. »
Lui, ce brigand, croit que Jésus est vraiment roi ; lui croit vraiment que Jésus est tout-puissant. Et voilà pourquoi pour lui Jésus manifeste Sa toute-puissance : « Aujourd’hui, tu seras au paradis. »
N’est-ce pas magnifique ? Voilà un roi qui nous ouvre les portes du ciel, qui nous ouvre l’éternité. C’est Lui le Roi de l’univers. C’est lui le maître…
« Tu seras avec moi » : voilà quel est le paradis ; c’est cette communion dans l’amour qui est Dieu Père, Fils et Saint-Esprit. Être avec le Christ, c’est entrer dans l’amour. On ne peut pas régner dans le royaume du Christ sans amour. Et c’est Lui qui nous montre le chemin. Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie : ce roi-là est capable de donner sa vie pour ses sujets, pour chacun de nous.
Et voilà pourquoi Celui-là est vraiment notre roi ; Il a la toute-puissance pour nous ouvrir les portes du ciel, parce que Lui, Il nous aime.
Que faut-il pour entrer dans ce royaume ? C’est assez simple : il suffit simplement d’ouvrir notre cœur pour accueillir Son amour. Vous vous rappelez de ce qu’il avait dit : « Si quelqu’un m’aime, le Père et Moi nous viendrons chez lui, et chez lui nous ferons notre demeure. » Il suffit d’aimer, tout simplement. Il suffit de L’aimer et de Le laisser pénétrer dans notre cœur.
Et puis dans ce livre de l’Apocalypse, qui manifeste justement l’eschatologie, la finitude, la plénitude de notre existence, le Christ vient et nous dit : « Voici que Je frappe à la porte ; si tu M’entends et si tu M’aimes, si tu M’ouvres, J’entrerai. Et avec toi, Je prendrai mon repas. »
À quelle porte Notre-Seigneur frappe-t-il ? À la porte de notre cœur tout simplement, encore une fois. Il faut d’abord entendre ; mais pour entendre, il faut écouter. Nous chantons souvent « Écoute la voix du Seigneur » ; écouter, c’est bien ; entendre, c’est mieux.
Et puis ensuite, il faut poser un acte libre : « Et si tu M’ouvres » ; il faut ouvrir la porte du cœur, accueillir le Seigneur. Voilà où règne le Seigneur : le territoire de Notre-Seigneur, Roi de l’univers, c’est votre cœur. Êtes-vous décidés à Le laisser entrer pour régner en vous ? Amen. v symbole rouge
Mgr Michel Aupetit