Au Canada français, le nom de saint Joseph est automatiquement associé au saint Frère André (né Alfred Bessette, 1845-1937), crédité de son vivant de centaines de guérisons miraculeuses obtenues par l’intercession de saint Joseph, et fondateur de l’Oratoire Saint-Joseph – la plus grande église au monde dédiée à ce grand saint. Voici un excellent article sur le Frère André, posté le 7 janvier 2020 sur le site www.leverbe.com, reproduit avec leur aimable permission1 :
par Laurence Godin-Tremblay
Il y a quatre mois, je suis revenue au Québec, après un an d’études en Italie. À dire vrai, j’ai beaucoup appréhendé ce retour. Et je nourris encore parfois certaines craintes… Car l’Italie m’a fait redécouvrir ma foi, m’a fait sentir réellement chez moi dans l’Église.
Ovviamente ! Facile de s’épanouir au milieu d’une tradition riche, belle et vivante ! Alors qu’au Québec, le moins qu’on puisse dire, c’est que le croyant ne se sent pas toujours comme un poisson dans l’eau…
Qu’à cela ne tienne, me suis-je dit ! Le chrétien goûte déjà à l’éternité ! Si le Québec catholique d’aujourd’hui ne comble pas toujours mes attentes, j’en appellerai à mes frères et sœurs du passé !
C’est dans cet esprit que j’ai entamé une série de lectures, sur les saints et bienheureux du Canada français.
Le nom du frère André m’est venu tout de suite en tête. Non sans toutefois, je l’avoue, une légère antipathie. Spontanément, le saint canadien le plus populaire me faisait penser : religiosité, matantes, récits miraculeux douteux et mots-doux-à-faire-venir-le-dégoût.
C’est étrange, ai-je pensé. Je ne connais pourtant rien de ce saint. Pourquoi ces préjugés m’habitent-ils ?
Simplement une question de circonstances : les seules fois où on m’avait parlé du frère André, c’était par une matante2 (s’cusez-la) qui s’extasiait devant ses nombreuses guérisons. Le genre de madame qui vous assure que faire telle prière pendant 15 ans vous permettra de « sauter » le purgatoire, de passer « go » et de réclamer votre place au paradis…
Mais un saint n’est jamais quétaine, ni ennuyant ! Dès les premières pages de la biographie de saint André3, ça m’a sauté aux yeux.
On découvre, à lire sur sa vie, un saint qu’on n’imaginait pas, un vrai guerrier de Dieu. Car frère André ne lésine pas dans les combats, dans sa participation aux souffrances du Christ. C’est d’épreuves en épreuves qu’il chemine vers la sainteté.
Son père meurt lorsqu’il n’a que 9 ans, et sa mère trois années plus tard. Dès l’adolescence, malgré sa santé fragile, il soumet son corps aux labeurs les plus douloureux, les plus humbles. Par là, il veut imiter le père adoptif du Christ, saint Joseph.
Et ces misères ne lui suffisent pas. Pour s’unir à la Passion, mystère de la vie christique qu’il méditera le plus, le frère multiplie les sacrifices, les pénitences. Et certes, ce n’est pas dans la biographie d’un saint italien qu’on trouverait l’anecdote suivante :
Souvent, par les nuits d’hiver, j’allais me donner des douches d’eau glacée dans la boutique de forge ; parfois même je me roulais nu dans la neige, dans un recoin sombre, à l’arrière du collège.
Le saint qui a opéré des milliers de guérissons n’a jamais pourtant même souhaité la sienne. Frère André a ainsi souffert toute sa vie de maladies diverses, surtout de maux d’estomac ! Et, à l’image du Christ, on le prenait en dérision pour cela, sans comprendre la profondeur de son message.
« Au soir de sa vie, après une maladie qui faillit l’emporter, le frère André obtient la permission de passer quelques jours de convalescence chez un de ses amis intimes. Mais là, rechute grave. Il doit être transporté à l’hôpital. Les ambulanciers, chez qui l’habitude de voir souffrir a étouffé la pitié, ficellent le malade sur la civière et le descendent sans précaution, la tête la première. Narquois, l’un d’eux murmure : “Lui qui en a guéri d’autres, il ne peut pas se guérir !” »
Mais frère André ne s’arrêtait pas à la sagesse du monde. Il répétait souvent, rapporte-t-on, que « si on connaissait la valeur de la souffrance, on la demanderait à genoux et les mains jointes. »
Peut-être cette ferveur effraiera-t-elle aujourd’hui le catholique moyen. On pensera : « la mortification fait partie du passé ! Le catholicisme d’aujourd’hui, plus évolué, n’encourage pas ainsi à souffrir ! »
Admettons qu’il y ait du vrai. De fait, cette soif de participer à la Passion du Christ demande bien du discernement. Et sans doute un accompagnement spirituel sérieux.
L’important, pour nous, tient simplement à ceci : frère André n’était pas un déséquilibré, et ce même s’il pouvait le sembler aux yeux de certains.
On lui reprochait ses excès de zèle, comme ses courtes nuits de deux heures. Mais il faut voir que ce qui tenait le saint éveillé ne dépendait en rien d’un légalisme stérile. L’amour ! C’est l’amour de Dieu et des âmes qui gardait son cœur aux aguets :
« Un prêtre lui reproche de trop prolonger ses prières. – Offrez plutôt votre sommeil au Seigneur, dit-il au frère André. – Vous ne diriez pas cela si vous saviez comme les âmes en ont besoin, lui répond le saint. »
Frère André n’est pas un saint pour les doux, pour les chrétiens de sofa. C’est un disciple du Christ, au sens fort du terme. Il veut imiter son Maitre en tout.
On rapporte que le saint pleurait souvent devant l’incrédulité des hommes. Il se plaignait aussi de l’attachement excessif pour les miracles de guérison. Car ces miracles n’étaient pour lui qu’un moyen.
« Le refus brutal de la grâce cause la plus grande souffrance que puissent éprouver ces deux convertisseurs (frère André et le curé d’Ars). Parlant des nombreux miracles accomplis à l’Oratoire, le frère André murmure : — C’est pour faire ouvrir les yeux du monde, le convertir, mais on dirait qu’il ne voit pas clair. »
La guérison physique, pour le saint, n’était qu’un signe offert en vue d’une guérison supérieure : celle de l’âme. Il répétait souvent que les gens devraient demander plus de charité, plus d’humilité, plus de foi, et non simplement plus de santé…
Demandons-lui donc d’intercéder auprès du Christ pour nous, pour notre guérison profonde, pour celle de notre âme.
Demandons-lui la conversion. J’ai confiance qu’il n’oubliera pas les gens de son peuple, car lui-même répétait souvent : « Quand quelqu’un fait du bien sur la terre, ce n’est rien en comparaison de ce qu’il pourra faire une fois rendu au ciel… »
Laurence Godin-Tremblay
Reproduit avec la permission de l’auteure et du site www.leverbe.com, que nous vous encourageons à consulter si vous désirez d’autres contenus du même genre. Vous pouvez vous inscrire à leur infolettre VIP, écoutez leur balado, et lire leur magazine, toujours 100 % gratuit, financé par les dons des lecteurs.
1) https://le-verbe.com/culture/pas-juste-un-saint-pour-les-matantes
2) Au Québec, « matante » signifie tante, et par extension, une personne un peu ringarde, d’une autre époque
3) http://classiques.uqac.ca/contemporains/Bergeron_henri-paul/frere_andre/frere_andre.html