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Notre-Dame du Laus, « Refuge des pécheurs »

le mercredi, 01 mai 2019. Dans Apparitions et miracles

Benoîte Rencurel (1647-1718) est une bergère à qui la Vierge Marie est apparue pendant 54 ans au Laus, dans le diocèse de Gap, en France, de 1664 jusqu’au décès de Benoîte, un record dans l’histoire des apparitions mariales. Au début, la Sainte Vierge déclare à Benoîte : « Je veux bâtir ici une église en l’honneur de mon Cher Fils. Beaucoup de pécheurs s’y convertiront. » Cette église deviendra le sanctuaire de Notre-Dame du Laus, « refuge des pécheurs », où beaucoup de conversions et guérisons ont lieu encore aujourd’hui.

Ces apparitions ont été reconnues officiellement par l’Église le 4 mai 2008 et Benoîte Rencurel a été reconnue « vénérable » par le pape Benoît XVI le 3 avril 2009. Un miracle attribué à son intercession est sous étude par Rome, qui devrait permettre bientôt sa béatification. Voici la biographie de la vénérable Benoîte Rencurel, tirée de la lettre d’avril 2003 de l’Abbaye Saint-Joseph de Clairval :


Tableau représentant Benoîte RencurelTableau représentant Benoîte Rencurel, peint de son vivant. Ce tableau se trouve dans la chapelle derrière le chœur de la basilique de Notre-Dame du Laus

par Dom Antoine-Marie, o.s.b.

« Le péché du vingtième siècle est la perte du sens du péché », déclarait le Pape Pie XII, le 26 octobre 1946. Un demi-siècle plus tard, la crise du sacrement de Pénitence, délaissé par tant de catholiques, montre que ce jugement du Pape reste d’une grande actualité. Pourtant, « aux yeux de la foi, aucun mal n’est plus grave que le péché et rien n’a de pires conséquences pour les pécheurs eux-mêmes, pour l’Église et pour le monde entier » (Catéchisme de l’Église Catholique, CEC 1488). Notre époque n’est pas la première à traverser une crise du sacrement de Pénitence. La Très Sainte Vierge Marie a souvent été la messagère de Dieu auprès des hommes pour les détourner du péché et les ramener à l’amour de leur Créateur. Au cours des derniers siècles, elle est intervenue à plusieurs reprises, notamment à La Salette, Lourdes et Fatima ; mais auparavant, elle avait daigné se manifester à une pauvre fille des Alpes, Benoîte Rencurel.

Le 16 septembre 1647, Benoîte Rencurel vient au monde dans la petite commune de Saint-Etienne d’Avançon (Alpes du Sud). Ses parents, sont de bons catholiques, vivant modestement du travail de leurs mains. À la naissance de Benoîte, ils ont déjà une fille, Madeleine ; une troisième, Marie, naîtra quatre ans plus tard. Le père, Guillaume Rencurel, meurt alors que Benoîte, pleine de vie et de gaieté, a sept ans. Pour la veuve et ses trois filles, cette disparition entraîne la misère matérielle. Il n’y a pas d’école à Saint-Etienne d’Avançon ; aussi Benoîte ne saura-t-elle jamais lire ni écrire. Sa seule instruction vient du sermon de la Messe dominicale ; elle y apprend que Marie est la toute miséricordieuse Mère de Dieu, ce qui éveille en elle le désir de la voir. Benoîte, âme contemplative, aime à prier longuement.

« Je m’appelle Dame Marie »

Apparition Notre-Dame du LausUn jour de mai 1664, la jeune fille, qui est employée comme bergère chez les paysans des environs, garde les brebis dans un vallon dont les pentes sont percées de failles ressemblant à des grottes peu profondes. Benoîte récite son chapelet lorsqu’elle aperçoit une belle Dame sur une roche, tenant par la main un enfant d’une beauté singulière. « Belle Dame ! lui dit-elle, que faites-vous là-haut ? Voudriez-vous goûter avec moi ? J’ai un peu de bon pain, nous le tremperions dans la fontaine ! » La Dame sourit de sa simplicité, et ne lui dit mot. « Belle Dame ! Vous plairait-il de nous donner cet enfant, qui nous réjouirait tant ? » La Dame sourit encore sans répondre. Après être demeurée quelque temps avec Benoîte, elle prend son enfant dans ses bras et disparaît dans l’antre du rocher, où la bergère l’a vue plusieurs fois entrer et sortir.

Quatre mois durant, la Dame se fait voir chaque jour, conversant très familièrement avec la jeune fille. Pour la préparer à sa mission future, elle l’éduque, corrigeant sa vivacité et sa brusquerie, son entêtement et son attachement aux choses et aux animaux. Benoîte raconte ses visions à sa patronne, qui d’abord ne la croit pas, mais qui, un beau matin, la suit secrètement au vallon des Fours. Là, elle ne voit pas la Dame, mais elle entend les paroles que celle-ci adresse à Benoîte.

Or, l’apparition demande à la bergère d’avertir sa patronne des dangers que court son âme : « Sa conscience est en mauvais état. Qu’elle fasse pénitence ! » Touchée, celle-ci se corrige, se remet à fréquenter les sacrements et vit le reste de ses jours très chrétiennement. Le 29 août, Benoîte demande à la visiteuse son nom, et s’entend répondre : « Je m’appelle Dame Marie ». Mais en même temps, la Vierge lui annonce que les apparitions cesseront pendant un temps indéterminé. De fait, Benoîte passe un mois sans voir la Dame ; cette absence, en la privant des consolations sensibles, contribue à purifier son âme.

Chapelle Bon RencontreEnfin un matin, à la fin de septembre, la bergère, qui a arrêté ses moutons et ses chèvres au bord d’une rivière, aperçoit, face à elle, éclatante comme un beau soleil, Dame Marie. Elle se hâte de la rejoindre. Mais le vieux pont de bois qui franchit la rivière est brisé. Elle passe le cours d’eau en montant sur le dos d’une grosse chèvre. Arrivée près de l’apparition, elle demande : « Ma bonne Dame, d’où vient que vous m’avez privée si longtemps de l’honneur de vous voir ? – Désormais, quand vous voudrez me voir, vous le pourrez dans la chapelle qui est au lieu du Laus », répond la Dame, en lui indiquant le chemin à suivre. Le lendemain, Benoîte se rend au hameau du Laus et arrive à la petite chapelle (dite de « Bon Rencontre »). Elle entre aussitôt et voit sur l’autel la Vierge Marie qui la félicite d’avoir bien cherché sans s’être impatientée. Ravie de revoir Notre-Dame, Benoîte est confuse de constater la pauvreté et la malpropreté du lieu ; elle propose de couper son tablier en deux, afin de mettre une nappe sous ses pieds. La Dame lui répond que dans peu de temps, il n’y manquera rien : elle y verra linges, cierges et autres ornements ; elle ajoute qu’elle veut faire bâtir une église en son honneur et en celui de son très cher Fils ; beaucoup de pécheurs et de pécheresses s’y convertiront. Pendant l’hiver 1664-1665, Benoîte monte au Laus très souvent ; chaque jour, elle voit la Vierge qui lui recommande « de prier continuellement pour les pécheurs ». Notre-Dame nous donne à entendre par là que les pécheurs se trouvent dans un état pitoyable. Dieu est offensé par leurs fautes, mais Il veut leur prodiguer sa miséricorde, qui ne peut être acceptée que librement. La nouvelle des apparitions se propage parmi les villageois, à la faveur des veillées, les soirs d’hiver. Dès la Saint-Joseph (19 mars), les pèlerins accourent à Notre-Dame du Laus. Beaucoup ont obtenu des grâces par son intercession ; ils viennent pour se confesser et prendre la résolution de changer de vie.

Le médecin qui sonde la plaie

L’Évangile est la révélation, en Jésus-Christ, de la miséricorde de Dieu pour les pécheurs. Mais, si « Dieu nous a créés sans nous, Il n’a pas voulu nous sauver sans nous » (Saint Augustin). L’accueil de la miséricorde divine réclame de nous l’aveu de nos fautes. Si nous disons : « Nous n’avons pas de péché », nous nous abusons, la vérité n’est pas en nous. Si nous confessons nos péchés, Il est assez fidèle et juste pour remettre nos péchés et nous purifier de toute injustice (1 Jn 1, 8-9) (cf. CEC 1846-1847). Cette confession des péchés est un effet de la grâce, car Dieu, tel un médecin qui sonde la plaie avant de la panser, projette une vive lumière sur le péché. « Reconnaître son péché, et même se reconnaître pécheur, capable de péché et porté au péché, est le principe indispensable du retour à Dieu. C’est l’expérience exemplaire de David qui, après avoir fait ce qui est mal aux yeux du Seigneur, réprimandé par le prophète Nathan, s’écrie : Oui, je connais mon péché, ma faute est toujours devant moi. Contre Toi, et Toi seul, j’ai péché ; ce qui est mal à tes yeux, je l’ai fait » (Jean-Paul II, Exhortation apostolique Reconciliatio et Pænitentia, 2 décembre 1984, n. 13).

Dieu a donné à l’homme la liberté pour L’aimer et Le servir. Le péché, qui est un abus de cette liberté, consiste en tout acte, parole ou désir contraire à la loi de Dieu. Toutefois les péchés n’ont pas tous la même gravité. On distingue péché mortel (ou grave) et péché véniel. Le péché véniel refroidit l’amour de Dieu en nos cœurs sans nous priver de la vie de la grâce. Le péché mortel, en tant qu’infraction grave à la loi de Dieu (par exemple le blasphème, l’idolâtrie, l’irréligion, l’hérésie, le schisme, le parjure, l’avortement, la contraception, l’adultère, la fornication), détourne l’homme de son Créateur, auquel le pécheur préfère un bien créé. Pour qu’un péché soit mortel, une matière grave ne suffit pas ; il est requis également que l’acte soit accompli avec pleine connaissance et de propos délibéré. « Le péché mortel est une possibilité radicale de la liberté humaine comme l’amour lui-même. Il entraîne la perte de la charité et la privation de la grâce sanctifiante, c’est-à-dire de l’état de grâce. S’il n’est pas racheté par le repentir et le pardon de Dieu, il cause l’exclusion du Royaume du Christ et la mort éternelle de l’enfer, notre liberté ayant le pouvoir de faire des choix pour toujours, sans retour » (CEC 1861). L’Apôtre saint Jean décrivait ainsi le sort de ceux qui meurent en état de péché mortel : Pour les lâches, les incrédules, les dépravés, les meurtriers, les impudiques, les magiciens, les idolâtres et tous les hommes de mensonge, leur part est dans l’étang brûlant de feu et de soufre : c’est la seconde mort (Ap 21, 8). Cette vérité prend d’autant plus de relief que, pour chaque être humain, la mort est une certitude, et qu’après la mort, chacun de nous sera jugé. Car il nous faudra tous apparaître à découvert devant le tribunal du Christ, pour que chacun reçoive ce qu’il a mérité, soit en bien soit en mal, pendant qu’il était dans son corps (2 Cor 5, 10). Or, après la mort il n’y aura plus de temps pour se convertir. C’est donc maintenant qu’il faut faire pénitence. « Malheur à ceux qui mourront dans les péchés mortels » (Saint François d’Assise).

Une huile miraculeuse

En septembre 1665, une enquête sur les apparitions du Laus est entreprise par le vicaire général d’Embrun, Antoine Lambert. Celui-ci, après avoir achevé l’interrogatoire de la voyante, célèbre la Messe. Ce matin-là, est présente Catherine Vial, femme gravement atteinte d’une maladie nerveuse à l’origine du repliement de ses jambes, en sorte que les talons touchent le bas du dos. Ses parents ont tout essayé pour la guérir, mais en vain. On a conduit la malade au Laus afin d’y faire une neuvaine à Notre-Dame. Pendant la nuit qui suit la conclusion de la neuvaine, elle peut étendre ses jambes et se sent guérie. Au matin, elle se fait porter à la chapelle, alors que le vicaire général termine la Messe. On crie tout haut « Miracle ! » La Messe achevée, l’ecclésiastique interroge la miraculée et les témoins, puis affirme : « Le doigt de Dieu est là ». Ainsi, le 18 septembre 1665, pour les dix-huit ans de Benoîte, les apparitions et le pèlerinage sont officiellement reconnus par l’autorité diocésaine et, dès l’automne de cette année, on commence la construction d’une église assez grande pour accueillir les pèlerins, de plus en plus nombreux.

Notre-Dame s’est révélée au Laus comme la réconciliatrice et le refuge des pécheurs. Aussi donne-t-elle des signes pour convaincre ceux-ci de la nécessité de se convertir. Elle annonce alors à Benoîte que l’huile de la lampe de la chapelle (qui brûle devant le Saint-Sacrement), opérera des guérisons sur les malades qui s’en appliqueront, s’ils ont recours à son intercession avec foi. De fait, de nombreuses guérisons sont enregistrées en peu de temps : une enfant retrouve l’usage d’un œil ; une personne est guérie d’un ulcère à la main. Encore de nos jours, des miracles se produisent chez des personnes qui, confiantes en l’intercession de Notre-Dame, se servent avec dévotion de l’huile du Laus.

Une planche de salut

Statue en marbre blanc de Carrare de Notre-Dame du LausLa statue en marbre blanc de Carrare, qui domine l’autel principal dans la basilique, fut donnée en 1716 par le sculpteur Honoré Pela, originaire de Gap, qui s’était fixé à Gênes en 1680. Un ex-voto inséré dans le mur du sanctuaire du côté de la sacristie, explique l’origine de ce don. On y lit: « À la plus grande gloire de Dieu, la première fois que j’entrai dans cette église, je sentis une si suave odeur, qu’elle m’obligea de faire présent de cette vierge de marbre, avec obligation du R. P. Prieur de faire dire chaque soir en perpétuité un Salve Regina pour mon âme. Honoré Pela, de Gap. »

Benoîte prend à cœur la mission qu’elle a reçue de la Très Sainte Vierge : préparer les pécheurs à recevoir le sacrement de Pénitence. Aussi, encourage-t-elle souvent les deux prêtres qui sont affectés au sanctuaire à recevoir les pèlerins avec douceur, patience et charité, usant d’une bonté particulière à l’égard des plus grands pécheurs afin de les inciter au repentir. « Le Christ a institué le sacrement de Pénitence pour tous les membres pécheurs de son Église, avant tout pour ceux qui, après le baptême, sont tombés dans le péché grave... C’est à eux que le sacrement de Pénitence offre une nouvelle possibilité de se convertir et de retrouver la grâce de la justification. Les Pères de l’Église présentent ce sacrement comme « la seconde planche de salut après le naufrage qu’est la perte de la grâce ». Dieu seul pardonne les péchés. Parce que Jésus est le Fils de Dieu, Il dit de Lui-même : Le Fils de l’Homme a le pouvoir de remettre les péchés sur la terre et Il exerce ce pouvoir divin : Tes péchés sont pardonnés ! Plus encore : en vertu de sa divine autorité, Il donne ce pouvoir aux hommes pour qu’ils l’exercent en son nom » (CEC 1446, 1441).

Dans ce sacrement, le prêtre, qui tient la place du Christ juge et médecin, doit être informé sur l’état du pénitent. Par conséquent, « il faut que le fidèle, outre la conscience des péchés commis, la contrition et la volonté de ne plus retomber, confesse ses péchés. En ce sens, le Concile de Trente déclarait qu’il était nécessaire, « de droit divin, que l’on confesse tous et chacun des péchés mortels » ». (Jean-Paul II, Motu proprio Misericordia Dei, 7 avril 2002).

Cette obligation n’est pas un poids imposé aux pénitents de manière arbitraire, mais un moyen de libération pour retrouver la paix du cœur. Si, par le péché, nous nous sommes détournés de notre Père du Ciel, le sacrement de pénitence nous permet de revenir vers Lui, de nous jeter dans ses bras miséricordieux. La confession est ainsi l’occasion de retrouvailles amoureuses entre l’enfant et son Père. « Ce n’est pas le pécheur qui revient à Dieu pour Lui demander pardon, mais c’est Dieu qui court après le pécheur et qui le fait revenir à Lui », disait le saint Curé d’Ars.

« Pour recevoir le sacrement de pénitence, il faut trois choses, ajoutait le même saint : la Foi qui nous découvre Dieu présent dans le prêtre, l’Espérance qui nous fait croire que Dieu nous donnera la grâce du pardon, la Charité qui nous porte à aimer Dieu, et qui met au cœur le regret de L’avoir offensé ». Benoîte encourage aussi les confesseurs à avertir les pénitents de ne s’approcher de la Sainte Communion qu’après une bonne confession, préparée par un examen de conscience à la lumière des dix Commandements et du Sermon sur la Montagne. En effet, « celui qui a conscience d’avoir commis un péché mortel ne doit pas recevoir la Sainte Communion, même s’il éprouve une grande contrition, sans avoir préalablement reçu l’absolution sacramentelle » (CEC 1457).

La tâche de Benoîte n’est pas facile ; la Vierge lui demande d’admonester les femmes et les filles qui mènent une vie scandaleuse, allant parfois jusqu’à l’infanticide, les gentilshommes injustes ou pervers, les prêtres et les religieux infidèles à leurs engagements sacrés. Mais la voyante s’en acquitte bien. Elle encourage les pénitents, avertit ceux qui n’osent confesser leurs péchés, et les oriente vers un confesseur approprié. « En célébrant le sacrement de la Pénitence, le prêtre accomplit le ministère du Bon Pasteur qui cherche la brebis perdue, celui du Bon Samaritain qui panse les blessures, du Père qui attend le fils prodigue et l’accueille à son retour, du juste juge qui ne fait pas acception de personnes et dont le jugement est à la fois juste et miséricordieux. Bref, le prêtre est le signe et l’instrument de l’amour miséricordieux de Dieu envers le pécheur » (CEC 1465). Surtout, Benoîte se sacrifie pour les pécheurs et prie pendant qu’ils se confessent. Pour réparer leurs péchés et leur obtenir des grâces, elle s’adonne à des pénitences sévères au point de compromettre sa santé.

Un temps propice pour se réconcilier

Cependant, tous ne voient pas d’un bon œil les événements du Laus ; certains vont jusqu’à attribuer les apparitions au démon. Aussi, une nouvelle enquête diocésaine devient-elle nécessaire ; elle convainc le nouveau vicaire général, Jean Javelly, de la réalité des apparitions. À ceux qui se plaignent que tout le monde s’en va au Laus, il répond : « Ce n’est pas Benoîte qui fait perdre la dévotion (c’est-à-dire la pratique religieuse) de notre Église, ce sont nos péchés qui en sont la cause : par le peu de zèle et de soin que nous avons de la maintenir, la dévotion est allée à l’extrémité du diocèse. Bien loin de l’en retirer, ni de rien faire à cette bonne et sainte fille dont je connais la vertu, nous devons prendre garde que la dévotion n’en sorte (du diocèse d’Embrun), et concourir avec elle pour la conserver là, de peur que nous la perdions tout à fait ». Dans sa prière comme dans son apostolat, Benoîte est sans cesse conseillée par Notre-Dame : « Courage, ma fille ! Prenez patience... faites de bon cœur votre tâche... ne portez aucune haine aux ennemis du Laus ». Son ange gardien l’instruit, lui aussi : « Quand on est joyeux, tout ce qu’on fait est agréable à Dieu ; quand on se fâche, on ne fait rien qui Lui plaise ».

Entre 1669 et 1679, Benoîte est favorisée de cinq apparitions du Christ qui se révèle à elle dans un état de souffrance. Un vendredi de juillet 1673, le Sauveur tout ensanglanté lui dit : « Ma fille, je me fais voir en cet état afin que vous participiez aux douleurs de ma Passion ». Le Seigneur Jésus, en effet, veut associer à son sacrifice rédempteur ceux-là même qui en sont les premiers bénéficiaires (cf. CEC 618). Saint Pierre nous avertit : Il a souffert pour nous, Il nous a tracé le chemin afin que nous suivions ses pas (1 P 2, 21). Le temps de la Passion nous rappelle que ce sont nos péchés qui ont fait subir à Notre-Seigneur le supplice de la Croix. « À coup sûr, ceux qui se plongent dans les désordres et dans le mal crucifient de nouveau dans leur cœur, autant qu’il est en eux, le Fils de Dieu par leurs péchés et le couvrent de confusion (He 6, 6) » (CEC 598). Mais, par sa mort, le Christ nous libère du péché, et par sa Résurrection, Il nous ouvre l’accès à une vie nouvelle. Ainsi, Pâques est-il un temps propice pour recevoir le sacrement de Pénitence et se réconcilier avec Dieu.

« Elle est la cause que je perds tant d’âmes ! »

À partir de 1684, le pèlerinage du Laus connaît son plein essor. Des troupes, en garnison à Gap, se rendent en masse au Laus. Les soldats, saisis par la grâce, se confessent, changent de vie et deviennent des messagers du Laus, dans toute la France et même à l’étranger. Cependant, à ce temps de réussite, succède une période d’épreuves et d’obscurité. Benoîte subit de fortes tentations contre la confiance en Dieu et la chasteté ; le démon l’attaque même physiquement, mais elle, se réfugiant dans la prière, ne cède pas. L’esprit infernal révèle un jour le motif de ces attaques : « Elle est la cause que je perds tant d’âmes », crie-t-il.

Fin juillet 1692, Benoîte et les prêtres du Laus sont obligés de se réfugier à Marseille pour fuir l’invasion des troupes du duc de Savoie qui dévastent la région de Gap. La paix civile finit par se rétablir, mais Benoîte continue à traverser des épreuves purificatrices. En effet, le successeur de l’abbé Javelly, adversaire du pèlerinage du Laus, nomme deux nouveaux responsables du sanctuaire qui ont peu de zèle pour le soin des âmes, et fait publier en chaire que le Laus n’est qu’un abus. À partir de 1700, on interdit à la bergère de parler aux pèlerins, et des menaces pèsent sur sa réputation. Cependant, Benoîte n’est pas sans consolations : elle reçoit souvent la visite de la Sainte Vierge et de son bon Ange, qui la réconfortent. Enfin, en 1711, le pèlerinage est confié à une nouvelle communauté, celle des « Pères gardistes ». Ces prêtres se révèlent être des hommes de prière qui inculquent aux pèlerins du Laus la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus et le recours à Marie, refuge des pécheurs.

Après vingt ans de calvaire, Benoîte peut de nouveau exercer sa mission dans la paix ; une foule de pèlerins vient à elle. Mais tant d’austérités et d’épreuves ont eu raison de sa santé. Alitée depuis plus d’un mois, elle reçoit le saint Viatique le jour de Noël 1718. Trois jours plus tard, elle se confesse et reçoit l’Extrême-Onction, avec grande consolation. Vers huit heures du soir, Benoîte dit adieu à ceux qui l’entourent, puis, ayant baisé un crucifix, les yeux levés au Ciel, elle décède dans la paix et va rejoindre au Ciel son Époux Jésus et sa Très Sainte Mère Marie. La cause de béatification de la Servante de Dieu Benoîte Rencurel, introduite en 1871, a récemment été reprise en main par le diocèse de Gap. Après avoir été administré successivement par les Pères gardistes, les Oblats de Marie Immaculée et les Missionnaires de Notre-Dame du Laus, le sanctuaire est aujourd’hui confié au clergé diocésain, avec l’assistance d’une communauté de Frères de Saint-Jean. Le sanctuaire du Laus est un centre spirituel qui, fidèle à sa mission, accueille des pèlerins venus se mettre sous la protection maternelle de Marie et recevoir le sacrement du pardon.

Demandons à la Mère de Miséricorde de renouveler chez les chrétiens l’estime et la fréquentation de ce sacrement qui est un moyen privilégié, institué par le Sauveur lui-même, pour recouvrer la grâce de Dieu et la paix de l’âme.

Dom Antoine Marie osb, abbé

Sanctuaire de Notre-Dame du LausLe sanctuaire de Notre-Dame du Laus, près de Gap, dans le département des Hautes-Alpes, au sud-est de la France

Reproduit avec la permission de l’Abbaye Saint Joseph de Clairval, en France, qui publie chaque mois une lettre spirituelle sur la vie d’un saint. Adresse postale : Abbaye Saint Joseph de Clairval, 21150 Flavigny sur Ozerain, France. Site internet : www.clairval.com.

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