Naissance de Jésus selon les visions d'Anne-Catherine Emmerich
Marie et Joseph partirent pour Bethléem. Je vis, au moment du départ, Joseph dire qu'il avait en cette ville des amis dévoués et qu'ils seraient certainement bien reçus. Après un voyage très pénible, Marie et Joseph pénétrèrent à Bethléem. Ils allaient de maison en maison, sans que dans aucune on voulût les recevoir. Joseph était tout attristé. La même chose se renouvela à plusieurs reprises. Marie eût bien longtemps à attendre.
Marie resta avec l'âne à l'entrée d'une rue, tandis que Joseph continuait à chercher un logement ; toutes recherches furent inutiles. Joseph revint tellement peiné, qu'il osait à peine s'approcher d'elle. Il lui dit que tout était inutile, mais qu'il connaissait une grotte où les bergers se retiraient souvent avec leurs troupeaux lorsqu'ils venaient à Bethléem, et que là, du moins, ils trouveraient un abri. Ce lieu lui était connu dès son enfance, car, lorsque ses frères le tourmentaient, il s'y était réfugié pour y prier. Si les bergers venaient, il s'entendrait facilement avec eux.
La grotte était creusée dans le roc par la nature ; seulement du côté du midi, où passait le sentier du vallon des bergers, on avait élevé un mur grossièrement travaillé.
C'était dans la partie orientale de cette grotte, en face de l'entrée, que se tenait la sainte Vierge au moment où naquit de son sein la lumière du monde. Dans la partie méridionale se trouvait la crèche où fut adoré l'enfant Jésus. La crèche n'était qu'une auge creusée dans la pierre, et qui servait à donner à boire aux bestiaux.
Le jour baissait déjà lorsque Joseph et Marie arrivèrent dans la grotte. L'ânesse, qui les avait quittés, revint au-devant d'eux, exprimant sa joie en bondissant. Alors Marie dit à Joseph : « Voyez, c'est certainement la volonté de Dieu que nous descendions ici. »
Joseph se hâta de déblayer la grotte. Il vint à bout de préparer en sa partie orientale un espace assez commode. Après avoir allumé une lampe, il y introduisit Marie, qui s'assit sur la couche qu'il avait soigneusement disposée au moyen de couvertures. Joseph lui témoigna encore son profond regret de n'avoir qu'un pauvre gîte à lui offrir ; mais Marie, au fond de son âme, était satisfaite et joyeuse.
Après avoir amené l'âne et l'avoir attaché assez loin pour qu'il ne causât aucune gêne, Joseph étendit, devant les ouvertures de la voûte, des couvertures qui les garantirent de l'air extérieur ; puis il s'arrangea une couche près de la porte de la grotte.
Dès que le sabbat eut commencé, il récita, avec la sainte Vierge, les prières ordonnées par la loi. Après une légère collation, il s'en alla vers la ville.
Marie s'agenouilla, fit sa prière du soir et se coucha sur le côté, la tête soutenue par un de ses bras qui reposait sur le chevet. La nuit était déjà avancée quand Joseph rentra ; il se mit bientôt en prière, puis il alla prendre du repos, sur le lit qu'il s'était fait.
Marie avait prévenu Joseph que la naissance de l'enfant aurait lieu à minuit, heure à laquelle se terminait les neuf mois écoulés, depuis que l'ange du Seigneur l'avait saluée. Elle l'avait prié de ne rien épargner pour recevoir et honorer dignement, à son entrée dans le monde, l'enfant promis par le Seigneur et surnaturellement conçu. Elle voulût qu'il priât avec elle pour tous ceux qui avaient si durement refusé de les recevoir.
Joseph proposa à la sainte Vierge de faire venir de Bethléem pour l'assister, deux pieuses femmes qu'il connaissait ; mais elle répondit qu'elle n'avait besoin du secours de personne.
Avec des perches et des nattes, il fit pour Marie une tente séparée du reste de la grotte et de la place qu'il s'était réservée, puis il remplit la crèche d'herbes et de mousse, et y posa une couverture.
Alors la sainte Vierge lui annonça que le moment de sa délivrance était très proche, et lui demanda d'aller prier. Joseph, avant de s'éloigner, suspendit plusieurs lampes à la voûte de la grotte.
Puis il sortit et trouva la jeune ânesse qui bondissait joyeuse autour de lui. Il l'attacha et lui donna du fourrage.
En rentrant dans la grotte, Joseph jeta les yeux sur la sainte Vierge ; il la vit qui priait, agenouillée sur sa couche ; elle lui tournait le dos, et avait le regard fixé sur l'orient. Elle était tout entourée de lumière surnaturelle qui remplissait la grotte entière. Il regarda ces flammes, comme autrefois Moïse le buisson ardent ; puis saisi d'une sainte frayeur, il se retira dans son réduit et s'y prosterna la face contre terre.
Je vis la lumière qui entourait Marie devenir de plus en plus éclatante ; la lueur des lampes allumées par Joseph s'était éclipsée.
Vers minuit, la sainte Vierge entra en extase, et je la vis élevée au-dessus de terre ; elle avait alors les mains croisées sur la poitrine, et sa large robe flottait autour d'elle en plis onduleux. La splendeur qui l'environnait augmentait sans cesse. La voûte, les parois et le sol de la grotte, comme vivifiés par la lumière divine, semblaient éprouver une émotion joyeuse. Mais bientôt la voûte disparut à mes yeux ; un torrent de lumière, qui allait toujours croissant, se répandit de Marie jusqu'au plus haut des cieux.
Au milieu d'un mouvement merveilleux de gloires célestes, je vis descendre des chœurs angéliques, qui, en s'approchant, se montrèrent sous une forme de plus en plus distincte.
La sainte Vierge, élevée en l'air dans son extase, abaissait ses regards sur son Dieu, adorant Celui dont elle était devenue la mère et qui, sous l'aspect d'un frêle enfant nouveau-né, était couché sur la terre devant elle.
Je vis notre Sauveur comme un petit enfant lumineux, dont la splendeur effaçait toute lumière autour de lui, couché sur le tapis, aux pieds de la sainte Vierge ; il me semblait d'abord qu'il était tout petit, puis il parut grandir à mes yeux ; mais toute cette splendeur m'éblouissait tellement, qu'il m'est bien difficile d'exprimer ce que j'ai vu.
La sainte Vierge toujours en extase déposa un linge sur l'enfant, mais sans le toucher encore et le prendre dans ses bras. Ce ne fut que lorsqu'il commença à pleurer que Marie, revenant à elle, le prit, l'enveloppa et le pressa sur son cœur. Je vis alors tout autour d'elle, une foule d'anges, sous la forme humaine, se prosterner devant l'enfant et l'adorer. (Saint Bonaventure, dans sa Vie de Notre-Seigneur, dit que tous les chœurs des anges vinrent, successivement et selon leur ordre, pour l'adorer. Ainsi fut vérifié la parole de David citée par saint Paul : « Lorsqu'll introduit son premier-né dans le monde, il dit « que tous ses anges l'adorent. » (Rom. ch I, v 6)).
Il s'était écoulé une heure depuis la naissance de l'enfant, lorsque Marie appela Joseph, qui priait encore le front dans la poussière. Il vint, et se prosterna, plein de joie, de ferveur et de crainte. Ce ne fut que lorsque Marie l'eut invité à presser contre son cœur le don sacré de Dieu, qu'il se leva, prit l'enfant dans ses bras et rendit grâce au Ciel, les yeux baignés de larmes.
Ils déposèrent ensuite l'enfant dans la crèche. Tous deux restèrent là, chantant des hymnes de joie, les yeux baignés de larmes. Je vis Marie, avant et après la naissance du Sauveur, sous un vêtement blanc dont elle était tout enveloppée. (« C'était sans doute un symbole de sa virginité dans la maternité divine » A. C. Emmerich). Elle était là, assise ou agenouillée, debout ou couchée, mais jamais malade, ni fatiguée.
Après la naissance de Jésus, les trois chefs des bergers, réveillés par des impressions mystérieuses, regardèrent autour d'eux et virent avec étonnement une lueur merveilleuse placée au-dessus de la grotte de la crèche. Je vis aussi ceux des leurs s'agiter, et regarder du côté de la crèche. Comme les trois premiers avaient les yeux tournés vers le ciel, une nuée lumineuse s'abaissa vers eux ; j'y vis un grand mouvement de formes et de figures, et j'entendis de plus en plus distinctement des chants d'une douceur et d'une harmonie ravissantes. Les bergers furent d'abord remplis de crainte, mais bientôt un ange se présenta à eux et leur dit :
« Ne craignez rien, car je viens vous annoncer une grande joie pour tout le peuple d'Israël. Aujourd'hui il vous est né un Sauveur dans la cité de David : c'est le Seigneur Christ, et voici le signe auquel vous le reconnaîtrez : Vous trouverez un enfant enveloppé de langes et couché dans une crèche. » Tandis que l'ange annonçait ces choses, une lueur splendide allait toujours croissant, et je le vis alors entouré de cinq ou sept figures d'anges, grandes, belles et lumineuses, qui louaient Dieu et chantaient :
« Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté. »
Alors les bergers se consultèrent pour savoir ce qu'il convenait d'offrir au nouveau-né, et préparèrent leurs présents aussi promptement qu'il leur fut possible. Ils n'arrivèrent à la crèche qu'au lever du soleil.
À l'heure de la naissance de Jésus, les rois mages eurent une apparition merveilleuse. Ils virent, au-dessus de la lune, qui était dans sa croissance, un bel arc-en-ciel, sur lequel une vierge était assise. À gauche de la vierge, il y avait un cep de vigne ; à droite une gerbe d'épis de froment, et devant elle un calice semblable à celui dont Notre-Seigneur se servit quand il fit la cène avec ses disciples. De ce calice, ils virent s'élever un petit enfant, au-dessus duquel brillait un disque rayonnant de lumière, semblable à un ostensoir. Du côté droit de l'enfant s'échappa une branche, d'où parut sortir une église octogone, ayant une grande porte dorée et deux petites portes latérales. La vierge, qui tenait le calice dans sa main droite, le plaça, avec l'enfant et l'hostie, dans l'église, qui alors me parut très vaste. Au fond, j'aperçus une manifestation de la sainte Trinité ; enfin, je la vis se transformer en une cité brillante, image de la Jérusalem céleste. Les rois, à cette apparition, éprouvèrent une joie indicible. Ils réunirent leurs trésors et leurs présents et se mirent en chemin. Ah ! combien a été grande la miséricorde de Dieu envers les païens.
Les trois chefs des bergers arrivèrent à la crèche avec leurs présents. Ils frappèrent timidement à la porte de la grotte. Joseph les accueillit avec bonté. Ils lui racontèrent ce que leur avaient annoncé les anges : lui dirent qu'ils venaient rendre hommage à l'enfant de la promesse et lui présenter leurs modestes offrandes. Joseph accepta leurs dons avec une pieuse reconnaissance, et les conduisit à la sainte Vierge. Les bergers se prosternèrent humblement. Dans le ravissement de leur joie, ils demeurèrent longtemps muets ; puis enfin, ils chantèrent l'hymne qu'ils avaient entendu chanter aux anges. La très sainte Vierge leur mit à tous Jésus dans les bras. Après l'avoir adoré, ils lui rendirent en pleurant. (Cette action symbolisait le grand rôle de la sainte Vierge qui est d'être Mère de la divine grâce. C'est toujours par elle que nous recevons Jésus.)
D'autres bergers se rendirent à la crèche. Ils rendirent leurs hommages à la mère et à l'enfant ; puis ils s'agenouillèrent et chantèrent le « Gloria in excelsis », des psaumes et quelques cantiques ; je me souviens des paroles suivantes, que je chantai avec eux : « Ô petit enfant, vermeil comme la rose, tu parais comme un messager de salut ! » Après avoir ainsi adoré le nouveau-né, ils se courbèrent au-dessus de la crèche comme pour l'embrasser.
Les jours suivants, les trois premiers bergers aidèrent saint Joseph à arranger plus commodément la grotte de la crèche. Plusieurs femmes pieuses offrirent leurs services à la sainte Vierge. Sainte Anne envoya de Nazareth une de ses parentes.
Bientôt la nouvelle de l'apparition de l'ange aux bergers, à l'heure de la naissance de Jésus, se répandit dans le pays ; tous les braves gens des vallées entendirent parler du merveilleux enfant de la promesse, et ils vinrent tous, les uns après les autres, pour lui rendre leurs hommages et leurs cadeaux. La sainte famille ne garda pour elle qu'une faible partie des provisions abondantes apportées par les bergers ; le reste fut bientôt distribué aux pauvres.
Le cortège des trois Rois Mages sortit de la ville par la porte du sud. Une troupe d'hommes les suivit jusqu'au ruisseau qui coule de ce côté. Quand ils l'eurent passé, ils s'arrêtèrent un peu pour retrouver leur étoile. Alors ils l'aperçurent et, transportés de joie, ils continuèrent leur route en chantant. Le chemin de traverse qu'avaient pris les rois était solitaire : Dieu les conduisit sans doute par cette voie peu fréquentée, pour qu'ils puissent arriver à Bethléem vers le soir et sans bruit. Au crépuscule du soir, le cortège des Rois arriva devant Bethléem, arrivés dans la vallée qui s'étend derrière la grotte de la crèche, ils descendirent de leurs montures. Les rois virent l'étoile réapparaître, claire et brillante, au-dessus de la colline de la crèche ; elle répandait une profusion de lumière. Elle semblait s'incliner vers la grotte, et en même temps grossir de plus en plus ; ils la contemplèrent avec un profond étonnement. Tout à coup, une joie immense envahit leur âme, car ils virent dans la lumière, la figure resplendissante d'un enfant.
Puis les trois rois se dirigèrent vers la colline et découvrirent la porte de la grotte. Le premier roi l'ouvrit et vit la grotte remplie d'une lumière divine ; la Vierge était assise au fond, avec l'enfant dans ses bras, telle qu'en leurs visions, elle leur était apparue à ses compagnons et à lui.
Il revint aussitôt le dire aux deux autres rois. Aussitôt, il se préparèrent pour leur auguste cérémonie. Ils mirent de grands et magnifiques manteaux à longue queue, qui flottaient autour d'eux et brillaient comme brille la soie écrue : c'était leur costume ordinaire dans les solennités religieuses. Saint Joseph les conduisit d'abord sous l'auvent placé devant la grotte où ils déposèrent des présents. Ils ôtèrent leurs sandales et Joseph leur ouvrit la porte. Lorsqu'ils entrèrent, ils étaient comme ravis d'émotion et de ferveur, et éblouis par la lumière qui remplissait la grotte ; et cependant, il n'y avait là d'autre flambeau que la Lumière du monde. Marie se tenait à gauche de l'enfant Jésus qui reposait au lieu même où il était né, dans une auge, couverte d'un tapis et placée sur une estrade. Quand elle aperçut les mages, elle se redressa, elle mit son grand voile, et en enveloppa aussi l'enfant Jésus, qu'elle prit dans ses bras. Le premier roi s'agenouilla, et, déposant les présents devant lui, il rendit hommage à l'enfant dans les termes les plus touchants, les mains croisées sur la poitrine et la tête inclinée. Pendant ce temps, Marie avait découvert le haut du corps de l'enfant, qui du milieu de l'espèce d'auréole que formait le voile, regardait avec un aimable sourire ; elle soutenait sa petite tête de l'une de ses mains, et l'entourait de l'autre bras. Il tenait ses petites mains jointes sur sa poitrine, ou les tendait gracieusement devant lui.
Oh ! qu'ils étaient heureux de l'adorer, ces chers hommes d'Orient ! L'un d'eux tira de sa bourse une poignée de lingots d'or, qu'il plaça humblement sur les genoux de la sainte Vierge. Elle accepta l'or, le remerciant avec bonté. Il offrit ces lingots d'or pur, parce qu'il était rempli de foi et qu'il cherchait la vérité avec un zèle persévérant et infatigable.
Puis le deuxième roi, le brun, s'approcha avec sa suite, il s'agenouilla avec une profonde humilité, il présenta son offrande, qu'il accompagna de paroles touchantes. C'était un encensoir d'or, plein de petits grains résineux de couleur verdâtre ; il le plaça sur la table, devant l'enfant Jésus. Il donna l'encens, parce qu'il était un homme soumis avec respect et de tout son cœur à la volonté de Dieu, qu'il servait avec zèle. Il resta longtemps agenouillé en prière, avant de se retirer.
Après, vint le plus âgé des rois, déjà raidi par la vieillesse, il ne pouvait plier les genoux ; il se tint debout, mais le corps prosterné. Il plaça sur la table un vase d'or, surmonté d'une belle plante verte. C'était une myrrhe, arbuste à tige droite, couronné de jolies fleurs blanches, formant de petits bouquets frisés. Il offrit la myrrhe, parce qu'elle est le symbole de la mortification et de la victoire sur les passions. Sa profonde émotion le retint très longtemps près de Jésus.
Les paroles des rois et des gens de leur suite étaient très simples et fort touchantes. En se prosternant et en offrant leurs dons, ils parlaient à peu près ainsi : « Nous avons vu son étoile ; nous savons qu'il est le Roi de tous les rois ; nous venons l'adorer et lui offrir nos humbles présents, etc. » Ils étaient tous embrasés d'amour, enivrés de bonheur, et dans leurs naïves et ardentes prières, ils recommandaient à l'enfant Jésus leurs personnes, leurs familles, leurs pays, leurs biens et tout ce qui avait du prix pour eux sur la terre. Ils offraient au Roi nouveau-né leurs cœurs, âmes, pensées et actions. Ils le priaient de les éclairer, de perpétuer en eux la vertu, la paix, l'amour et la pure félicité. Ils étaient transportés de ferveur, et des larmes de joie jaillissaient de leurs yeux, ruisselant le long de leurs joues et de leurs barbes. Depuis des milliers d'années, leurs ancêtres avaient si fidèlement dirigé leurs regards, leurs espérances et leurs soupirs vers cette étoile qui les a dirigés vers Bethléem. Toutes les joies de la promesse accomplie après tant de siècles étaient réunies en eux. Jamais on avait vu Marie et Joseph si heureux et si émus. Ils joignirent leur adoration à celle des rois. La gloire de Jésus était leur bonheur.