Nous publions ces lignes dans l'espoir que du haut du Ciel, Mère Marie-Anne, munie de moyens célestes, suscitera de saintes âmes qui redonneront au Québec, des écoles catholiques pour la formation spirituelle et intellectuelle de nos enfants. Les écoles du Ministère de l'Éducation qui a fait disparaître tout enseignement religieux, sont un monumental fiasco en fait d'éducation. Cela n'a pas de bon sens d'endurer un tel système scolaire dans notre province catholique de Québec, cela n'a pas de bon sens !
Le 29 avril 2001, les Sœurs de Sainte-Anne avaient la joie de voir monter sur les autels, leur sainte fondatrice Mère Marie-Anne, qui a été béatifiée par S.S. le Pape Jean-Paul II. La « grande oubliée » est maintenant sortie de l'ombre.
Esther Blondin, en religion « Sœur Marie-Anne », naît le 18 avril 1809, à Terrebonne (Québec, Canada), actuellement une banlieue de Montréal. Ses parents, Jean-Baptiste Blondin et Marie-Rose Limoges, cultivateurs de modeste condition, mais profondément chrétiens, habitent dans le rang de la Côte de Terrebonne, en bordure de la rivière des Mille-Isles. Esther hérite de sa mère d'une piété envers la Providence et l'Eucharistie et, de son père, d'une foi solide et d'une grande patience dans la souffrance. Elle a aussi un cœur compatissant pour les pauvres.
Esther et sa famille sont victimes de l'incurie du système scolaire de l'époque, à 20 ans, elle ne sait pas encore lire. À 22 ans, elle s'engage comme domestique au couvent des Sœurs de la Congrégation de Notre-Dame, nouvellement arrivées dans son village. Un an plus tard, elle s'y inscrit comme pensionnaire pour apprendre à lire et à écrire. On la retrouve ensuite au noviciat de cette même Congrégation qu'elle doit cependant quitter, à cause d'une santé trop fragile.
En 1833, Esther devient institutrice à l'école du village de Vaudreuil. Ses expériences quotidiennes lui révèlent les déficiences de l'enseignement rural, où les enseignantes qualifiées font généralement défaut, parce que les institutrices laïques se mariaient et quittaient l'enseignement pour se vouer à leur foyer.
C'est pourquoi Esther décide de fonder elle-même une congrégation religieuse. Dans un ordre religieux, les enseignantes seraient stables, elles prendraient de l'expérience et l'enseignement deviendrait plus efficace.
En 1848, Esther a l'audace de soumettre à son évêque, Monseigneur Ignace Bourget, le projet qu'elle nourrit dans son cœur : celui de fonder une Congrégation religieuse « pour l'éducation des enfants pauvres des campagnes ». Le projet est novateur pour l'époque ! Mais l'évêque autorise un modeste essai.
La Congrégation des Sœurs de Sainte-Anne est fondée à Vaudreuil, le 8 septembre 1850 et Esther - désormais appelée « Mère Marie-Anne » - en devient la première supérieure.
Le recrutement rapide de la jeune Congrégation requiert très tôt un déménagement.
À l'été de 1853, Monseigneur Bourget transfère la Maison mère à Saint-Jacques-de-l'Achigan.
Malheureusement, le nouvel aumônier, l'abbé Louis-Adolphe Maréchal, s'ingère de façon abusive dans la vie interne de la communauté. Après une année de conflit entre l'aumônier et la supérieure, croyant protéger les droits des sœurs, le 18 août 1854, Monseigneur Bourget prie Mère Marie-Anne de se démettre de ses fonctions de supérieure. Il convoque des élections et exige de Mère Marie-Anne de « ne plus accepter le mandat de supérieure, si ses sœurs veulent la réélire ». Privée du droit que lui donne la Règle de la Communauté d'être réélue, Mère Marie-Anne obéit à son évêque qu'elle considère comme l'instrument de la Volonté de Dieu sur elle. Et elle « bénit mille fois la divine Providence de la conduite toute maternelle qu'elle tient à son égard, en la faisant passer par la voie des tribulations et des croix ».
Nommée alors directrice au Couvent de Sainte-Geneviève, Mère Marie-Anne devient une cible de harcèlement de la part des nouvelles autorités de la Maison mère, sous l'influence de l'aumônier Maréchal. Sous prétexte de mauvaise administration, on la ramène à la Maison mère en 1858, avec la consigne de prendre les moyens pour qu'elle ne nuise à personne ». Depuis cette nouvelle destitution et jusqu'à sa mort, elle est tenue à l'écart de toute responsabilité administrative. On l'écarte même des délibérations du conseil général. Affectée aux plus obscurs travaux de la buanderie et du repassage, elle mène une vie de renoncement total, qui assure la croissance de sa Congrégation.
C'est le paradoxe d'une influence qu'on a voulu neutraliser : dans les caves obscures de la buanderie de la Maison mère, de nombreuses générations de novices recevront de la Fondatrice l'exemple d'une vie d'obéissance, d'humilité et de charité héroïques. À une novice qui lui demandait un jour pourquoi elle, la Fondatrice, était maintenue dans de si modestes emplois, elle s'est contentée de répondre avec douceur : « Plus un arbre enfonce ses racines profondément dans le sol, plus il a de chances de grandir et de porter du fruit ».
L'attitude de Mère Marie-Anne, face aux situations d'injustice dont elle fut victime, nous permet de découvrir le sens évangélique qu'elle a toujours donné aux événements de sa vie. Comme le Christ passionné pour la Gloire de son Père, elle n'a cherché en tout que « la Gloire de Dieu » qu'elle a donnée comme but à sa communauté. « Faire connaître le bon Dieu aux enfants qui n'avaient pas le bonheur de le connaître », c'était pour elle un moyen privilégié de travailler à la Gloire de Dieu. Dépouillée de ses droits les plus légitimes, spoliée de sa correspondance personnelle avec son évêque, elle cède tout, sans résistance, attendant de Dieu le dénouement de sa fondation, sachant que « dans sa Sagesse, il saura discerner le vrai du faux et récompenser chacun selon ses œuvres »,
Empêchée de se laisser appeler « mère » par les autorités qui lui ont succédé, Mère Marie-Anne ne s'attache pas jalousement à son titre de Fondatrice ; elle accepte plutôt l'anéantissement, comme Jésus, « son Amour crucifié », pour que vive sa communauté. Elle ne renonce pas pour autant à sa mission de mère spirituelle de sa Congrégation ; elle s'offre à Dieu « pour expier tout le mal qui s'est commis dans la communauté » ; et elle demande tous les jours à sainte Anne, « pour ses filles spirituelles, les vertus nécessaires aux éducatrices chrétiennes »,
Comme tout prophète investi d'une mission de salut pour les siens, Mère Marie-Anne a vécu la persécution, en pardonnant sans restriction ; car elle était convaincue qu'il y a « plus de bonheur à pardonner qu'à se venger ». Ce pardon évangélique était pour elle le garant de « la paix de l'âme qu'elle tenait pour le bien le plus précieux » ; et elle en donna un ultime témoignage sur son lit d'agonie, en demandant à sa supérieure de faire venir l'abbé Maréchal « pour l'édification des sœurs »,
Sentant venir sa fin, Mère Marie-Anne lègue à ses filles, en guise de testament spirituel, ces quelques mots qui résument bien toute sa vie : « Que l'Eucharistie et l'abandon à la volonté de Dieu soient votre ciel sur la terre ». Puis elle s'éteint paisiblement à la Maison mère de Lachine, le 2 janvier 1890, « heureuse de s'en aller chez le bon Dieu » qu'elle avait servi toute sa vie.