Benoît Lavaud a écrit un magnifique livre sur la doctrine sacrée du Mariage, chef d'œuvre publié en 1937. L'enseignement de l'Église basé sur la doctrine du christianisme est immuable. Nous citons des extraits du livre de Benoît Lavaud :
"Les biens qui donnent sa bonté au mariage, explique saint Augustin dans « De bono Conjugali», sont l'enfant, la fidélité et le sacrement."
Le premier bien : l'enfant — "La foi, dit saint Augustin, exclut toute relation en dehors du mariage. L'enfant, il faut qu'il soit reçu avec amour, nourri avec bonté, religieusement éduqué. Le Sacrement interdit la rupture du lien et défend au conjoint abandonné ou renvoyé de conclure une autre union, même pour avoir des enfants." (De Genesi ad litteram, 1. IX, 7 Edit. Vind. p. 275-6)
Le troisième bien du mariage est celui que saint Augustin désigne par le mot sacramentum. Ce mot évoque à la fois l'indissolubilité du lien, et la consécration du contrat ou son élévation à la dignité de signe efficace de la grâce.
Les paroles divines : "Ce que Dieu a uni que l'homme ne le sépare pas" ont été dites du premier mariage, prototype de tout mariage futur, et donc les concernent tous, nécessairement en principe. Les écrits de Pie VI le confirment :
"Même dans l'état de nature, en tout cas bien avant d'être élevé à la dignité de sacrement proprement dit, le mariage a été institué par Dieu de telle sorte qu'il porte avec lui un lien perpétuel et indissoluble, tel par conséquent qu'aucune loi civile ne peut le rompre. On peut concevoir le mariage sans sacrement. Le mariage entre infidèles ne saurait être sacramentel, mais ce mariage, lorsqu'il est véritable, valide, comporte en fait le lien perpétuel, de droit divin, soustrait comme tel au pouvoir civil. De deux choses l'une : ou bien l'on suppose que le mariage est valide et il l'est en effet, il est alors, de droit divin, perpétuel et indissoluble (du moins par l'État) ; ou bien l'on suppose qu'il ne comporte pas de lien perpétuel, et ce n'est pas un vrai mariage, mais une union légitime, contraire à la loi divine, qu'on ne peut licitement contracter, dans laquelle on n'a pas le droit de rester." (Rescript. ad Episc. Agriens. (Eger, ou Erlau, Hongrie), 11 juli 1789)
Il y a d'apparentes exceptions, d'ailleurs très rares, à cette indissoluble fermeté du lien conjugal. Le mariage naturel entre infidèles. Le mariage contracté mais non consommé entre fidèles, peuvent être rompus. Mais ces exceptions ne sont le fait d'aucune volonté, d'aucun pouvoir purement humains. Elles relèvent du droit divin, dont l'Église seule est la gardienne et l'interprète.
Le mariage entre infidèles peut être dissous par l'application du privilège paulinien : quand, de deux époux païens, l'un se convertit et reçoit le baptême, l'autre restant dans l'infidélité ou refusant de respecter la conscience de l'autre et la foi de son conjoint fidèle, celui-ci peut le quitter et contracter une autre union qui rompra définitivement le lien de la première et libérera le conjoint infidèle (Cf. I Cor. VII, 13-17) ;— soit par dispense pontificale, l'Église ayant reçu de Notre-Seigneur le pouvoir de dissoudre les mariages contractés dans l'infidélité, lorsque l'un des conjoints est devenu son enfant, par le baptême. Nous verrons, que si tous les deux se font baptiser, leur mariage légitime devient un mariage ratum et en suit la loi. Consommé comme tel, il est strictement indissoluble. (Le privilège paulinien ne s'applique pas au mariage contracté par un baptisé avec un non baptisé avec la dispense de l'empêchement de disparité de culte.)
Le mariage ratifié, non consommé, est dissous par la profession religieuse solennelle d'une des parties ou bien par dispense pontificale qui n'est donnée que si la non-consommation est juridiquement prouvée. Et cette preuve en certains cas, est extrêmement difficile à faire. La certitude morale de la non-consommation n'est pas l'équivalent d'une preuve juridique.
Ce pouvoir (de rompre un lien conjugal), pour aucun motif, l'Église ne peut l'exercer sur un mariage chrétien ratifié et consommé. Quand l'alliance matrimoniale a été ainsi achevée, parfaite, alors, de par la volonté de Dieu, la fermeté indissoluble atteint sa perfection, qui la soustrait à toute autorité humaine.
L'effet indubitable, dit Saint Augustin, de ce sacrement est que l'homme et la femme unis en mariage demeurent ensemble inséparablement toute leur vie, et que, sauf pour cause d'adultère, il n'est pas permis aux époux de se séparer l'un de l'autre. C'est ce qui se réalise entre le Christ et l'Église. Le Christ vivant ne pourra jamais, par aucun divorce, se séparer de l'Église vivante. On observe fidèlement ce mystère dans la cité de notre Dieu, sur la montagne sainte, c'est-à-dire entre époux mariés dans l'Église du Christ et qui sont ses membres. Aussi, bien que les femmes se marient et que les hommes les épousent pour mettre au monde des enfants, n'est-il jamais permis de quitter une épouse stérile pour en prendre une autre féconde. Si quelqu'un le faisait néanmoins, il serait coupable d'adultère, non devant la loi civile, qui permet, après le divorce, de contracter un autre mariage, mais devant la loi évangélique. Et pareillement la femme abandonnée, si elle épouse un autre homme. Le mariage une fois contracté, le droit matrimonial unit à ce point les époux vivants que, divorcés et respectivement unis à d'autres, ils n'en demeurent pas moins époux l'un de l'autre, au lieu de devenir respectivement époux de leur nouveau conjoint." (De Nuptils et Concupiscentia », 1, I, cap. X Corp. Patr. Lat., t. XLII, p.222-3).
Des princes essayèrent d'obtenir du Pape l'annulation d'un mariage valide, le divorce et le droit de contracter un autre mariage, et cela non pas toujours uniquement pour la satisfaction d'une passion ( ils ne se gênaient guère pour la satisfaire par l'adultère), mais pour sauver des intérêts dynastiques estimés capitaux dans l'ambiance politique. Les résistances de Nicolas à Lothaire, d'Urbain II, de Pascal II, à Philippe-Auguste, de Clément VII et de Paul III à Henri VIII d'Angleterre, de Pie VII à Napoléon 1er, sont aussi émouvantes que célèbres. Ces potentats ne purent faire fléchir le Vicaire de Jésus-Christ. Non pas que le Pape, quel que fût son nom ou son caractère privé, ses vertus ou ses défauts personnels, n'ait jamais voulu imposer sa volonté, refuser une grâce qu'il eût pu accorder, mais parce que, Vicaire du Christ, il ne se reconnaissait pas le droit de violer une loi du Christ.
Napoléon 1er put vaincre la résistance d'évêques courtisans, il n'arracha pas à Pie VII, vieillard désarmé et captif, la sentence de divorce... Si l'Église ne s'est jamais reconnu le droit, pour quelque motif que ce soit, même pour prévenir le schisme ou l'hérésie et la défection de peuples entiers de l'unité catholique, de rompre l'union conjugale consommée de deux baptisés, c'est que le Christ ne lui avait pas donné ce pouvoir, c'est que, dans le mystère de l'Église, le mariage des chrétiens, devenu par sa consommation en la chair, le symbole expressif de l'union indissoluble du Verbe avec l'humanité, ne peut être rompu que par la mort, qui dissout la chair même où le mariage est consommé.
Les définitions du Concile de Trente valent dans l'Église de Jésus-Christ par la suite des siècles. Les mœurs pourront changer, les civilisations évoluer, les codes civils introduire, élargir le divorce, ces anathèmes sont et seront ratifiés dans le Ciel par Celui qui a dit : "Qui vous écoute, m'écoute ; qui vous méprise, me méprise."
"Si quelqu'un dit que le lien du mariage peut être rompu pour cause d'hérésie, de cohabitation pénible ou d'absence affectée de l'un des conjoints, qu'il soit anathème ; et si quelqu'un dit que l'Église se trompe quand elle enseigne, comme elle a toujours enseigné, suivant la doctrine de l'Évangile et des Apôtres, que le lien du mariage ne peut être dissous par le péché d'adultère de l'une des parties ; et que, ni l'un ni l'autre, même l'époux innocent ne peut, du vivant de l'autre époux, contracter un autre mariage, et que celui qui, ayant renvoyé sa femme adultère en prend une autre, commet un adultère, et pareillement celle qui, ayant renvoyé son époux, s'est unie à un autre, qu'il soit anathème I (Conc. Trid. sess. XXIV, Ch. VII).
Mais, disent des chrétiens, l'Évangile lui-même n'autorise-t-il pas le divorce. et le remariage au moins en un cas : "Si quelqu'un renvoie sa femme sauf pour impudicité et en épouse une autre... ? Il autorise donc à la renvoyer.
À la renvoyer, oui, mais non à en prendre une autre. L'exception est après : si quelqu'un renvoie sa femme, et non pas après : et en épouse une autre. Le renvoi légitime ne brise pas le lien. L'exception porte sur le renvoi, non sur le remariage. Le sens est : quiconque renvoie sa femme — ce qui n'est permis que pour son inconduite — et en épouse une autre est adultère. Et non pas : qui renvoie sa femme et en épouse une autre — à moins que ce ne soit pour inconduite — est coupable d'adultère.
Une autre objection, d'ordre non plus exégétique, mais plutôt humanitaire ou sentimental, court le monde. Il est beau assurément de maintenir un principe, mais une doctrine est inhumaine qui ne fournit pas de remède à certaines situations intenables. Comment l'Église catholique peut-elle se résoudre au malheur de ceux pour qui le lien conjugal devient une lourde chaîne, le mariage une prison, une geôle de misère et de haine ?
Remarquons d'abord que le reproche ne s'adresserait pas seulement à l'Église, mais à Jésus-Christ. L'Église ne défend pas ici une loi qu'il lui serait permis, l'ayant faite elle-même, de supprimer ou de changer, si le bien de ses enfants le réclamait. Elle défend la loi de Jésus-Christ, qui peut dire, comme homme : Ma doctrine (et ma loi) n'est pas ma doctrine (et ma loi), c'est la doctrine (c'est la loi) de Celui qui m'a envoyé. Les plaintes contre l'intransigeance de l'Église deviennent un blasphème contre la Providence divine, le plan de salut, la sagesse et l'amour du Rédempteur, qui ne nous impose pas une loi inutile de servitude et de contrainte, mais une loi de noblesse spirituelle, d'affranchissement et de liberté.
Benoît Lavaux, O.P.