Voici la transcription d'un vidéo où le site catholique aleteia.org a rencontré Isolde Cambournac, docteur en théologie et passionnée par la pensée de saint Thomas d'Aquin, auteur d'un livre intitulé « Heureux comme Dieu, le bonheur selon saint Thomas d'Aquin »
Est-ce que tout le monde peut être heureux ?
Une chose qui est sûre, c'est qu'on veut tous être heureux. Ça c'est certain, personne ne veut pas être heureux, on ne peut pas ne pas vouloir être heureux. En revanche, on ne met pas tous la même chose derrière l'idée de bonheur. Pour certains, ça va être la réussite, pour d'autres, la famille, l'argent. Ce que nous dit saint Thomas, c'est que si on prend Dieu comme la source de notre bonheur, comme ce à quoi on aspire au plus profond de nous-même, effectivement on peut être heureux dans toutes les situations.
Pour saint Thomas d'Aquin, c'est quoi le bonheur ?
Pour saint Thomas d'Aquin, le bonheur c'est d'être en possession du bien le plus grand, Évidemment, cela dépend de chacun. Mais, de manière objective, en tout cas, le bien le plus grand, pour le croyant, se trouve en Dieu, source de tout bien.
Ensuite, comment on saisit Dieu, comment on le possède ? Saint Thomas explique que par notre intellect, on est capable de saisir Dieu, en le voyant, en le contemplant. Et cela implique plusieurs choses, La première, c'est que le bonheur, ce n'est pas un état passif. Le bonheur, c'est un acte, c'est l'acte de voir Dieu, de contempler Dieu.
Et la deuxième chose importante, c'est qu'on parle souvent du bonheur comme une joie. Pour saint Thomas, c'est quelque chose qui va découler de la vision de Dieu. Le bonheur, c'est d'abord voir Dieu. Et de cette vision, naturellement, une joie va découler.
Comment peut-on « voir » Dieu ?
Alors évidemment, voir Dieu, ça paraît un peu inaccessible. On peut cependant delà saisir quelque chose de Dieu dans cette vie ici-bas. On peut delà goûter la bonté de Dieu à travers les créatures. Par exemple, le Créateur laisse toujours une empreinte, sa trace dans sa créature. Ainsi, en regardant les créatures, en les admirant, on peut, des créatures, remonter au Créateur.
Et il y a aussi une contemplation de Dieu qui se fait à travers la prière. La prière nous dispose à contempler Dieu. Elle est une école du désir. Elle nous enseigne à désirer le bien le plus grand, à désirer Dieu. Peu à peu, par la prière, notre cœur va se mettre à désirer le bien que Dieu veut nous donner.
Comment savoir quand on se trompe de chemin vers le bonheur ?
Il arrive qu'on cherche le bien ultime là où il n'est pas. C'est-à-dire qu'en fait, on va chercher le bonheur dans des biens qui sont réellement des biens : la famille, la réussite, l'argent… Pour saint Thomas, ce ne sont pas des choses mauvaises, mais ce sont des choses qui sont limitées, qui ne vont pas suffire à nous combler. Et souvent nous aurons l'expérience d'une déception, c'est-à-dire qu'on va désirer quelque chose qu'on va considérer comme notre bonheur, mais se rendre compte à chaque fois que ça ne suffira pas à nous combler dans la durée. Un exemple très simple : on est au mois de janvier, il fait froid, je désire me mettre auprès du feu. Sur le moment, ça va être mon bonheur de pouvoir m'asseoir comme ça à côté de la cheminée. Mais au bout d'un moment, je vais commencer à avoir trop chaud, donc il y aura une contrainte qui va être liée à ça.
Le bonheur auquel on aspire, c'est d'être en présence d'un bien qui nous comble totalement dans la durée et qui ne s'accompagne d'aucune contrainte. Et ça, c'est Dieu seul qui peut nous combler de cette manière-là. Par nos petites déceptions, notre désir va chercher plus haut, et notre foi quelque part nous donne la chance de voir déjà le bien ultime qui sera capable de nous combler.
Est-ce qu'on peut vivre dans un état de bonheur complet ?
Malheureusement, la béatitude parfaite n'est pas encore accessible ici-bas. Je pense qu'on en a tous fait l'expérience, ça se saurait si c'était possible de l'atteindre ici. En revanche, saint Thomas dit qu'on peut atteindre une béatitude imparfaite, on peut déjà goûter quelque chose de la bonté de Dieu. On peut aussi, bien sûr, trouver du bonheur dans toutes les petites choses qui font nos joies quotidiennes, mais la béatitude parfaite ne pourra être atteinte qu'après cette vie, quand nous verrons Dieu face à face.
Isolde Cambournac
