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Le Bienheureux Miguel-Augustin Pro, martyr du Christ-Roi

Yvette Poirier le dimanche, 01 décembre 1996. Dans Saints & Bienheureux

L'apôtre des âmes passait des heures au confessionnal

Prédicateur du peuple. Ami des pauvres. Père des orphelins

À Guadalupe, bourg au centre du Mexique, le 13 janvier 1891, naît, de parents profondément chrétiens, Miguel-Augustin Pro. Cette famille fournira à l'Église deux religieuses et un Jésuite, le Père Miguel-Augustin Pro, qui couronnera sa vie par le martyre en proclamant bien haut son allégeance au Christ-Roi, le 23 novembre 1927.

Les premières années de vie religieuse du Frère Pro s'écoulent dans la tranquilité, mais bientôt la révolution étend ses ravages à la grandeur du Mexique. Le clergé et les institutions religieuses deviennent la cible de l'ennemi du christianisme. Des églises sont profanées, des prêtres emprisonnés, des religieux chassés, les journaux catholiques abolis. Une église est convertie en écurie.

Exilé de sa patrie

Les supérieurs du noviciat de la Compagnie de Jésus où demeure le Frère Pro voient la nécessité de quitter les lieux, et d'envoyer le Frère Pro et treize de ses confrères en terre étrangère. Le Frère Pro sera exilé de sa patrie pendant douze ans. Pour ses études philosophiques et théologiques, il sera envoyé successivement dans des institutions de la communauté aux États-Unis, en Espagne, au Nicaragua et en Belgique où il sera ordonné prêtre.

Le jour de son ordination, il demande à Notre-Seigneur d'être utile aux âmes.

Son futur ministère est fécondé par la maladie et la séparation de ses frères pendant quatre mois. Hospitalisé, il subit trois opérations à l'estomac. Au milieu de grandes souffrances, il ne se plaint jamais et garde toujours sa bonne humeur. Ses insomnies transforment ses nuits en prières.

Soif du martyre

Le Père Pro a soif du martyre pour le salut de sa patrie bien-aimée. "Il faut, dit-il, que je guérisse pour aller au Mexique. J'y mourrai martyr, je veux des âmes !"

Son Provincial le rappelle à Mexico. Sans aucune difficulté, malgré le gouvernement révolutionnaire et anti-clérical, le Père pénètre facilement dans son pays. La Providence veille sur lui.

Religion interdite

À l'arrivée du Père Pro au Mexique, le 8 juillet 1926, les persécutions contre les catholiques ont atteint leur apogée. Le Président Calles publie une loi pour enlever toute liberté aux catholiques. À partir du 31 juillet, le culte dans les églises de la république sera interdit.

Calles n'a qu'un désir, copier la Révolution Française en imitant les cruautés de la Russie. Les prêtres étrangers sont chassés. Les autres doivent reconnaître la Constitution athée.

Le Père Pro arrive pour assister à la passion de son pays. Trois jours après son arrivée, il commence une série ininterrompue de ministères auprès des habitants de Mexico. Il travaille jour et nuit malgré ses faibles capacités. Les fidèles accourent aux églises pour recevoir les sacrements. Le sanctuaire de Guadalupe voit un nombre incalculable de pèlerins. Le Père Pro donne par courrier une description de son ministère :

"...Des milliers de fidèles venaient, durant ces derniers jours, recevoir les sacrements. J'avais donc à me tenir au confessionnal de 5h.50 du matin jusqu'à 11 heures de l'avant-midi ; l'après-midi de 3 h. à 8 h. Pourtant j'étais encore assez faible. Mon dernier domicile était l'hôpital. Deux fois, je perdis connaissance au confessionnal."

Le 31 juillet, dernier jour permis pour les cultes publics, le Père Pro célèbre ce jour-là sa dernière messe publique.

Églises fermées

Les églises sont donc vides. La messe doit être célébrée secrètement dans des maisons privées. Des hosties sont consacrées et portées aux fidèles par les mains de prêtres héroïques. Dans des lettres, le Père Pro décrit son ministère exercé à l'insu des athées au pouvoir :

"Quand le service public dans les églises fut interrompu, j'organisai ce qu'on appelle les « stations eucharistiques ». J'assignai plusieurs endroits aux fidèles où j'allais distribuer la sainte communion chaque jour. Le premier vendredi du mois, j'en donnai encore plus. Le dernier vendredi, j'en distribuai douze cents.

"Je distribue de deux à trois cents communions chaque jour. Cela m'occupe jusqu'à 8 h. du matin, sans compter le travail des confessions que j'ai régulièrement les mercredi, jeudi et vendredi, durant les après-midis."

Catéchistes volontaires

L'enseignement catholique est interdit dans les écoles. Des catéchistes volontaires offrent leurs services en nombre et parcourent le pays. Des milliers d'enfants bénéficient des cours de religion. Les prêtres initient les laïcs à ce rôle de catéchiste. Le Père Pro accueille les catéchistes en différents endroits ; il doit se cacher pour exercer son ministère ; mais grâce à Dieu, les initiés le retracent.

Ses journées sont surchargées. De 5 à 9 heures du matin, il se dévoue au soin des âmes. Il célèbre la messe dans une maison privée, il va distribuer les communions par centaines. Ensuite, il prend soin des pauvres de cinq à six heures dans la journée. Le soir après souper, il reprend auprès des âmes le même ministère que le matin, sauf qu'il ne célèbre pas la messe : confessions, conférences, direction spirituelle. Dans ses temps libres, il récite le bréviaire et, à l'épouvante, il écrit des lettres pour orienter des âmes ou pour donner des nouvelles à ses supérieurs et confrères.

Le Père Pro fonde une œuvre de charité pour secourir les pauvres. La misère règne dans le pays à cause de la situation alarmante. L'État affame le peuple catholique. L'ami des pauvres a à sa disposition une douzaine de femmes et d'hommes pour remplir ses sacs destinés aux nécessiteux. Ce personnel dévoué quête auprès des marchands et des personnes aisées.

Docteurs bénévoles

Le Père Pro profite de ses amitiés avec les docteurs qui, à sa demande, acceptent de donner leurs services gratis aux pauvres gens ; le Père gagne la sympathie de "gros richards" qui mettent à sa disposition, pendant six ou huit mois, des maisons pour héberger les sans-logis. Dans les rues de Mexico, on aperçoit le bon Père portant de gros sacs de farine sur le dos.

Le plus grand désir du Jésuite est de conduire les âmes vers le salut éternel. Il commence par gagner les cœurs en pratiquant la charité et ensuite il les élève vers Dieu. Il se fait le prédicateur des gueux. Il pénètre dans les prisons en se déguisant, confesse les prisonniers, leur apporte de la nourriture, des oreillers, des couvertures, de l'argent...

Il organise des retraites à droite et à gauche. Un jour il se déguise en mécanicien, s'introduit parmi une cinquantaine de chauffeurs d'auto et, au milieu d'un amas de ferrailles, il leur adresse une conférence sur les vérités de la foi. Il aborde, à une autre occasion, un groupe d'institutrices et d'employés du gouvernement qui soutiennent des hérésies et ne croient pas en l'immortalité de l'âme. À la fin, une douzaine d'entre eux se convertissent, nettoient leur conscience par le sacrement de Pénitence et communient le lendemain. Le Père Pro attribue à la grâce de Dieu la conversion des âmes, il n'en tire aucune vaine gloire.

Retraites dans les familles

Les retraites sont tenues dans différentes maisons familiales de la ville. Les dames invitent leurs amies à faire des retraites. Un billet d'entrée est exigé. On commence par la récitation du rosaire ; puis le prédicateur s'exécute. Les dames incitent leurs maris à organiser eux aussi une retraite. Pour les hommes, les rencontres ont lieu le soir. Le Père Pro parle sans crainte même si les soldats le cherchent.

La police reçoit l'ordre de s'emparer du Père Pro. Mises au courant, les autorités de la communauté demandent au zélé missionnaire de suspendre ses activités et de se cacher dans un lieu sûr. Le Père Pro obéit mais il est torturé d'avoir à abandonner son troupeau. Bientôt on le remet en liberté et il recommence son apostolat périlleux.

Héros du Christ-Roi

Lors de la dernière fête du Christ-Roi qu'il célèbre sur cette terre, un mois avant sa mort, une centaine de femmes et d'enfants attendent à sa porte, à 5 heures du matin pour se confesser. Vient ensuite l'heure de la messe. Vers le soir, quelque chose de semblable se renouvelle avec deux cents hommes. Malgré les menaces des révolutionnaires prêts à tirer sur la foule, un grand nombre de personnes assistent au triduum en l'honneur du Christ-Roi. Rosaires et cantiques s'élèvent vers le Ciel. Le Père Pro a toutes les audaces. Il est prêt à affronter le martyre pour le Christ-Roi. Il donne des conférences sur le jugement, la mort, le péché, la confession. Et les âmes se convertissent.

Le Père Pro affronte le danger. La police le poursuit, mais il la déjoue habilement. Jour et nuit, il va faire du bien ici et là. On ne peut soupçonner sa profession réelle. On le prend souvent pour un étudiant. Il écrit à un de ses confrères :

"Malgré la stricte vigilance de la police secrète qui emploie plus de dix mille agents de la ville, je baptise, je bénis des mariages, je porte le saint Viatique aux mourants. Ah ! si je pouvais me multiplier cent fois !"

Conversions

Le Père Pro convertit des cœurs endurcis. Voici l'exemple d'une conversion, racontée par lui-même, d'une femme théophobe très malade :

"...Elle blasphémait et maudissait tout ce que nous avions de plus sacré : les saints, les sacrements, et même le nom très saint de la Vierge. Je travaillai à convertir cette langue infernale. Au bout de six jours, elle ne disait plus que des ave et des credo..."

Emprisonnement

Le Père Pro, hanté par le désir de mourir martyr pour le Christ-Roi, demande souvent des prières pour obtenir la grâce du martyre. Le Ciel exauce ses prières. Calles désire depuis longtemps condamner à mort le Père Pro. Une occasion s'offre à lui lors d'un attentat contre le général Obregon qui a été élu nouveau président du Mexique et qui remplacera Calles à la fin de son mandat. Les exécuteurs de l'attentat se sont servis d'une voiture qui avait déjà appartenu à Humberto, le frère du Père Pro. La police s'empare du Père Pro et de ses deux frères, Humberto et Roberto, pour les emprisonner. Ils sont enfermés dans la même cellule. Le saint prêtre grave en gros caractères sur les murs : Vive le Christ-Roi ! Vive la Vierge de Guadalupe ! Dans la prison, il fait réciter le chapelet et chanter des cantiques.

Calles méprise les prêtres. Il déteste l'Église. Il fait chasser les prêtres étrangers et exécuter sans raison les prêtres mexicains ; il jette en prison des évêques, il outrage le pape et déclare même publiquement "qu'il hait le Christ d'une haine personnelle".

Condamnés à mort

Une enquête a démontré l'innocence des trois frères Pro, mais Calles, sans attendre un procès, s'empresse de condamner à mort le Père Pro et ses deux frères. Finalement, Roberto échappe à la mort et doit s'exiler.

Des spectateurs invités par Calles assistent à l'exécution : des soldats, des fonctionnaires du gouvernement, des journalistes, des photographes.

Les mains jointes, le Père Pro aperçoit les soldats fusil en main pour l'abattre. On lui demande s'il a quelque souhait à formuler : "Oui, dit-il, je veux prier un peu."

Il se met à genoux, se signe lentement de la croix, croise les bras sur sa poitrine, s'offre en holocauste à Dieu, vénère par un baiser le crucifix qu'il a dans sa main. Ensuite il se dresse, il n'accepte pas le bandeau qu'on veut lui poser sur les yeux, et il regarde calmement les spectateurs qui sont renversés par tant de courage. Il tient d'une main son crucifix ; de l'autre son chapelet. Il se met les bras en croix, regarde vers le Ciel, et prononce distinctement à voix basse : "Vive le Christ-Roi !"

Puis il donne le signal aux soldats. Criblé de balles, il s'affaise les bras étendus. Tous les spectateurs sont touchés et silencieux.

Cinq minutes après, c'est l'exécution d'Humberto. À l'exemple de son frère, il affronte courageusement la mort. Sont fusillés aussi, en ces sinistres moments, deux autres jeunes hommes, de grands soldats du Christ-Roi et des compatriotes d'Humberto et du Père Miguel Pro.

Le triomphe des martyrs

Le jour de la sépulture, des ouvriers et des gens du peuple remplissent les rues et vont prier auprès des corps des martyrs exposés dans une maison privée. Quand les cercueils franchissent le seuil de la demeure, des acclamations surgissent de partout :

"Vivent les martyrs ! Vive le clergé mexicain ! Vive la religion catholique ! Nous avons plus que jamais l'espoir que la religion vivra et triomphera."

Après l'enterrement, la foule retourne vers la ville et ne craint pas, malgré l'interdiction des cultes publics par l'autorité civile, d'entonner, à pleine voix, des cantiques et d'élever vers Dieu des prières ferventes. Le président Calles aperçoit, de son château, le défilé des chrétiens remplis d'héroïsme qui entonnent l'hymne triomphal du Christ-Roi :

"Christus vincit, Christus regnat, Christus imperat ! Amen !"

Un intercesseur au Ciel

"Tenez-vous prêts à m'adresser vos demandes quand je serai au ciel", écrivait le Père Pro à ses correspondants dans une lettre où il manifeste le désir de mourir martyr pour le triomphe de l'Église.

Les innombrables faveurs spirituelles et temporelles obtenues par son intercession auprès de Dieu lui donnent une renommée de thaumaturge dans le monde entier.

À Rome, le 25 septembre 1988, Sa Sainteté Jean-Paul II béatifie le Père Miguel-Augustin Pro, prêtre mexicain de la Companie de Jésus.

Bienheureux Miguel-Augustin Pro, apôtre du sacrement de Pénitence, obtenez-nous de saints prêtres pour ramener au bercail les brebis égarées, afin de hâter le triomphe de notre Mère, la Sainte Église, et le règne du Christ-Roi sur les nations.

Yvette Poirier

P.S. : Les informations ont été tirées des livres du Père Antonio Dragon, S.J., intitulés : "Vie intime du Père Pro" et "Pour le Christ-Roi".

Yvette Poirier

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