Le 4 septembre 2022, le pape François présidait à Rome la cérémonie de béatification du pape Jean-Paul Ier, né Albino Luciani, dont la mort soudaine le 28 septembre 1978, après seulement 33 jours de pontificat, avait frappé de stupeur tous les fidèles. Mais malgré ce court règne sur le Siège de Pierre, Jean-Paul Ier aura laissé une marque indélébile dans la mémoire de tous, tant par son sourire que son humilité, et sa capacité à transmettre le message de la foi chrétienne dans des mots simples.
En fait, ce n'est pas seulement son pontificat, mais toute sa vie, en tant que prêtre et évêque, que l'Église propose en modèle aux fidèles. Deux jours avant la cérémonie de béatification, le cardinal Beniamino Stella, postulateur de la cause de béatification de Jean-Paul Ier, qu'il avait connu personnellement du temps que Mgr Luciani était son évêque au diocèse de Vittorio-Veneto, déclarait :
« C'était un homme de prière assidue et profonde, d'écoute attentive et capable de soutien humain et spirituel, en tant que pasteur des prêtres et du peuple de Dieu, savant et préparé comme maître de la foi et bon communicateur de la Parole de Dieu, ami et frère des prêtres, visiteur des malades et catéchiste incomparable ».
Rappelons qu'il existe trois étapes pour être canonisé : vénérable, bienheureux, puis saint. Premièrement, le pape doit proclamer la personne en question vénérable, c'est-à-dire ayant pratiqué à un degré héroïque les vertus de foi, d'espérance et de charité.
Pour accéder au second statut, celui de bienheureux, un miracle doit être reconnu (à moins que le candidat ne soit mort martyr). Le culte public d'un bienheureux est permis mais la plupart du temps est limité à un diocèse, une région ou une famille religieuse.
Enfin, lorsqu'un deuxième miracle est reconnu, le candidat peut être canonisé, et donc être déclaré saint. Avec la canonisation, la sentence est définitive, et le culte est étendu à toute l'Église.
En passant, il est remarquable de voir que la plupart des récents souverains pontifes ont reçu l'honneur des autels : Jean-Paul II et Jean XXIII ont été canonisés (déclarés saints) en 2014, ainsi que Paul VI en 2018. Bien sûr, tous les papes sont appelés « Saint-Père », mais ce ne sont pas tous les papes qui ont reçu les honneurs de la canonisation. Sur tous les papes qui ont dirigé l'Église catholique (François étant le 266e pape), seulement 81 ont été déclarés saints — la plupart étant morts martyrs durant les premiers siècles de l'Église — et seulement 7 d'entre eux après le 10e siècle, les plus récents étant Paul VI, canonisé en 2018, Jean-Paul II et Jean XXIII, canonisés en 2014, et Pie X (pape de 1903 à 1914), canonisé en 1954. Avant lui, il faut reculer de près de 400 ans pour voir un autre pape canonisé, saint Pie V, pape de 1566 à 1572. On peut donc dire que l'Église a été dirigée ces dernières années par des figures exceptionnelles, et que Dieu n'abandonne pas son Église.
Et parmi les papes des 110 dernières années, trois étaient patriarche (archevêque) de Venise en Italie avant de devenir papes : Pie X (Joseph Sarto), Jean XXIII (Angelo Roncalli), et Jean-Paul Ier (Albino Luciani). La vie de Jean-Paul Ier peut d'ailleurs être comparée en plusieurs points à celle de saint Pie X : Issus tous deux de familles pauvres de Vénétie, tous deux sont entrés au petit puis au grand séminaire de leur diocèse rural. Au lendemain de leur ordination, ils sont devenus modestement vicaires et, au bout de quelques années, ils ont été appelés à la curie épiscopale. Joseph Sarto fut nommé évêque à cinquante ans, et Albino Luciani devient évêque (de Vittorio Veneto) à quarante-six ans. Mgr Sarto devient patriarche de Venise à cinquante-huit ans, Mgr Luciani le devient à cinquante-sept ans. Le cardinal Sarto devient pape à soixante-huit ans, le cardinal Luciani le devient à soixante-cinq ans.
Albino Luciani est né le 17 octobre 1912 à Canale d'Agordo, au nord de l'Italie. Son père, Giovanni Luciani (1872-1952), fut travailleur saisonnier puis maçon, de tendance socialiste anticléricale. Du premier mariage de son père avec Rosa, morte de tuberculose en 1906, naquirent cinq enfants : trois fils, tous morts immédiatement après l'accouchement et à qui le même nom fut donné : Albino, et deux filles, toutes deux sourdes-muettes : Amalia (1900-1938) et Pia (1902-1969), qui devint religieuse.
Sa mère, Bortola Tancon (1879-1948), seconde épouse de Giovanni, était en revanche une fervente catholique qui travailla à la plonge à l'asile Saints-Jean-et-Paul de Venise. Albino a deux frères et une sœur : Federico (1915-1916), mort à l'âge d'un an, Edoardo (1917-2008) qui épouse Antonietta Marinelli dont il aura neuf enfants, et Nina (1920-2209) qui épouse Ettore Petri dont elle aura deux enfants.
La mère d'Albino encourage la vocation précoce de son fils. Pendant longtemps, Albino Luciani a conservé la lettre de son père, qui lui donnait la permission d'entrer au séminaire : « J'espère, dit la lettre, que lorsque tu seras prêtre, tu seras du côté des pauvres et des travailleurs, parce que le Christ était de leur côté. » Albino entre donc au petit séminaire de Feltre, puis au grand séminaire de Belluno. Brillant élève, il rejoint ensuite à Rome l'université pontificale grégorienne. Il y obtient un doctorat de théologie, portant sur « l'origine de l'âme dans la pensée de Rosmini ».
Albino Luciani est ordonné prêtre le 7 juillet 1935, et nommé vicaire dans sa ville natale. Il enseigne à l'Institut technique minier, puis au grand séminaire de Belluno, dont il prend en charge la chaire de théologie dogmatique. Il en devient vice-directeur en 1937. En 1954, il devient vicaire général du diocèse de Belluno.
Nommé évêque de Vittorio Veneto en 1958, Albino Luciani est sacré évêque à Saint-Pierre de Rome le 27 décembre de la même année par le pape Jean XXIII lui-même. Avec lui a également été consacré Mgr Charles Msaklia, originaire de Tanzanie ; les deux nouveaux évêques resteront amis.
À l'instar de saint Charles Borromée, Mgr Luciani choisit alors pour devise comme évêque Humilitas (humilité), qui sera en effet un trait marquant du reste de sa vie. Dans ses années d'épiscopat à Vittorio Veneto, Mgr Luciani a montré tout d'abord des dons inégalés de catéchiste, pour sa capacité à être compris par tous, même par les enfants et les personnes de peu de culture, pour sa clarté dans l'exposé, sa capacité de synthèse et sa tendance à éviter les discours et les lectures difficiles, malgré la culture profonde qu'il avait. Il recommandait aussi la même chose à ses prêtres.
Le 15 décembre 1969,Mgr Luciani devient patriarche (archevêque) de Venise. Trois ans plus tard, il prend la vice-présidence de la conférence épiscopale italienne. Le 16 septembre 1972, le patriarche Luciani reçoit le pape Paul VI en visite pastorale. À la fin de la messe sur la place Saint-Marc, devant vingt mille personnes, Paul VI enlève son étole papale et la pose sur les épaules de Mgr Luciani, dans un geste qui semblait être celui d'une investiture, en lui disant : « Tu la mérites ». Cinq mois plus tard, Luciani est créé cardinal par Paul VI.
En janvier 1976, Mgr Luciani publie Illustrissimi, (en français, humblement vôtre) un recueil de 40 lettres imaginaires (écrites entre 1971 et 1975 et publiées mensuellement dans la revue « Il Messaggero di S. Antonio ») adressées à des saints, des personnages historiques ou littéraires. Le livre a été un grand succès et a été traduit dans de nombreuses langues.
Le cardinal Luciani quitte Venise pour la dernière fois le 10 août 1978, pour le conclave qui élira le successeur de Paul VI. Le conclave est très rapide, se terminant après seulement quatre votes, qui eurent lieu le même jour, et à 19h18 le 26 août 1978, les fenêtres de la loggia centrale de la basilique vaticane s'ouvrirent : seulement vingt-six heures et demie s'étaient écoulées depuis la fermeture des portes du conclave et l'élection du nouveau pape. Immédiatement après, le grand tissu rouge avec les armoiries papales apparaît, puis le cardinal protodiacre Pericle Felici annonce en latin la fameuse formule Habemus Papam (Nous avons un pape) : le cardinal Albino Luciani… « qui sibi nomen imposuit Ioannis Pauli Primi » (qui a prit le nom de Jean-Paul Ier). Luciani aurait obtenu 101 voix sur 111 au quatrième vote.
À l'âge de 65 ans, Luciani prend le nom de règne de Jean-Paul Ier, en hommage à ses deux prédécesseurs immédiats Jean XXIII, qui l'avait sacré évêque, et Paul VI, qui l'avait créé cardinal. Ce choix est fait à la surprise générale : il faut remonter au 10e siècle (avec le pape Landon, mort en 914) pour trouver un pape « inaugurant » un nouveau nom de règne. De plus, jamais un nom composé n'avait encore été utilisé.
Annonçant l'élection avec le traditionnel Habemus Papam, le cardinal Felici avait de plus ajouté le numéro ordinal « premier » après le nom : Ioannis Pauli Primi — Jean-Paul Ier, et non pas seulement Jean-Paul. C'est Luciani lui-même qui l'a demandé : en effet, normalement, le pontife qui choisit un nom pontifical jamais utilisé par l'un de ses prédécesseurs n'assume pas l'ordinal, qui ne lui est attribué à titre posthume (après sa mort) seulement lorsque l'un de ses successeurs choisit le même nom. On n'a qu'à penser au pape actuel, François, qui a lui-même précisé qu'il voulait être appelé seulement « François » et non « François Ier ».
Dans son premier message radio Urbi et Orbi du dimanche 27 août 1978, Jean-Paul Ier définissait ainsi le programme de son pontificat :
— Nous voulons conserver intacte la grande discipline de l'Église, dans la vie des prêtres et des fidèles, telle que l'a assurée la richesse éprouvée de son histoire, au cours des siècles, par des exemples de sainteté et d'héroïsme, tant dans l'exercice des vertus évangéliques, que dans le service des pauvres, des humbles, des « sans défense » ; et à ce propos Nous poursuivrons la révision des deux Codes de droit canonique, tant de la tradition orientale que latine, pour assurer à la sève intérieure de la sainte liberté des enfants de Dieu, la solidité et la fermeté des structures hiérarchiques ;
— Nous voulons rappeler à l'Église entière que son premier devoir reste celui de l'évangélisation, dont les lignes maîtresses ont déjà été résumées par Notre Prédécesseur Paul VI dans un mémorable document, animée par la foi, nourrie par la parole de Dieu et soutenue par l'aliment céleste de l'Eucharistie ; l'évangélisation doit examiner chaque voie, rechercher chaque moyen, « à temps et à contre-temps » (2 Tim 4, 2), pour semer le Verbe, pour proclamer le message, pour annoncer le salut, qui suscite dans les âmes l'inquiétude de la recherche du vrai et l'y assiste grâce à l'aide d'en-haut. Si tous les fils de l'Église deviennent capables d'être d'infatigables missionnaires de l'Évangile, un nouvel épanouissement de sainteté et de renouveau surgira dans le monde, assoiffé d'amour et de vérité.
Voici comment Jean-Paul Ier a décrit la journée de son élection, et les sentiments l'animant, lors de l'Angélus du 27 août 1978 :
« Hier matin je me suis rendu à la Sixtine pour voter tranquillement. Jamais je n'aurai soupçonné ce qui allait arriver. À peine le danger s'est-il annoncé pour moi, que les deux collègues, mes voisins, m'ont murmuré des paroles de réconfort. L'un d'eux m'a dit : "Courage ! Si le Seigneur charge d'un poids, il donne aussi l'aide pour le porter". L'autre a poursuivi : "N'ayez pas peur, dans le monde entier il y a tant de personnes qui prient pour le nouveau Pape". Le moment venu, j'ai accepté. Ensuite il s'est agi de choisir un nom. Car on demande même le nom qu'on veut prendre !
« Moi, j'y avais si peu pensé ! J'ai fait le raisonnement suivant : Le Pape Jean m'a consacré de ses mains, ici dans la Basilique de Saint-Pierre, puis, bien qu'indignement, je lui ai succédé à Venise, sur le Siège de Saint Marc, en cette Venise qui est encore toute remplie de lui. Tous se le rappellent : les gondoliers, les sœurs, tous. Ensuite, non seulement le Pape Paul m'a nommé Cardinal, mais quelques mois auparavant, sur la passerelle de la Place Saint-Marc, il m'a fait devenir tout rouge devant 20 000 personnes, car il a pris son étole et l'a déposée sur mes épaules, jamais je ne suis devenu aussi rouge !
« D'autre part, en 15 ans de pontificat, ce Pape a montré non seulement à moi, mais au monde entier, comment on aime, comment on sert, comment on travaille et on souffre pour l'Église du Christ. Pour cela j'ai dit : "Je m'appellerai Jean-Paul". Je n'ai ni la « sagesse du cœur » du Pape Jean, ni la préparation et la culture du Pape Paul. Cependant je suis à leur place, je dois tâcher de servir l'Église. J'espère que vous m'aiderez par vos prières. »
Dès son avènement, Jean-Paul Ier s'efforce d'humaniser la charge pontificale, en s'exprimant à la première personne (je), abandonnant le « nous » de majesté. De même il refuse, le jour de son intronisation, d'être coiffé de la tiare, à laquelle il préfère une simple mitre d'évêque et la remise du pallium.
Jean-Paul Ier est immédiatement aimé des catholiques, touchés par sa simplicité, qui le surnomment « le pape au sourire », et son style de prédication qui, tout en demeurant simple, touche les cœurs. Voici par exemple des extraits de sa première « catéchèse », ou audience du mercredi comme pape, le 6 septembre 1978, qu'il conclut en soulignant l'importance de rester humble :
« Il y a tout juste un mois, à Castel-gandolfo, mourait Paul VI, un grand Pontife, qui, en 15 années, a rendu d'immenses services à l'Église. Les effets s'en voient déjà aujourd'hui, partiellement, mais je crois qu'ils se verront tout particulièrement à l'avenir. Il venait ici chaque mercredi et parlait à la foule. Au Synode de 1977, de nombreux évêques ont dit : "Les discours du mercredi du Pape Paul sont une vraie catéchèse adaptée au monde moderne".
« Je tâcherai de l'imiter, dans l'espoir de pouvoir, de quelque manière, aider, moi aussi les gens à devenir meilleurs. Mais pour être bon, il faut être en règle avec Dieu, avec le prochain, avec soi-même. Devant Dieu, l'attitude juste est celle d'Abraham qui a dit : "Je ne suis que poussière et cendres devant Toi, ô Seigneur !". Nous devons nous sentir petits devant Dieu. Quand je dis : "Seigneur, je crois", je n'ai aucune honte à me sentir comme un enfant devant sa maman ; on croit en la maman ; je crois en le Seigneur, je crois ce qu'il m'a révélé.
« Les commandements sont un peu plus difficiles, et même parfois très difficiles à observer. Mais Dieu nous les a donnés, non pas par caprice, non pas dans son propre intérêt, mais bien et uniquement dans notre intérêt. Un jour, quelqu'un est allé acheter une voiture chez le concessionnaire. Celui-ci lui fit un discours : voyez, cette voiture a de bonnes prestations, tâchez donc de la bien traiter. Essence "super" dans le réservoir, et pour les joints – de l'huile, de la fine. Mais l'autre de dire : Oh non ! Pour votre gouverne, sachez que je ne puis supporter l'odeur de l'essence, ni celle de l'huile ; je mettrai dans le réservoir du vin mousseux qui me plaît tant et les joints, je vais les lubrifier avec de la marmelade. —"Faites comme vous croyez, mais ne venez pas vous plaindre si vous terminez dans un fossé avec votre voiture !" Le Seigneur a fait quelque chose de pareil avec nous : il nous a donné ce corps, animé par une âme intelligente, une bonne volonté. Il a dit : cette machine a de la valeur, traitez-la bien.
"Voici les commandements : Honore ton père et ta mère, ne tue pas, ne te mets pas en colère, sois délicat, ne mens pas, ne vole pas... Si nous étions capables d'observer les commandements, nous, nous irions mieux, et le monde irait mieux, lui aussi. Puis il y a le prochain, mais le prochain se trouve à trois niveaux : quelques-uns sont au-dessus de nous ; quelques autres se trouvent à notre niveau et d'autres encore sont en-dessous. Au-dessus, il y a nos parents. Le catéchisme disait : respecte-les ; aime-les, obéis-leur. Le Pape doit inculquer le respect et l'obéissance des fils à l'égard de leurs parents. (…)
« En plus des parents, il y a l'État, il y a les Supérieurs. Le Pape peut-il recommander l'obéissance ? Bossuet, qui était un grand évêque a écrit : "Là où personne ne commande, tout le monde commande. Là où tout le monde commande, plus personne ne commande, c'est le chaos". Également dans notre monde, on voit quelque chose de semblable. Respectons donc les supérieurs.
« Puis il y a nos égaux. Et ici, d'habitude, il y a deux vertus à observer : la justice et la charité. Mais la charité est l'âme de la justice. Il faut aimer son prochain, le Seigneur nous l'a tant recommandé. Quant à moi, je recommande toujours, non seulement les grandes charités, mais aussi les petites charités. J'ai lu dans un livre écrit par Carnegie, un Américain, et intitulé : "L'art de se faire des amis », ce petit épisode :
« Une femme avait quatre hommes à la maison : son mari, son frère, deux grands fils. Elle devait faire les achats, laver le linge et le repasser, faire la cuisine, faire tout, en somme. Un dimanche, ils arrivent à la maison. La table est dressée pour le repas, mais sur le plat il n'y a qu'une poignée de foin. Oh ! Les autres protestent et disent : quoi, du foin ! et la femme dit : "Non, tout est prêt. Permettez que je vous dise : je varie les mets, je vous tiens propres, je fais tout. Et pas une fois, pas une seule fois, vous m'avez dit : Tu nous a préparé un bon petit repas. Mais dites au moins quelque chose ! Je ne suis pas de marbre". On travaille plus volontiers quand on est reconnu. C'est cela les petites charités. À la maison, nous avons tous quelqu'un qui attend un compliment.
« Il y a ceux qui sont plus petits que nous, il y a les enfants, les malades, et même les pécheurs. Comme évêque, j'ai été très proche même de ceux qui ne croient pas en Dieu. Je me suis fait l'idée que, bien souvent, ceux-ci combattent, non pas Dieu, mais la fausse idée qu'ils ont de Dieu. Que de miséricorde il faut avoir ! Et même ceux qui se trompent... Il faut vraiment que nous soyons en règle avec nous-mêmes. Je me limite à recommander une vertu, si chère au Seigneur : Il a dit : "Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur".
« Je risque de dire une sottise, mais je dis : Le Seigneur aime tellement l'humilité que, parfois, il permet des péchés graves. Pourquoi ? parce que ceux qui les ont commis, ces péchés, après, lorsqu'ils se sont repentis, ils restent humbles. On n'a pas envie de se croire un demi-saint ou un demi-ange quand on sait qu'on a commis des fautes graves. Le Seigneur a tant recommandé : soyez humble. Même si vous avez accompli de grandes choses, dites : nous sommes des serviteurs inutiles. Nous avons une tendance toute contraire : nous voulons nous mettre en évidence. Humble, humble : c'est la vertu chrétienne qui nous concerne nous-mêmes.
Pour les trois audiences suivantes, les mercredis 13, 20 et 27 septembre, Jean-Paul Ier a développé le thème des vertus théologales, les trois premières vertus des « sept lampes de la sanctification », selon l'expression du pape Jean XXIII. Voici des extraits de l'audience du 13 septembre :
« Le Pape Jean a dit dans une de ses notes qui a d'ailleurs été imprimée : "J'ai fait cette fois ma retraite en méditant sur les sept lampes de la sanctification". Les sept vertus voulait-il dire, soit donc : la foi, l'espérance, la charité, la prudence, la justice, la force, la tempérance. Qui sait si l'Esprit Saint aidera aujourd'hui le pauvre pape à éclairer au moins une de ces lampes, la première : la foi…
« Voilà ce qu'est la foi : se rendre à Dieu, mais en transformant sa propre vie. Ce qui n'est pas toujours facile. Saint Augustin nous a raconté l'itinéraire de sa foi ; spécialement au cours des dernières semaines ce fut terrible ; quand on le lit, on sent pour ainsi dire son âme trembler, se tordre en conflits intérieurs. Ici, Dieu qui l'appelle, qui insiste ; et là, les anciennes habitudes, les "vieilles amies" — écrit-il — et elles me disaient, me tirant doucement par mon vêtement de chair : "Augustin, comment ? Tu nous abandonnes ? Prends garde, tu ne pourras plus faire ceci, tu ne pourras plus faire cela, et pour toujours !" Difficile ! "Je me trouvais — dit-il — dans la situation de quelqu'un qui est au lit, le matin. On lui dit :'Debout, Augustin, lève-toi ! 'Moi, par contre je disais : Oui, mais plus tard, encore un petit moment ! Finalement, le Seigneur m'a vivement secoué, et j'en suis sorti." Voilà, il ne faut pas dire : Oui, mais ; oui, mais plus tard. Il faut dire : Oui, Seigneur, tout de suite ! C'est cela, la foi. Répondre généreusement au Seigneur. Mais qui est celui qui dit "oui" ? Celui qui est humble et se fie à Dieu complètement !
« Ma mère me disait quand j'étais adolescent : "Tu as été bien malade quand tu étais petit : j'ai dû te conduire d'un médecin à l'autre et veiller des nuits entières ; tu me crois ?". Comment aurais-je pu dire : "Non, maman, je ne te crois pas ?". Bien sûr que je crois, je crois à ce que tu me dis, mais je crois spécialement en toi. Il en est ainsi pour la foi. Il ne s'agit pas seulement de croire aux choses que Dieu a révélées, mais de croire en Lui, qui mérite notre foi, qui nous a tant aimé et a tant fait par amour pour nous.
« Il y a aussi quelque vérité peu facile à admettre, car les vérités de la foi sont de deux sortes : quelques-unes plaisent à notre esprit, d'autres le heurtent… Puis, il y a une dernière difficulté, l'Église. Saint Paul a demandé : "Qui es-tu Seigneur ? Je suis ce Jésus que tu persécutes". Une lumière, un éclair a traversé son esprit. "Je ne persécute pas Jésus, je ne le connais même pas : mais je persécute les chrétiens." On voit que Jésus et les chrétiens, Jésus et l'Église sont la même chose : inséparables.
« Lisez Saint Paul : "Corpus Christi quod est Ecclesia". Le Christ et l'Église sont une seule et même chose. Le Christ est la tête, nous, l'Église, nous sommes ses membres. Il n'est pas possible d'avoir la foi et de dire "Je crois en Jésus, j'accepte Jésus, mais je n'accepte pas l'Église". Il faut accepter l'Église, ce qu'elle est ; et comment est cette Église ? Le Pape Jean l'a appelée Mater et Magistra. Oui également Magistra, chargée d'enseigner. Saint Paul a dit : "Que chacun nous accepte comme des aides du Christ, économes et dispensateurs de ses mystères".
« Quand le pauvre pape, quand les évêques, les prêtres proposent la doctrine, ils ne font rien d'autre qu'aider le Christ. La doctrine, ce n'est pas la nôtre, mais celle du Christ ; nous devons seulement la garder et la présenter. J'étais présent le 11 octobre 1962, lorsque le Pape Jean a ouvert le Concile. À certain moment il a dit : "Nous espérons qu'avec le Concile l'Église fera un bond en avant" !
« Nous l'avons tous espéré ; mais sur quelle voie, ce bond en avant ? Il l'a dit aussitôt : celle des vérités certaines et immuables. Le Pape Jean n'a même pas pensé un seul instant que c'étaient les vérités qui devaient cheminer, aller de l'avant et, peu à peu, changer. Les vérités restent telles quelles ; nous devons marcher sur la voie de ces vérités, les comprenant toujours mieux, nous mettant à jour, les proposant sous une forme adaptée aux temps nouveaux. (...)
« Elle est mère également, l'Église. Si elle est la continuatrice du Christ et que le Christ est bon : l'Église aussi doit être bonne, bonne envers tous. Et si par hasard, il y avait parfois des mauvais dans l'Église ? La maman, nous l'avons. Si la maman est malade, si par malheur ma maman devient boiteuse, je l'aime plus encore. Dans l'Église, c'est pareil. S'il s'y trouve des défauts et des manquements — et il s'en trouve — notre affection à l'égard de l'Église ne doit jamais faiblir. Hier, — et je termine — on m'a envoyé un numéro de Città Nuova : j'ai vu qu'on avait reproduit un de mes brefs discours, l'enregistrant comme un épisode.
« Un certain prédicateur MacNab, anglais, discourant à Hyde Park avait parlé de l'Église. Quand il eut fini, quelqu'un demanda la parole et dit : un beau discours, le vôtre. Toutefois, moi, je connais quelque prêtre catholique qui n'a pas été avec les pauvres et qui est devenu très riche. Je connais également des ménages catholiques où le mari a trompé sa femme : elle ne me plaît pas, cette Église faite de pécheurs.
« Le Père a dit : vous avez quelque peu raison, mais puis-je faire une objection ? – Je vous écoute... – Et le Père continua : Excusez-moi, mais je me trompe, ou le col de ta chemise est plutôt gras ? Il dit : Oui, je le reconnais. – Mais il est gras, parce que tu ne t'es pas servi de savon, ou parce que tu as employé du savon et que cela n'a servi à rien. Non, dit-il, je n'ai pas employé de savon.
« Voilà. L'Église aussi a un savon extraordinaire : l'Évangile, les sacrements, la prière. L'Évangile lu et vécu, les sacrements célébrés de la manière voulue, la prière bien utilisée, tout cela serait un savon merveilleux, capable de faire des saints de nous tous. Nous ne sommes pas tous des saints, parce que nous n'avons pas assez fait recours à ce savon. Tâchons de répondre aux espérances des Papes qui ont décrété et appliqué le Concile, le Pape Jean, le Pape Paul. Essayons d'améliorer l'Église, en devenant meilleurs nous-mêmes. Chacun de nous et toute l'Église pourraient réciter la prière que j'ai l'habitude de réciter : Seigneur, prends-moi comme je suis, avec mes défauts, avec mes manquements, mais fais-moi devenir comme tu désires que je sois ».
Le mercredi 27 septembre — la veille de son décès — Jean-Paul Ier accordait sa dernière audience générale — et dernière apparition en public — portant sur la charité :
« Mon Dieu, je vous aime de tout mon cœur, par-dessus toute chose. Vous, Bien infini, notre bonheur éternel et, par amour pour Vous, j'aime mon prochain comme moi-même et je pardonne les offenses reçues, ô Seigneur, que je vous aime toujours plus !
« C'est une prière très connue, entrelacée de phrases bibliques. C'est ma maman qui me l'a apprise. Encore maintenant, je la récite plusieurs fois par jour, et je vais tenter de vous l'expliquer, mot par mot, comme le ferait un catéchiste de paroisse. Nous en sommes à la troisième "lampe de sanctification" du Pape Jean XXIII : la charité. J'aime. (…)
« Aimer signifie voyager, courir avec le cœur vers l'objet aimé. L'Imitation de Jésus-Christ nous dit : qui aime court, vole, jubile. Aimer Dieu, c'est donc voyager vers Dieu, avec le cœur. Un voyage merveilleux. Enfant, je m'extasiais devant les voyages décrits par Jules Verne. Mais les voyages de l'amour envers Dieu sont infiniment plus intéressants. On les lit dans la vie des Saints. Par exemple, Saint Vincent de Paul, dont nous célébrons la fête aujourd'hui, est un géant de la charité : il a aimé Dieu mieux encore qu'un père et une mère. Il a été lui-même un père pour les prisonniers, les malades, les orphelins et les pauvres. (...)
« Le voyage comporte également des sacrifices, mais ceci ne doit pas nous arrêter. Jésus est en croix : tu veux l'embrasser ? Tu ne peux faire moins que de te pencher sur la croix et te laisser piquer par quelqu'épine de la couronne qui se trouve sur la tête du Seigneur (cf. saint François de Sales, Œuvres). Tu ne peux pas faire piètre figure comme le bon saint Pierre qui savait bien crier "Vive Jésus" sur le Mont Thabor, là où régnait la joie, mais qui ne s'est même pas laissé voir aux côtés de Jésus, sur le Mont-Calvaire, où il y avait le risque et la douleur (cf. ibid).
« Certaines personnes, il est facile de les aimer ; pour d'autres, c'est difficile ; elles nous sont peu sympathiques, elles nous ont offensés, ou fait du mal ; ce n'est que si j'aime Dieu vraiment, sérieusement, que je parviendrai à les aimer en tant que fils de Dieu, et parce que Celui-ci me le demande. Jésus a également établi la manière d'aimer le prochain : pas seulement avec sentiment, mais avec les faits. Voici comment, a-t-il dit : Je vous demanderai : J'avais faim dans la personne de mes frères les plus humbles, m'avez-vous donné à manger ? M'avez-vous rendu visite, quand j'étais malade ? (cf. Mt 25, 34 et suivants).
« Le catéchisme traduit ces paroles de la Bible et d'autres dans la double liste des sept œuvres de miséricorde et des sept œuvres spirituelles. La liste n'est pas complète, et elle a besoin d'être remise à jour. Par exemple, pour les affamés, il n'est plus seulement question aujourd'hui de tel ou tel individu ; il s'agit de peuples entiers.
« Nous nous souvenons tous des nobles déclarations du Pape Paul VI : "Les peuples de la faim interpellent aujourd'hui, de manière dramatique, les peuples de l'opulence. L'Église tressaille devant ce cri d'angoisse et appelle chacun à répondre avec amour à son propre frère" (Populorum Progressio, n. 3). À ce point-là, à la charité vient s'ajouter la justice, car — disait encore Paul VI — "la propriété privée ne constitue pas un droit inconditionnel et absolu pour quiconque. Personne n'est autorisé à réserver à son usage exclusif ce qui dépasse ses besoins, alors que d'autres manquent du nécessaire" (ibid, n. 22). Par conséquent, "toute course exténuante aux armements, devient un intolérable scandale" (ibid, n. 53).
« À la lumière de ces vigoureuses expressions, on voit combien nous sommes, individus et peuples, encore bien loin d'aimer notre prochain « comme nous-mêmes », ce qui est le commandement de Jésus.
« Un autre commandement : "Je pardonne les offenses que j'ai reçues". Il semble presque que le Seigneur donne la préséance au pardon sur le culte : "Quand donc tu présentes ton offrande à l'autel, si tu te souviens d'un grief que ton frère a contre toi, laisse-là ton offrande devant l'autel, et vas d'abord te réconcilier avec ton frère ; puis reviens, et présente ton offrande" (Mt 5, 23).
« Les dernières paroles de la prière sont: Seigneur, que je vous aime de plus en plus. Il s'agit ici également de l'obéissance à un commandement de Dieu qui, dans notre cœur, a mis la soif du progrès. Des cavernes et des premières cabanes, nous sommes passés aux maisons, aux palais, aux gratte-ciel ; des voyages à pied, à dos de mulet, ou de chameaux, aux carrosses, aux trains, aux avions. Et l'on désire progresser encore, avoir des moyens toujours plus rapides, rejoindre des objectifs toujours plus éloignés. Mais — nous l'avons vu — aimer Dieu, cela aussi est un voyage : Dieu veut qu'il soit toujours plus intense, plus parfait. Il a dit à tous les siens : "Vous êtes la lumière du monde, le sel de la terre" (Mt 5, 8) ; "Soyez parfaits comme est parfait votre Père céleste" (Mt 5, 48). Cela signifie aimer Dieu, non pas un peu, mais beaucoup, ne pas s'arrêter là où on est arrivé mais, avec Son aide, progresser dans l'amour.
Comme on le voit, le pontificat de Jean-Paul Ier annonçait de grandes choses ; cependant, son bref règne ne lui permit pas de mener à bout des actions de grande ampleur. En effet, Jean-Paul Ier meurt dans la nuit du 28 septembre 1978 d'un infarctus du myocarde (selon la version officielle), deux semaines avant son 66e anniversaire. Son corps est retrouvé à 5 heures du matin par la sœur Vincenza Taffarel : assis sur son lit, la lampe de chevet allumée, il porte ses lunettes de lecture et tient quelques feuillets dans ses mains.
Des rumeurs commencent à circuler dès l'annonce de sa mort, amplifiées par le fait que le corps du défunt pape ne sera jamais autopsié (ce qui aurait mis fin à toutes les rumeurs). Ainsi, en 1984, dans un ouvrage polémique intitulé In God's Name (Au nom de Dieu en français), le journaliste britannique David Yallop prétend que le pape, voulant mettre de l'ordre dans la Curie et dans les finances du Vatican, aurait été empoisonné sur ordre du cardinal Villot et de Mgr Paul Marcinkus, dirigeant de la banque du Vatican. On ne saura la vérité qu'au Jugement dernier.
Dans une interview accordée en août 1988 à la revue mensuelle italienne « Trenta Giorni », le cardinal franciscain brésilien Aloísio Lorscheider, ami de longue date du cardinal Luciani, alors patriarche de Venise, déclara : « Je ne suis pas intéressé par les choses qui ont été écrites, ni par toute la littérature qui a fleuri autour de sa mort (la mort de Jean-Paul Ier). Cependant, je le dis avec tristesse, la suspicion demeure dans nos cœurs ; c'est comme une ombre amère, une question à laquelle on n'a pas entièrement répondu. » Et le cardinal ajouta dans la même interview qu'il avait la certitude qu'un jour Jean-Paul Ier serait élevé aux honneurs des autels.
Après le décès de Jean-Paul Ier, c'est le cardinal polonais de Cracovie, Karol Wojtyla, qui fut élu pape. Voici ce qu'il disait lors de sa première audience générale, le 25 octobre 1978 :
« Lorsque le Saint-Père Jean-Paul Ier s'est adressé aux participants à l'audience générale du mercredi 27 septembre, personne n'aurait pu imaginer que ce serait pour la dernière fois. Sa mort – après 33 jours de pontificat – a surpris et rempli le monde entier d'un profond deuil. Lui qui a suscité tant de joie dans l'Église et inspiré tant d'espérance dans le cœur des hommes a, en si peu de temps, consumé et mis fin à sa mission. Dans sa mort, les paroles maintes fois répétées de l'Évangile ont été révélées : "... soyez prêts, car à l'heure que vous n'imaginez pas, le Fils de l'homme viendra" (Mt 24, 44). Jean-Paul Ier a toujours veillé. L'appel du Seigneur ne l'a pas surpris. Il l'a suivi avec la même joie anxieuse avec laquelle il avait accepté son élection au siège de saint Pierre le 26 août. »
Et voici ce que le pape Benoît XVI déclarait lors de l'Angélus du 28 septembre 2008, trente ans exactement après le décès de Jean-Paul Ier :
« En réfléchissant aux textes bibliques (de ce jour), j'ai immédiatement pensé au Pape Jean-Paul Ier, dont on célèbre aujourd'hui le trentième anniversaire de la mort. Il choisit comme devise épiscopale la même que saint Charles Borromée : Humilitas. Un seul mot qui résume l'essentiel de la vie chrétienne et indique la vertu indispensable de ceux qui, dans l'Église, sont appelés au service de l'autorité...
« L'humilité peut être considérée comme son testament spirituel. C'est précisément grâce à cette vertu que 33 jours ont suffi au pape Luciani pour entrer dans le cœur du peuple. Dans ses discours, il a utilisé des exemples tirés d'événements réels, de ses souvenirs familiaux et de la sagesse populaire. Sa simplicité fut le véhicule d'un enseignement solide et riche, que, grâce au don d'une mémoire exceptionnelle et d'une vaste culture, il agrémenta de nombreuses citations d'écrivains ecclésiastiques et profanes.
« Il fut ainsi un catéchiste incomparable, sur les traces de saint Pie X, son compatriote et prédécesseur d'abord sur la chaire de saint Marc, puis sur celle de saint Pierre. "Nous devons nous sentir petits devant Dieu", a-t-il dit à cette même audience. Et il ajoutait : "Je n'ai pas honte de me sentir comme un enfant devant la mère : on croit en la mère, je crois au Seigneur, à ce qu'il m'a révélé".
"Ces paroles montrent toute la profondeur de sa foi. En rendant grâce à Dieu de l'avoir donné à l'Église et au monde, chérissons son exemple, en nous engageant à cultiver sa propre humilité, qui lui a permis de parler à tous, en particulier aux petits et aux soi-disant lointains. Invoquons pour cela la Très Sainte Vierge Marie, l'humble Servante du Seigneur. »
Le 9 novembre 2017, le pape François reconnaissait les vertus héroïques de Jean-Paul Ier, le déclarant ainsi vénérable, première étape nécessaire avant la béatification qui, elle, nécessite un miracle dû à l'intercession de Jean-Paul Ier.
Le 13 octobre 2021, le pape François reconnaissait le caractère miraculeux de la guérison d'une fillette argentine de 11 ans, Candela Cardia, en 2011 attribuée à l'intercession de Jean-Paul Ier, et signait le décret permettant sa béatification. Voici le fait raconté par le site Aleteia :
« Nous sommes le 20 mars 2011. Ce jour-là Candela commence à souffrir d'un violent mal de tête qui persiste pendant une semaine. Le 27 mars, elle franchit une nouvelle étape dans la douleur et de la fièvre, des vomissements, des troubles du comportement et de la parole apparaissent. Transportée d'urgence à l'hôpital de Paraná, elle subit une batterie d'examens afin de découvrir de quoi elle souffre. Le diagnostic tombe, glaçant, Candela Giarda est atteinte d'« encéphalopathie inflammatoire aiguë sévère, d'une épilepsie réfractaire maligne et d'un choc septique ». Souffrant quotidiennement de crises épileptiques, les médecins décident de l'intuber. "En quelques heures, elle était dans le coma, avec un respirateur", a confié sa mère Roxana. "Elle a eu des convulsions et aucun des médicaments testés par les médecins n'a fonctionné."
« Sans aucune amélioration de son état de santé, Candela est transférée le 26 mai 2011 à la fondation Favaloro, à Buenos Aires, dans l'unité de soins intensifs. Le 22 juillet 2011, les médecins décident de convoquer la famille afin de les préparer à la possibilité d'une mort imminente. "Nous ne pouvons rien faire d'autre, Candela va mourir ce soir", dit un médecin à la mère de fillette ce soir-là.
« Déboussolée, acculée, sa mère décide de s'arrêter à la paroisse Notre-Dame de la Rabida, située à quelques mètres de la clinique et à laquelle cette dernière est rattachée. Elle y avait déjà rencontré le père José Dabusti, très attaché au « pape au sourire » et qui l'a accompagnée tout au long de cette épreuve. "Cette nuit-là, je suis entrée et lui ai demandé de venir voir ma fille", raconte Roxana. "Lorsqu'il s'est approché du lit de Candela, il a prié, m'a dit de mettre mes mains sur elle et l'a confiée au pape Jean-Paul Ier". À leurs prières se joignent celles de l'ensemble du personnel soignant présent en réanimation.
« Quelques heures après avoir invoqué Jean-Paul Ier et quatre mois après l'apparition des premiers symptômes, le 23 juillet 2011, l'état de la jeune fille commence à évoluer favorablement. Le corps médical constate une amélioration rapide du choc septique qui se poursuit avec le rétablissement ultérieur « de la stabilité hémodynamique et respiratoire », précise le décret. Le 8 août, la fillette n'est plus intubée, le 25 août son épilepsie disparaît et le 5 septembre Candela quitte l'hôpital avec une simple ordonnance. Elle est, miraculeusement, guérie. »
Le 4 septembre 2022, Jean-Paul Ier était béatifié par le pape François sur la place Saint-Pierre, en présence d'environ 25 000 fidèles, et près de 400 cardinaux, évêques et prêtres qui ont concélébré la liturgie avec le pape. Sur la façade de la basilique vaticane, on pouvait voir la tapisserie avec le portrait du nouveau bienheureux (voir photo ci-bas), réalisé par l'artiste chinois Yan Zhang. Le tombeau de Jean-Paul Ier, comme celui de saint Paul VI, reste dans les grottes (sous-sol) de la basilique vaticane. Le mémorial liturgique pour la fête du bienheureux Jean-Paul Ier est célébré le 26 août, jour de son élection comme Souverain Pontife.
Voici, pour terminer, quelques mots de l'homélie du pape François pour la béatification de Jean-Paul Ier :
« Frères, sœurs, le nouveau bienheureux a vécu ainsi : dans la joie de l'Évangile, sans compromis, aimant jusqu'à la fin. Il incarnait la pauvreté du disciple, qui n'est pas seulement de se détacher des biens matériels, mais surtout de surmonter la tentation de se mettre au centre et de chercher sa propre gloire. Au contraire, suivant l'exemple de Jésus, il était un pasteur doux et humble. Il se considérait comme la poussière sur laquelle Dieu avait daigné écrire. C'est pourquoi il a dit : "Le Seigneur a tant recommandé : soyez humbles. Même si vous avez fait de grandes choses, dites : nous sommes des serviteurs indignes" (Audience générale, 6 septembre 1978).
« Avec un sourire, le pape Luciani a pu transmettre la bonté du Seigneur… Prions notre père et notre frère, demandons qu'il obtienne pour nous "le sourire de l'âme", le sourire transparent, celui qui ne trompe pas : le sourire de l'âme. Demandons nous aussi, selon ses propres mots, ce qu'il avait l'habitude de demander lui-même : "Seigneur, prends-moi tel que je suis, avec mes fautes, avec mes défauts, mais laisse-moi devenir comme tu me désires" (Audience générale, 13 septembre 1978). »
Alain Pilote