par Dom Antoine Marie, o.s.b.
Nous citons des extraits de la biographie de la Vénérable Maria Carmen, dont l'auteur est Dom Antoine Marie, o.s.b. :
Le 12 janvier 1996, le Pape Jean-Paul II a déclaré l'héroïcité des vertus de Maria del Carmen Gonzales-Valerio qui a vécu sur terre neuf ans et quatre mois, lui décernant le titre de « Vénérable ».
Maria Carmen naît à Madrid le 14 mars 1930, la deuxième de cinq enfants. Elle tombe gravement malade immédiatement après sa naissance, si bien qu'on la baptise sans plus tarder. Le bon Dieu ne voulait pas attendre pour effacer dans son âme le péché originel, l'enrichir de sa grâce et en faire ainsi son enfant. À la suite de circonstances tout à fait imprévues, elle reçoit la Confirmation à l'âge de deux ans, le 16 avril 1932, grâce à une initiative de Mgr Tedeschini, nonce apostolique en Espagne et ami de la famille. L'Esprit-Saint avait hâte de lui donner le courage dont elle aurait besoin.
À six ans, elle fait sa première Communion. La date a été avancée à la demande de sa mère : : « J'étais convaincue, dit-elle, que l'Espagne et notre famille en particulier allaient traverser une période difficile. On voyait qu'une persécution religieuse se préparait et je voulais que Maria Carmen fasse sa première Communion avant. »
« Dans l'histoire de l'Église, l'Eucharistie a été pour bien des enfants une source de force spirituelle, parfois même d'héroïsme ». (Jean-Paul II, Lettre aux enfants, 21 novembre 1994).
C'est pourquoi le Pape Saint Pie X permit et encouragea la réception de la sainte communion dès l'éveil de la raison. Maria Carmen a bénéficié de cette faveur, comme en témoigne sa mère : "Elle a commencé à se sanctifier réellement après sa première communion. » Et c'est à l'occasion d'une communion qu'elle fera son offrande complète à Dieu.
Le 15 août 1936, des miliciens communistes arrêtent son père. Celui-ci dit à sa femme : "Les enfants sont trop petits, ils ne comprennent pas. Tu leur diras plus tard que leur père a donné sa vie pour Dieu et l'Espagne, pour qu'on puisse les élever dans une Espagne catholique, où le crucifix préside dans les écoles, » Peu de temps, après, il est assassiné. À la mort de son mari, madame Gonzáles-Valerio se trouve en très grand danger, à cause de sa foi chrétienne. Elle se réfugie à l'ambassade de Belgique, tandis que ses enfants sont accueillis par une de leurs tantes. Un jour, on apprend que les cinq enfants vont être envoyés en URSS, comme tant d'autres, pour y être élevés dans le marxisme. L'ambassadeur accepte alors, malgré le manque de places, de les prendre à l'ambassade. Nous sommes le 11 février 1937.
Maria Carmen... se distingue par une pudeur pratiquée jusque dans des détails : "Un jour, raconte madame Gonzáles-Valerio, elle devait aller à une fête d'enfants. Je lui avais mis une petite robe décolletée et sans manches, et je lui avais bien recommandé de ne pas la froisser. Mais je m'aperçus qu'elle avait enfilé une veste. Je me suis fâchée et je l'ai grondée. Elle me dit en pleurant qu'elle ne sortirait pas avec cette robe. Ma mère, qui assistait à la tragédie, me prit à part et me dit que je n'avais pas le droit d'étouffer les sentiments de pudeur qu'elle avait déjà remarqués en elle, et que j'aurai à rendre compte à Dieu de l'éducation que je lui donnais. C'est ainsi que Maria Carmen est allée à la fête avec sa veste. » Sa grand-mère avait raison : "Cette pudeur instinctive vient de Dieu. »
Cet amour passionné pour la pudeur provient d'une lumière très vive que Dieu lui a donnée sur la grandeur et la fragilité de la vertu de chasteté. La divine Providence a voulu ainsi donner à notre époque de laisser-aller un exemple très élevé. Dans une instruction du 8 décembre 1995, le Conseil pontifical pour la famille s'élève contre certaines tendances à l'impudicité répandues dans la société contemporaine :
"Mêmes si elles sont acceptées socialement, il y a des façons de parler et de s'habiller qui sont moralement incorrectes... Les parents doivent donc enseigner à leurs enfants la valeur de la modestie chrétienne, d'un habillement sobre, de la nécessaire liberté vis-à-vis des modes, toutes caractéristiques d'une personnalité masculine ou féminine mûre. »
Maria Carmen excelle aussi dans la charité à l'égard des pauvres. Quand l'un d'eux sonne à la porte et qu'elle ouvre, elle lui donne ses petites économies, puis lui dit : « Maintenant, sonnez de nouveau pour que maman vous donne quelque chose. ». La piété de Maria Carmen se manifeste très tôt. Dès l'âge de quatre ou cinq ans, elle aime à diriger le chapelet en famille et récite par cœur les litanies de la Sainte Vierge. Comme sainte Thérèse de Lisieux, elle s'est fait confectionner un « chapelet de pratiques », sur lequel elle compte ses actes de vertu. Elle s'adonne ainsi, d'une manière équivalente, à « l'examen particulier » des vertus et des défauts proposé par saint Ignace de Loyola. Dans le même esprit, elle tient un cahier des « Actes », pour voir les vertus et obligations de chaque jour : obéissance, mortification, récréations, classes, étude, chapelet, communion, Messe, prières jaculatoires, etc.
Maria Carmen aime à offrir ses petits sacrifices au cœur de Jésus. Son professeur de religion rapporte : "Quand je préparais les enfants à la confession, je pouvais lire sur son visage son horreur du péché et ses efforts pour faire un bon acte de contrition." Tous ses actes, malgré son jeune âge, jaillissent, comme d'une source profonde, de son intimité avec Dieu.
Maria Carmen a ses secrets. Sur son cahier des "Actes", elle écrit par trois fois : « personnel ». Elle demande souvent son cartable qui contient l'agenda où elle a écrit ces mots compris d'elle seule : « Je me suis livrée à Dieu dans la paroisse du Bon Pasteur, 6 avril 1939. » Elle note également : « On a tué mon pauvre père. » Et, dans l'une des dernières pages : « Vive l'Espagne ! Vive le Christ-Roi ! ! ! », le cri que poussaient les martyrs de la guerre au moment de mourir. Et aussi : « Pour papa, 7 mai 1939 - Tout à fait personnel » Elle dira à son infirmière : « Mon père est mort martyr, pauvre maman, et moi je meurs victime. »
Son oncle Xavier explique : « Maria Carmen désirait la conversion des pécheurs, comme le prouve le fait qu'elle offrait les souffrances de sa maladie et de sa mort pour Azaña, le président de la République, qui incarnait le symbole de la persécution religieuse dont les assassins de son père étaient l'instrument. » « Maman, Azaña ira-t-il au Ciel ? demande-t-elle. - Si tu te sacrifies et si tu pries pour lui, (répond la mère), oui, il sera sauvé. » Maria Carmen a bien compris. Parfois elle dit à sa tante : « Tante Fifa, prions pour papa et pour tous ceux qui l'ont tué. »
Le 3 novembre 1940, Azaña meurt à Montauban. D'après le témoignage écrit de Monseigneur Théas, l'évêque du diocèse qui lui prêtait son assistance spirituelle à ce moment, Azaña, malgré son entourage, reçut en toute lucidité le sacrement de la Pénitence ainsi que l'Extrême Onction et l'Indulgence Plénière, expirant doucement dans l'amour de Dieu et l'espérance de Le voir. Il ignora que sa route s'était croisée avec celle d'une petite fille de neuf ans qui avait prié et souffert pour lui.
Peu après l'offrande du 6 avril 1939, le calvaire de Maria Carmen commence : elle doit s'aliter. Tout d'abord apparaît une otite qui se complique et dégénère en septicémie (infection du sang). Le 27 mai, on la transporte en voiture à Madrid où elle est opérée. Mais comme on voit que la maladie va être longue, on la ramène chez elle. Certains jours, on lui fait plus de vingt piqûres.
Une oreille est attaquée par le mal et elle perd la seconde pour être restée trop longtemps couchée dessus. Une double phlébite s'ajoute à ces maux. Des plaies gangreneuses se forment. Elle s'évanouit de douleur quand on change ses draps. Seul le nom de Jésus l'aide à tout supporter, car personne ne pense à lui donner des calmants. « Maria Carmen, demande à l'Enfant Jésus de te guérir de tes plaies, lui dit sa mère. - Non, maman, je ne demande pas ça, je demande que sa volonté se fasse. » Elle désire qu'on lui lise souvent les prières pour les agonisants et vit par la pensée davantage au ciel qu'ici-bas.
Maria Carmen avait prédit plusieurs fois qu'elle mourrait le 16 juillet, fête de Notre-Dame du Mont-Carmel, et sa fête à elle, Carmen. Mais apprenant que sa tante Sophie se marie ce jour-là, elle annonce qu'elle ne mourra que le lendemain. Effectivement, le 17, vers 13 heures, elle se recueille en présence des anges dont elle entend le chant. « Je meurs martyre. Laissez-moi partir maintenant, docteur, vous ne voyez pas que la Sainte Vierge vient me chercher avec les anges ? » En effet, à la stupéfaction de tous, joignant ses petites mains, elle dit : « Jésus, Marie, Joseph, faites que je meurs en votre sainte compagnie. » Ce sont ses dernières paroles. Puis, se soulevant légèrement, comme pour prendre quelque chose, elle retombe sur l'oreiller et rend le dernier soupir, sans agonie, sans contraction du visage. Défigurée par la maladie, elle retrouve dans la mort toute sa beauté, et son corps exhale un doux parfum. Le médecin légiste atteste la mort, mais constate avec étonnement que le corps de l'enfant ne présente pas l'aspect d'un cadavre.
L'exemple de Maria Carmen met sous nos yeux un fruit de la grâce de Dieu fécondé par une bonne éducation. Demandons à la vénérable Maria Carmen d'intercéder tout spécialement pour les familles.
Dom Antoine Marie o.s.b. Abbaye Saint-Joseph-de-Clairval