Voici des extraits de l’homélie de Mgr Philippe Ouedraogo, Archevêque d’Ouagadougou au Burkina Faso, donnée en l’église paroissiale Saint-Michel de Rougemont, durant notre semaine d’étude, le dimanche 28 août 2011:
Selon sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus: «Tout est grâce» et «Dieu seul suffit». Aussi, devions-nous faire de la présente célébration eucharistique une action de grâce et de louange au Seigneur, Source et Auteur de tout bien.
C’est bien lui qui a permis à l’Institut Louis Even pour la Justice Sociale de nous convier à la présente semaine d’étude sur la Démocratie Économique vue à la lumière de la Doctrine Sociale de l’Église.
Au nom de tous les participants, notamment ceux de l’Église Famille de Dieu en Afrique, nous exprimons notre sincère gratitude pour tous les efforts consentis pour rendre possible et agréable notre participation effective à la semaine d’étude. Daigne le Seigneur – Maître de la Moisson – rendre féconds tous nos travaux et renforcer les biens de communion entre nos Églises particulières pour la gloire de son Nom et le bien de l’humanité!!!
Dans son discours pour l’ouverture du Conclave de 2005, Pape Benoit XVI déclarait: « On est en train de mettre sur pied une dictature du relativisme qui ne reconnaît rien comme définitif et qui donne comme mesure ultime uniquement son propre ego et ses désirs. » (Cf. Benoît XVI: Lumière du monde, Bayard 2011, p. 76).
Dans cette perspective, beaucoup de personnes ne savent plus distinguer le bien du mal, le vrai du faux. Le concept de vérité est objet de soupçon. Certes, on en a beaucoup abusé à certaines périodes de l’histoire de l’humanité. Au nom de la vérité, on a pu justifier l’intolérance et la cruauté. Grave erreur.
Nombreux et complexes sont les exemples: dans le monde devenu relativiste, un nouveau paganisme a pris de plus en plus d’emprise sur la pensée et l’action de l’homme. La «nouvelle religion» en émergence ou en vigueur est «Ia religion de la société civile» ou «le grand combat engagé par la laïcité contre le christianisme» selon l’expression de l’ancien président du Sénat italien. Une nouvelle intolérance se répand, des critères de pensée bien rodés et codés veulent s’imposer à tous. C’est l’impérialisme de la pensée unique. Ainsi, par exemple on ne doit pas avoir de crucifix dans les bâtiments publics, on veut forcer l’Église Catholique à modifier sa position sur l’homosexualité, l’avortement, l’euthanasie, les moyens contraceptifs, l’ordination des femmes… en un mot sur les valeurs morales authentiquement humaines.
Tous ces nombreux exemples veulent dire que l’Église et le croyant ne peuvent plus vivre leur propre identité; on refuse à la religion, à la foi catholique, le droit de s’exprimer de manière autonome et visible. C’est une véritable tyrannie qui voudrait s’imposer à tout le monde. C’est une protection rationnelle absolue, totalitaire que nous devons considérer comme un véritable ennemi de la liberté, tant individuelle que collective et ainsi que la tolérance. Tout cela est cause de souffrance.
Ensemble, nous devons dénoncer très énergiquement ce danger qui agresse l’humanité tout entière. Nous devons avoir le courage de dire que l’homme doit chercher la vérité, car il est capable de vérité, que la vérité ait besoin de critères qui permettent de la vérifier et de s’assurer qu’elle n’a pas été falsifiée, cela est nécessaire. Seule la vérité nous fait alors apparaître les valeurs constantes qui ont donné sa grandeur à l’humanité. Et comme le dit bien le Saint Père: «Il faut apprendre de nouveau et pratiquer l’humilité qui permet de reconnaître la vérité comme porteuse de repères.» (Cf. Lumière du monde, p. 76) Personne n’est forcé d’être chrétien. Mais personne non plus ne doit être forcé de devoir vivre la « nouvelle religion » comme la seule déterminante, celle qui engage l’humanité tout entière. Le Concile Vatican II, dans Gaudium et Spes, souligne le caractère inviolable de la liberté individuelle et collective, la liberté de choisir et vivre sa religion (n. 14).
Procession eucharistique dans les rues de Rougemont après la Messe dominicale, le 4 septembre 2011 |
En égard au thème de notre semaine d’étude, l’Église Catholique – disons-le – est porteuse d’un humanisme intégral et solidaire, capable d’animer et de promouvoir un nouvel ordre social, économique et politique, fondé sur la dignité et sur la liberté de toute personne humaine, à mettre en œuvre dans la paix, la justice et dans la solidarité (Gaudium et Spes, n. 30).
Le «Crédit Social», comme doctrine ou ensemble de principes, visant à promouvoir une économie de production au service de tous et de chacun des citoyens, n’est rien d’autre qu’une mise en œuvre de l’humanisme intégral et solidaire prôné par l’Église. Cet humanisme – selon l’Église – ne peut être réalisé si des hommes et des femmes, individuellement et leurs communautés, savent cultiver les valeurs morales et sociales en eux-mêmes et les diffuser dans la société (G.S. n. 30).
En guise de conclusion, comme le dit avec justesse saint Augustin: «L’histoire du monde est une lutte entre deux amours: L’amour de soi, jusqu’au mépris de Dieu;
l’amour de Dieu, jusqu’au mépris de soi.
Ce fut le choix de Jésus: la souffrance, la passion, le don de sa vie… Tout baptisé, doit choisir de ressembler au Maître, de l’imiter, de s’identifier à lui. Alors, avec la grâce de Dieu, surgissent des hommes et des femmes vraiment nouveaux, artisans de l’humanité nouvelle. Amen!
Mgr Philippe Ouedraogo