Dans la confession, le prêtre est un Juge
Il a le pouvoir des clés
L'article suivant avait été publié dans Vers Demain de novembre-décembre 1970. Nous jugeons nécessaire de le reproduire pour rappeler la nécessité du sacrement de Pénitence qui est de plus en plus délaissé par les catholiques.
par Père Raymond, Rédemptoriste
J'ai lu quelque part, et j'ai entendu dire, qu'il suffit maintenant de se confesser à Dieu et qu'il n'est pas nécessaire de dire ses péchés au prêtre, pour en obtenir le pardon. Est-ce vrai ?
Non, ce n'est pas vrai, c'est faux, absolument faux, c'est même hérétique. Aujourd'hui comme jadis, il faut confesser ses péchés à un prêtre approuvé par l'évêque pour en obtenir le pardon.
Il est de foi
Il est de foi que Notre-Seigneur a institué un sacrement pour la rémission des péchés, et qu'il a confié l'administration de ce sacrement à ses Apôtres et à leurs successeurs. S'adressant à ses Apôtres, le soir du jour de Pâques, il leur dit : "Comme mon Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie ; recevez le Saint-Esprit : les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez, ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez." À quoi servirait ce pouvoir donné aux Apôtres, s'il suffisait de se confesser à Dieu, c'est-à-dire à soi-même ? Bien peu s'infligeraient la honte de dire leurs péchés à un homme, s'ils pouvaient tout aussi bien en avoir le pardon directement de Dieu.
C'est donc avec raison que le Concile de Trente déclare que le sacrement de Pénitence est nécessaire à ceux qui ont perdu la grâce sanctifiante par le péché mortel. "Après le Baptême, dit-il, la Pénitence est le sacrement le plus nécessaire au salut, car c'est le moyen voulu par Dieu pour nous appliquer le bienfait de sa mort."
On objectera que l'acte de contrition parfaite efface le péché mortel et rend la grâce sanctifiante au pécheur. C'est vrai, mais il ne faut pas oublier que cet acte de contrition parfaite justifie en tant qu'il renferme le désir du sacrement de Pénitence.
"La contrition, dit Gihr, à la suite des théologiens de bon renom, ne justifie pas indépendamment du sacrement, mais seulement en tant qu'elle contient le désir du sacrement et qu'elle est ainsi une soumission véritable au pouvoir des clés confié à l'Église. (Gihr : Les Sacrements (11, p. 78)."
Si quelqu'un prétendait recevoir le pardon de ses péchés mortels par un acte de contrition sans avoir le désir au moins implicite de se confesser en temps et lieu (au moins une fois l'an), son acte ne serait pas un vrai acte de contrition puisqu'il refuserait de se soumettre à une obligation grave - et dès lors ses péchés ne lui seraient pas pardonnés.
On dira peut-être : "Le sacrement de Pénitence est nécessaire, soit, mais pourquoi la confession détaillée, l'aveu de tous les péchés mortels avec l'indication du péché et le nombre de fois qu'il a été commis ?"
Pour parler en toute franchise, Notre-Seigneur n'a pas formulé lui-même, en termes exprès, l'obligation de confesser tous les péchés mortels avec l'espèce et le nombre de ces mêmes péchés, comme le prescrit le Concile de Trente. Mais, cette obligation se tire de la nature du sacrement de Pénitence tel qu'institué par Notre-Seigneur. C'est dire, par conséquent, que cette obligation est de droit divin, et que l'Église ne peut pas la supprimer.
Ce sacrement est institué sous forme de jugement. Or, pour porter un jugement équitable, il faut d'abord connaître la chose à juger. Les juges de la terre portent leurs sentences après avoir entendu les accusations, les témoignages, les détails du procès, et tout ce qui peut mieux faire connaître le crime et l'accusé. Le juge qui négligerait ce procédé serait impitoyablement mis au rang des insensés.
Eh bien ! le prêtre est également juge au tribunal de la Pénitence. Il lui faut donc à lui aussi connaître les péchés dont on lui demande le pardon. Sans quoi il s'exposerait à lier ce qu'il doit délier et à délier ce qu'il doit lier.
Des hauteurs des principes, passons à l'application de cette doctrine à certains cas pratiques. Cela vous aidera à mieux connaître le bien-fondé de ce que nous avons avancé.
Un homme se présente à moi, et me dit tout simplement : Je suis un pécheur, j'ai offensé le bon Dieu, je vous demande de me pardonner. Tout naturellement, dans le but de bien exercer ma fonction de juge, je vais lui demander : En quoi avez-vous offensé le bon Dieu, quels péchés avez-vous commis ?
- J'ai trompé ma femme, me répond-il, je suis sorti 4 ou 5 fois dans l'espace de huit mois avec une autre femme, et depuis 2 mois je ne l'ai pas vue et je ne veux pas la revoir. Rien de sérieux à part de cela. Je juge que mon pénitent est bien disposé, et je lui pardonne ses péchés.
Si, par contre, il me dit que cela arrive 4 ou 5 fois par mois, et qu'il entend continuer ses rencontres, alors qu'il devrait les cesser, je juge qu'il n'est pas bien disposé, c'est-à-dire qu'il n'a pas le regret de ses péchés ni le ferme propos de ne plus pécher, et je retiens ses péchés, je refuse de pardonner ses fautes.
Si, étant refusé par le prêtre, il se confessait directement à Dieu dans ce même état, il ne serait pas davantage pardonné, Dieu n'accorde son pardon qu'au cœur repentant.
Un jeune homme fréquente une jeune fille en vue de l'épouser. Il me confie qu'il lui arrive de tomber par-ci par-là dans des fautes graves, mais il veut sérieusement prendre les précautions pour que cela n'arrive plus. Je le juge disposé et je lui accorde son pardon.
Si, par contre, il fréquente les filles pour s'amuser et mettre de la joie dans sa vie, et refuse d'améliorer sa conduite, je le juge indisposé et je retiens ses péchés.
Si un divorcé est accoté avec une divorcée, et ne veut pas chercher un logis ailleurs, alors qu'il le devrait, je le juge indisposé et je retiens son péché.
Ces exemples vous montrent que le prêtre doit nécessairement connaître et les péchés à pardonner et les dispositions du pécheur. S'il se contente d'une accusation vague et générale comme plusieurs le prônent aujourd'hui, le prêtre n'est qu'une machine à absolutions et il est un ministre infidèle. Il s'expose à donner les perles aux pourceaux pour employer le langage de l'Évangile.
Vous comprenez mieux maintenant la solennelle déclaration du Concile de Trente (1545-1563) :
"Si quelqu'un dit que Notre-Seigneur n'a pas institué le sacrement de Pénitence et la confession par ces paroles : Les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez, et ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez, qu'il soit anathème, i.e. considéré comme hérétique, comme exclu de la société de l'Église."
Et cet usage de la confession détaillée tel qu'il se pratique aujourd'hui remonte à la plus haute antiquité chrétienne. Les Actes des Apôtres nous apprennent que les premiers chrétiens venaient en foule confesser leurs péchés. L'apôtre saint Jacques exhortait les fidèles à confesser leurs péchés pour être sauvés, saint Clément, qui a vécu au temps de l'apôtre saint Jean, saint Irénée, saint Jean Chrysostome, saint Jérôme, saint Ambroise, saint Augustin croient dans l'institution divine du sacrement de Pénitence, et affirment que l'usage de la confession se répand de plus en plus parmi les fidèles. Saint Isidore en Espagne, saint Césaire en France, et les papes saint Léon et saint Grégoire proclament que c'est par l'Église qu'est donné le pardon des péchés.
Après cela, n'est-il pas surprenant et même scandaleux d'entendre des prêtres dire que la confession n'est pas nécessaire et que l'Église devrait abolir cet usage ! Ô Saint-Esprit, éclairez ces aveugles qui ne veulent pas voir, et donnez-leur assez d'humilité pour accepter l'enseignement de l'Église.
C.-E. Raymond, prêtre Rédemptoriste
Ste-Anne de Beaupré