La France, Fille aînée de l'Église, a la mission de conquérir le monde
Les fils de la Nouvelle-France n'ont-ils pas la même mission ?
Nous publions ici le magnifique panégyrique sur l'histoire de la Chrétienté en France, prononcé au Sanctuaire du Mont Saint-Joseph, à Notre-Dame-des-Bois, province de Québec, par le Chanoine Achille Larouche, lors des célébrations du "Quinzième centenaire du Baptême de Clovis".
En ces temps périlleux, où les ennemis de notre race canadienne-française et de notre culture catholique cherchent à anéantir la civilisation chrétienne établie, en Nouvelle-France, depuis plus de quatre siècles et demi, combien sommes-nous émus de lire le magnifique exposé du chanoine Larouche sur l'histoire chrétienne de notre mère patrie, la France ! Nous devons à nos saints fondateurs et à nos ancêtres venus de France, le christianisme qui a façonné l'âme de notre peuple.
Nous prions tous les saints fournis à l'Église par la France et la Nouvelle-France, depuis le Baptême de Clovis jusqu'à nos jours, d'épargner la province de Québec de la déconfessionnalisation officielle de notre système scolaire, et d'empêcher l'abrogation de l'article 93 de la Constitution canadienne permettant aux catholiques d'avoir leurs propres écoles. Nos hommages et nos félicitations au Chanoine Achille Larouche pour le grand combat qu'il mène contre la laïcisation de notre système scolaire.
L'article suivant est tiré de l'édition du journal « Nation Nouvelle », numéro 5 de novembre-décembre 1996, 31, rue King Ouest, Suite 221, C.P. 822, Sherbrooke, P.Q. JIH 5K7, Canada. Les titres et les sous-titres sont de Vers Demain.
Yvette Poirier
par : Chanoine Achille Larouche
Le Quinzième centenaire du Baptême de Clovis, à Reims, nous ramène aux origines de la Chrétienté en France, à son implantation et à son rayonnement. La première Chrétienté en Europe est française. Il vaut doublement la peine que l'on se penche sur son affirmation et la grandeur de sa vocation qui nous a elle-même marqués de son sceau de la Croix, alors que nous procédons à des débaptisations de toutes sortes.
La Chrétienté est née du Verbe fait chair, mort sur la croix et ressuscité. Elle reçoit sous le souffle divin de la Pentecôte la mission providentielle de conquérir le monde à Dieu. Elle fera de nous un peuple catholique. Elle façonnera notre Occident chrétien. Par bonté, par amour pour notre nation comme il l'avait fait pour la nation juive, Dieu lui confiera la vocation providentielle de l'évangélisation à travers le monde.
Quand nous regardons le jeu des causes secondes, nous sommes étonnés de l'influence d'une seule personne : naître dans l'Angleterre protestante d'Henri VIII, c'est naître protestant. Naître sur le sol gaulois au temps de Clovis, c'est naître catholique, rejetant l'arianisme. C'est à partir de ce jour que nous sommes devenus des catholiques français en devenir par l'interaction des causes secondes, ce peuple catholique de la Nouvelle-France. La Vierge Marie, mère de l'Homme-Dieu, mère de toute divine incarnation, présidait à l'avènement de notre Chrétienté, sous la bienveillante protection de saint Joseph.
Quinze-centième anniversaire de notre Chrétienté à célébrer, c'est remonter bien loin dans l'histoire, au point de se demander : qui était Clovis, le vainqueur de Tolbiac, promettant de se convertir au Dieu de Clothilde, s'il obtenait la victoire ? Ce qui fut fait en recevant le baptême des mains de saint Rémi, à Reims, en 496, avec ses 3,000 soldats. Il sera le créateur de notre Chrétienté, entraînant avec lui celle de tout un peuple évangélisé par ses moines et ses évêques.
On le voit ami et protecteur des évêques, défenseur contre l'hérésie de l'arianisme, unificateur de la religion et de la nation. Homme-clé dans l'édification de la Chrétienté dans les Gaules, on serait tenté de comparer son influence à celle d'un Jean-Baptiste et d'un saint Paul. Le Royaume chrétien de France portera, un jour, le nom de "Fille aînée de l'Église", grâce à l'évangélisation de ses saints évêques, de saint Irénée de Lyon, de saint Martin de Tours. Saint Irénée avait connu saint Polycarpe, lequel avait été disciple de l'Apôtre saint Jean. Fierté d'une Chrétienté qui s'édifie sur les fondements de la "transmission apostolique".
Autour de ses deux grands évêques prenaient forme les vues grandioses de la colonisation et de l'évangélisation de la future Europe chrétienne que les grands ordres monastiques, tels ceux de saint Benoît et de saint Colomban, allaient s'emparer pour la conquête des âmes. Ils défrichèrent les deux tiers de l'Europe. Les moines abattaient les arbres, ouvraient des terres, non pour eux-mêmes, mais pour les donner aux pauvres : œuvre d'une extraordinaire charité, faite de courage et de sacrifices. On les trouve parfois morts d'épuisement sur les bords des routes.
Après les défrichements, succèdent les monastères, les abbayes, les églises, les cathédrales, les évêchés, les paroisses, les hospices. Telle est l'épopée du "Génie du Christianisme" célébrée par Chateaubriand. Succède presque aussitôt la seconde phase, celle de l'évangélisation. La Chrétienté donne au peuple non seulement l'aisance matérielle, mais aussi le bonheur moral et spirituel. Paroisses et diocèses surgissent sur ces espaces. Le résultat de cette évangélisation est immense. Par l'apostolat des évêques et des prêtres, les barbares se convertissent, abandonnent leurs coutumes païennes. Il fallut s'écrier : "Ce sont les Moines et les Évêques, défenseurs de la Cité, qui ont créé la France catholique", et qui l'ont civilisée.
L'Église également, joue un rôle intellectuel et administratif, celui d'instruire et d'organiser la société, jadis barbare. Les intellectuels qu'elle forme dirigent la société. Une révolution sociale, morale et religieuse s'opère dans la vie du peuple par ces paroisses, ces abbayes, véritables foyers de vie religieuse et d'éducation du peuple pour un grand nombre d'entre elles. L'Église reconnaît aux esclaves, si nombreux à cette époque, leurs qualités d'homme, les admet au mariage, à la propriété. L'esclave devient père de famille. L'esclavage disparaît.
Les moines instruisent et nourrissent les populations. Presque chaque monastère possède une école où l'instruction est gratuite, comme elle l'était au temps de Marguerite Bourgeoys et de Marie de l'Incarnation, en Nouvelle-France.
Ses savants, ses lettrés comme saint Éloi, saint Quen et Alcuin sont conseillers et ministres des rois. C'est Alcuin qui montre à Charlemagne comment écrire. C'est ce dernier qui va ouvrir les premières écoles publiques. Et Charlemagne, comme jadis Clovis, combattra durant 40 ans pour l'extension de la Chrétienté et le progrès de la civilisation.
Les bienfaits de la Chrétienté s'en vont en se multipliant. Après la colonisation et l'évangélisation de l'Europe, la disparition de l'esclavage et l'établissement de l'éducation et de la culture, on voit apparaître les corporations pour l'organisation de la vie sociale et civile. Puis c'est au tour de la noble institution de la chevalerie de s'implanter. Quiconque avait été fait chevalier par des prières et des cérémonies religieuses était considéré comme parfait chrétien et parfait soldat. L'institution de la Chevalerie suscita de nobles vertus. On assista à l'avènement de la courtoisie. Elle date du Moyen-Age, mais elle peut se perdre. De l'amour courtois. De ces troubadours qui allaient chanter sous la fenêtre des châtelaines.
Cette époque contribue à pacifier les mœurs, à christianiser les familles, la société et même la guerre où à certains jours elle était défendue par l'Église. On constate et grâce aux victoires de Clovis et de Charlemagne et à l'effort missionnaire que les Visigoths, les Astrogoths, les Francs, les Burgondes sont convertis. L'Europe est devenue chrétienne d'arienne qu'elle était. Arius niait la nature divine du Christ. Il fut condamné par les Conciles de Nicée et de Chalcédoine.
La Chrétienté poursuit la trajectoire de ses conquêtes religieuses et spirituelles. En pleine possession de ses moyens, elle aura l'audace de tenter la périlleuse aventure de la conquête des Lieux Saints. Les chrétiens ne pouvaient plus se rendre en pèlerinage à Jérusalem. Il fallait faire quelque chose. Délivrer les Lieux Saints de ses occupants, les musulmans. On peut imaginer l'immense ferveur qui a soulevé le projet aussi périlleux de conquérir la Terre sainte. La Première Croisade fut organisée par le Pape Urbain II, en 1095. Elle fut prêchée par Pierre l'Ermite. Elle échoua. On mit sur pied une Seconde Croisade. Pour ce faire, on leva une armée d'un million d'hommes, chiffre inimaginable. La Croisade réussit. Jérusalem fut remis aux catholiques. Cette possession dura un siècle. Puis les musulmans recommencèrent. Leur condition de paix était que les chrétiens se fassent musulmans... Le bienfait des Croisades est d'avoir ouvert aux catholiques l'accès aux Lieux Saints, d'avoir contribué au progrès social et religieux et permis aux catholiques de s'aimer et de s'entraider.
La forme que devait prendre cette première Chrétienté manipulée, triturée par les soins de tant de saintes âmes, imprégnée des prières, des sacrifices venant de ces pèlerins, de ces chevaliers, de ces croisés, de ces saints, serait celle de l'apothéose, de l'épicentre de la belle époque religieuse du Moyen-Age que l'on découvre encore aujourd'hui. Et où le règne de saint Louis, ce grand roi chrétien, laisse poindre le point culminant de la Chrétienté.
Période de ferveur, de respect absolu de la loi de Dieu, de la pratique religieuse ; la vie chrétienne et spirituelle connaît un éclat qui ne sera jamais surpassé. Elle embrasse toute la vie de l'homme. C'est l'Âge d'or. Les grands savants sont théologiens et religieux : saint Thomas d'Aquin, saint Albert le Grand, saint Bonaventure, Duns Scott, grand défenseur du dogme de l'Assomption. Les universités de Paris et de Cologne comptent des dizaines de milliers d'étudiants qui s'inscrivent en théologie, la grande science du temps. Ils font connaître au monde que la science de Dieu est indépassable et souveraine. On se livre à sa conquête en même temps qu'on élève les voûtes des grandes cathédrales du monde. La Chrétienté est un tout à la gloire de Dieu et de l'homme, un tout sublimé comme le sera la vie des mystiques. Nous respirons l'air des cimes qui laisse percevoir que lorsque l'Église, la Papauté, la hiérarchie, les institutions chrétiennes et familiales ne sont pas contrecarrées dans leur action, elles connaissent une pleine vitalité et efficacité qui se reflètent jusque dans le comportement social et le progrès de la Cité.
Hélas, il aurait été trop beau pour la Chrétienté de rester au zénith où les regards des chrétiens se portaient davantage sur les "choses invisibles que sur les choses visibles". Règne de la sagesse. Les choses visibles sont pour un temps et les choses invisibles sont éternelles. Pour l'éprouver, Job fut tenté au moment où il servait Dieu dans la perfection et au point de tout perdre.
Dieu laissa-t-il l'ivraie pénétrer dans le beau et vaste champ de la Chrétienté pour l'éprouver, elle aussi ? Un pullulement de forces adverses, d'erreurs, de relâchement, de rébellion allait surgir pour semer la décomposition interne et externe de la Chrétienté. Il est bon, voire nécessaire de souligner ces causes, parce que nombre de celles-ci exercent encore aujourd'hui leur influence sur nous. Mentionnons le protestantisme de Luther et son libre examen, principe dissolvant et annihilant la vérité. On a dit qu'il synthétisait toutes les hérésies. Le protestantisme est l'hérésie monstre dont l'influence est toujours envahissante parmi nous. Comme au temps d'Érasme, il contribue à faire réapparaître le vieil esprit païen de l'humanisme athée, du laïcisme antichrétien.
C'est à partir de ce moment que commence le règne de l'argent. Ce nouveau maître du monde ne devait pas interrompre ses conquêtes. C'est le règne de l'usure condamnée par l'Église, qui creuse plus grand le fossé entre les riches et les pauvres, alors que l'Église avait contribué à faire régner l'équité sociale. Ils sont les ancêtres de nos riches et puissants capitalistes sur tous les continents qui possèdent le pouvoir économique aux dépens des faibles et des pauvres, qui "mesurent le sang et la vie des pauvres", dit un certain Pape. Les richesses occasionnent l'impiété et la corruption.
Dans l'ordre intellectuel de la pensée, on ne peut s'empêcher d'énumérer les causes physiques qui ont occasionné la dégénérescence de notre Chrétienté. Mentionnons d'abord le rationalisme : la raison explique tout. Elle rejette l'autorité. Voltaire en sera le prototype. Il ira en Angleterre puiser sa pensée auprès des libres-penseurs pour répandre leur influence en France. De son côté, Renan propagera l'impiété, l'athéisme sectaire, de même que Rousseau. Les plus dommageables seront ceux dits des Lumières de la Révolution Française. Ils enseigneront directement la négation de Dieu, le rejet de l'âme, de la vie éternelle, de la morale, de l'autorité. Il sera donné à la franc-maçonnerie d'appliquer ces principes antichrétiens dans le monde dissolvant sournoisement les fondements de la Chrétienté. Ajoutons les fausses théories qui portent le nom de panthéisme, de modernisme, de positivisme, de libéralisme, du nazisme et du marxisme communiste. Tous ces faux systèmes travaillent conjointement à la perte des principes chrétiens et à la disparition de la Chrétienté.
Au milieu des forces oppressives, maléfiques et diaboliques vouées à sa perte, notre Chrétienté est-elle laissée pour autant à l'abandon ? Non... contre le protestantisme, l'Église a opposé le Concile de Trente. Contre le modernisme, le socialisme, le libéralisme et le communisme, ce seront les grandes Encycliques de Léon XIII, de saint Pie X, de Pie XI et Pie XII, jusqu'au Pape Jean-Paul II. Face aux forces destructrices de la substance morale et spirituelle par la voie d'un catholicisme tourné vers le bonheur et le plaisir terrestres de l'homme, le dernier effort de l'Église sera celui du Concile de Vatican II qui a la faculté de sauver notre Chrétienté si nous prenons la peine de le lire, de l'appliquer et de ne point trop se fier à l'esprit et à la lettre de ses commentateurs.
En tant que nation chrétienne, Clovis nous a donné la Chrétienté, la civilisation chrétienne versus la barbarie. De tous ces bienfaits, il faut en être conscients et remercier Dieu et l'Église. Il faut aussi voir notre Chrétienté et surtout à l'heure de 1996, dans l'apathie et l'éloignement de Dieu, en son immense besoin de revenir à Dieu..., à la pratique religieuse, à la morale, à l'éducation chrétienne par la conservation absolue et irremplaçable de nos écoles catholiques, à la lutte contre l'apostasie immanente qui ronge, dégrade notre peuple.
En face de notre Chrétienté à refaire, nul ne doit démissionner, mais s'engager dans la voie royale du Christ comme l'ont fait d'une manière édifiante et héroïque Marie et Joseph, à Bethléem et à Nazareth. Nous avons remarqué qu'à la barbarie d'autrefois, il manquait une pièce irremplaçable : la Chrétienté pour que l'homme trouve sa dignité et le sens de sa vie. Et par ricochet comme effets secondaires, l'épanouissement des valeurs humaines, celles de paix, de bonheur et de réussite en cherchant et en s'adonnant aux valeurs religieuses et spirituelles. À nous chrétiens, chrétiennes d'aujourd'hui, nous devons faire rayonner notre Chrétienté à l'heure où nous retournons à la barbarie, où la barbarie s'installe parmi nous.
Mais restaurer notre Chrétienté, c'est arrêter sa régression. C'est pratiquer, c'est dynamiser notre Foi chrétienne. C'est vivre du Christ. C'est Le faire connaître et aimer.
Chanoine Achille Larouche