Une mystérieuse ligne imaginaire unit entre eux sept monastères, de l'Irlande jusqu'en Israël, tous reliés à l'archange saint Michel. Simple coïncidence ? Ces sanctuaires sont très éloignés les uns des autres, mais parfaitement alignés. La ligne sacrée de saint Michel archange serait, selon la légende, le coup d'épée que le saint archange asséna sur Lucifer, le chef des anges déchus, pour le renvoyer en enfer.
Quoi qu'il en soit, le parfait alignement de ces sanctuaires est surprenant : les trois sites les plus importants – le Mont-Saint-Michel en France, l'abbaye Saint-Michel–de-la-Cluse et le sanctuaire du Mont-Gargan en Italie – sont équidistants, chacun à 1000 kilomètres de distance de l'autre. Serait-ce un avertissement du saint archange afin que les lois de Dieu soient toujours respectées et que les fidèles restent sur le droit chemin ? Autre signe particulier, cette ligne sacrée s'aligne parfaitement avec le soleil levant du solstice d'été. Voici ces sept lieux dédiés à saint Michel :
La ligne commence en Irlande, sur une île déserte, là où l'archange Michel serait apparu à saint Patrick, patron de l'Irlande, pour l'aider à délivrer son pays du démon. C'est ici que se trouve le premier monastère, celui de Skelling Michael (« Le Rocher de l'archange Michel »). Cet îlot est situé dans le sud-ouest de l'Irlande, dans le comté de Kerry. Inscrit au patrimoine mondial, cet îlot s'élève à 218 mètres au-dessus de la mer. Un monastère aurait été fondé dès le VIe siècle par saint Fionan. Mais ce n'est qu'entre 950 et 1050 que ce monastère fût consacré à saint Michel. Le monastère disparaît au XVIe siècle, quand la reine Elisabeth 1re d'Angleterre, suite à une rébellion locale, décide de le dissoudre. La pratique de pèlerinages est cependant toujours vivace, grâce à la présence encore aujourd'hui de quelques chapelles.
La ligne se dirige ensuite vers le Sud et s'arrête en Angleterre, au St. Michael's Mount (« Mont- Saint-Michel »), une petite île dans les Cornouailles, accessible à pied à marée basse (tout comme le Mont-Saint-Michel en France). À cet endroit-même, saint Michel aurait parlé à un groupe de pêcheurs en 495. L'église actuelle, un monastère bénédictin et un prieuré furent construits en 1135 sur ordre de l'abbé du Mont-Saint-Michel. Ce monastère est saisi par la couronne anglaise en 1425 comme possession étrangère puis fermé en 1539, à la suite du schisme anglican qui provoque la dissolution de tous les établissements monastiques et la confiscation de leur trésor par le roi Henri VIII. Saint Michael's Mount devient alors une forteresse, avant de se transformer en lieu touristique de nos jours.
Puis la ligne sacrée se poursuit en France, sur une autre île célèbre, le Mont-Saint-Michel, où l'archange Michel serait également apparu. La beauté de son sanctuaire et de l'immense baie qui l'entoure sur la côte normande, en fait l'un des sites touristiques les plus visités de toute la France. Il est inscrit au patrimoine de l'Humanité de l'Unesco depuis 1979. Déjà au temps des Gaules, ce lieu était imprégné d'un fort mysticisme, puis en 708 l'archange apparut à l'évêque d'Avranches, saint Aubert, à qui il demanda de construire une église dans le rocher de ce qui s'appelait alors le Mont-Tombe. Les travaux commencèrent mais ce n'est qu'en 900, avec les moines bénédictins, que l'abbaye fut construite. Les derniers bénédictins quittent le Mont en 1791, qui reste néanmoins un haut lieu de pèlerinage. La statue de l'archange mesurant 3,5 mètres de haut est réalisée en 1895. À partir de cette époque, le Mont connaît une renaissance religieuse (le culte est rétabli dans l'abbatiale en 1922) et un développement du tourisme.
À 30 kilomètres à l'ouest de Turin, à l'entrée du val de Suse, se dresse l'abbaye Saint-Michel-de-la-Cluse (en italien Sacra di San Michele), à mi-chemin entre le Mont- Saint-Michel en France et le Mont Gargano en Italie. Son histoire commence à la fin du Xe siècle. Vers 980, l'ermite Jean Vincent, futur archevêque de Ravenne, reçoit durant un songe l'ordre de saint Michel de reconstruire l'oratoire situé sur le mont Pirchiriano. La construction d'une abbaye bénédictine y commence vers l'an 1000, mais lui seront ajoutées de nouvelles structures au fil des siècles. L'abbaye bénédictine bénéficie rapidement d'un grand prestige, notamment pour son hospitalité internationale. Son architecture en fait un chef-d'œuvre de l'art roman. Saint-Michel-de-la-Cluse est encore aujourd'hui un haut lieu de pèlerinage et de tourisme culturel.
Mille kilomètres plus loin, on trouve le plus ancien sanctuaire en Europe de l'Ouest consacré à saint Michel Archange, et un lieu de pèlerinage depuis le Haut Moyen Âge. Vers 490, saint Michel apparaît à saint Laurent Maiorano, évêque de Sipontum, dans les Pouilles, et ordonne que cette grotte du Monte Gargano lui soit consacrée. L'archange promet aussi la protection de la ville contre les armées étrangères. Ayant entendu parler de ce miracle, le pape Gélase II (492-496) fait construire une basilique sur place. Le jour de la dédicace, le 29 septembre 493, se produit un second miracle. Arrivés à la grotte pour la consacrer, les évêques, le peuple et le clergé présents eurent la stupéfaction de voir un autel de pierre déjà érigé, recouvert d'un pallium rouge et surmonté d'une croix. L'empreinte d'un pied de saint Michel s'y trouvait également. Enfin, la promesse de défendre la cité par saint Michel se réalise le 8 mai 663. Une bataille opposant les Lombards aux Grecs voit la défaite de ces derniers. Cette victoire chrétienne serait due à l'apparition, la veille des combats, du prince de la milice céleste au milieu de la montagne et armé d'une épée flamboyante.
Ce miracle est commémoré à partir du XVIème siècle : Saint Pie V l'inscrit au calendrier catholique à la date du 8 mai. De nombreux papes (Urbain II, Grégoire X) et saints (saints Bernard, Thomas d'Aquin…) ont pu se recueillir dans ce sanctuaire à l'atmosphère si particulière.
Le sixième monastère dédié à saint Michel se situe sur l'île de Symi, en Grèce, au large des côtes sud-ouest de la Turquie. Dans la mythologie grecque, Symi est le lieu de naissance des Trois Grâces, qui personnifient l'allégresse, l'abondance et la splendeur. Le monastère Panormitis est le plus important des neuf monastères consacrés à saint Michel sur l'île, un pour chaque cercle angélique. Il aurait été construit en 450 à l'emplacement d'un ancien temple dédié à Apollon. Selon la légende, une vieille femme y aurait trouvé un icône représentant l'archange ; un monastère y aurait ensuite été érigé. Une autre légende dit que les habitants de Symi auraient offert un balai à saint Michel ; depuis les moines l'entendraient balayer le monastère la nuit… L'île de Symi a la particularité d'avoir été dirigée par les Hospitaliers de 1309 à 1522. Le bâtiment actuel date du 18e siècle, et abrite une statue de l'archange de 3 mètres de haut, une des plus hautes du monde.
La ligne sacrée se termine en Israël, au Monastère du Mont-Carmel à Haïfa. Ce lieu est vénéré depuis l'Antiquité et sa construction, comme sanctuaire chrétien et catholique, remonte au 12e siècle. Également nommé monastère Stella Maris (Marie étoile de la mer) depuis 1955, le centre spirituel de l'ordre carmélite est curieusement le seul des sept monastères qui ne soit pas directement en lien avec saint Michel. Notre-Dame-du-Carmel est en revanche très lié à saint Élie, souvent représenté avec une épée en feu, comme le prince des armées célestes. En effet, une très ancienne tradition dit que le prophète Élie aurait vécu et prié dans la grotte située juste en face du monastère, ainsi que dans une autre grotte localisée elle, directement à l'intérieur de celui-ci. Une seconde tradition raconte même que la Sainte Famille y aurait résidé une nuit en revenant d'Égypte, sur le chemin de Nazareth. Un groupe d'ermites mené par saint Berthold commence à vivre dans les grottes du mont Carmel en 1185. Arrivés en Europe, les carmes font connaître leur ordre à la société occidentale. Ils ne reviendront que durant la septième croisade, dans le sillage de saint Louis, en 1254. Hélas, la chute de Saint-Jean-d'Acre en 1291 les force de nouveau à s'exiler, les moines restants étant massacrés par les Mamelouks. Il faudra cette fois attendre 1631 pour que les carmes déchaux, fondés par sainte Thérèse d'Avila, achètent plusieurs grottes du mont Carmel. Une nouvelle expulsion est prononcée contre eux en 1761 par le gouverneur musulman. Le monastère actuel est construit en 1827 et 1836, et les carmes l'occupent depuis 1846. Il a été occupé durant une grande partie du XXe siècle par les armées britannique et israélienne, mais il est aujourd'hui restitué aux carmes.
En video : www.youtube.com/watch ?v=JQE0IgtZ3Ms& ;t=165s