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L'Église est toujours triomphante

le mardi, 01 octobre 2002. Dans Catéchèses et enseignements

Deux forces suffisent pour sauver les peuples et les âmes ; Glaive de la vérité. Glaive des gouvernements

Ces glaives réunis : bonheur des peuples Ces glaives ennemis : martyre des chrétiens

Le 25 avril 1869, un discours était prononcé, à Paris, par le Père Ludovic, Frère Mineur Capucin. Nous en présentons ici des extraits. Il mérite d'être profondément médité par nos contemporains de 2002. Ce discours pourrait servir à l'examen de conscience de plusieurs d'entre nous, qu'il rendrait plus fermes dans le combat.

Les arguments des ennemis du Christ, aujourd'hui, n'ont même pas la couleur d'une quelconque nouveauté, malgré les affirmations vaniteuses de leurs orateurs. Ces arguments sont de la vieille fricassée réchauffée, où l'on voit que Satan est toujours le même « menteur et assassin ».

Dieu seul, malgré son immutabilité infinie, peut nous apparaître dans un éternel changement, à cause de sa beauté sans limite. Satan, lui, est toujours semblable à lui-même. Ceux qui, en 2002, croient encore à ses grimaces ne peuvent se prévaloir d'inventions nouvelles.

Et ceux qui veulent vraiment suivre le Christ. ne doivent pas oublier qu'il a gravi le Calvaire avec sa croix sur ses épaules, après avoir été banni, torturé et condamné à mort. Une nouvelle religion facile n'est pas la religion du Christ, mais un mensonge de Satan. Plus que jamais, en 2002, la guerre est faite au Christ. Déjà plusieurs de nos contemporains sont morts martyrs, d'autres croupissent encore dans les cachots où ils sont férocement maltraités. Pourquoi un meilleur sort nous serait-il garanti à nous qui sommes les frères de ceux qui souffrent ?

Le Père Ludovic parle

Nous voici en présence d'un fait étrange, qui se renouvelle sans cesse dans le monde. L'Église a commencé avec lui. Je le vois sur le Calvaire, dans la personne de Jésus crucifié. Après Jésus, ce sont les apôtres ; après les apôtres, c'est le tour des chrétiens. Pendant trois siècles, le sang des justes coule sans interruption. En Europe, en Asie, en Afrique, on ne voit que ce spectacle. Quand les empereurs romains se convertissent, le fleuve de sang s'arrête tout à coup ; mais il ne tarde pas à reprendre son cours. Les rois barbares, les empereurs de Constantinople, les princes musulmans le font tour à tour couler à pleins bords. Les temps modernes l'ont vu comme les temps anciens ; et nous le voyons encore de nos jours. Pendant que l'Église met sur les autels les chrétiens martyrisés au Japon au commencement du XVIIe siècle, la persécution recommence dans ce même empire du Japon. Elle sévit avec cruauté dans la Corée et dans la Cochinchine. L'Europe elle-même n'est pas préservée de ses fureurs.

Deux glaives

Qu'est-ce donc que ce fait ? (...) Qu'est-ce qui amène son retour périodique sur la terre ? (...)

Il y a dans le martyre deux forces différentes, qui devraient être unies pour servir la même cause, et qui, séparées par le mensonge, engagent l'une contre l'autre une lutte désespérée. Il y a deux glaives qui se croisent dans un duel sanglant.

C'est d'abord le glaive de la vérité divine, celui que saint Jean vit sortir de la bouche du fils de l'Homme, comme une épée à deux tranchants (Apocalypse, I, 16). Ce glaive n'est pas destiné à percer les corps, mais à percer les âmes. Il doit, selon saint Paul, opérer une division entre l'homme animal et l'homme spirituel, une séparation des pensées et des sentiments. Il ne verse pas le sang, mais il fait couler des larmes qui purifient les cœurs et les rendent dignes de Dieu.

L'autre glaive est de fer et d'acier. C'est la puissance matérielle que possèdent les gouvernements.

Ces deux forces suffisent pour sauver les peuples et pour sauver les âmes. Il me semble que c'était la pensée de Notre-Seigneur dans la réponse mystérieuse que je viens de vous citer. Au moment solennel où ce divin Sauveur allait engager le combat suprême de sa Passion, les Apôtres lui présentent deux épées, et Jésus leur dit : « Cela suffit »,

Oui, c'est assez. Unies, les deux forces opèrent l'Œuvre de Dieu dans la justice et dans la paix. Alors, le glaive matériel n'a pas besoin de se couvrir de sang. Il brille dans la main des rois, comme une arme redoutable qui tient au respect les impies, et permet à la vérité religieuse d'opérer sans secousse la transformation morale de la société.

Séparés, les deux glaives suffisent encore ; car ils engagent bientôt une lutte sanglante, et font tomber partout une moisson de martyrs, féconde semence de nouveaux chrétiens.

Telle est la raison d'être de ce fait mystérieux. La séparation de l'Église et de l'État produit toujours le martyre, et la fameuse maxime « L'Église libre dans un État libre » est une formule mensongère qu'il faut traduire par ces mots : « L'Église persécutée dans un État persécuteur ; L'Église pleine de martyrs dans un État plein de bourreaux ».

Il n'est pas inutile de nous arrêter aujourd'hui sur ces pensées, car l'idée de la séparation est dans l'air que nous respirons. Elle préoccupe plus ou moins les esprits. Eh bien ! si la séparation se consomme, chaque chrétien devra se préparer au martyre. Il ne suffira pas de donner à Dieu des prières et au prochain la charité ; il faudra donner du sang. La paix de la conscience et le Ciel seront à ce prix.

Et quoi de plus juste que de tirer le glaive contre les oppresseurs de la conscience ?... Vous trouvez bon que la justice protège vos biens et vos personnes contre le brigandage et l'assassinat (...) Et l'esprit de ce peuple, que tant d'obstacles empêchent de voir et de repousser la calomnie, vous permettrez qu'on lui inculque à force de mensonges, la haine de la religion, le mépris de Dieu, l'horreur du sacerdoce ! Vous souffrirez qu'on inocule à son cœur la rage de l'impiété, source intarissable des guerres civiles et cause d'une éternelle damnation !

Vous trouvez bon que nos armées courent à la frontière pour défendre la patrie contre les attaques de l'étranger (...) Et l'Église, qui est la patrie des âmes, qui leur donne la paix, dans l'amour de Dieu et du prochain, vous livrerez sans défense cette patrie spirituelle aux persécutions de ses ennemis !

Vous trouvez bon que les rois tirent leur glaive pour défendre leur trône contre les conspirateurs ; vous leur permettez de défendre les plus humbles de leurs fonctionnaires (...) Et vous voulez qu'ils restent impassibles, lorsque l'impiété s'attaque à l'honneur de Dieu, au trône du Souverain Pontife, à tout le sacerdoce de Jésus-Christ ! (...)

Il faut choisir

La séparation de l'Église et de l'État produit inévitablement le martyre. Depuis dix-huit siècles, l'histoire donne chaque jour une preuve nouvelle de ma proposition. Ce n'est ici ni le lieu ni le temps de faire cette histoire ; j'ai, du reste, une preuve plus concluante à vous offrir.

Pour accomplir ses projets barbares, l'impiété a besoin du concours des gouvernements. Les sectaires se mettent donc à l'œuvre : ils demandent la séparation de l'Église et de l'État. Il faut que les rois rompent avec nous, afin de se lier avec eux ; il faut qu'ils sortent de nos temples pour se faire affilier aux sociétés secrètes ; ils doivent cesser d'être chrétiens pour devenir francs-maçons.

Aussi, je l'affirme sans crainte : les gouvernements, qui retirent à l'Église leur amitié, arriveront fatalement à la persécuter. C'est en vain qu'ils essaieront d'observer une parfaite indifférence envers la vérité et l'erreur.

On veut aujourd'hui que l'État n'ait point de religion, et que, placé au milieu de tous les cultes, il ne penche d'aucun côté. Ce système d'équilibre n'est qu'une chimère. Si la religion n'était qu'une vaine science enfouie dans les livres, les gouvernements pourraient la laisser dormir. Mais la religion est une chose vivante, qui agite l'esprit et passionne le cœur. C'est Dieu, Dieu lui-même manifestant sa puissance au sein de l'humanité par des impressions irrésistibles. Il n'est au pouvoir de personne d'arracher Dieu de la conscience, et de l'enterrer dans un cercueil. Toujours la créature se trouvera devant son Créateur, et il faudra qu'elle choisisse entre l'amour et la haine, entre l'adoration et la révolte. Les hommes du gouvernement subiront cette loi comme les derniers de leurs sujets. On verra s'accomplir en eux la parole de Notre-Seigneur : « Celui qui n'est pas avec Moi est contre Moi ».

Sagesse de Dieu

La haine ne produit que des bourreaux.

L'amour seul engendre les martyrs, l'amour de Dieu et l'amour du prochain portés jusqu'à l'héroïsme, amour qui choisit la mort par un acte volontaire.

Ce choix appartient à l'essence du martyre. Le supplicié n'a pas le pouvoir d'échapper à la mort ; le soldat, sur le champ de bataille, s'expose au danger de la recevoir, mais il espère n'être pas atteint. Le martyr s'offre librement à une mort certaine ; il pourrait vivre, il aime mieux mourir. Les Dominicains du Japon avaient donné l'habit religieux à un jeune Japonais, nommé Thomas. Les bourreaux, touchés de compassion de tant d'innocence et de candeur, lui promettent la vie s'il veut nier qu'il a connu les Pères. « Et comment, répond le jeune religieux, comment pourrais-je dire cela, sans offenser Dieu par un mensonge ? » On lui trancha la tête après cette réponse.

Le martyr ne se contente pas de recevoir la mort, il va la chercher souvent avec une ardeur audacieuse. C'est l'espoir d'être martyrisé qui pousse la plupart de nos missionnaires vers les pays où règnent les persécutions. Sans doute l'Église a toujours conseillé aux fidèles de ne pas s'exposer témérairement à la mort ; mais c'est la sagesse ordinaire ; il y a une sagesse plus haute, que l'esprit de Dieu communique à des âmes choisies.

Nous pouvons l'admirer dans le bienheureux Alphonse Navarette, le premier des Dominicains martyrisés au Japon. Il remplissait dans ce pays l'office de Provincial. Quand l'édit de persécution fut promulgué, il se cacha d'abord comme tout le monde. Tout à coup, il apprend que deux religieux, un Frère Mineur et un Jésuite, avaient été découverts et martyrisés. À cette nouvelle, il se sent enflammé de zèle : « Mon frère, dit-il à un religieux qui était caché avec lui, si j'allais au devant de la mort ? il me semble que Dieu me le demande ». Et il se met à genoux pour prier. Le Père Augustin le voit alors ravi dans une douce extase. Transporté par ce spectacle, il dit au Bienheureux Alphonse : « Mon frère, je vais avec vous ». Ils reprennent donc l'habit religieux, sortent de Nagasaki, et vont prêcher publiquement la foi catholique. Peu de jours après, ils étaient pris et décapités.

Le monde va crier à la folie. Cette folie est la sagesse de Dieu ; sagesse toujours admirable, qui élève un homme à une hauteur divine, et le place à côté de Jésus-Christ ; sagesse parfois nécessaire pour rendre au monde le bon sens chrétien.

Écoutez ceci, c'est le point le plus important de ce discours, celui qui pourra vous donner des conclusions pratiques pour le règlement de votre vie : il y a des temps où les chrétiens doivent aller au devant du martyre. L'amour de Dieu, l'amour du prochain doivent leur donner ce courage.

L'enseignement catholique

L'enseignement catholique a manifesté au monde les grandeurs de Dieu ; il a ouvert aux peuples les voies de la civilisation ; aux âmes, le chemin du Ciel. Aussi, la charité ne saurait rien faire de plus grand que de propager cette doctrine. C'est l'œuvre qu'entreprennent les témoins généreux, dignes d'être crus sur parole. Ils deviennent les pères de la foi, et peuvent seuls la faire naître dans les cœurs.

Il y a bien une science religieuse, partage de quelques intelligences d'élite, et encore ces intelligences doivent commencer par la foi, c'est-à-dire par l'acceptation du témoignage.

Quant à la foule, elle ne pourra jamais acquérir cette science. Instruisez-la tant que vous voudrez, vous ne rendrez jamais capable le peuple de pénétrer dans les profondeurs de la théologie. Il devra toujours écouter et croire les témoins chargés d'enseigner également aux savants et aux ignorants les vérités révélées par la bonté divine.

Témoin de Dieu

Le premier témoin de Dieu, c'est Jésus-Christ : « Je suis venu, disait-il à Pilate, pour rendre témoignage à la vérité ».

Les apôtres le furent après lui, Jésus leur avait dit : « Vous serez mes témoins dans Jérusalem, dans la Judée et dans le monde entier ». Il en a été ainsi de tout temps. Il y a un sacerdoce dont la tête est à Rome et les membres partout, un sacerdoce qui va de saint Pierre à Pie IX, (en 2002, de saint Pierre à Jean-Paul II) et qui atteste devant le peuple la vérité de la foi catholique.

On ne croit un témoin que d'après sa valeur personnelle. Est-il savant, de cette science qui l'empêche de se tromper ? (...) Est-il sincère, de cette sincérité qui donne une grande vertu ? (...) Et s'il parle au nom de Dieu, apporte-t-il avec lui quelque signe d'une mission divine ? (...) À ces conditions, il sera cru sur parole ; si ces conditions lui manquent, on repoussera son témoignage.

Or, un témoin peut posséder toutes ces conditions d'une manière éclatante ; il peut avoir la science, la sainteté, la puissance du miracle ; si, paraissant devant la foule, il est livré sans résistance à la calomnie, la foule ne verra rien en lui des qualités qu'il possède, et méconnaissant son caractère, elle repoussera sa doctrine. Alors, que restera-t-il à ce témoin pour ouvrir les yeux à un peuple égaré ? Il lui restera l'argument suprême du martyre. Vous repoussez le témoignage de la science, de la vertu, du miracle, eh bien ! je vais donner le témoignage du sang, je vais mourir pour la vérité. Ma mort vous parlera plus fortement que ma vie, et vous cesserez d'être incrédules à la doctrine du salut.

J'ai une preuve sans réplique pour démontrer ces propositions d'une manière péremptoire. J'ai l'exemple de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Contemplons un instant cet auguste Témoin des vérités éternelles. Il a paru sur la terre entouré d'ennemis. Les scribes et les pharisiens, occupés à l'observer d'un cil jaloux, le déchiraient sans cesse devant le peuple, dénaturant ses paroles et ses actes. Il n'y avait pas de gouvernement pour fermer la bouche aux calomniateurs ; le pouvoir civil appartenait à Pilate, qui se lavait les mains de tout cela. N'est-ce pas ici la séparation complète de l'Église et de l'État ? N'est-ce pas l'Église libre dans l'État libre ?

Jésus-Christ est resté libre de prêcher pendant trois ans ; il a usé largement de cette liberté, parlant tous les jours, partout et à tout le monde.

Voyons un peu les fruits de ce système : si la vérité n'a besoin d'aucun secours humain pour arriver jusqu'au peuple, nous allons admirer son triomphe ; car c'est la vérité éternelle, incarnée dans le fils de Marie, qui va parler aux Juifs.

Trois témoignages sans effets

Il y a d'abord en Jésus une éloquence admirable qui jette la foule dans la stupeur. Les satellites envoyés pour le prendre s'arrêtent subjugués par le charme de ses paroles, et ils s'écrient : « Jamais homme n'a parlé comme cet homme ! » Et pourtant le peuple refuse de se convertir, et Jésus s'en plaint, par la bouche d'Isaïe, avec une tristesse profonde : « J'ai parlé, dit-il de la voix et du geste, pendant les journées entières, devant un peuple qui refuse de me croire, et qui ne cesse de me contredire ».

Quelle sainteté n'égala jamais la sainteté du Fils de Dieu ? (...) Eh bien ! trompé par la calomnie, le peuple n'a pas assez confiance en sa vertu. C'est Jésus lui-même qui nous l'apprend : « Jean-Baptiste, dit-il, s'est présenté devant ce peuple, pratiquant le jeûne le plus rigoureux ; et ils disent de lui : « C'est un fou possédé par le démon ». Le Fils de l'Homme se présente, mangeant et buvant comme tout le monde, et ils disent : « C'est un gourmand, qui n'aime que le vin et la bonne chair ».

Les miracles, du moins, auraient dû lui gagner la foi du peuple. Jésus ne les a pas épargnés ; mais non, ils sont demeurés inutiles. Les pharisiens l'accusaient de les faire au nom de Beelzébuth, et le peuple croyait cette stupide calomnie.

Voilà donc le fils de Dieu donnant au peuple inutilement, pendant trois années, le témoignage de la science, le témoignage de la sainteté, le témoignage des miracles. Quelques disciples seulement et douze apôtres acceptent sa doctrine et ils s'attachent à Lui, mais si faiblement, que l'un d'entre eux le trahit pour trente deniers, et tous les autres l'abandonnent au moment de l'épreuve.

Le témoignage de sang

Que fera donc Jésus pour triompher des intelligences rebelles, qui repoussent obstinément la vérité ? (...) Ah ! il lui reste un dernier argument, un témoignage suprême, devant lequel tous les esprits sincères tomberont à genoux. Il lui reste le témoignage du sang.

Il le sait, et il se console de l'insuccès de ses travaux, par le succès futur de son martyre. « Quand je serai pendu à une croix, dit-il, alors j'attirerai à moi tous les cœurs. ». Il lui tarde d'arriver à ce moment solennel. Cette cruelle mort, il l'appelle son baptême. Le baptême est une profession de foi ; on y prend l'engagement d'être le témoin de la vérité catholique. Eh bien ! le baptême de Jésus, c'est son martyre (...) « Je dois être baptisé d'un baptême de sang. Et qu'il me tarde de consommer ainsi mon témoignage ».

Non seulement, il désire cette mort, mais il la recherche : l'amour pour le pauvre peuple le transporte d'une sainte colère contre les impies qui trompaient les âmes. Il se tourne vers les pharisiens ; Il arrache violemment leur masque ; Il les appelle hypocrites, sépulcres blanchis, serpents, races de vipères ; Il n'épargne rien pour les pousser à bout, pour les amener sur le terrain du martyre, pour les forcer à prendre le glaive de fer, afin de le mesurer sur la croix avec le glaive de la vérité.

Il arrive enfin à la satisfaction de ce désir. Il meurt, et sa mort devient le principe de la vie des âmes. Les conversions commencent sur le Calvaire, pour ne plus s'arrêter. Désormais, tous les martyres porteront des fruits de salut. Ce sera la grande loi de la miséricorde divine sur les peuples égarés, loi invariable, que Tertullien après deux siècles de persécutions, formulait dans ces belles paroles : « Le sang des martyrs est la semence des chrétiens »,

Un temps de guerre

Je finis en posant cette question : Sommes-nous aujourd'hui au temps de la paix ou au temps de la guerre ? Car l'Écriture nous enseigne que nous devons savoir discerner les temps, pour régler notre conduite avec prudence. Elle nous dit qu'il y a un temps pour aimer et un temps pour haïr.

Je réponds que, les gouvernements ne protégeant plus l'Église contre ses ennemis, nous sommes au temps de la guerre.

Lorsque l'Église, protégée contre la calomnie, est entourée d'un juste respect, c'est pour elle le temps d'une douce charité. Les chrétiens, alors, ne doivent avoir dans le cœur et sur les lèvres que des paroles de tendresse. N'ayant rien à craindre pour la foi du peuple des tentatives de leurs ennemis, ils doivent se montrer magnanimes, les excusant beaucoup et leur pardonnant davantage.

Mais, lorsque l'Église est livrée sans défense aux violences des calomniateurs, elle se trouve dans la situation de Jésus, et par conséquent elle est obligée d'agir et de parler comme Lui. Elle doit dire comme le Fils de Dieu : « Je ne suis pas venu apporter la paix mais le glaive. »

Tenir une autre conduite, avoir un autre langage, c'est faire preuve d'inintelligence ou de lâcheté. C'est lâcheté de la part de ces chrétiens mondains qui veulent jouir de la vie, aller au théâtre, danser, goûter un paradis sur la terre, en attendant le paradis éternel, et qui pour cela demandent la paix à tout prix. C'est inintelligence de la part de ces chrétiens généreux qui veulent le salut des âmes et le triomphe de l'Église, et qui espèrent l'obtenir par la conciliation.

Non, les âmes se perdent, l'Église elle-même se perdrait si elle cessait le combat quand ses ennemis triomphent. Elle n'a pas le droit d'accepter une paix honteuse ; c'est à elle de dicter, en victorieuse, les conditions de la paix. Elle tient dans ses mains l'honneur de Dieu, le salut des âmes, la liberté du monde. Il y a tout cela sous le drapeau de Jésus-Christ. Tant que ce drapeau est insulté, le chrétien doit soutenir le combat avec la résolution d'y laisser la vie.

Dialogue trompeur

Ah ! vous vous fiez dans la force de la vérité, et vous ne voulez ni lutte violente ni protection de l'État ! Eh bien ! le pape Saint Félix III vous enseigne que la vérité, quand elle n'est pas défendue, est opprimée. Elle subit nécessairement le sort des témoins qui l'apportent. S'ils tombent sous les coups de la calomnie, elle tombe avec eux.

Comment ne craignez-vous pas ce triste sort ? L'audace des impies ne vous épouvante point ! Mais, par quel prodige serez-vous plus heureux que Jésus-Christ ? Quoi ! le fils de Dieu, avec sa sagesse infinie, ses miracles et sa sainteté ; le Fils de Dieu, parce qu'il a été en butte aux calomniateurs, n'a pu convertir le peuple ; et vous espérez, parce que vous êtes les hommes de la conciliation, vous espérez que les peuples modernes, trompés par des menteurs plus acharnés et plus habiles que les pharisiens, reconnaîtront cependant votre science et vos mérites, et reviendront à la foi ! Ah ! les faits préparent à vos illusions des déceptions amères !

Il y a longtemps que de fervents catholiques, entraînés par la bonté de leur cœur, ont entrepris de parler aux impies avec plus d'affection et de respect qu'ils n'en témoignent à leurs propres frères. S'ils n'écoutaient que leur tendresse naïve, ils crieraient volontiers aux libres-penseurs, aux protestants, aux juifs, aux musulmans : Vous êtes dans le chemin du Ciel, vous êtes les amis de Dieu ; soyez aussi nos amis, et vivons en paix, et dans la liberté de nos consciences.

Qu'avons-nous gagné à ce système ? (...) Ce que nous avons gagné, le voici : les meneurs de l'impiété, charmés de ce langage de conciliation qui fait parfaitement leur affaire, acceptent nos compliments, nos sourires, nos serrements de main comme un hommage à leur mérite et un aveu de notre impuissance. Leur fierté ne connaît plus de bornes. Ils nous prennent sous leur protection et nous donnent des conseils : conseils perfides, protection dérisoire, ou plutôt leçon cruelle pour la naïveté des catholiques qui mettent leur espérance dans ces amitiés. Car nos impies se tournent vers le public qui les écoute, qui les lit chaque jour avec avidité, et nous représentent comme des ignorants, des esprits étroits et rétrogrades, des hommes incapables de comprendre notre siècle et de marcher avec lui. Ils proclament que le temps est venu où le monde doit cesser d'écouter l'Église, pour suivre des maîtres qui lui viennent au nom de la science et du progrès.

Et parce que tous les catholiques aujourd'hui ne parlent pas le langage de la paix, ils disent encore que nous sommes des êtres barbares, qui ne rêvons que des bûchers de l'Inquisition, pour y brûler vif nos ennemis. Les journaux, la littérature, le théâtre, se mettent d'accord pour nous traiter avec cette perfidie. J'oublie ce détail : ce n'est pas le moins important. Ils observent nos fautes d'un regard implacable, et prêtant au corps tout entier les faiblesses de quelques membres, ils remplissent le monde du récit de nos scandales.

Une génération de bourreaux

Ainsi, des sots, des fanatiques sanguinaires, des êtres corrompus, voilà ce que nous sommes. C'est avec ces titres que nous paraissons aujourd'hui devant le peuple pour le rendre chrétien. Aussi regardez-le, ce pauvre peuple, le peuple de la rue et des ateliers, le peuple un peu mieux vêtu des boulevards, des boutiques et des bureaux. Il s'éloigne chaque jour davantage de nos églises ; il refuse d'entendre nos paroles ; il repousse les sacrements ; il vit dans l'oubli de Dieu et la débauche ; l'impiété le gagne de plus en plus ; une haine aveugle commence à l'agiter ; elle lui a fait pousser naguère dans les réunions publiques des cris sauvages, qui ont jeté la consternation dans tous les cœurs honnêtes. On dirait qu'une génération de bourreaux se forme en ce moment dans les bas-fonds de la société, et déjà nous avons entendu les premiers rugissements du tigre.

Ah ! prenons garde ! Si les malheurs qui nous menacent ne nous ouvrent pas les yeux sur la nécessité de la lutte ; si la vue de ces âmes qui se perdent ne nous cause aucune tristesse ; si les excès de l'impiété nous laissent sans colère c'est la preuve évidente que nous n'avons point d'amour. Nous pouvons avoir des pratiques religieuses, des idées chrétiennes, peut-être même un certain zèle pour les œuvres religieuses, mais notre cœur est desséché par l'amour-propre ; il est plein de confiance en nos idées personnelles, plein de ces petites passions que l'amour de Dieu et l'amour du prochain ne laissent jamais subsister dans les âmes.

Le Pape Pie IX

L'amour de Dieu vient de la foi : la foi vient du témoignage ; le témoignage est rendu aujourd'hui par une personne auguste, par le Vicaire de Jésus-Christ. Voilà qui doit conduire à Dieu nos esprits et nos cœurs.

Que fait le témoin depuis plus de vingt ans qu'il occupe la chaire de la vérité ? Il fait ce que fit Jésus, ce que firent les apôtres, ce qu'ont fait tous les martyrs. Ils protestent énergiquement contre tous les mensonges des impies ; il demande l'union de l'Église et de l'État pour le bien de la paix et le salut des peuples ; il condamne la doctrine de la conciliation, et il oppose une résistance invincible aux attaques de l'iniquité. Ses ennemis le tiennent dans le Vatican, comme sur un Calvaire et il ne peut pas mourir. Du haut de la croix, il souffre, il prie, et chaque jour il nous donne pour protecteurs et pour modèles de nouveaux martyrs. Il y a sept ans, il canonisait les 26 premiers martyrs du Japon ; puis il a donné la même gloire aux martyrs de la Hollande. Aujourd'hui, ce sont les 205 Bienheureux que nous sommes venus prier ici.

Ah ! ne résistons pas à cet auguste témoignage ; ouvrons notre esprit à la foi de Pie IX ; ouvrons nos cœurs aux ardeurs généreuses du vrai amour de Dieu ; laissons-nous guider par Jésus-Christ et par son Vicaire. Soyons chrétiens, soyons les témoins de la vérité catholique ; sachons dire « non » à tout ce qui est l'erreur et le mal. Plus de ces compromis qui nous rendent méprisables, parce qu'ils ne sont pas sincères ou qu'ils ne sont pas chrétiens. Plus de ces amitiés scandaleuses qui mettent en péril notre salut.

Ô Bienheureux martyrs, obtenez-nous cette grâce. Si nous ne pouvons, comme vous, donner à Dieu et aux âmes le témoignage de notre sang, faites que nous rendions au moins le témoignage d'une parole franchement catholique, et d'une vie irréprochable comme nos paroles. Ah ! puissions-nous marcher ainsi de loin sur vos traces, afin qu'après avoir partagé vos mérites, nous partagions aussi votre gloire dans le ciel ! (...) Ainsi soit-il.

Père Ludovic

Le Pape Pie IX, grande figure

Le pape Pie IX, béatifié par sa Sainteté le Pape Jean-Paul II, le 3 septembre 2002, a été une grande figure dans l'Église. Nous tirons du livre « L'Histoire universelle de l'Église catholique » de Rohrbacher, dans le tome XII, les extraits suivants :

"La figure de Pie IX s'élève au-dessus de tous les bouleversements, de tous les commotions, de tous les antagonistes d'idées et d'intérêts. Durant son règne, plus que jamais, il est devenu évident pour tous que la Papauté est dans l'Église, et par conséquent dans le monde entier, le centre et le foyer de lumière et de la force. Trois grands actes marques les époques dominantes de l'histoire de Pie IX : la proclamation du dogme de l'Immaculée Conception, la publication du Syllabus portant condamnation de toutes les principales erreurs modernes, et le concile du Vatican. Nommer ces actes, c'est indiquer le caractère et l'esprit de ce glorieux et pénible règne, qui a été une suite continuelle de luttes et de protestations courageuses contre la Révolution, ennemie de tout pouvoir et de tout ordre social, contre le Rationalisme, ennemi de tous nos mystères et de toutes nos croyances surnaturelles, contre le Libéralisme, complice hypocrite ou malavisé du Rationalisme et de la Révolution."

Sans Dieu, pas de prospérité

Il est impossible... que la prospérité règne dans une nation où la religion ne garde pas son influence. L'homme perd-il le respect de Dieu ? Aussitôt croule le fondement essentiel de la justice sans laquelle on ne peut bien gérer la chose publique, au jugement même des sages du paganisme. L'autorité des princes n'aura plus dès lors son prestige nécessaire ; les lois seront sans force suffisante. Chacun préférera l'utile à l'honnête, les droits perdront leurs forces, s'ils n'ont d'autre sauvegarde que la crainte des châtiments. Ceux qui commandent se laisseront emporter facilement à la tyrannie, et ceux qui obéissent, à la révolte et à la sédition... toute société humaine qui prétend exclure Dieu de sa constitution et de son gouvernement refuse, autant qu'il est en elle, le secours des bienfaits divins, et mérite vraiment que l'appui du ciel lui soit refusé. Aussi, quelles que soient en apparence ses forces et ses richesses, elle porte dans ses entrailles un principe secret de mort et ne peut avoir l'espoir de durer. « Léon XIII, encyclique Nobilissima Gallorum, 8 février 1884, à l'épiscopat français. pp 89-90)

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