Dans la matinée du jeudi 23 septembre 1999, le Pape Jean-Paul II a reçu en audience, dans le Palais pontifical de Castel Gandolfo, les membres du groupe "Jubilee 2000 Debt Campaign". Au cours de la rencontre, le Saint-Père a remis aux participants le message suivant :
À cent jours exactement de l'An 2000, je suis heureux d'adresser des salutations cordiales aux dirigeants et principaux membres bienfaiteurs de la "Jubilee, 2000 Debt Campaign". Je suis particulièrement reconnaissant de votre présence, au cours de ces jours-ci, à une série de rencontres, dans le cadre du prochain grand Jubilé, sur le lourd fardeau de la dette, qui pèse sur les pays les plus pauvres.
Dans la Bible, le Jubilé était un temps au cours duquel toute la communauté était appelée à faire des efforts pour restaurer dans les relations humaines l'harmonie originelle que Dieu avait donnée à sa création et que le péché humain avait détruite. Il s'agissait d'un temps qui devait rappeler que le monde que nous partageons ne nous appartient pas, mais est un don de l'amour de Dieu. En tant qu'êtres humains, nous ne sommes que les serviteurs du projet de Dieu. Au cours du Jubilé, les fardeaux qui opprimaient et excluaient les membres les plus faibles de la société devaient être éliminés, afin que tous puissent partager l'espérance d'un nouveau début dans l'harmonie, selon le dessein de Dieu.
Le monde d'aujourd'hui a besoin d'une expérience jubilaire. De si nombreux hommes, femmes et enfants, ne sont pas en mesure de réaliser le potentiel qui leur a été donné par Dieu. La pauvreté et les inégalités sociales flagrantes demeurent encore diffuses, en dépit des immenses progrès scientifiques et technologiques. Trop souvent les fruits du progrès scientifique, au lieu d'être placés au service de toute la communauté humaine, sont distribués de telle façon que les inégalités s'aggravent encore plus, ou deviennent permanentes.
L'Église catholique note cette situation avec une grande préoccupation, non pas parce qu'elle peut offrir des modèles techniques de de développement, mais parce qu'elle possède une vision morale de ce que le bien des individus et de la famille humaine exige. Elle a constamment enseigné qu'il existe une "hypothèque sociale" sur toute propriété privée, un concept qui doit être aujourd'hui appliqué à la " propriété intellectuelle " et à la "connaissance ". La loi seule du profit ne peut être appliquée à ce qui est essentiel pour la lutte contre la faim, la maladie et la pauvreté."
La remise de la dette n'est, bien sûr, qu'un des aspects de la tâche beaucoup plus vaste qui est de combattre la pauvreté, et d'assurer que les citoyens des pays les plus pauvres puissent participer plus pleinement au banquet de la vie. Les programmes de la remise de la dette doivent être accompagnés par l'introduction de politiques économiques solides et d'une bonne gestion. Mais il est tout aussi important, sinon plus, que les bénéfices qui dérivent de la remise de la dette atteignent les plus pauvres, à travers un système soutenu et solide d'investissements dans les capacités des personnes humaines, en particulier à travers l'éducation et l'assistance médicale. La personne humaine est la première ressource de toute nation et de toute économie.
La remise de la dette est toutefois urgente. Elle est, selon de nombreux points de vue, une condition afin que les pays pauvres puissent poursuivre leur lutte contre la pauvreté. Ce fait est désormais reconnu par tous, et il faut souligner le mérite de tous ceux qui ont contribué à ce changement de direction. Quoi qu'il en soit, nous devons nous demander pourquoi les progrès pour résoudre le problème de la dette sont si lents. Pourquoi est-il si difficile de trouver les fonds nécessaires, même pour les initiatives qui ont déjà fait l'objet d'un accord ? Ce sont les pauvres qui paient le coût de l'indécision et du retard.
Je lance un appel à toutes les personnes concernées, en particulier aux nations les plus puissantes, afin de ne pas laisser passer cette occasion de l'année jubilaire, sans prendre les mesures définitives pour résoudre le problème de la dette. Il est reconnu que cela est possible.
Je prie pour que cette année du Jubilé de l'An 2000, qui commémore la naissance de Notre Seigneur Jésus-Christ, soit effectivement un moment de promesses et d'espérance, en particulier pour nos frères et sœurs qui vivent encore dans une terrible pauvreté dans notre monde d'opulence. Ensemble, nous pouvons faire beaucoup, avec l'aide de Dieu. Puissent ses Bénédictions se déverser sur vous et sur ceux qui vous sont chers !
Joannes Paulus II