Le 16 octobre 2003 marque le 25e anniversaire de l’élection de S.S. Le Pape Jean-Paul II sur le trône de Pierre. Son règne est le quatrième en longueur de temps, après celui de saint Pierre, 34 ou 37 ans; celui de Pie IX (1846 à 1878), 31 ans et 7 mois; et celui de Léon XIII (1878 à 1903) 25 ans et 5 mois. Pour S.S. Jean-Paul II, encore vivant après 25 ans, par la grâce de Dieu, en avril 2004, la longueur de son règne est passée au troisième rang. Il est le 264e successeur de saint Pierre.
Des faits marquants de sa laborieuse vie: sa naissance fut prophétique. Il survécut miraculeusement aux balles reçues du revolver de l’assassin. L’attentat contre sa vie semble être la réalisation de la prédiction du troisième secret de Fatima. Il a vraiment été continuellement en relation avec la sainte Vierge d’une manière unique. Il a écrit des lettres encycliques comme aucun Pape ne l’a fait dans le passé. Il a écrit «La Splendeur de la Vérité». Il s’est tenu dans la tradition au milieu du tourbillon du modernisme. Il a dirigé la rédaction du nouveau catéchisme. Il a canonisé plus de saints (469 saints, 1,314 bienheureux) que tous les Papes dans l’histoire du christianisme. Il fut un exemple pour des centaines de futurs prêtres. Il a visité plus de nations que tout autre pontife. Il lutte fermement contre les manipulations génétiques, etc.
En date de juin 2003, en vingt-cinq ans de pontificat, le Souverain Pontife a accompli 102 voyages apostoliques dans 129 pays différents, pour un nombre total de 203 pays visités, (si l’on considère les pays visités de nouveau): il s’est rendu dans 614 localités différentes. Il a prononcé 2 399 discours. Il a passé 575 jours en voyage. Il a parcouru 1 160 113 kilomètres.
"En effet, dit le Saint-Père, depuis le jour de mon élection comme évêque de Rome, le 16 octobre 1978, a retenti dans mon cœur avec une intensité et une urgence particulières, le commandement de Jésus: “Allez dans le monde entier, proclamez l’Evangile à toute la création.” (Mt 16, 15). J’ai donc ressenti le devoir d’imiter l’Apôtre Pierre qui “passait partout” (ac 9, 32) pour confirmer et consolider la vitalité de l’Eglise dans la fidélité à la Parole et dans le service de la vérité; pour “dire à tous que Dieu les aime, que l’Eglise les aime, que le Pape les aime; et pour recevoir, tout autant, d’eux l’accomplissement et l’exemple de leur bonté et de leur foi."
Karol, 4 novembre 1922 |
Karol Josef Wojtyla naquit à Wadowice, le 18 mai 1920. Au moment de sa naissance, la mère, Mme Wojtyla, (Emilia Kaczorowska), a demandé à la sage-femme d’ouvrir la fenêtre, afin que les premiers sons sortant de la bouche de son nouveau-né s’envolent vers le ciel, comme une mélodie en l’honneur de la Vierge Marie. La chambre du bébé naissant, se trouvait juste en face de l’église Notre-Dame de Wadowice, où au même moment on célébrait les Vêpres en l’honneur de Marie, en ce mois de mai. Ainsi, les premiers sons que le Pape entendit à sa naissance, furent des hymnes à Marie.
Le 13 avril 1929, il revenait de l’école, on vint lui annoncer, sans ménagement, la mort de sa sainte mère. Il avait 8 ans.
La mère et le père de Karol Wojtyla et son frère Edmund
La mère et le père de Karol Wojtyla et son frère Edmund |
En 1930, son seul frère, Edmund, son aîné, avait obtenu son diplôme de médecin. Le 5 décembre 1932, sans aucune préparation encore, on vint prévenir Karol que son frère bien-aimé était mort d’une scarlatine qu’il avait contractée en soignant une patiente.
Il n’avait plus que son père, qui portait aussi le nom de Karol Wojtyla. Ce dernier s’employa à lui donner la meilleure éducation possible. Réveil à 6 heures, petit déjeuner, messe à l’église paroissiale, l’enfant servait la Messe, école de 8 à 14 heures, récréation, retour à l’église en fin d’après-midi, devoirs et leçons, souper, et promenade en compagnie de son père. Il priait ensemble. Il jouait ensemble.
Karol Wojtyla se trouvait dans l’ancienne cathédrale des rois de Pologne, quand les premières bom bes tombèrent sur Cracovie. C’était le premier septembre 1939. Comme chaque premier vendredi du mois, il était venu se confesser et recevoir la communion.
Le prêtre resté seul avec le jeune homme, demanda à ce dernier de servir la messe. «Il faut célébrer la Messe malgré tout, dit-il. Il faut prier Dieu d’épargner la Pologne.»
L’invasion de la Pologne fut brutale et terrible. Dès le 6 septembre, les Nazis occupaient Cracovie. Le 23 septembre, Varsovie capitulait.
Ce fut le commencement d’une vie de privations et de terreur pour Karol Vojtyla et les Polonais, dans la Pologne occupée: les files d’attente pour le pain, la quête épuisante du sucre, marchandages pour se procurer un peu de charbon pour l’hiver.
Jan Tyranowski |
Ce fut pendant ces premiers mois de l’humiliation nationale de 1940, que Karol Wojtyla fit la connaissance de Jan Tyranowki. Ce dernier était tailleur et vivait seul. Il passait la grande partie de son temps à recruter des jeunes gens pour une association religieuse secrète qu’on appelait: le Rosaire Vivant. Les 15 mystères qui composent le Rosaire étaient représentés par 15 jeunes gens. La représentation du Rosaire Vivant commençait après la récitation normale du Rosaire: C’est sans doute en jouant ces mystères du Rosaire que Karol Wojtyla a développé des talents d’acteur et son grand amour pour le saint Rosaire. Les pieux jeunes gens de ce groupe s’engageaient à suivre le commandement du Christ d’«aimer Dieu et le prochain» par dessus tout.
Le maître recommandait à ses protégés la lecture des derniers livres de théologie parus et il les guidait sur le chemin de la sainteté en les imprégnant des écrits de saint Jean de la Croix et de sainte Thérèse d’Avila.
Tyranowski était un véritable éducateur. Karol Wojtyla avait trouvé en lui un guide patient, doux, mais ferme et tenace. Tyranowski avait comme devise: Chaque instant doit servir à quelque chose. Cette idée allait devenir l’une des caractéristiques les plus marquantes de la vie et de l’œuvre du futur Pape.
Tyranowski exigeait que ses disciples tiennent soigneusement un journal de chaque action de leur journée, afin de savoir s’ils avaient bien rempli leurs obligations quotidiennes.
Chaque semaine, notre futur Pape se rendait chez son maître et devait lui lire ses notes et lui rendre compte de tout ce qu’il avait fait. Les grandes qualités que possède Karol Wojtyla et qui ont émerveillé son entourage, lorsqu’il fut professeur, évêque, puis Pape, semblent découler de cette austère formation qu’il a reçue de Tyranowski. Même épuisé par l’âge et la maladie, le Saint-Père continuera à démontrer une indéfectible volonté, une capacité de résistance face à la maladie et une ardeur au travail qui pourrait épuiser les plus dévoués de ses collaborateurs.
Le jeune homme ne renonça jamais à dire ses prières.
Tyranowski n’utilisait jamais la force, mais la persuasion. Il montra à Karol Wojtyla: «La révélation d’un univers nouveau, par ses paroles, sa spiritualité et l’exemple d’une vie entièrement consacrée à Dieu et, à lui seul, il représentait un monde nouveau que je ne connaissais pas encore. Je vis la beauté d’une âme révélée par la grâce», dit plus tard le Saint-Père, en parlant de son maître Tyranowski.
«Une partie de ce monde nouveau se trouvait dans les écrits de saint Jean de la Croix. Dans ses poèmes et ses commentaires, Tyranowski, ce poète mystique, enseignait comment aller à Dieu par la contemplation et en se défaisant presque brutalement de tout attachement terrestre et de tout bien matériel. Il enseignait comment abolir impitoyablement le «moi», et créer en soi un vide que Dieu viendrait combler de sa splendeur, aussitôt.»
«C’est une lutte quotidienne contre toi-même: Lutte pour te plier, non pas au plus facile, mais au plus difficile, non pas à ce qui te paraît le plus agréable, mais le plus désagréable... non pas à ce qui console, mais à ce qui te laisse inconsolé. Dieu se réjouit de te voir prêt à affronter la souffrance et la privation par amour pour Lui, il préfère cela à toutes les consolations, les visions spirituelles, et les méditations.»
Les nazis exigeaient que les jeunes gens travaillent en usine. Karol Wojtyla fut employé à l’usine Solvay.
En 1982, lors de l’un de ses voyages en Afrique, Jean-Paul II évoqua ce temps, qu’il regarde comme «une grâce dans sa vie», d’avoir travaillé en usine, dans une carrière, ajoutant que: «Cette expérience de la vie en carrière, avec tous ses aspects positifs et ses misères, aussi bien que les horreurs de la déportation de mes compatriotes polonais dans les camps de la mort, ont profondément marqué mon existence.»
Le 18 février 1941, en revenant de son travail, Karol Wojtyla eut la douleur de trouver son père bien-aimé sans vie. «A 20 ans, disait-il, j’avais déjà perdu tous ceux que j’aimais.»
La mort de son père le précipita encore plus profondément dans ses réflexions mystiques et philosophiques. Chez les Kydrynski, où il s’était installé pour six mois, on le voyait souvent absorbé dans la prière, étendu sur le sol, les bras en croix.
Devant la brutalité des nazis, Karol Wojtyla disait: «La prière est la seule arme qui vaille». Telle était sa pensée qui fut la même tout au long de ces années d’occupation. La prière et la confiance en Dieu étaient ses seules armes pour combattre le mal et la violence.
Le Rosaire Vivant s’était développé. Tyranowski avait fait des quinze premiers disciples des chefs de groupe, et chacun de ces groupes comptaient une quinzaine de membres. Le Rosaire Vivant marquait l’âme et la rapprochait de Dieu.
A la suite du Rosaire Vivant, Karol Wojtyla et des amis ont fondé le Théâtre Vivant pour représenter la vie des saints et édifier la jeunesse. Karol Wojtyla était un artiste né. Il incarnait si bien le personnage qu’il représentait, que personne ne doutait qu’il fasse sa carrière du théâtre. Cependant, un jour il a quitté ses belles activités artistiques pour devenir prêtre. Le dernier rôle qu’il interpréta, avec un talent insurpassable, fut le roi Boleslaw, le roi qui tua de sa main l’évêque saint Stanislas.
A l’automne 1942, Karol se rendit à la résidence de l’archevêque Sapieha et lui dit: «Je veux être prêtre.»
Il demanda au directeur du théâtre de ne plus lui confier de rôle. Il se consacrerait désormais exclusivement au Dieu Vivant, et le «seul drame qu’il jouerait à l’avenir est celui du sacrifice du Christ.»
Le cardinal Sapieha avait mis sur pied un séminaire clandestin, afin de pouvoir remplacer les pauvres prêtres et religieux qui deviendraient martyrs du régime. En effet, 1932 prêtres, 850 moines, 290 religieuses allaient mourir pendant la durée du conflit.
En rejoignant les rangs des séminaristes clandestins du Cardinal Sapieha, Karol Wojtyla entrait dans un système bien organisé. Chaque étudiant était suivi par un professeur. Les étudiants avaient pour instruction de ne rien changer à leurs activités. L’archevêque témoignait une attention particulière au jeune Wojtyla, il l’invitait à servir la messe à la chapelle de l’archevêché et, souvent, ils prenaient le petit déjeuner ensemble.
Karol Wojtyla continuait à travailler à l’usine Solvay et il habitait toujours chez lui. Il préférait travailler en équipe de nuit, car il pouvait profiter du calme qui régnait dans l’usine pour s’isoler plus facilement. Ses collègues le voyaient s’agenouiller, aux alentours de minuit. Certains se moquaient de lui et l’appelaient le «petit prêtre» et ils le bombardaient de morceaux d’étoupe ou d’autres rebuts, pendant qu’il était en prière. Il ne s’en offusquait pas.
Il continuait à lire son bréviaire et un autre livre, qui devait avoir une profonde influence sur lui: Le Traité de la vraie dévotion à la Très sainte Vierge Marie, de saint Louis Grignion de Montfort.
Il eut plus de difficulté avec le volumineux manuel de philosophie que son directeur d’étude lui donna à étudier: Théologie naturelle, par le Père Kazimierz. Le livre était pour lui comme un bloc de granit. «Je m’asseyais près de la chaudière et j’essayais de comprendre quelque chose, j’en ai pleuré», dit le jeune séminariste. Après deux mois, il put déclarer: «Ce livre m’a finalement ouvert un monde entièrement nouveau. Il m’a montré une nouvelle approche de la réalité, et il m’a fait découvrir des problèmes que je n’avais juste qu’entrevus alors.»
Un pape philosophe était né parmi les tuyaux et chaudières de l’usine Solvay. disent ses biographes.
Il faisait chaque jour une longue marche pour se rendre sur la tombe de son père et, le soir, il se jetait souvent sur le sol de sa chambre pour prier pendant des heures.
Le 1er août 1944, ce fut la grande révolte de Varsovie. Les SS de la Gestapo passèrent les rues des villes au peigne fin. Karol Wojtyla était dans sa chambre minuscule. En entendant les cris des soldats allemands, il se mit à prier, étendu sur le sol. Il entendit les soldats monter l’escalier; mais dans leur précipitation, ils passèrent devant la porte sans le voir. Plus de 200,000 personnes y ont laissé leur vie dans ce massacre.
Le premier mai 1945, ce fut la fin de la guerre avec les nazis. Mais ce ne fut pas une libération pour la Pologne. Elle fut trahie par le traité de Yalta et concédée par nos «Grands» à l’Empire soviétique. Du joug des nazis, elle est tombée tout de suite sous le joug des communistes qui furent plus barbares encore.
Karol Wojtyla demanda la permission à Mgr Sapieha d’entrer chez les Carmes. L’archevêque répondit: «La guerre est finie, nous manquons de prêtres, et nous avons terriblement besoin de Karol Wojtyla dans le diocèse», puis il ajouta: «et plus tard, c’est l’Eglise tout entière qui aura besoin de lui.»
L'abbé Karol Wojtyla, jeune prêtre |
Le 1er novembre 1946, jour de la Fête de tous les Saints, dans la chapelle de l’évêché, le Cardinal Sapieha ordonna Karol Wojtyla prêtre.
Son ancien maître, le Père Kazimierz Figlewicz, était chargé de guider le nouveau prêtre pendant la célébration de la Messe et de le soutenir alors qu’il est confronté, pour la première fois, à la formidable puissance qui s’exprime dans la transformation du pain et du vin, au Corps et au Sang du Christ.
Le lendemain, il célébra sa première messe dans la cathédrale de Wawel. «Fecit mihi magna» «il a fait pour moi de grandes choses», écrira-t-il sur sa carte de remerciements offerte à ses amis.
En juin 1948, l’abbé Wojtyla revenait de Rome après deux années d’étude sur la philosophie de saint Thomas d’Aquin et des mystiques espagnols, pour retrouver une Pologne en pleine transformation par les communistes. Les activités de l’Eglise polonaise étaient circonscrites.
Le jeune prêtre fut nommé à la paroisse rurale de Niegowici, à 50 kilomètres de Cracovie. Là dans ce petit village, l’abbé Wojtyla vit pour la première fois le stalinisme à l’Œuvre. La police secrète voulait démanteler l’Association des jeunes catholiques, et la remplacer par la section des jeunes socialistes.
En mars 1949, l’archevêque Sapieha rappela l’abbé Wojtyla à Cracovie, à la paroisse universitaire de St-Florian. Quelque cinquante ans plus tard, Jean-Paul II devait reconnaître que l’expérience la plus remarquable de ses débuts avait été de découvrir l’importance primordiale de la jeunesse. «C’est une période de la vie donnée par la Providence à chacun et donnée comme une responsabilité, dit-il. Pendant cette période, le jeune ne cherche pas seulement un sens à la vie, mais aussi une façon concrète de vivre cette vie, il veut exister par lui-même.» Tout pasteur doit reconnaître cette caractéristique en chaque jeune garçon et en chaque jeune fille. «Il doit aimer cet aspect fondamental de la jeunesse.»
Karol Tarnowski, alors étudiant, se souvient de la façon dont l’abbé Wojtyla entendait ses confessions. Elles duraient parfois plus d’une heure. «il savait écouter et il était prêt à répondre à d’innombrables questions.»
«Le moment de la confession est le couronnement de notre activité apostolique», dit le Pape. «Il s’agit donc de savoir si on peut préserver les valeurs apostoliques. Faute d’une vie intérieure profonde, le prêtre se transformera peu à peu en bureaucrate, et son apostolat, en routine paroissiale, uniquement consacré aux problèmes du quotidien.»
En octobre 1954, le gouvernement marxiste polonais fermait la faculté de théologie de l’université Jagellon où Karol Wojtyla donnait des cours sur l’éthique chrétienne. L’université catholique de Lublin, où l’abbé Wojtyla entra dans le même mois, était la seule université dirigée par l’Eglise catholique, sur l’immense territoire dominé désormais, à travers le monde, par les successeurs de Staline et de Mao.
Le climat politique en Pologne s’était beaucoup assombri. Les autorités venaient d’arrêter le recteur de l’université et neuf prêtres enseignants. L’archevêque de Cracovie, Mgr Baziak, successeur de Monseigneur Sapieha, était en prison tout comme le curé de Saint-Florian. Un prêtre qui s’occupait à Cracovie de l’association du Rosaire Vivant et de l’association des jeunes catholiques avait été condamné à mort. En septembre 1953, le Cardinal Wyszynski lui-même fut arrêté, il s’était violemment opposé à la nouvelle Constitution polonaise, qui renforçait l’emprise communiste et supprimait une grande partie des droits depuis longtemps reconnus à l’Eglise. Des journaux catholiques avaient été interdits pour avoir refusé d’insérer, dans leurs colonnes, l’annonce du décès de Staline, survenu le 5 mars 1953.
En 1956, Wladislaw Gomulka, un communiste antistalinien, qui venait de passer 8 ans en prison, parvint au pouvoir. De nombreux prisonniers politiques polonais, dont le Cardinal Wyszynski, furent libérés.
Archevêque de Cracovie |
Le 8 juillet, le Cardinal Wyszynski fit venir l’abbé Wojtyla à son bureau. Il lui présenta une lettre intéressante venant du Saint-Père. Il la lui fit lire:
«A la demande de Mgr Basiak, archevêque, je nomme le père Karol Wojtyla, évêque auxiliaire de Cracovie. Ayez l’amabilité de me notifier votre accord.»
«Acceptez-vous cette nomination?»
«Où dois-je signer?» répondit le jeune prêtre, sans hésitation.
Le 28 septembre 1958, le Père Karol Wojtyla fut consacré évêque dans la cathédrale de Varsovie.
Le 9 octobre, le Pape Pie XII mourait. Le 28 octobre, le Cardinal Angelo Giuseppe Roncalli, était élu Pape et il prit le nom de Jean XXIII.
Moins de 3 mois plus tard, le nouveau Pape convoqua le Concile œcuménique. Le jeune prélat, Mgr Wojtyla, était parmi les 2594 invités.
Mgr Wojtyla portant la chasuble offerte par la Reine Anna Jagellon |
Mgr Wojtyla devint archevêque de Cracovie, le 30 décembre 1963. Le 8 mars 1964, il faisait une entrée triomphale dans la cathédrale de Wawel. Il avait choisi, pour l’occasion, une tenue vestimentaire dont le symbolisme frappa d’admiration la foule. Il portait une chasuble offerte, au Moyen Age, par la Reine Anna Jagellon; un pallium offert au XVI siècle par la Reine Jadwiga; sa mitre avait été porté au XVIIe siècle par l’évêque Andrzej Lipski, et sa crosse datait du règne de Jean Sobieski. Son anneau était celui du 4e successeur de saint Stanislas, Mgr Marutitius, mort en 1118.
Cette tenue somptueuse représentait 1000 ans d’histoire de la Pologne. Elle ne manifestait pas simplement un respect pour la tradition; elle était une façon de rappeler aux fidèles, et aux «infidèles» au pouvoir, que l’Eglise de la Pologne était la nation, et que sans l’Eglise l’histoire de la Pologne n’existait pas.
Et voici que Mgr Wojtila devenait, dans cette cathédrale où il avait entendu exploser les premières bombes nazies, le successeur de saint Stanislas, évêque du Moyen Age, assassiné par son roi. En célébrant le Saint Sacrifice devant le tombeau de l’évêque martyr, il s’affirmait prêt à verser son sang, comme Stanislas, pour la défense de la foi.
Les autorités communistes se sont réjouis de la nomination de Mgr Wojtyla, croyant qu’il serait plus malléable que le Cardinal Wyszynski. Un dissident de l’église catholique, le Père supérieur bénédictin, était emprisonné à Gdansk, il reçut la visite du commandant de la prison: «Nous venons de recevoir une excellente nouvelle, Wojtyla a été nommé métropolite de Cracovie. Trois mois plus tard, il revint dans la même cellule et dit: «Ce Wojtyla nous a trompés.»
L’archevêque de Cracovie ne se laissait pas séduire par les tendances progressistes, voire gauchistes, qui gagnaient même certains milieux religieux, et dans lesquels nombre de Cardinaux de la curie discernaient le redoutable courant de la sécularisation et du marxisme.
«Le contrôle de soi-même est la pierre de touche de la valeur d’une personne», disait Mgr Wojtyla à ses ouailles.
En 1976, le cardinal Wojtyla fut nommé par Paul VI pour diriger les exercices spirituels du Carême pour les membres de la curie et de la maison du Pape. Ce qui fit connaître aux Cardinaux de Rome, la profondeur de sa spiritualité et la largeur de ses vues.
Le Cardinal Wyszynski avait l’assurance qu’avec cet homme, sa succession serait entre bonne main. Le cardinal Wojtyla deviendrait primat de Pologne.
Lorsque le Pape Paul VI est mort, le 26 août l978, le Collège des cardinaux, dont le Cardinal Wojtyla faisait bien entendu partie, se réunit en conclave au Vatican pour élire le nouveau Pape. Le choix se porta sur Mgr Albino Lucciani, patriarche de Venise. Il prit le nom de Jean-Paul Ier.
Le 29 septembre 1978, consternation générale au Vatican, le nouveau Pape venait de mourir subitement.
Le 1er octobre le Cardinal Wojtyla a célébré, en l’église Sainte-Marie de Cracovie, une messe pour le défunt. Le lendemain, il partit pour Rome. Tout le monde avait la profonde impression qu’il ne reviendrait pas en Pologne.
Première bénédiction du nouveau Pape, le 16 octobre 1978 |
Le 16 octobre 1978, le conclave, au septième tour du scrutin, élisait, comme successeur au trône de Pierre, le Cardinal polonais, Karol Wojtyla. Sur les cent huit cardinaux-électeurs, quatre-vingt-dix-neuf lui avaient accordé leurs voix. C’était le premier pape non italien depuis quatre cent cinquante ans. Un jeune pape de cinquante-huit ans. Il devenait le berger d’un troupeau de neuf cents millions de catholiques.
Le Cardinal, président du scrutin lui posa la question: «Acceptez-vous, quel nom prenez-vous?»
Il répondit: «Oui, fidèle, à ma foi en Notre-Seigneur Jésus-Christ, en me confiant à Marie, Mère du Christ, et à l’Eglise, j’accepte, en dépit des grandes difficultés que je rencontrerai.»
Il prit le nom de Jean-Paul II.
Tandis qu’il parlait, un tressaillement de joie parcourait le conclave. L’un après l’autre, les cardinaux allèrent rendre hommage au nouveau Pape en s’agenouillant devant lui.
Lorsque vint le tour du vénéré cardinal Wyszynski (photo de gauche), Jean-Paul II se leva de son siège, il empêcha le Cardinal de s’agenouiller et le prit par les épaules et le releva. Le solide Cardinal, lutteur contre le communisme, se tenait dans les bras du Pape comme un enfant. Jamais, dans l’histoire, la Pologne avait été ainsi honorée.
Puis, Jean-Paul II revêtit la soutane de Pape et se dirigea vers le grand balcon de la basilique pour donner sa bénédiction urbi et orbi — pour saluer le peuple de Rome et le monde entier.
Lorsque la foule entendit le Pape polonais s’exprimer avec aisance en italien, il fut acclamé avec un enthousiasme sans bornes.
En Pologne, la nation entière était au comble de l’exaltation. Aux yeux des fervents catholiques, c’était un don de Dieu et de la Vierge Marie, pour la Pologne.
Mais les membres du gouvernement communiste étaient dans la consternation. «Wojtyla va nous tirer les oreilles», dit l’un d’eux.
Le 22 octobre, lorsque le «choisi de Dieu» arriva Place Saint-Pierre pour célébrer la messe de l’inauguration de son pontificat, il semblait pleinement investi de la mission que Dieu lui avait confiée. 200,000 personnes se pressaient sur l’immense place.
En regardant les images transmises par satellite, les croyants de cent pays différents assistaient au rituel solennel par lequel l’Eglise catholique romaine élève un homme à la dignité suprême de Pasteur de l’Eglise universelle. Pour la première fois, S. S. le Pape Jean-Paul II prenait place sur son trône pontifical.
Aux accents de la litanie des Saints, le Cardinal-diacre, Pericle Felici, plaça sur les épaules du Pape le pallium sacré, ornement en laine blanche, brodé de croix noires, emblème du pouvoir pontifical. Il prononça la formule d’investiture:
«Béni soit Dieu, qui t’a fait pasteur de l’Eglise universelle en te confiant la mission apostolique. Que ta gloire resplendisse pendant de longues années de vie terrestre, jusqu’au jour où, appelé par ton Seigneur, tu seras vêtu d’immortalité en entrant au royaume des cieux. Amen»
«Amen» répétèrent 117 cardinaux de la Sainte Eglise catholique apostolique et romaine. Se levant de leurs sièges, ils s’avancèrent en file pour embrasser l’anneau du Pape en témoignage d’obéissance. Lorsque le cardinal Wyszynski s’agenouilla pour lui rendre hommage, le pape serra le vieux primat dans ses bras. Le cardinal incarnait l’histoire héroïque de l’Eglise polonaise, sa résistance contre les envahisseurs, son farouche combat contre l’athéisme.
Le thème principal du premier sermon de S.S. le Pape Jean-Paul II fut: «Le Christ».
«Chers frères et sœurs, n’ayez pas peur de vous ouvrir au Christ et d’accepter sa puissance. Aidez le Pape et tous ceux qui désirent servir le Christ et, avec la puissance du Christ, aidez la personne humaine et le monde entier. N’ayez pas peur. Ouvrez larges les portes au Christ. Par sa puissance salvatrice, ouvrez les frontières des Etats, de l’économique et des systèmes politiques, le vaste champs de la culture, de la civilisation et du développement. N’ayez pas peur, le Christ sait «qu’est-ce qu’un homme». Lui seul le sait.» (22 octobre 1978, à la messe d’inauguration de son pontificat). La voix forte et profonde du Saint-Père frappaient comme le tonnerre dans les oreilles de la foule. Le nouveau Pape était déterminé à reconquérir le monde au Christ!
Dès les cent premiers jours de son pontificat, Jean-Paul II a indiqué clairement la voie dans laquelle il comptait s’engager. Lors de ses audiences et réunions, il présentait son programme con cernant l’Eglise. Il se fit le champion du célibat des prêtres. Aux religieuses, il insista sur la nécessité de porter le voile, un important signe qui rappelle la vocation. Aux canadiens, il parla de la nécessité de la confession individuelle. Il rappela aux membres du secrétariat pour l’union des chrétiens que le mouvement œcuménique ne progresserait pas en faisant des compromis avec la vérité. Il réaffirma le caractère indissoluble du mariage et il critiqua le gouvernement italien qui venait de légaliser l’avortement. Il a dit «NON» à l’ordination des femmes, en rappelant que la Sainte Vierge a préféré se tenir au pied de la croix.
Jean-Paul II plut à la foule parce qu’il parlait avec force et conviction. Il s’exprimait avec spontanéité. Il n’hésitait pas à dire que rien au monde n’était plus important que le Christ. Il savait présenter l’Evangile comme un moyen de faire face aux problèmes de l’existence — du terrorisme, aux crises économiques et à l’instabilité politique.
Le 5 novembre 1978, le Pape se rendit à Assise, la ville de saint François, le patron de l’Italie. L’enthousiasme de la foule était indescriptible. Les Italiens l’accueillirent comme leur Pape.
Le Pape pria pour que tous les problèmes sociaux et politiques se règlent par la pratique de l’Evangile. Se tournant vers saint François, le Pape poursuivit: «Aide-nous afin que le Christ devienne la Voie, la Vérité et la Vie pour les hommes et les femmes de notre temps. Saint François, fils de l’Italie, le pape Jean-Paul II, un fils de Pologne, te demande cette grâce.» Une voix s’éleva de la foule: «N’oubliez pas l’Eglise du silence!» Le Saint-Père répondit: «Ce n’est plus l’Eglise du silence, car elle parle maintenant par la voix du Pape.»
Dorénavant ses foudres contre l’idéologie communiste seraient lancées du haut de la chaire de saint Pierre.
Que le Dieu Tout-Puissant bénisse notre Pape et lui accorde toutes les victoires contre les ennemis de l’Eglise et de la personne humaine.
(Pour cet article, nous nous sommes servi de plusieurs livres, mais surtout celui intitulé: «S. S. le Pape Jean-Paul II» Plon 1996).