Le Père Mateo a obtenu de grandes conversions par l’Intronisation du Sacré-Cœur dans les foyers. En voici un exemple raconté par le Père Mateo Crawley-Boevey dans son livre « Roi d’Amour » :
Je me trouvais un jour dans un magnifique salon : au-dessus du piano à queue, dans un cadre très riche, présidait en Roi le Cœur de Jésus. À côté de moi, un grand personnage, le chef de la famille, homme très intelligent, très digne, très estimé. Amiral de valeur ; mais éloigné de Dieu et de toute pratique religieuse depuis toujours. Il était cependant, depuis l’Intronisation, mon grand ami. Il avait consenti à recevoir très solennellement le Maître adorable, pour être agréable aux siens, chrétiens fervents. Nous voilà donc, les trois amis, seuls. Je dis les trois amis, oui : le Roi, l’Amiral et moi.
Ma visite n’avait d’autre but que de prendre d’assaut cette âme. Après les premières phrases plutôt banales, invoquant intérieurement la divine miséricorde, je portai, droit au cœur, le premier coup à mon ami :
— Savez-vous, Amiral, pourquoi je suis venu ce soir ?
— Eh bien, pour me faire le plaisir de vous voir et vous reposer un peu chez moi, chez vous.
— Oh ! non… ; mais pour une affaire autrement importante : je viens, décidé à vous donner l’absolution !
— Comment, dit-il en souriant et croyant que je plaisantais, l’absolution ! Je ne comprends pas ce que vous voulez dire.
— Oui l’absolution, comme vous l’entendez, l’absolution, après vous avoir naturellement confessé !
« Vous venez donc si décidé que cela, armé en guerre ? »
Et il rit encore.
« Oui, parfaitement décidé, je ne plaisante pas, cher Amiral. Regardez ce tableau ; c’est bien encore votre Roi et le mien, c’est le Législateur des grands et des petits, des amiraux et des matelots, tous sont égaux devant Lui… C’est le Roi de votre femme et tous ici au foyer l’adorent à genoux, tous vivent de leur foi et observent ses lois, tous, excepté… vous, cher Amiral !… Voyons, en son nom, au nom de son Cœur qui vous a tant, tant aimé, qui m’envoie pour vous offrir sa miséricorde, dites oui, reconnaissez-Le à genoux votre Maître, laissez-vous vaincre par son Cœur… Vous allez vous confesser, n’est-ce pas ? »
Il ne riait plus, et changeant de ton :
« Je verrai… je penserai… peut-être un jour… C’est une chose si sérieuse qu’il faut bien réfléchir avant de la faire, … pour la bien faire… »
— Mais si la mort venait ce soir même, est-ce que vous Lui diriez de revenir, dans un ou deux mois, parce qu’aujourd’hui vous n’êtes pas préparé ? Eh bien, ce n’est pas la mort, c’est la vie, c’est Jésus qui frappe, qui demande, qui commande aujourd’hui ; oh ! Amiral, ne Lui dites pas non, je vous en prie, au nom de son Cœur qui vous aime, veuillez tomber à genoux… »
Il était pâle, tout ému et silencieux. « Au nom de son Cœur qui vous offre le pardon et le Ciel, dites oui, Amiral, soyez soldat courageux, laissez-vous vaincre par ce grand Roi, Roi d’Amour, mettez-vous à genoux ! »
C’est fait, il pleure ! Je me lève, je l’embrasse aussi ému que lui : « Consummatum est » et, après une préparation fervente, admirable, d’une quinzaine de jours, le grand jour arriva : Béthanie, tout entière cette fois, s’approcha de la Table Sainte. Le plus heureux de tous, ce fut le grand soldat, vingt fois médaillé, vaincu par son Sauveur, et qui pleurait de joie.
Il fut plus que fidèle, fervent jusqu’à la mort. Il mourut entre mes bras, quelques années après, en murmurant : « Jésus, je vous aime, parce que vous êtes Jésus… que votre Règne arrive ! »
« Je suis venu, dit le Sauveur, pour sauver ce qui avait péri, ce ne sont pas les biens portants, mais les malades qui ont besoin de médecin : ‘Miséricordiam volo’ (Luc, XIX, 10) ; J’apporte dans mon Cœur transpercé, une infinie miséricorde. Je viens vous l’offrir, voilà pourquoi Je suis à la porte et Je frappe, ouvrez Moi !
« Et si les amis, les fidèles du foyer entendent ma voix, Me reçoivent avec confiance, et payent d’un amour généreux les fautes des égarés, des prodigues, des grands malades de la famille, — pour leur joie et pour ma gloire, pour réjouir le cœur de mes amis, pour leur prouver la fidélité de mon Cœur, Je guérirai ces malades tant aimés. Ils sauront un jour, pourquoi, en entrant chez Zachée, J’ai dit : ‘Aujourd’hui, le salut est entré dans cette maison (Luc XIX, 9). Confiance, Je suis le médecin, Je suis la résurrection et la vie !’ »
Que de fois vous avez dû entendre, dans mes prédications, cette phrase : « Hélas ! Jésus est le grand Inconnu de la terre, même ses amis ne Le connaissent pas assez ! »
Oui, le grand péché de notre époque, même parmi les chrétiens pratiquants, c’est l’incroyable méconnaissance de Jésus-Christ. Après vingt siècles de christianisme, nous entendons encore la phrase plaintive du Sauveur :
« Si longtemps parmi vous, et vous ne Me connaissez pas encore (Jean 14, 9) ».
Ne pourrions-nous pas, chers apôtres, profiter de notre apostolat à domicile, pour dissiper les ténèbres et apporter la lumière, conseillant, avec délicatesse et persévérance, la lecture du Saint Evangile dans les familles du Cœur de Jésus ? Ce serait pour nous une bénédiction de plus, si nous obtenions, par notre croisade familiale, que ce Livre divin entrât dans les foyers, dont le christianisme est sans base, flottant, par manque d’instruction, par ignorance.
L’Évangile a dans ses pages une vertu merveilleuse, unique, une grâce divine, une onction comme aucun autre livre. Comme disait la petite Thérèse, les traces de Jésus, le parfum de Jésus, on les trouve sans effort à chaque page, dans chaque mot.
Aucune littérature de la terre, la plus belle, la plus merveilleuse de forme, la plus riche de fond, n’a jamais eu le privilège réservé à l’Évangile, celui de donner dans un mot toute une révélation de Dieu, celui de mettre la paix, celui de résoudre les problèmes les plus ardus ; tout se trouve dans ce Livre, écho fidèle de la parole de Celui qui parlait comme personne n’a jamais parlé, de Celui qui aima les hommes comme personne ne sut les aimer.
Père Mateo Crawley-Boevey