Par Mgr Louis Baunard, recteur des Facultés de Lille, France
Depuis une trentaine d'années, dans les écoles athées et corrompues du Ministère de l'Éducation du Québec, les enfants se font rabattre les oreilles par des discours nauséabonds sur le sexe. Ces programmes d'initiation à la débauche commencent à la maternelle et même, semble-t-il, dans les garderies.
De ces écoles sans Dieu ont surgi des générations sans foi ni loi. Le péché est devenu un mode de vie. Le vice est exalté sur la place publique et légalisé par nos gouvernements fédéral et provinciaux. Il est bon de méditer sur la grandeur de la pureté. C'est l'initiation à la pureté qu'il faut dans les écoles et non pas l'initiation à la débauche.
"C'est en suivant le Christ avec Sa Croix, en crucifiant notre chair que nous nous christianiserons et sanctifierons, et non pas en descendant l'esprit dans les bas-fonds de la concupiscence. Le péché originel a produit la révolte des sens contre l'esprit. La Rédemption du Christ a redonné à l'esprit son pouvoir sur la chair. La concupiscence de la chair, on la dompte en fuyant par tous les moyens, et non pas en l'expliquant et en lui ouvrant toutes les avenues par des discours et des exercices." - Gilberte Côté-Mercier
Mgr Louis Baunard, grand éducateur, victime de la révolution française, a écrit dans son livre "Dieu dans l'école" un chapitre sublime sur la pureté. Nous en publions aujourd'hui la première partie. Dans un prochain Vers Demain nous en donnerons la deuxième partie.
YP
La vertu, dont je vais vous entretenir aujourd'hui, est celle que l'on appelle éminemment la vertu. Il faudrait non pas seulement la prêcher, mais la chanter. Les saintes Écritures, à chaque fois qu'elles la rencontrent dans leurs pages, lui adressent leur cantique comme à une fille du ciel :
"O quam pulchra est casta generatio cum claritate ! (Ô combien elle est belle la génération chaste et pure !). Les Pères de l'Église ont, pour la célébrer, des expressions qui sont de la langue de la poésie plus encore que de l'éloquence. Elle est le triomphe de notre foi, la plus belle fleur que le christianisme ait fait sortir de la terre, le plus haut point de beauté morale auquel ait pu s'élever l'humanité déchue à ce point qu'elle confine à la nature angélique elle-même.
Que vous dirais-je d'elle ? Et de quel nom l'appellerai-je ? Elle est l'innocence, la pureté, l'intégrité, la pudeur, l'honnêteté, la chasteté, la sagesse. Je vous dirai ce qu'elle apporte et ce qu'elle fait pour vous ; puis je vous dirai ce qu'elle vous demande, et ce que vous devez faire pour elle. Oh ! si je pouvais ainsi vous faire aimer, choisir, pratiquer la vertu, jusqu'à en être non seulement les fidèles, mais les soldats et au besoin les martyrs, quelle gloire à vous, quelle gloire à Dieu ! C'est tout mon cœur qui va s'ouvrir.
Ce que la chasteté vous apporte et ce qu'elle fait pour vous ? Elle vous apporte d'abord ce bien, le premier des biens, qui est l'amour de Dieu. Dieu n'aime que les cours purs. Lui qui est un pur esprit nous fait un commandement de nous spiritualiser ; telle est l'œuvre de la pureté. Là est le fond de la substance du christianisme, qui est la religion de l'esprit. Celui qui, dans le ciel des cieux entend des êtres immatériels comme lui lui chanter sans fin des Sanctus, veut trouver ici-bas des êtres qui, se dégageant de la chair et de ses attaches pour se rapprocher de lui, lui soient sa plus chère compagnie de la terre, comme les anges sont sa plus chère compagnie dans le ciel.
Je ne vous rappellerai pas, mes chers fils, l'antiquité profane, qui en eut le soupçon. Vous savez par vos auteurs que c'est à la chasteté qu'elle avait réservé le ministère des autels : « Quique sacerdotes casti dum vita manebat ». C'est à la virginité qu'elle avait commis la garde du feu sacré, auxquels étaient attachés la protection des dieux et le salut de leur patrie. L'antiquité sacrée ne permet l'accès de la montagne de Dieu et de son tabernacle qu'à celui qui est « innocens manibus et mundo corde » (aux mains innocentes et au cœur pur). Tout est dit dans cette parole, qui fait principe et loi au sein du peuple de Dieu : « Incorruptio facit esse proximum Deo ». C'est la pureté, une incorruptible pureté, qui nous approche de Dieu. On le vit bien le jour où Dieu lui-même se fit chair et habita parmi nous ; car, à partir de ce moment, la chasteté suit ses démarches et lui fait en tout lieu un cortège fidèle. C'est elle qui le reçoit en ce monde dans les bras de Marie. C'est elle qui le porte à Nazareth, en exil, en Égypte, par les mains de Joseph. C'est elle qui lui prépare les voies par Jean-Baptiste le précurseur, qu'il appelle son ange. C'est elle qui repose religieusement et tendrement sur son cœur, à la Cène, avec Jean, le disciple aimé. C'est elle qui lui garde la suprême fidélité au calvaire, à la croix, et reçoit son dernier souffle avec l'apôtre vierge et la sainte Vierge Marie. "Bienheureux seront les cours purs, parce qu'ils verront Dieu !" Et en effet, si je demande au virginal prophète de l'Apocalypse de m'entre-ouvrir le lieu de cette vision de Dieu, ceux qu'il me montre autour du trône de Celui qui est la pureté, Agnus, ce sont des vierges, ce sont des jeunes hommes qui « cum mulieribus non sunt coinquinati ». Et dans cet autre royaume de Dieu, qui est l'Église, j'entends une voix qui me crie que l'hostie pure veut des cours purs : « mundas mundis », et que c'est un sacrilège que de s'approcher sans pureté à l'autel et de la table de la divinité.
La chasteté, qui vous apporte l'amour de Dieu, son amour de prédilection, vous vaut encore en second lieu le respect de l'homme. Est-ce qu'une semblable parole ne vous étonne pas ? Est-ce qu'on ne voit pas chaque jour, est-ce qu'on n'entend pas le rire des libertins éclater en face de la pure vertu, éclater dans les livres, éclater dans les théâtres et dans les sociétés du petit monde de ce siècle ? Est-ce que ce respect de la vertu n'est pas précisément ce qui manque le plus ? Pardon, il y a ici la surface et le fond, le faux et le vrai : ce qui est à la surface, ce qui est faux ici, c'est de rire ; ce qui est vrai, ce qui est au fond, c'est l'honneur dont je parle. Il y a dans la chasteté quelque chose de sacré qui subjugue les âmes : c'est sa beauté divine, et comme l'apparition d'un monde supérieur en ce monde. Un cour pur rayonne la pureté. Qui n'a lu l'honnêteté, la candeur, la réserve dans les yeux, sur les lèvres d'un jeune homme vertueux, et qui n'a pas reconnu ce que Dante a exprimé dans sa belle langue, quand il fait dire à une élue : "J'étais alors montée de la chair à l'esprit, et beauté et vertu croissaient ensemble en moi ?" Vous-mêmes, n'avez-vous pas subi ce charme vainqueur en la présence de tel de vos condisciples, en qui vous sentiez reluire la grâce de l'innocence, et ne vous souvenez-vous pas de ces jeunes saints dont on nous apprend que leur vue seule faisait dire : "Que ne suis-je tel que lui, pour être heureux comme lui ?"
On raconte de notre grand peintre chrétien, Hippolyte Flandrin, dont les traits n'avaient pourtant ni régularité ni beauté de lignes, mais dont l'âme était chaste, que lorsqu'il était à l'académie de Rome, les gens du peuple, qui riaient des autres pensionnaires, disaient de lui : "Quand à celui-là, beau ou non, il ressemble vraiment à la Madone, pare proprio la Madona." D'ailleurs, les méchants eux-mêmes subissent cette fascination, et ils ont eu beau dire et beau faire, lorsque viendra le jour où ils appelleront un jeune homme à venir s'asseoir à leur foyer devenu le sien, à qui permettront-ils de leur donner le nom de père ? Sera-ce à celui qui aura traîné dans toutes les fanges de la vie, ou à celui qui peut dire avec le psalmiste : In innocentia ingressus sum, pes meus stetit in directo ? (Je marche dans l'innocence, est-ce que mon pied ne restera pas dans la bonne voie ?)
Mais cela est peu de choses auprès de ce que je vais vous dire. C'est que la chasteté vous apporte la vie, la vie pleine, la vie féconde, et qu'il n'y a vraiment de vie pour l'âme que par là. Que ceux-là s'en étonnent, qui ne voient dans l'innocence que l'insensibilité ou tout au plus l'absence de passions désordonnées. S'il en était ainsi, la vertu ne serait plus qu'une solitude morte, une statue régulière, mais un marbre qui ne vit pas. Non, les âmes innocentes ne sont pas des âmes mortes. Les âmes mortes sont les âmes qui ont enseveli leurs pensées et leurs coeurs dans les jouissances impures comme dans un tombeau. L'âme innocente brise le sépulcre où gisent les plaisirs de la terre, et s'envole en secouant la fange vers les régions de la pureté, non pas pour mourir, certes, mais pour vivre, pour s'enivrer à la source du bien, pour s'épanouir, fleur vivante, dans l'océan d'une joie sans fond comme sans limites. "Si tu pouvais voir la beauté d'une âme en grâce avec moi", disait Notre-Seigneur à sainte Thérèse, tu en mourrais d'amour." Je le crois bien ! Si l'homme pouvait s'élever à la contemplation de ce spectacle que l'œil n'a point vu, nous ne pourrions nous rassasier de voir cette âme radieuse déployant, dans l'allégresse divine, les deux ailes de son intelligence et de son amour, au sein de la Trinité, qui est le foyer inextinguible de sa lumière et de sa flamme, et nous comprendrions alors ce que c'est que la vie.
Mais si de telles visions sont trop au-dessus de nous, du moins tâchons de comprendre que sans la chasteté il n'y a plus de lumière pour l'esprit, il n'y a plus d'amour pour le cour, il n'y a plus d'énergie pour la volonté.
Saint Grégoire de Nazianze, dans son poème sur sa vie, a une belle fiction où il raconte qu'étant enfant il fut visité par la Chasteté et la Tempérance, qui lui demandèrent de lui rester fidèle ; moyennant quoi, elles le conduiraient à la science parfaite des plus profonds mystères. C'est toujours vrai, mes chers fils. L'intelligence n'est limpide que si le cœur est pur. Et par contre, comment voulez-vous que l'image du vrai, du beau, conserve encore sa place dans cette intelligence envahie, obsédée par d'impurs fantômes ? Comment voulez-vous que l'enthousiasme sacré de la science brûle encore dans ce foyer fumeux qui ne reçoit plus pour aliments que des matières putrides ? Et puis, quelle place et quel temps reste-t-il pour l'étude de cet esprit absorbé par des recherches malsaines ? Il y a obstruction d'abord, il y a abaissement ensuite. L'esprit lui-même se matérialise à force de vivre matériellement. J'entends dire depuis quelque temps que ce jeune homme baisse. C'est le mot ! Eh oui, il baisse, hélas ! et si vous saviez le nom du poids honteux qui le déprime et à quel degré de bassesse en est descendu le pauvre enfant ! Mes chers fils, retenez ceci : l'impureté est homicide, et l'intelligence est sa première victime.
La chasteté est la vie du cœur. Sans chasteté point d'amour. Un coeur pur est un coeur ouvert, une âme impudique est une âme fermée. Je l'admirais naguère ce jeune homme vertueux, dans les franches et cordiales effusions de son commerce. Quelle tendresse il avait envers son père, sa mère, ses frères, ses maîtres, ses amis ! Mais d'où vient donc qu'aujourd'hui son front est sombre, son regard étrange, son rire forcé, sa parole amère, mordante, sceptique, sardonique, railleuse ? Un rien l'agace, l'irrite ; il est agité, énervé, inquiet, gêné, mécontent, troublé. Ni père, ni mère, ni frères, ni soeurs, ni maîtres ne le reconnaissent plus, et chacun de se dire : Il y a quelque chose là-dessous, c'est le ver de l'impudicité qui lui ronge le coeur. L'Écriture a dit le mot : Le jeune débauché n'a pas de coeur, vercordem juvenem (jeunesse sans coeur). Il n'aime plus rien, vecors (sans coeur). Il n'aime plus que lui, et encore lui dans la plus abjecte partie de son être de chair. Ne lui parlez donc plus des douces et chastes émotions de la famille, de l'amitié, de la piété encore moins. Le péché l'a endurci ; le libertin n'aime pas, quoi qu'il prétende, il convoite. Il est tout à l'instinct, tout à l'appétit, tout aux sens : ce n'est plus l'homme, c'est la bête.
Ne vous disais-je pas aussi que la chasteté est la vie de la volonté, la condition première de sa liberté et de sa force ? Ils étaient forts, mes chers fils, parce qu'ils étaient libres, et ils étaient libres parce qu'ils étaient chastes, tous ces hommes qui ont vaincu le monde en triomphant d'eux-mêmes, ces apôtres, ces cénobites, ces anachorètes, ces confesseurs de la foi qui savaient tout braver pour le service de Dieu, de l'Église et des âmes. Et savez-vous à quoi tient l'impuissance radicale de tant d'hommes de nos jours ? C'est qu'ils ne sont plus chastes ; ils ont la corde au cou, un lien honteux les empêche de se soulever de terre ; et l'asservissement chez eux va de pair avec l'amollissement ; je devrais dire pour plusieurs avec l'abrutissement.
Ah ! vous qui êtes tentés de vous vendre à ce maître odieux qui vous enverra, comme l'enfant prodigue, in villam suam ut pasceret porcos (sur sa ferme nourrir les cochons), vous allez prendre des fers, sachez-le bien ; chaque faute que vous commettrez sera un enlacement nouveau de cette chaîne de honte. Bientôt elle sera indissoluble, inextricable, c'en sera fait, vous ne résisterez plus ; vous en aurez perdu le pouvoir et le vouloir. À tout ce qu'on vous dira pour votre délivrance vous répondrez : "Je ne puis, cela est plus fort que moi !" Et vous ne direz que trop vrai. Alors adieu, courage ; adieu, vertu ; adieu, mâles énergies du devoir et de la souffrance ! Il ne reste plus rien de l'homme. "Quand Jupiter fait un homme esclave, a dit Homère, il lui ôte la moitié de son âme". Triste esclave du péché, que vous reste-t-il de la vôtre ?
Seconde question : qu'allez-vous faire pour garder la chasteté ? La question est urgente, car l'ennemi déborde de toutes parts. À chaque coin de rue, à chaque heure de jour et de nuit, un coup mortel peut partir, vous atteindre et vous abattre. Sentinelles, faites bonne garde, ou vous êtes perdus !
Mgr Louis Baunard