Le 20 mars 2012, le Pape Benoît XVI nommait nouvel archevêque de Montréal, au Canada, Mgr Christian Lépine, pour succéder au Cardinal Jean-Claude Turcotte, qui avait été à la tête de l’archidiocèse pendant 22 ans.
Né à Montréal le 18 septembre 1951, Mgr Lépine a une longue expérience de pasteur et d’enseignant. Ordonné prêtre le 7 septembre 1983, il a fait des études en théologie à l’Université de Montréal et en philosophie à Rome. Il a d’abord exercé son ministère presbytéral en paroisse, à Saint-Joseph-de-Mont-Royal et à Notre-Dame-des-Neiges, pour ensuite travailler au service du Vatican, de 1998 à 2000. De retour au Canada, il a été directeur du Grand séminaire de Montréal et, en 2006, il a été nommé curé des paroisses Notre-Dame-des-Champs et Purification-de-la-Bienheureuse-Vierge-Marie. Le 11 juillet 2011, le pape Benoît XVI le nomme évêque auxiliaire à Montréal, où il est ordonné évêque le 10 septembre suivant par le Cardinal Turcotte.
Mgr Lépine est un spécialiste de la «théologie du corps», une expression faisant référence à une série de 129 conférences données par le pape Jean-Paul II lors de ses audiences du mercredi sur la place Saint-Pierre, de septembre 1979 à novembre 1984, sur le plan de Dieu pour l’homme et la femme, dont la vocation est le don total de soi, par le célibat ou le mariage. Le texte suivant provient des homélies des 28 janvier, 4 et 11 février 2007, alors que l’abbé Lépine était curé à Repentigny:
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Lorsqu’une personne dit j’aime cette femme, j’aime cet homme, veut-elle dire la même chose que lorsqu’elle dit j’aime cet objet?
Quelle est mon aspiration profonde? Est-ce que je me complais dans la défiguration de l’amour qu’est la convoitise, la réduction de l’autre à un objet destiné à assurer ma satisfaction? Est-ce que je désire vivre l’amour véritable qui est don de soi et qui met en premier le bonheur de l’autre?
On consomme un objet, on ne consomme pas une personne. On donne sa vie à une personne, on ne donne pas sa vie à un objet. Est-ce que je réduis l’autre à un objet qui est là pour moi, pour mes besoins?
Même devant la peur d’être seul, il s’agit non pas de faire de l’autre un instrument pour combler ma solitude, mais de vouloir combler l’autre. Même devant l’aspiration à l’amour, il s’agit non pas d’être en amour avec l’amour, mais d’aimer l’autre.
Dans l’amour égocentrique, on ne veut surtout pas de la part de l’autre un amour véritable, cela risquerait d’être trop engageant. On veut pouvoir rester libre, c’est-à-dire on veut pouvoir garder ouverte la possibilité de se lier avec un autre. En traitant l’autre comme une chose dont on dispose à sa guise, qu’on veut pouvoir quitter lorsqu’on aura épuisé la satisfaction qu’elle nous apporte, ou lorsqu’on aura rencontré une autre personne qui promet davantage de contentement.
Dans une telle perspective le couple devient non pas le lieu où l’on se donne l’un à l’autre, mais celui où l’on se prend l’un l’autre, c’est-à-dire le lieu où l’on se consomme l’un l’autre. Dans un tel contexte, aimer, c’est trouver la personne qui satisfait les besoins du moment. Quand ce moment, plus ou moins long, est passé, on négocie une séparation qu’on veut sans douleur. Puis chacun est supposé repartir à la recherche d’une autre personne qui pourra satisfaire les besoins d’une nouvelle étape dans la vie.
Dans l’amour véritable, la personne veut non pas manipuler, mais servir, c’est pourquoi elle veut se donner. En voulant se donner, elle veut tout donner, tout ce qu’elle a et tout ce qu’elle est, car dans son mouvement l’amour se veut toujours plus grand, se veut absolu, veut tout donner. Et puisque le temps est à notre disposition, se donner, c’est aussi donner toute sa vie.
La fidélité fait donc partie intrinsèque de tout amour véritable, au point que tout adolescent ou toute adolescente peut dire: «La fidélité à la personne que je vais épouser commence maintenant, avant même que je la connaisse.» La virginité devient ainsi non pas ce que l’on demande à l’autre, mais ce que l’on veut donner à l’autre comme expression de la radicalité du don de soi.
L’amour qui est don de soi espère être aimé en retour et vise l’union qui sera rendue possible par le don mutuel. Et pour que la communion soit possible, il faut la communication qui est échange continuel. C’est pourquoi aimer, c’est se donner et toujours aussi se montrer. Se montrer, c’est se dévoiler, se montrer tel que l’on est avec ses dons et ses limites, ses richesses et ses faiblesses.
Se montrer, c’est, délicatement, dire ce qui nous blesse. Se montrer, c’est, affectueusement, dire ce qui nous comble. Se montrer, c’est dire à l’autre combien son amour nous fait vivre, combien le mystère de sa personne nous éblouit sans cesse.
Lorsque dans un couple les deux se donnent l’un à l’autre et se montrent l’un à l’autre, ils peuvent en toute vérité dire non seulement, mon amour pour toi, ton amour pour moi, mais aussi notre amour.
Une telle vision du couple est-elle idyllique? Est-ce un songe creux, sans espoir de pouvoir être réalisé? Est-ce un rêve d’antan qui était possible hier, mais qui est devenu impossible aujourd’hui? Et nous touchons là un des aspects fondamentaux du problème: pour pouvoir aimer ainsi, il faut non seulement vouloir aimer, il faut aussi croire à un tel amour. On ne donne pas sa vie pour un doute, on donne sa vie pour une certitude.
Or une telle confiance est battue en brèche de tous les côtés. Les héros et héroïnes présentés par le monde des médias semblent souvent trouver leur bonheur dans des amours transitoires, des aventures sans lendemains.
Dans la société, nous faisons face à un nombre croissant de brisures dans les couples. Peut-être dans notre propre famille sommes-nous témoins de séparations douloureuses. Peut-être que moi-même, après pourtant y avoir cru, je me trouve laissé pour compte, mis ou mise de côté parce que je ne fais plus l’affaire pour une autre personne.
Le soupçon est ainsi semé dans nos esprits et dans nos coeurs. Le doute, que tout concourt à faire grandir, fait son chemin et conduit peu à peu à la certitude que l’amour véritable n’existe pas.
Le jeune homme n’ose plus croire qu’il peut rencontrer une femme qui voudra l’aimer et se donner à lui pour la vie. La jeune femme n’ose plus croire qu’elle pourra rencontrer un homme qui voudra l’aimer et se donner à elle pour la vie.
Les couples qui vivent des moments difficiles n’osent plus croire qu’ils pourront se pardonner et grandir dans leur communication et leur don mutuel.
Détruire la confiance, c’est détruire l’amour.
Pour sauver le couple et la famille, il faut sauver l’amour véritable. Pour sauver l’amour véritable, il faut sauver la foi en la possibilité de l’amour.
Il s’agit de pouvoir croire que l’homme et la femme sont faits pour aimer et sont habités par une capacité de don de soi.
Il s’agit de pouvoir croire que cette personne que j’ai épousée a, au plus profond d’elle-même, un désir de m’aimer et une force de dépassement de soi.
Il s’agit de pouvoir croire que j’ai en moi tout ce qu’il faut pour pouvoir aimer gratuitement, totalement et sans retour, la personne épousée.
Alors que le contexte social et médiatique favorise le doute, alors que le sentiment d’amour que j’éprouvais si intensément semble s’être évanoui depuis longtemps et ne plus vouloir revenir, alors que la communication semble irrémédiablement impossible, c’est la foi au Christ qui sauve tout.
Nous sommes appelés à voir en Jésus le salut de Dieu. Croire en Jésus-Christ et au salut qu’Il apporte, c’est changer son regard sur les personnes, c’est devenir capable de voir la capacité pour le bien qui s’y trouve, c’est espérer en l’oeuvre de la grâce qui fait grandir la capacité de se donner gratuitement et la fortifie.
Par la foi au Christ, le Christ lui-même vient sauver en moi la confiance que l’amour véritable existe et est possible. Il me rend capable de croire que l’autre peut toujours m’aimer, de croire que je peux l’aimer d’un amour toujours plus grand.
Grâce à la foi, ne craignons pas de croire en l’amour de don de soi. Grâce à la foi, ne craignons pas de nous lancer dans l’aventure de l’amour véritable, même si cela veut dire ne pas savoir où l’on va (incertitudes devant ce que sera l’avenir au niveau social, politique, économique, écologique, etc.).
Grâce à la foi, que la personne qui aura été dominée par l’égocentrisme et aura été infidèle de diverses manières se tourne vers la miséricorde de Jésus-Christ qui pardonne et renouvelle les coeurs.
Grâce à la foi, que les personnes seules dans l’exercice des responsabilités parentales sachent que Jésus-Christ est l’éternellement fidèle, capable d’apporter un soutien qui va au-delà de tout ce que l’on peut imaginer.
Grâce à la foi, que l’adolescent et l’adolescente entreprennent dans la confiance le combat de la chasteté et de la virginité. Grâce à la foi, que le couple ne se décourage jamais et persévère avec confiance dans la fidélité, le don mutuel et la communication.
Prions la Sainte Famille de Jésus, Marie et Joseph pour que les jeunes et les couples cherchent le Seigneur et sa puissance, Lui qui vient nous sauver, qui vient sauver en nous la foi en l’amour et nous rendre capables d’aimer.
Mgr Christian Lépine