“Il est impossible sans l’usage de la confession et de la communion, il est impossible d’éduquer les jeunes, car sans ces sacrements, personne ne peut être sûr de la moralité.»
— Saint Jean Bosco
Tiré du chapitre sur la Pénitence et l’Eucharistie du livre «Présence du catholicisme, par H. Bouquier sdb, Don Bosco Educateur:
La méthode préventive la mieux appliquée, l’assistance la plus charitable suffisent-elles pour assurer l’éducation d’un jeune? Don Bosco ne le pense pas.
Aussi fait-il appel à d’autres concours qui doivent aller de pair et même précéder. L’enseignement religieux, dont nous avons défini, est un de ceux-là.
Il en est d’autres de la même importance, et beaucoup, pour ne l’avoir pas suffisamment remarqué, ont perdu le courage en plein essor éducatif.
Ces autres moyens, Don Bosco nous les indique: «La confession, la communion fréquentes, la messe quotidienne sont les colonnes qui doivent soutenir l’édifice de l’éducation dont on veut écarter le fouet et les menaces.»
Ou encore: «Sans l’usage de la confession et de la communion, il est impossible d’éduquer les jeunes, car sans ces sacrements, personne ne peut être sûr de la moralité.»
Les techniques humaines les mieux appropriées comme l’assistance et la pédagogie affective, tout cela est fort bien, déclare Don Bosco. Avant cela, il faut mettre en action une formation religieuse profonde et une vie de piété intense.
Au contact des passions de l’adolescence qui vont mener le rude assaut, l’âme des déshérités de Don Bosco résistera-t-elle?
Certainement non.
L’habilité des meilleurs psychologues, des meilleurs éducateurs s’avère insuffisante comme les disciplines de vie les mieux étudiées. Rappelons-nous les disciplines de vie les mieux étudiées. Rappelons-nous saint Augustin esclave de ses passions jusqu’à 35 ans, confondu de honte devant son abjection mais prisonnier.
Autant dire que l’homme seul est impuissant, il lui faut la force de Dieu.
Dans sa biographie de Don Bosco, Gras déclare que le saint faisait passer la culture de la pureté chez ses enfants par le moyen de la confession et de la communion fréquentes, avant les procédés pédagogiques les mieux étudiés.
Ainsi s’explique que Don Bosco éducateur ait été un grand confesseur.
Les trois endroits où l’on trouvait Don Bosco, c’était la cour de récréation où jouaient ses enfants, les routes qu’il arpentait pour trouver de l’argent et le confessionnal. Ce dernier point n’a pas été assez remarqué.
Du confessionnal on peut dire qu’il était son poste de combat. Il ne faisait aucune réunion sans qu’il y eût confessions. Et ces confessions avaient lieu un peu partout: dans la chapelle, dans les granges, sur les chemins, même dans les prés. Huysmans écrit: «Le souvenir nous est resté de cet admirable prêtre confessant dans ce pré qu’il avait loué… Il s’asseyait sur un petit tertre et, à distance, formant le cercle, des enfants à genoux faisaient leur examen de conscience.
«…Et l’on voit Don Bosco, avec sa physionomie débonnaire de vieux curé de campagne, prenant celui de ses pénitents qui a terminé, par le cou. Il l’enveloppait de son bras gauche en appuyant légèrement la tête de l’enfant sur son cœur; ce n’était pas le juge, mais le père qui aidait le fils dans l’aveu souvent si pénible des moindres fautes.»
Il confessait à toute heure, et quelquefois très tard, jusqu’à onze heures du soir et même plus à certains jours.
Pour lui, la confession passait avant la nourriture, avant les visites. Il fit attendre un jour deux personnages illustres pendant deux grosses heures à cause des confessions.
«Quand c’est le moment, leur disait-il en riant pour s’excuser, il faut le saisir au vol!»
Il n’arrêtait pas de recommander la confession fréquente. «S’il devait parler deux soirs de suite, déclare Don Rua, il parlait au moins une fois de la confession, et s’il ne devait parler qu'une fois, il ne manquait pas d’y faire quelque allusion.»
Ces confessions étaient courtes et pas ennuyeuses du tout: deux, trois phrases bien appliquées, et c’était fini!
Pour Don Bosco, une maison va mal quand les confessions y sont rares.
Pour son temps il fait figure de hardi novateur de cette matière. La négligence relativement à la confession des enfants était générale alors. Pauvres petits! ils étaient la quantité négligeable et peu s’en occupaient.
Don Bosco, lui, voudra la confession fréquente de ses enfants pour deux raisons:
1° En vue de la communion fréquente à laquelle il engagea ses enfants avec insistance;
2° En vue de la formation de leur conscience.
Les deux raisons ont une portée éducative.
Il ne faut pas oublier que la jeunesse est l’âge des réactions vives, autant dans le sens du bien que dans le sens du mal.
Don Bosco montera pour ainsi dire la garde autour de ses enfants et voudra en avoir comme le contrôle. Cela lui était plus facile puisqu’il les confessait tous et que de plus le bon Dieu l’avait gratifié du charisme exceptionnel de la lecture dans les consciences.
Par le règlement de ses maisons, il aura le contrôle de l’extérieur; par la confession, celui de l’intérieur.
Don Bosco tenait cette passion pour la confession de son inspirateur saint François de Sales, qui, lui aussi, était un confesseur remarquable.
Pour l’un comme pour l’autre, la confession sera autre chose que l’instrument de la rémission des péchés, elle sera surtout l’instrument du contrôle de soi: victoires sur les défauts, lutte pour l’acquisition des vertus.
La conscience éclairée par l’enseignement religieux reste toujours un peu hésitante quand il s’agit de passer à l’action. Il y a des échecs, des découragements, de fausses manœuvres. La confession doit servir à faire le point et à tout remettre en place.
S’il s’agit des défauts, même effet bienfaisant. D’être obligé de se confesser, cela nécessite un examen sérieux, lequel a pour effet d’apprendre à mieux se connaître. D’autre part, par l’accusation et le repentir renouvelés, les habitudes mauvaises ne peuvent plus travailler dans l’ombre et se fortifier. Leur travail, semblable à celui d’une araignée, est continuellement défait.
A cet exercice de l’examen qui produit la connaissance de soi, vient s’ajouter le travail du confesseur lui-même. Son rôle est d’être juge. Il est juge en effet de la valeur d’appréciation portée sur soi-même, juge de l’efficacité de la résolution qu’il a prise.
Enfin, la grâce du sacrement produit son effet, celui du vrai repentir, de la crainte et de la haine du péché, de l’affermissement de la volonté.
Pour résumer, les effets de la confession fréquente se ramènent à trois: le contrôle de soi, le contrôle par le confesseur, les grâces du sacrement. Et peut-être aussi la libération psychologique qu’entraîne l’aveu.
Deux écueils de la confession fréquente seront sans cesse signalés par saint Jean Bosco: le manque de sincérité et le ferme propos.
1° Le manque de sincérité:
Sur ce point, il insiste sans arrêt. Le bon Dieu l’a doté des lumières exceptionnelles, pour lire dans les âmes et y découvrir les péchés qu’on y cache honteusement. Ex abrupto, à celui-ci il déclare péremptoirement: «Confessez-vous depuis telle date!»
A celui-là: vous avez caché tant de péchés, ou bien, tels ou tels péchés…
«Je sais de science certaine que le démon fait des ravages terribles dans les âmes de nos jeunes gens en leur inspirant la honte de leurs propres fautes.
«Cela fait pitié de voir l’état de conscience des neuf dixièmes de mes jeunes gens! Rien n’y fait.»
De là son instance à recommander la confession sincère. «Sur vingt prédications relatives à la confession, disait-il à un prédicateur, vingt et une fois, parlez de la sincérité.»
De là aussi sa volonté de sauvegarder coûte que coûte la liberté du sacrement de Pénitence. Il voudra qu’il y ait toujours plusieurs confesseurs à la disposition de ses enfants et tous les mois il fera appel à un confesseur extraordinaire.
Il serait trop long de citer tous les songes qui se rapportent à la sincérité dans l’usage du sacrement de Pénitence. Citons-en quelques-uns cependant.
Le songe des trois lacets du démon: il s’agit d’un aveu du démon lui-même.
Le premier lacet: faire cacher des péchés en confession.
Le deuxième lacet: obtenir des confessions sans contrition.
Le troisième lacet: pousser au manque de ferme propos.
Le songe du singe sur les épaules: dans ce songe, ceux qui ont un singe sur les épaules ont manqué de sincérité.
2° Manque de ferme propos:
De nombreux songes viennent également l’avertir de cet autre danger.
Dans le songe du «monstre content», le saint raconte qu’il est venu visiter ses enfants (il leur écrit durant un de ses voyages).
Devant l’Église il a rencontré un monstre dont il fait une description effrayante.
Ce monstre était heureux et riait. Il se faisait du bon travail chez Don Bosco. Lui, le monstre, il avait dans la place des collaborateurs.
— Était-ce possible?
Et le monstre le conduisit à la sacristie; il lui montra le Directeur qui confessait.
«Beaucoup me servent ici-même! Ce sont ceux qui promettent et ne tiennent jamais; ils accusent toujours les mêmes péchés, je me réjouis beaucoup de leurs confessions…
— Quels sont vos plus grands ennemis?
— Ceux qui communient souvent.
— Qu’est-ce qui te fait le plus de peine?
— Deux choses: la dévotion à Marie et…
(Ici des contorsions épouvantables et le mutisme le plus absolu.)
— Je te recommande au nom du Dieu Créateur, ton Maître et le mien… de me dire ce que tu crains le plus ici.
(Nouvelles contorsions et clameurs effrayantes.)
— Ce que nous craignons le plus ici, c’est la fidélité que l’on prend aux confessions.»
D’une autre déclaration de Don Bosco, du 31 mai 1873, ces paroles:
«Je ne puis dire maintenant que, presque toutes les nuits, je voyais en songe que c’était le manque de ferme propos dans les confessions qui envoyait le plus de monde en enfer.
«Cela vient de l’inefficacité des résolutions prises.
«Voilà pourquoi tant de gens vont se confesser souvent et accusent toujours les mêmes fautes.»
Une déclaration faite en 1879 à Allassio est aussi révélatrice de la pensée de Don Bosco sur le sujet.
«Lorsque quelqu’un confesse chaque semaine les mêmes fautes, il faut s’en méfier !»
Révélateur également le délicieux entretien que voici.
Don Caviglia est alors âgé de seize ans et il s’adresse régulièrement à Don Bosco pour sa confession. Un jour il s’entend interpeller:
«As-tu pris une résolution?
— Oui, mon Père.
—Mais sais-tu bien ce que c’est?
— Oui.
— C’est que, vois-tu, il y a plusieurs fois que tu me racontes les mêmes fautes…
— … !»
Comme on sent à travers de telles réflexions quelle importance le saint confesseur attachait au sérieux du ferme propos et en même temps à l’effort méthodique et constant qu’il entraîne.
De toute évidence, dans l’usage du sacrement de pénitence, Don Bosco a principalement en vue l’efficacité pédagogique. Rien que son insistance à recommander la fréquence du sacrement et le sérieux du ferme propos l’indiquent suffisamment.
Sans minimiser pour autant l’effet interne du sacrement, l’ex opere operato des théologiens, il porte l’accent, comme son maître saint François de Sales, sur l’effort personnel à provoquer de la part du pénitent et le contrôle de cet effort par le confesseur qui devra se comporter en directeur de conscience averti, mieux que cela, en véritable éducateur.
Dans les deux efforts qui se conjuguent, celui de l’éduqué et celui du confesseur éducateur, il voit le point culminant de toute l’action éducative, en l’espèce le point de rencontre de la bonne volonté du jeune et de la grâce de Dieu.
C’est la raison de l’importance plus grande accordée par Don Bosco à la confession par rapport à la communion.
Il la voit avant tout avec ses yeux d’éducateur. D’ailleurs l’efficacité de la communion dépendra toujours principalement de l’action personnelle de l’enfant, de son effort de collaboration à la grâce. D’où l’insistance pour obtenir les confessions fréquentes, sincères et efficaces.
C’est dans cette perspective éducative qu’il faut comprendre l’importance primordiale donnée aux confesseurs — Don Bosco se réservera ce rôle comme une faveur durant toute sa vie — lequel devra posséder les qualités techniques du véritable éducateur et pas seulement celles d’un donneur d’absolutions.
Dans la circulaire de 1884 on lit des aveux suivants, d’une portée éducative considérable: «Ce qui manque radicalement à tant de jeunes qui se confessent souvent, c’est la fermeté dans les résolutions. Aussi les voit-on s’avancer avec les mêmes omissions, les mêmes manquements, les mêmes occasions prochaines, les mêmes mauvaises habitudes, les mêmes désobéissances, les mêmes manquements au devoir, et ceci de mois en mois, et d’année en année.»
La confession fréquente est en vue de la communion fréquente. Dans l’esprit de don Bosco, l’important en éducation est de mettre Dieu dans le cœur des enfants. C’est pour cela qu’il sera novateur pour la communion fréquente comme il l’aura été sur d’autres points: «Qu’on écarte comme la peste toutes raisons que l’on pourrait alléguer de retarder la communion des enfants.» Comme la peste! L’Eucharistie n’est pas affaire de sentiment, de rite traditionnel: c’est une affaire de vie.
Pour vivre, Notre-Seigneur nous oblige à manger: «Celui qui mange ma chair… vit; celui qui ne mange pas ne vit pas.»
Sa vie divine est à cette condition.
De plus l’Eucharistie apporte ses effets ad modum cibi, à la manière d’une nourriture, c’est-à-dire petit à petit, quotidiennement, sans éclat; ce qui impose la fréquence dans la réception.
Enfin l’Eucharistie, qui est vie, est ferment et levain.
Un jour, un ministre protestant, étonné du silence des enfants de Don Bosco, de leur discipline spontanée, l’interroge: «Donnez-moi le moyen d’obtenir un tel silence et une telle discipline?
— Les moyens sont entre les mains des seuls catholiques!
— Quels sont-ils?
— La confession et la communion fréquentes, la sainte messe pieusement entendue.
— Vous pensez qu’il n’existe pas d’autres moyens?
— Si, le fouet et les menaces!»
Ainsi l’Eucharistie n’est pas ferment et levain pour permettre de se croiser les bras et de ne rien faire. Tout au contraire, elle est secours pour permettre de se transformer plus rapidement.
Tels étaient les procédés de Don Bosco: amener l’enfant à se contrôler et à se faire contrôler régulièrement; créer chez lui par la répétition des mêmes actes de volonté, comme des réflexes de vie et d’habitudes chrétiennes; surtout le mettre en contact direct avec le divin, de façon que son effort personnel soit secondé et rendu efficace par la grâce de Dieu.
NDLR: Nous constatons par la lecture de ce texte que la pédagogie efficace de Don Bosco reposait sur «la communion et confession fréquentes et sur «la messe quotidienne». Souhaitons que les écoles de la province de Québec redeviennent catholiques et s’inspirent de la méthode préventive et de la pédagogie de Don Bosco. Elles contribueraient à former d’honnêtes citoyens, de bons catholiques et de futurs élus pour le Ciel.