(Zenit.org) Journée inoubliable pour l'histoire de l’Église ce 27 avril 2014, Dimanche de la Miséricorde divine: deux papes ont été canonisés, un événement doublement inédit car deux papes étaient aussi présents lors de la célébration.
Le pape François a en effet inscrit les papes Jean XXIII (né Angelo Roncalli, pape de 1958 à 1963) et Jean-Paul II (né Karol Wojtyla, pape de 1978 à 2005) au catalogue des saints lors d'une célébration, place Saint-Pierre, en présence du pape émérite Benoît XVI et de quelque 500.000 personnes, selon le Vatican.
La foule, qui s'étendait à perte de vue jusque sur les rives du Tibre, avait empli la place Saint-Pierre dès avant l'aube, après la «nuit blanche» de prière dans les églises du centre historique de Rome. Venus notamment en grand nombre de Pologne et de Bergame, les racines de Jean-Paul II et Jean XXIII, tandis que des drapeaux du monde entier ondulaient sous un ciel couvert et une brise légère. Des écrans géants avaient été installés tout le long des rues et des places qui rassemblaient 300 000 autres personnes. Un temps de prière a commencé à 9h, une heure avant la célébration, autour de textes des futurs saints papes et de la prière du chapelet de la Miséricorde divine. Benoît XVI est arrivé quant à lui aux environs de 9h30, applaudi avec enthousiasme par la foule et il s'est assis parmi les cardinaux concélébrants.
Animée par quatre chorales – le chœur de la chapelle Sixtine, le chœur du diocèse de Rome, et ceux de Cracovie et Bergame – la célébration s'est ouverte à 10h avec la litanie des saints, tandis que les cardinaux et patriarches arrivaient en procession en précédant le pape François. Après avoir encensé l'autel, le pape est venu embrasser chaleureusement Benoît XVI.
La célébration s'est poursuivie directement avec le rite de la canonisation, introduite par un échange entre le pape et le cardinal Angelo Amato, préfet de la Congrégation pour les causes des saints: par trois fois, le cardinal a demandé au pape d'inscrire Jean XXIII et Jean-Paul II dans le catalogue des saints, invoquant l'aide de l'Esprit-Saint par l'hymne «Viens Esprit créateur».
Deux Papes saints au ciel, deux Papes sur la place Saint-Pierre: au début de la cérémonie, le Pape François est allé saluer le Pape émérite Benoît XVI, qui avait lui-même béatifié Jean-Paul II le 1er mai 2011. |
Soulignant la solennité de l'acte, et la triple autorité engagée par la canonisation – celle du Christ, celle des Apôtres Pierre et Paul et celle du pape lui-même – le pape François a proclamé en latin selon la formule consacrée:
«En l’honneur de la Très Sainte et indivisible Trinité, pour l’exaltation de la foi catholique et la croissance de la vie chrétienne, par l’autorité de notre Seigneur Jésus-Christ, des saints Apôtres Pierre et Paul et la Nôtre, après avoir réfléchi longuement, ayant imploré de nombreuses fois l’aide divine et ayant écouté l’avis de nombreux frères, nous déclarons et définissons comme saints les bienheureux Jean XXIII et Jean-Paul II, et nous les inscrivons au Livre des Saints, et nous établissons qu’ils soient honorés avec piété et dévotion parmi les saints dans l’Église universelle. Au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit.»
L'assemblée a répondu trois fois «Amen!», applaudissant vivement les deux nouveaux saints dont les portraits sur fond bleu ornaient la façade de la basilique vaticane. Les reliques des deux saints papes – un tissu de peau de Jean XXIII et du sang de Jean-Paul II – ont été apportées en procession au pape François qui les a vénérées, puis placées sur un piédestal auprès de l'autel fleuri de roses multicolores de l'Equateur.
Le pape François reçoit le reliquaire contenant le sang de Jean-Paul II des mains de Floribeth Mora Diaz du Costa Rica, qui avait été guérie miraculeusement par l’intercession de Jean-Paul II le jour de sa béatification, le 1er mai 2011, C’est ce miracle qui a été accepté pour la canonisation. |
Voici l'homélie prononcée par le Pape François pour la canonisation de Jean XXIII et Jean-Paul II:
Au centre de ce dimanche qui conclut l’Octave de Pâques, et que saint Jean Paul II a voulu dédier à la Divine Miséricorde, il y a les plaies glorieuses de Jésus ressuscité.
Il les montre dès la première fois qu’il apparaît aux Apôtres, le soir même du jour qui suit le sabbat, le jour de la résurrection. Mais ce soir-là, nous l’avons entendu, Thomas n’est pas là; et quand les autres lui disent qu’ils ont vu le Seigneur, il répond que s’il ne voyait pas et ne touchait pas les blessures, il ne croirait pas. Huit jours après, Jésus apparut de nouveau au Cénacle, parmi les disciples, Thomas aussi était là; il s’adresse à lui et l’invite à toucher ses plaies. Et alors cet homme sincère, cet homme habitué à vérifier en personne, s’agenouille devant Jésus et lui dit «Mon Seigneur et mon Dieu» (Jn 20,28).
Les plaies de Jésus sont un scandale pour la foi, mais elles sont aussi la vérification de la foi. C’est pourquoi dans le corps du Christ ressuscité les plaies ne disparaissent pas, elles demeurent, parce qu’elles sont le signe permanent de l’amour de Dieu pour nous, et elles sont indispensables pour croire en Dieu. Non pour croire que Dieu existe, mais pour croire que Dieu est amour, miséricorde, fidélité. Saint Pierre, reprenant Isaïe, écrit aux chrétiens: «Par ses plaies vous avez été guéris» (1P 2,24 ; Cf. Is53,5).
Saint Jean XXIII et saint Jean Paul II ont eu le courage de regarder les plaies de Jésus, de toucher ses mains blessées et son côté transpercé. Ils n’ont pas eu honte de la chair du Christ, ils ne se sont pas scandalisés de lui, de sa croix ; ils n’ont pas eu honte de la chair du frère (Cf. Is 58,7), parce qu’en toute personne souffrante ils voyaient Jésus. Ils ont été deux hommes courageux, remplis de la liberté et du courage (parresia) du Saint-Esprit, et ils ont rendu témoignage à l’Église et au monde de la bonté de Dieu, de sa miséricorde.
Il ont été des prêtres, des évêques, des papes du XXème siècle. Ils en ont connu les tragédies, mais n’en ont pas été écrasés. En eux, Dieu était plus fort; plus forte était la foi en Jésus-Christ rédempteur de l’homme et Seigneur de l’histoire; plus forte était en eux la miséricorde de Dieu manifestée par les cinq plaies; plus forte était la proximité maternelle de Marie.
En ces deux hommes, contemplatifs des plaies du Christ et témoins de sa miséricorde, demeurait une «vivante espérance», avec une «joie indicible et glorieuse» (1P 1,3.8). L’espérance et la joie que le Christ ressuscité donne à ses disciples, et dont rien ni personne ne peut les priver. L’espérance et la joie pascales, passées à travers le creuset du dépouillement, du fait de se vider de tout, de la proximité avec les pécheurs jusqu’à l’extrême, jusqu’à l’écœurement pour l’amertume de ce calice. Ce sont l’espérance et la joie que les deux saints Papes ont reçues en don du Seigneur ressuscité, qui à leur tour les ont données au peuple de Dieu, recevant en retour une éternelle reconnaissance.
Cette espérance et cette joie se respiraient dans la première communauté des croyants, à Jérusalem, dont parlent les Actes des Apôtres (Cf. 2, 42-47), que nous avons entendus en seconde lecture. C’est une communauté dans laquelle se vit l’essentiel de l’Évangile, c'est-à-dire l’amour, la miséricorde, dans la simplicité et la fraternité.
C’est l’image de l’Église que le Concile Vatican II a eu devant lui. Jean XXIII et Jean Paul II ont collaboré avec le Saint-Esprit pour restaurer et actualiser l’Église selon sa physionomie d’origine, la physionomie que lui ont donnée les saints au cours des siècles. N’oublions pas que ce sont, justement, les saints qui vont de l’avant et font grandir l’Église. Dans la convocation du Concile, saint Jean XXIII a montré une délicate docilité à l’Esprit-Saint, il s’est laissé conduire et a été pour l’Église un pasteur, un guide-guidé, guidé par l’Esprit. Cela a été le grand service qu’il a rendu à l’Église. C’est pourquoi j’aime penser à lui comme le Pape de la docilité à l’Esprit-Saint.
Dans ce service du Peuple de Dieu, saint Jean-Paul II a été le Pape de la famille. Lui-même a dit un jour qu’il aurait voulu qu’on se souvienne de lui comme du Pape de la famille. Cela me plaît de le souligner alors que nous vivons un chemin synodal sur la famille et avec les familles, un chemin que, du Ciel, certainement, il accompagne et soutient.
Que ces deux nouveaux saints Pasteurs du Peuple de Dieu intercèdent pour l’Église, afin que, durant ces deux années de chemin synodal, elle soit docile au Saint-Esprit dans son service pastoral de la famille. Qu’ils nous apprennent à ne pas nous scandaliser des plaies du Christ, et à entrer dans le mystère de la miséricorde divine qui toujours espère, toujours pardonne, parce qu’elle aime toujours.