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Un philosophe

Gilberte Côté-Mercier le lundi, 01 juin 1942. Dans Éditorial

Monsieur Richard est un homme bien. Il est bien au point de vue fortune, bien au point de vue éducation, et bien au point de vue instruction.

Mieux que cela, monsieur Richard a été fait catholique par les sacrements de la Sainte Église, et il se croit confirmé en grâce pour l'éternité.

C'en est assez pour que monsieur Richard se pique d'être philosophe.

Oui, monsieur Richard fait des syllogismes. Il les fait tant bien que mal. Lorsqu'il s'agit de son intérêt personnel, il peut tout aussi bien commencer par la fin que par le commencement. Le principal est de donner raison à ses actes, quel qu'en soit le mo­bile.

Par exemple, monsieur Richard est bien d'avis qù'il faut des pauvres pour servir les riches. Surtout, il faut des pauvres pour permettre aux riches d'exercer un pouvoir sur d'autres hommes. C'est si passionnant, régner ! C'est une volupté incommensurable, apparentée à la volupté des dieux.

Et voici, comment monsieur Richard procède dans son rai­sonnement :

"Donc, il faut des pauvres.

"Donc — c'est la conclusion. Il faudrait pourtant avoir l'air de commencer par là !

"Mais, justement, dans les Saintes Écritures, il est écrit : Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front. Voilà qui fait bien mon affaire ! Tu gagneras ton pain. Tu, entendez-vous bien, vous les pauvres. ? Tu, c'est vous autres.

"Gagneras ton pain. Oui, ton pain, le pain que tu manges pour nourrir ton corps. C'est cela que la parole veut dire.

"À la sueur de ton front. Tu comprends ? la sueur, la sueur. Il faut que tu sues, toi paria. Il faut que tu pioches la terre et y épuises tes muscles, même si les machines peuvent faire l'ouvrage à ta place. Car, si les machines travaillent, tu chômeras. Et si tu chômes, tu crèveras de faim. Les machines font bien les choses pour manger, mais elles ne font pas l'argent. Et il faut de l'argent pour manger. Tu comprends, il ne peut pas être question d'avoir de l'argent qu'on n'a pas gagné soi-même en suant. Les héritages, les dividendes, c'est fait pour les riches, pas pour les pauvres.

"Il faut que tu te dépenses physiquement. Entends-tu, phy­siquement ? c'est écrit. Pour avoir de quoi nourrir ton corps. Ce n'est pas écrit de travailler pour nourrir ton âme, mais pour nour­rir ton corps, tu as lu ?

Et la belle imagination de monsieur Richard continue de montrer ce qui est écrit dans les Saintes Écritures et un peu aus­si, mais si peu, ce qui n'est pas écrit.

Que c'est donc commode les Sainte Écritures, parfois ! Sur­tout, lorsqu'on peut y faire des ajustements, y ajouter et même en retrancher, n'est-ce pas, monsieur Richard ?

GILBERTE CÔTÉ

Gilberte Côté-Mercier

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