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Madame Alaboursevide

Gilberte Côté-Mercier le samedi, 01 novembre 1941. Dans Éditorial

En voici des choses à vendre, madame ! Toutes des choses dont vous avez besoin pour vous et votre famille !

Voyez plutôt :

Vente semestrielle de robes et de chapeaux. Il y en a pour toutes les tailles et toutes les têtes, d'une valeur extraordinaire pour un très bas prix. Pour vous, mesdames, pour vous !

Vente semestrielle de mobiliers de chambre à coucher, en bois naturel. De quoi vous faire un intérieur agréable et artistique. Pour vous, mesdames, pour vous !

Vente hebdomadaire de souliers fins et confortables ! Pour vous, mesdames, pour vous !

Manteaux, complets, paletots, meubles, etc., etc. ; il y en a plein ces catalogues et plein les magasins.

De quoi satisfaire tous les besoins de votre famille. Venez acheter, mesdames ! Venez !

* * * *

Mais, madame regarde les catalogues, les vitrines. Et madame ouvre sa bourse toute grande. Rien n'en sort.

Si les magasins sont pleins, la bourse est vide !

Madame se contente donc de regarder.

Sans doute que les choses qu'on annonce doivent être faites pour regarder, puisqu'elles paraissent si bien. Elles ne peuvent certainement pas être faites pour acheter, puisqu'on n'a rien pour les payer.

* * * *

Et pourtant, qui donc serait lésé dans ses droits si madame achetait ces choses. Qui donc en serait mécontent  ?

Sûrement pas le marchand qui fait des catalogues.

Sûrement pas le manufacturier qui fait les choses.

Sûrement pas l'ouvrier qui gagne un salaire à faire les choses.

Sûrement pas madame qui utiliserait ces choses.

* * * *

Pourquoi donc n'y a-t-il pas dans la bourse de madame autant d'argent qu'il faut pour acheter ce qui est offert dans les catalogues ?

Madame, le problème ne vous intrigue-t-il pas  ? Ne seriez-vous pas curieuse de connaître la cause de ce manque d'argent en face de l'abondance ?

* * * *

Pas d'argent dans la bourse, parce que le mari ne travaille pas.

Le mari ne travaille pas, parce que le patron n'a pas de quoi le payer.

Le patron n'a pas de quoi payer, parce que le banquier lui refuse le crédit.

Le banquier refuse le crédit, parce qu'il désire la faillite du patron.

Le banquier désire la faillite du patron pour s'emparer de l'usine du patron.

Le banquier veut s'emparer de l'usine du patron pour contrôler les richesses. On appelle ça le trust.

Le banquier veut contrôler les richesses pour mener le peuple suivant ses plans. On appelle ça la dictature.

* * * *

Les trusts et l'esclavage ont pour père le banquier, n'est-ce pas, madame à-la-bourse-vide ?

Gilberte Côté-Mercier

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