Il est défendu aux autobus de faire un plus long trajet que 50 milles.
Entre Montréal et Sherbrooke, il y a une distance de deux fois 50 milles.
À la compagnie d'autobus, où il y a des employés qui savent compter, on a fait le raisonnement suivant :
Puisqu'il y a 2 fois 50 milles pour aller à Sherbrooke, les autobus allant de Montréal à Sherbrooke, iront donc à Sherbrooke comme auparavant, mais en faisant une escale à Granby, qui est situé exactement à 50 milles de Sherbrooke et de Montréal, à mi-chemin donc.
Et voilà que notre autobus venant de Montréal arrête à Granby. Il arrête pour en repartir un quart d'heure après à destination de Sherbrooke. Tous les passagers qui vont de Montréal à Sherbrooke peuvent donc rester dans l'autobus et garder leur siège jusqu'à Sherbrooke.
Pardon, il est défendu aux autobus d'aller de Montréal à Sherbrooke. Qu'un autobus aille de Montréal à Granby et de Granby à Sherbrooke, ce n'est pas la même chose.
Et pour bien montrer que l'autobus ne va pas de Montréal à Sherbrooket ordre est donné aux passagers de descendre de l'autobus. "Granby ! Granby ! C'est le terminus ! Tout le monde descend."
En effet, tout le monde descend. Ceux qui vont à Sherbrooke, se présentent à un comptoir pour acheter un billet pour Sherbrooke. Le chauffeur descend tous les bagages.
Puis, "En voiture, tout le monde, en voiture pour Sherbrooke !"
Et les hommes et les valises, les mêmes que tout à l'heure, sont remis à la même place dans le même autobus, pour un autre voyage de 50 milles.
Cela ressemble ni plus ni moins à une comédie, qui consisterait à sortir tout le contenu de l'autobus par une porte pour le rentrer par l'autre porte.
Sortir par une porte les personnes et les choses pour les rentrer tout de suite par l'autre porte, mais c'est fou !
C'est fou ? non, ce n'est pas fou, c'est une mesure de guerre.
Faire descendre un chauffeur bien pressé, lui faire porter des malles, se bousculer pendant un quart d'heure, c'est une perte de temps !
C'est une perte de temps ? Non, ce n'est pas une perte de temps, c'est une mesure de guerre.
Acheter deux billets au lieu d'un, les payer plus cher ensemble qu'un seul, mais c'est une perte d'argent et de papier ! Mais, non, c'est une économie de guerre !
Il en est de même pour une foule de mesures de guerre. Est-ce que les rationnements dans presque tous les cas, n'ont pas eu pour effet, le gaspillage ?
Pour l'épicier qui compte les coupons dans les livrets qu'on lui présente, quelle perte de temps ! Non, c'est une mesure de guerre.
Pour le distributeur de coupons, quelle perte de temps ! Non, c'est une mesure de guerre !
Pour les fonctionnaires, les avocats et les juges qui discutent toutes ces lois, c'est une perte de temps. Non, c'est une mesure de guerre.
C'est à croire que les mesures de guerre consistent à faire et à faire faire le plus de bureaucratie et d'autres choses semblables au plus grand nombre de personnes possible, lorsque tout ce monde pourrait faire des canons.
Les hommes de bon sens ne s'y reconnaissent plus.
Peste soit du bon sens ! La logique n'est plus de mise en temps de guerre, puisque la guerre elle-même est la plus grande folie que les hommes aient inventée.