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Le règne de la folie

Gilberte Côté-Mercier le lundi, 15 février 1943. Dans Éditorial

Il est défendu aux autobus de faire un plus long trajet que 50 milles.

Entre Montréal et Sherbrooke, il y a une distance de deux fois 50 milles.

À la compagnie d'autobus, où il y a des employés qui savent compter, on a fait le raisonnement suivant :

Puisqu'il y a 2 fois 50 milles pour aller à Sherbrooke, les au­tobus allant de Montréal à Sherbrooke, iront donc à Sherbrooke comme auparavant, mais en faisant une escale à Granby, qui est situé exactement à 50 milles de Sherbrooke et de Montréal, à mi-chemin donc.

Et voilà que notre autobus venant de Montréal arrête à Gran­by. Il arrête pour en repartir un quart d'heure après à destina­tion de Sherbrooke. Tous les passagers qui vont de Montréal à Sherbrooke peuvent donc rester dans l'autobus et garder leur siè­ge jusqu'à Sherbrooke.

Pardon, il est défendu aux autobus d'aller de Montréal à Sherbrooke. Qu'un autobus aille de Montréal à Granby et de Granby à Sherbrooke, ce n'est pas la même chose.

Et pour bien montrer que l'autobus ne va pas de Montréal à Sherbrooket ordre est donné aux passagers de descendre de l'au­tobus. "Granby ! Granby ! C'est le terminus ! Tout le monde des­cend."

En effet, tout le monde descend. Ceux qui vont à Sherbrooke, se présentent à un comptoir pour acheter un billet pour Sherbroo­ke. Le chauffeur descend tous les bagages.

Puis, "En voiture, tout le monde, en voiture pour Sherbroo­ke !"

Et les hommes et les valises, les mêmes que tout à l'heure, sont remis à la même place dans le même autobus, pour un autre voyage de 50 milles.

Cela ressemble ni plus ni moins à une comédie, qui consiste­rait à sortir tout le contenu de l'autobus par une porte pour le rentrer par l'autre porte.

Sortir par une porte les personnes et les choses pour les ren­trer tout de suite par l'autre porte, mais c'est fou !

C'est fou ? non, ce n'est pas fou, c'est une mesure de guerre.

Faire descendre un chauffeur bien pressé, lui faire porter des malles, se bousculer pendant un quart d'heure, c'est une perte de temps !

C'est une perte de temps ? Non, ce n'est pas une perte de temps, c'est une mesure de guerre.

Acheter deux billets au lieu d'un, les payer plus cher ensem­ble qu'un seul, mais c'est une perte d'argent et de papier ! Mais, non, c'est une économie de guerre !

Il en est de même pour une foule de mesures de guerre. Est-ce que les rationnements dans presque tous les cas, n'ont pas eu pour effet, le gaspillage ?

Pour l'épicier qui compte les coupons dans les livrets qu'on lui présente, quelle perte de temps ! Non, c'est une mesure de guerre.

Pour le distributeur de coupons, quelle perte de temps ! Non, c'est une mesure de guerre !

Pour les fonctionnaires, les avocats et les juges qui discutent toutes ces lois, c'est une perte de temps. Non, c'est une mesure de guerre.

C'est à croire que les mesures de guerre consistent à faire et à faire faire le plus de bureaucratie et d'autres choses semblables au plus grand nombre de personnes possible, lorsque tout ce mon­de pourrait faire des canons.

Les hommes de bon sens ne s'y reconnaissent plus.

Peste soit du bon sens ! La logique n'est plus de mise en temps de guerre, puisque la guerre elle-même est la plus grande folie que les hommes aient inventée.

Gilberte Côté-Mercier

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