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De 1940 à 1942

Louis Even le mercredi, 15 avril 1942. Dans Éditorial

Le 26 mars 1940, la province de Québec s'élisait une députa­tion de 65 représentants pour pendre ses intérêts à Ottawa.

Élus comme défaits avaient rivalisé de vigueur dans leurs engagements anticonscriptionnistes. Jamais, pour aucune raison, ils ne consentiraient à laisser imposer la conscription au Canada, dussent les uns sortir du ministère, dussent les autres briser leur avenir politique au sein d'un parti qu'ils continuaient d'adorer.

Le résultat décisif du scrutin réjouit toute la province de Québec : au moins, conclut-on, on échapperait au monstre qui avait jeté la désunion au Canada en 1917 et qu'on n'avait cessé de dénoncer pendant un quart de siècle.

La série des surprises devait commencer quelques mois plus tard. Le gouvernement entrait dans la voie parcourue sous le mi­nistère Borden-Meighen : enregistrement national, envois outre­mer de forts contingents qu'il faudrait alimenter, service mili­taire obligatoire. Tout de même, on ne faisait traverser l'océan qu'à des volontaires.

Vient la session parlementaire de 1942. Une bombe éclate : le gouvernement demande que le parlement soit relevé des engage­ments pris vis-à-vis de la conscription pour outremer.

Le 19 février 1942, moins de deux années après le 25 mars 1940, un député, M. Liguori Lacombe, propose à la motion du plébiscite l'amendement suivant :

"Cette Chambre regrette que les conseillers de Votre Excellence n'aient pas jugé à propos d'aviser Votre Excel­lence de s'en tenir aux engagements et aux termes de leur mandat contre la conscription pour service outremer, man­dat qu'ils ont reçu de la population du Canada à l'élection générale du 26 mars 1940."

Ce qui veut dire : Les députés tiennent à garder les engage­ments formellement pris envers leurs électeurs.

Or, la grosse majorité de la Chambre a voté contre cet amen­dement. Les députés, presque en bloc, ne tiennent pas à garder leurs engagements — ceux de la province de Québec comme les autres.

Le Grincheux du Devoir appelle les députés infidèles à leur parole de 1940 des "veaux à deux têtes".

On est assez habitué, à Ottawa comme à Québec, aux veaux à deux têtes, aux députés qui portent une tête devant leurs élec­teurs et une autre à la Chambre. Le 19 février, onze seulement de nos 65 représentants à Ottawa surent garder la tête connue de leurs électeurs. Onze : MM. Liguori Lacombe, Wilfrid Lacroix, Edouard Lacroix, Maxime Raymond, Jean-François Pouliot, L.-Ph. Lizotte, Charles Parent, Maurice Bourget, Pierre Gau­thier, Emmanuel d'Anjou, J.-S. Roy.

Les autres — ceux que nous ne nommons pas — ont montré une tête 1942 toute différente de leur tête 1940.

À Québec, à l'heure où nous écrivons ces lignes, la motion Chaloult continue de faire antichambre. Quel sort lui est réser­vé ? Nous n'avons jamais attendu grand'chose de l'homme-perro­quet qui règne à Québec. Il lui est bien arrivé parfois de devan­cer le fil et de se servir de ses méninges ou de céder à la pression d'un auditoire ; mais il reprenait vite la communication et se cor­rigeait à la première occasion. (Dernière minute : la motion Cha­loult vient de subir sa défaite. L'homme-perroquet a parfaitement joué son rôle, et les suiveux ont suivi.)

Faut-il s'étonner que le quart, la moitié, parfois les deux tiers des électeurs ne se dérangent plus pour voter ?

Louis Even

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