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Un créditiste chez son curé

le dimanche, 15 février 1942. Dans Réflexions

L......,                                                                                             le 3 février 1942.

Mon cher Monsieur Even,

Je vous ai dit que je m'occuperais du Crédit So­cial et je m'en occupe. Ça n'est pas pour rien dire de trop et me faire montrer plus que les autres mais quand je promets une chose je vous garantis que j'y tiens. Je sors de voir mon curé. C'est arrivé comme ça que je suis allé lui payer une grand'mes­se.

Monsieur le curé chez nous comme bien d'autres prêtres, il aime à nous monter sur les questions pour nous faire dire ce que nous pensons. Lui, par exemple, il dit rien. On dirait qui se défie. C'est un bien bon prêtre. Tout le monde l'aime ici. Il est à ses devoirs comme pas beaucoup qui pourraient en montrer plus que lui.

Donc, je sors de le voir. Après que je l'ai eu payé, il m'a dit avec une manière de petit sourire comme pour se moquer de moi :

— Et puis ton affaire de Crédit Social, en es-tu mieux ?

— Monsieur, le curé, que je lui ai dit, si vous avez du temps à disposer on va se parler là-dessus. J'au­rais bien des choses à vous dire que peut-être vous n'avez pas pensé. Comme de raison on ne peut pas penser à tout. Mais nous autres qu'on n'a pas au­tant à penser que vous et qui voyons bien des affai­res que vous voyez pas on pense au Crédit Social. C'est toujours pas une mauvaise pensée !

Monsieur le curé qui est toujours avenant pour les gens de sa paroisse et qui ne hait pas de jaser avec nous autres m'a dit : "Tiens c'est bon, je viens d'une grosse séance de confession des enfants. On va fumer une pipe. Ça va me reposer. Eh, bien ! conte-moi ça je t'écoute. D'abord où voulez-vous en venir avec cette affaire-là ?"

Alors, il m'a écouté et j'ai commencé à lui défi­ler ce que nous avions vu dans notre dernier cercle d'étude. Je lui ai dit d'abord qu'on voulait soulager la misère des pauvres et qu'on voulait faire de no­tre mieux pour ne pas se chicaner avec les prêtres parce que nous aimons nos prêtres.

Je lui ai dit qu'on voulait faire ce que le Pape demande. Je lui ai lu des bouts dans l'Encyclique que votre monsieur qui est venu nous voir l'autre jour nous a expliquée et que j'en ai acheté une.

J'ai dit d'abord ce que vous avez si souvent pu­blié dans notre petit journal que nous aimons bien parce qu'il nous aime, VERS DEMAIN. J'ai dit en lisant sur la coupure d'aujourd'hui : "L'organis­me social sera sainement constitué et atteindra sa fin, alors seulement qu'il procurera à tous et à cha­cun de ses membres tous les biens que les ressour­ces de la nature et de l'industrie, ainsi que l'orga­nisation vraiement sociale de la vie économique ont le moyen de leur procurer. Ces biens doivent être assez abondants pour satisfaire aux besoins d'une honnête subsistance et pour élever les hom­mes à ce degré d'aisance et de culture qui, pourvu qu'on en use sagement, ne met pas obstacle à la vertu, mais en facilite singulièrement l'exercice."

Je lui ai montré le morceau. Je l'avais sorti de ma poche. La discussion a commencé, pas fâché, Monsieur le curé chez nous il a aussi cette qualité qu'il ne se monte jamais quand on discute et quand même qu'on dit des affaires qu'il n'aime, pas. Enfin de compte j'ai fini par lui dire : Monsieur le curé ce que le Pape a dit là, c'est-il pour être fait ? Si c'est pour être fait, voulez-vous me dire ce qu'on a fait pour le faire. Le Pape c'est notre chef, il nous écrit des choses à faire. Tout le monde dit que c'est beau. On fait des grands discours pour nous le dire et nous le faire admirer et après on le fait pas. Trou­vez-vous cela juste ?

C'est bon ou c'est pas bon. Si c'est pas bon qu'on l'enterre et qu'on en parle plus. Si c'est bon qu'on fasse quelque chose pour le faire.

Bien le Crédit Social comme nous disait un ora­teur, c'est un effort honnête pour mettre sur la terre au profit des pauvres gens les belles affaires que le Pape a recommandées sur les hauteurs de Rome. Lui il ne peut pas tout faire, cela se comprend. Il nous dit, les choses créées c'est pour faire vivre tout le monde que le bon Dieu les a créées et il n'est pas juste qu'une petite bande poigne tout ce qu'il y a moyen de poigner et qu'il reste presque plus rien pour les autres et que les gens du bas de la so­ciété à cause de cela ne peuvent presque plus faire leur salut.

Et je lui ai conté des cas de familles qui sont très tristes.

Monsieur le curé m'a laissé parlé tout le temps puis il m'a dit : Je vois que tu te renseignes. Je ne veux pas te détourner de ton affaire. Je n'ai pas eu beaucoup le temps d'étudier si votre système fera ce que vous voulez et ce que demande le Pape. Tu m'as l'air sincère et d'agir par charité. Le Crédit Social n'est pas condamné. Tu peux continuer. Mais prenez garde, sous prétexte que l'autorité re­ligieuse ne vous approuve pas tout de suite, de dire que nous sommes contre les pauvres.

— Ah non, que je lui ai dit, Monsieur le curé, nous ne demandons pas à l'Église de se mettre avec nous autres. C'est nous autres qui voulons être avec l'Église. C'est pour cela que nous étudions les écrits du Pape, et, le contraire de bien d'autres, nous es­sayons de le faire.

On s'est séparé bien de bonne humeur. Vous comprenez que je ne mets pas tout ce que nous avons dit, ce serait bien trop long. Mais c'est pour vous faire à savoir ce que j'ai fait et ce que notre bon curé toujours sympathique pour le monde et qui veut toujours nous faire du bien a bien voulu m'écouter lui dire.

Bon je vous souhaite bien le bonsoir. J'ai fait une grosse journée et je suis pas mal fatigué.

Si je vous intéresse avec mes lettres vous n'avez qu'à me le dire et je vous en écrirai d'autres bien que je ne sache pas écrire comme un monsieur qui a fait des longues études dans nos collèges.

Votre toujours bien dévoué,

J. B. LALONDE

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