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Succès matériels en Russie

le mardi, 15 juin 1943. Dans La politique

Pour la plus grande partie du matériel de cet arti­cle, nous sommes redevables à des notes fournies par un religieux bien documenté. Nous nous conformons à son désir en taisant son nom.

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Ceux qui ont décrié le communisme et les plans russes, en disant que le communisme ne pouvait que détruire et jeter les peuples dans la misère matérielles, ont fait une propagande pour le moins très maladroite. Il fallait user d'autres arguments.

Du simple côté de la production matérielle, en effet, le communisme peut très bien réussir, au moins temporairement, puisqu'il a augmenté la production en Russie pendant qu'on la diminuait et qu'on chômait dans nos pays.

Le religieux qui fait ces réflexions cite des jour­naux, non communistes, de divers pays, qui avouent que, sous le régime soviétique, la Russie a fait d'immenses progrès matériels.

La résistance actuelle du peuple russe n'est pas la résistance d'un peuple fatigué, misérable, dé­pourvu, anémié ; mais celle d'un peuple fort et bien outillé.

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Voici quelques appréciations du journal français Le Temps. Elles datent de dix ans ; elles sont donc de l'époque où, chez nous, des dizaines de mille fa­milles gémissaient dans le chômage et la pauvre­té :

Janvier 1932 : "L'Union Soviétique a gagné la première manche en s'industrialisant sans l'apport de capital étranger."

Été 1932 : "Le communisme aura franchi d'un bond l'étape constructive qu'en régime capitaliste il faut, parcourir à pas lents. En industrialisant leur agriculture (au lieu de laisser la propriété agricole divisée à l'infini entre propriétaires privés comme en France), les Soviets ont pu mécaniser la culture à l'américaine. Pratiquement, les bolchévicks ont gagné la partie contre nous.

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À la même époque, le Financial Times, en An­gleterre, écrivait :

"Les succès obtenus dans l'industrie des cons­tructions mécaniques ne peuvent faire aucun dou­te. L'U. R. S. S. fabrique actuellement tout l'ou­tillage nécessaire à son industrie métallurgique et électrique. Elle a créé la production des outils dans toute leur gamme, depuis les menus instruments de haute précision jusqu'aux presses les plus lour­des. En ce qui concerne les machines agricoles, l'U. R. S. S. ne dépend plus des importations étrangères..."

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En octobre 1932, Gibson Garvey, président de la banque United Dominion, écrivait :

"Je tiens à déclarer d'abord que je suis un capi­taliste et un individualiste convaincu, Mais il faut bien reconnaître que la Russie progresse au mo­ment où beaucoup trop de nos usines sont inacti­ves et où près de trois millions d'individus, chez nous, cherchent désespérément du travail. On a raillé le plan quinquennal et on a prédit sa faillite. Mais soyez certains que la Russie a fait plus que le plan quinquennal ne s'était proposé de faire...

"Dans toutes les villes industrielles que j'ai visi­tées, j'ai vu bâtir, d'après un plan déterminé, de nouveaux quartiers avec de larges rues plantées d'arbres et dotées de squares, avec des maisons du type le plus moderne, avec des écoles, des hôpi­taux, des clubs Ouvriers et les inévitables poupon­nières et maisons d'enfants, où l'on prend soin des bébés des mères ouvrières... Le plus important...-être, c'est que toute la jeunesse et les ouvriers de la Russie ont une chose qui, malheureusement, fait aujourd'hui défaut dans les pays capitalistes, à savoir, l'espérance..."

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Reproduisons encore une citation, la revue amé­ricaine The Nation, novembre 1932 :

"La physionomie du pays (en Russie) change littéralement, au point qu'il devient impossible de la reconnaître... Cela est vrai de Moscou, avec ses centaines de squares et de rues nouvellement asphaltées, avec ses nouveaux édifices, avec ses nouveaux faubourgs et son cordon de nouvelles fa­briques suburbaines. Cela est vrai également pour les villes de moindre importance. De nouvelles ci­tés ont surgi dans les steppes et dans les déserts, au moins cinquante villes avec une population chacune de cinquante à deux cent mille habitants...

"L'Union Soviétique a organisé la production en masse d'un nombre infini d'articles que la Russie n'avait jamais fabriqués autrefois : tracteurs, moissonneuses-batteuses, aciers extra-fins, caout­chouc synthétique, roulements à billes, moteurs Diesel, turbines de 50,000 kilowatts, appareillage téléphonique, machines électriques pour l'indus­trie minière, aéroplanes, automobiles, bicyclettes, sans compter des centaines de types de machines nouvelles...

"Pour la première fois dans son histoire, la Rus­sie extrait l'aluminium, la magnésite, les apatites, l'iode, la potasse et les nombreux autres produits de valeur. Ce ne sont plus les croix et les coupoles des églises qui servent de points de repère dans les plaines soviétiques ; elles sont dépassées par les élé­vateurs à grain et les tours-silos. Les fermes collec­tives construisent des maisons, des étables, des porcheries. L'électricité pénètre à la campagne ; la radio et les journaux l'ont conquise. Les ouvriers apprennent à travailler sur des machines moder­nes. Les jeunes paysans construisent et manient des machines agricoles plus grandes et plus com­pliquées que celles que l'Amérique a jamais vues."

Remarques

Sans doute qu'au commencement du régime so­viétique, la misère et la famine régnaient en Rus­sie. La révolution y avait contribué. Mais c'était surtout l'accumulation du régime des tsars. Du temps des tsars, une immense misère prévalait dans les masses russes, et la guerre n'avait fait que l'accentuer.

Il fallut vingt ans au nouveau régime pour sor­tir de cet abîme économique, mais il en est venu à bout, et le niveau de vie matériel des masses est de beaucoup supérieur à ce qu'il était sous l'adminis­tration des Alexandres et des Nicolas.

Cela ne veut pas dire que le progrès matériel si rapidement réalisé en Russie soit le fruit du com­munisme. Non. D'autres facteurs doivent être pris en considération. La Russie était un pays arriéré par rapport aux nations occidentales. Tout était à bâtir ; et lorsque les Russes se sont décidés à bâtir, en partant d'à peu près zéro, ils l'ont fait avec tou­tes les inventions modernes à leur disposition.

Pendant que les autres nations progressaient graduellement, selon les possibilités des temps, la Russie stagnait ; lorsqu'elle a décollé, elle s'est ser­vie des moyens modernes ; elle n'a pas eu à passer par les transitions de ses voisines : d'où une expli­cation du contraste frappant entre la Russie d'il y a trente ans et la Russie d'aujourd'hui.

Toutefois, ce progrès s'est manifesté sous le ré­gime communiste. Le communisme ne l'a donc pas empêché.

Il conviendra certainement d'abandonner tout à fait les critiques fondées sur l'échec matériel du communisme. Elles font plus de tort que de bien. Lorsque, après des critiques répétées, les faits frappent enfin les yeux, le peuple se demande pour­quoi on l'a trompé.

Dans le domaine matériel, reconnaissons que le régime soviétique a fait moins obstacle au progrès que l'administration autocratique des tsars. Moins obstacle aussi que les dictateurs financiers qui, pendant ces développements en Russie, condam­naient nos familles ici, par milliers, à mener une vie de parias en face de l'abondance immobilisée.

Le point

Encore une fois, ce n'est pas le communisme qui est la cause du progrès matériel. Le progrès résulte du travail organisé, de la science appliquée. Mais la révolution communiste a jeté à terre les barriè­res qui, en Russie, s'opposaient à ce progrès maté­riel.

Il y a sûrement d'autres méthodes pour jeter ces barrières à terre.

Chez nous, par exemple, nous n'avons nullement besoin du communisme pour généraliser l'aisance. Nous pouvons l'atteindre d'une manière beaucoup plus humaine — dans le sens complet du mot sans attenter à la liberté des personnes, sans enré­gimenter les travailleurs au service de l'État.

Pas besoin de changer les méthodes de produc­tion de pays qui, comme le nôtre, peuvent fournir abondamment plus que pour les besoins de toutes les familles. Pour généraliser l'aisance, il n'y a que la distribution à reviser. Pour assurer la distribu­tion, à la grande satisfaction des producteurs com­me des consommateurs, il n'y a qu'à renverser l'u­nique obstacle, l'obstacle financier.

Mais, maintenir l'obstacle et le voiler, condam­nant le peuple de chez nous à la pénitence pendant qu'un peuple communiste progresse à pas de géant, c'est sûrement orienter les masses mécontentes vers le communisme.

Empêcher l'industrie privée de prospérer, en coupant le pouvoir d'achat de la multitude, en bar­rant la distribution, puis proclamer ensuite, com­me Sir Beveridge est venu le faire au Canada, que l'industrie privée a fait faillite, qu'il faut sociali­ser, étatiser, c'est faire le jeu des fervents du mar­xisme.

L'argument anti-communiste

Sachons aussi élever nos arguments au-dessus du simple matérialisme lorsque nous dénonçons le communisme. Notre lutte contre le communisme ne doit pas consister à championner le capitalisme qui, dans nos pays, amoncelle la production en fa­ce de maisons vides.

C'est sur le terrain de la personne humaine qu'il faut se placer. C'est aux arguments chrétiens qu'il faut avoir recours.

Ce sont ces arguments que le Pape a fait ressor­tir dans ses encycliques.

Le communisme et le socialisme sont des doctri­nes purement matérialistes, dans lesquelles il n'y a aucune place pour l'idée de Dieu, ni pour aucune réalité spirituelle.

Sous un régime communiste ou socialiste, la communauté humaine n'est constituée qu'en vue du seul bien-être matériel. L'activité économique prime tout. Pour une production maxima, tout doit être mené étatiquement. Les hommes doivent se livrer et se soumettre totalement à l'État pour exé­cuter de vastes plans de production matérielle.

Il en résulte, remarque toujours le Pape, que "les biens les plus élevés de l'homme, sans en ex­cepter la liberté, seront subordonnés, et même sa­crifiés, aux exigences de la production la plus ra­tionnelle. La société communiste ou socialiste ne peut donc se concevoir sans un emploi de la con­trainte manifestement excessif."

Ne craignons pas de faire valoir cet argument : la liberté de choix, qui tient tant au cœur de tout homme qui n'est pas complètement abruti.

Les plus belles réalisations matérielles perdent de leur saveur s'il faut les acheter au prix de l'en­régimentation.

Comme l'écrivait mademoiselle Gilberte Côté dans le dernier numéro de Vers Demain, "l'édifice socialiste peut être une magnifique réalisation de la matière. Toutes les puissances du progrès et de la machine sont réunies en lui pour le bâtir. Il édi­fie le génie de l'homme au service des corps."

Mais ce n'est pas là tout l'homme. Ce n'est mê­me que l'homme animal — animal intelligent si l'on veut, mais avec son intelligence au service de son animalité.

L'homme, l'homme vrai, vaut mieux. Si, par ses inventions, il peut faciliter la production pour les besoins de son corps, il réclame un degré corres­pondant de libération pour s'occuper d'embellir sa vie. L'embellir par des activités de son choix ; l'em­bellir par des poursuites culturelles ; l'embellir par l'épanouissement de la vie familiale ; l'embellir par des services à ses frères moins fortunés ou moins éclairés.

C'est un tout autre idéal de vie — idéal depuis longtemps entrevu par les créditistes qui travail­lent ardemment à sa réalisation, parce qu'ils la sa­vent possible. Aussi n'est-ce point les créditistes qui tomberont en admiration devant le communis­me, même s'ils constatent en Russie des progrès matériels remarquables pendant que des règle­ments absurdes ligottent le progrès dans notre propre pays.

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