Les journaux du 3 mai rapportaient un discours de Sir Stafford Cripps, discours qu'ils qualifiaient d'appel à l'élimination des inégalités économiques après la guerre.
Stafford Cripps est un socialiste avancé, tellement avancé que le parti socialiste anglais l'expulsa de ses rangs comme trop radical en 1939. Ce qui ne l'a pas empêché de devenir ministre, en 1942, et probablement le ministre le plus en vedette après Churchill lui-même.
Donc Sir Cripps prévoit un monde nouveau pour l'après-guerre. Il dit même que c'est pour cela qu'on fait la guerre :
"Cette guerre n'est pas une simple lutte pour du territoire ou pour des avantages économiques à gagner par telle ou telle nation. Les peuples qui combattent veulent affirmer et obtenir leur droit à une nouvelle liberté — ils veulent se libérer de l'angoisse constante causée par l'insécurité et le besoin."
C'est Sir Cripps qui parle, et il demeure en Angleterre. Mais il parle des peuples qui se battent, donc aussi des Canadiens. Comment expliquerait-il que les Canadiens doivent faire une guerre pour ne plus rester dans le besoin en face de l'abondance ? Qu'est-ce qui les empêchait, ou qui est-ce qui les empêchait de se libérer de l'angoisse constante causée par l'insécurité et le besoin de 1929 à 1939 ?
Supposons qu'on fasse disparaître de la carte l'Allemagne, l'Italie et le Japon : qu'aura-t-on fait disparaître de ce qui empêchait les hommes de travailler, les jeunes gens de s'établir, les produits d'entrer dans les maisons ?
Écoutons encore Cripps :
"Nationalement et internationalement, nous voulons voir le monde conduit selon un plan conscient en vue de meilleures normes de vie pour les masses."
Qui est-ce qui fera le plan ?
L'orateur continue, en remarquant que nations et individus devront sacrifier leurs intérêts propres aux intérêts de la plus grande collectivité. C'est bien dans la note des centralisateurs, des faiseurs de plans, des mouleurs d'humanité.
Pas un mot dans le rapport du discours pour demander d'assujettir la finance, de chasser du gouvernail ceux qui, par leur contrôle de l'argent et du crédit, ont créé les conditions de vie que l'on sait.
Pour assurer de meilleurs niveaux de vie aux masses — masses britanniques, russes, américaines, chinoises, indiennes ou autres, précise-t-il — il faut enlever la liberté aux individus et aux nations. Un organisme central, fortement inspiré par ceux que la juiverie et la maçonnerie poussent ou laissent monter aux postes élevés, dicterait le plan, façonnerait le moule, et le troupeau humain aurait sa place au râtelier, à condition d'être fidèle. Fidèle, de la fidélité des créchards au gouvernement qui leur remplit la panse.
Remarquons que les journaux donnent toujours une grande publicité à tous les prédicateurs de ce genre de réforme. Une réforme qui, comme le Crédit Social, veut le respect de la personne humaine, des aspirations provinciales et nationales et la libération de la dictature d'argent, n'a simplement pas de place dans la presse contrôlée.
Les créditistes de la province de Québec doivent commencer à se rendre compte de ce qui se passe, de ce qui se prépare pour faire accepter un changement qui ne servira surtout qu'à rendre tout véritable changement plus difficile. Ils doivent s'en rendre compte, et c'est pourquoi nous les pressons tant de s'organiser, et de s'organiser vite pour être à temps en mesure de faire valoir leur idéal, au lieu de se laisser imposer un autre déguisement de la finance internationale.
"Plus que n'importe quel supplice, la pauvreté a le pouvoir de faire sentir aux êtres humains la pesanteur de la chair et la servitude lamentable de l'esprit. C'est une atrocité de pharisiens d'exiger des esclaves le désintéressement spirituel qui n'est possible qu'aux affranchis". (Léon Bloy)