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Que sera demain?

le mercredi, 15 novembre 1939. Dans Réflexions

Que sera demain ? Ordre ou anarchie ? Re­dressement où effondrement ?

Demain sera, ce que nous le ferons — ou plutôt ce que nous l’aurons fait.

Car c’est aujourd’hui qu’il faut préparer demain. Aujourd’hui, et dès cette heure... il se fait déjà tard.

Tard, oui ; ça presse. Grande est la misère. À bout de patience aussi la foule des déshérités de la terre.

Vous donc qui n’êtes pas tout à fait au bas de l’échelle ;

Vous qui, avec un peu de pain pour aujour­d’hui, n’êtes pas complètement dépourvus pour demain matin ;

Vous qui avez encore quelques bûches pour votre poêle ;

Vous qui ne connaissez pas encore les gui­chets d’une commission de chômage, ni la porte où l’on attend un bol de soupe ;

Vous qui n’avez pas trop expérimenté les lourds envahissements de la désespérance de ceux qui battent inutilement le pavé à la recher­che d’un gagne-pain ;

Vous, d’ailleurs, qui, sans être dans la mi­sère, n’en êtes tout de même pas à la distance où ses gémissements cessent d’être entendus ;

Vous qui n’êtes pas irrémédiablement figés dans l’égoïsme trop coutumier à ceux que le mauvais sort n’a pas mordus ;

VOUS, oui, VOUS êtes ceux en qui le pau­vre conserve un peu d’espoir pour une amélio­ration de son sort.

Il est dégoûté — le pauvre — de ceux qui, tenant les leviers de commande, ne trouvent rien à lui offrir que des paroles de compassion.

Vous êtes ceux qui le retiennent encore dans la grande colère qui lui monte à la tête.

Sa voix, à lui, est trop perdue au fond de l’abîme pour attirer l’attention d’un monde mer­cantile et embourgeoisé. Il le sait.

Mais il sait aussi que votre voix, à vous, n’est pas tout à fait ignorée, si vous voulez seu­lement y mettre la note forte.

Situés entre la misère des loqueteux d’en bas et l’apathie des repus d’en haut, serez-vous les avocats des premiers — ou les seconds trou­veront-ils en vous des amortisseurs commodes contre les plaintes gênantes de la souffrance ?

Ouvriers, agriculteurs, travailleurs de tou­tes carrières, et vous aussi les trop rares pen­seurs des sphères où l’on affiche la culture — c’est à vous de former la phalange qui sauvera le monde du chaos.

Jamais jusqu’ici le pauvre n’a obtenu quel­que justice de la part de la société autrement que par la violence. Pourquoi nos sociétés pour­tant civilisées attendent-elles cette extrémité ?

La France eut sa révolution — pourquoi ? La révolution a ensanglanté la Russie — pour­quoi ? Les mêmes horreurs ont couvert l’Espa­gne — pourquoi ? N’avons-nous rien appris ?

Faisons une chose nouvelle dans l’histoire. Une révolution sans violence. Le pauvre rétabli dans ses droits sans dépouiller le riche. Rien de miraculeux, après tout, dans un monde écra­sé sous le poids de l’abondance.

L’opération n’est pas douloureuse, mais el­le ne sera jamais faite par des chirurgiens en­dormis.

Réveillons-nous donc. Et hâtons-nous — quo­niam advesperascit.

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