Que sera demain ? Ordre ou anarchie ? Redressement où effondrement ?
Demain sera, ce que nous le ferons — ou plutôt ce que nous l’aurons fait.
Car c’est aujourd’hui qu’il faut préparer demain. Aujourd’hui, et dès cette heure... il se fait déjà tard.
Tard, oui ; ça presse. Grande est la misère. À bout de patience aussi la foule des déshérités de la terre.
Vous donc qui n’êtes pas tout à fait au bas de l’échelle ;
Vous qui, avec un peu de pain pour aujourd’hui, n’êtes pas complètement dépourvus pour demain matin ;
Vous qui avez encore quelques bûches pour votre poêle ;
Vous qui ne connaissez pas encore les guichets d’une commission de chômage, ni la porte où l’on attend un bol de soupe ;
Vous qui n’avez pas trop expérimenté les lourds envahissements de la désespérance de ceux qui battent inutilement le pavé à la recherche d’un gagne-pain ;
Vous, d’ailleurs, qui, sans être dans la misère, n’en êtes tout de même pas à la distance où ses gémissements cessent d’être entendus ;
Vous qui n’êtes pas irrémédiablement figés dans l’égoïsme trop coutumier à ceux que le mauvais sort n’a pas mordus ;
VOUS, oui, VOUS êtes ceux en qui le pauvre conserve un peu d’espoir pour une amélioration de son sort.
Il est dégoûté — le pauvre — de ceux qui, tenant les leviers de commande, ne trouvent rien à lui offrir que des paroles de compassion.
Vous êtes ceux qui le retiennent encore dans la grande colère qui lui monte à la tête.
Sa voix, à lui, est trop perdue au fond de l’abîme pour attirer l’attention d’un monde mercantile et embourgeoisé. Il le sait.
Mais il sait aussi que votre voix, à vous, n’est pas tout à fait ignorée, si vous voulez seulement y mettre la note forte.
Situés entre la misère des loqueteux d’en bas et l’apathie des repus d’en haut, serez-vous les avocats des premiers — ou les seconds trouveront-ils en vous des amortisseurs commodes contre les plaintes gênantes de la souffrance ?
Ouvriers, agriculteurs, travailleurs de toutes carrières, et vous aussi les trop rares penseurs des sphères où l’on affiche la culture — c’est à vous de former la phalange qui sauvera le monde du chaos.
Jamais jusqu’ici le pauvre n’a obtenu quelque justice de la part de la société autrement que par la violence. Pourquoi nos sociétés pourtant civilisées attendent-elles cette extrémité ?
La France eut sa révolution — pourquoi ? La révolution a ensanglanté la Russie — pourquoi ? Les mêmes horreurs ont couvert l’Espagne — pourquoi ? N’avons-nous rien appris ?
Faisons une chose nouvelle dans l’histoire. Une révolution sans violence. Le pauvre rétabli dans ses droits sans dépouiller le riche. Rien de miraculeux, après tout, dans un monde écrasé sous le poids de l’abondance.
L’opération n’est pas douloureuse, mais elle ne sera jamais faite par des chirurgiens endormis.
Réveillons-nous donc. Et hâtons-nous — quoniam advesperascit.