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Pour aimer, lui aussi

Gilberte Côté-Mercier le jeudi, 15 août 1940. Dans Réflexions

D'un journal jociste :

"La femme est faite pour aimer, pour se donner. Toute sa vie, toutes ses possibilités convergent vers ce don total d'elle-même."

J'ignore si l'auteur de l'article qui commence par ces mots est un homme ou une femme. Mais, je lui demande, à lui l'auteur et à tous ceux qui croient, consciemment ou non, que c'est la femme qui, dans le monde, à reçu mission de répandre l'amour, je leur demande de nous dire pourquoi l'homme est fait, sinon pour aimer lui aussi.

Il n'est certes pas fait pour haïr.

Il n'est pas plus fait pour se faire aimer.

Il est fait "pour aimer, pour se donner. Toute sa vie, toutes ses possibilités convergent vers ce don total de lui-même".

Autrement, l'homme serait un monstre dans la nature entière qui ne trouve sa vie qu'en l'Amour. C'est dans le Dieu d'Amour qu'est la source de tout être. Et c'est au Dieu d'Amour que doit retourner tout être.

Tout être, l'homme y compris.

★ ★ ★

À la femme, on prêche le dévouement. Et on a raison. Mais on oublie trop souvent de former des hommes généreux.

Aussi est-on en présence d'une société qui se meurt d'égoïsme.

Cet égoïsme n'est pas seulement un égoïsme de lâches, ce qui pourrait se corriger d'un coup de fouet peut-être, mais cet égoïsme est un égoïsme érigé en dogme. On croit et on enseigne que "charité bien ordonnée commence par soi-même."

★ ★ ★

Voyons plutôt comment on procède :

La femme est faite pour se dévouer à la famille, dit-on. Elle doit donner toute sa vie à son mari et à ses enfants. Dans certains cas, on a raison pourvu qu'on n'oublie pas que la femme est d'abord faite pour aimer Dieu.

Mais, si cette prédication boiteuse est le seul aliment moral fourni à la famille, on a vite fait de s'apercevoir que la famille s'affaiblit, rongée par l'égoïsme du mari et des enfants, famille où le dévouement des unes fait justement bien l'affaire des autres. La vertu chez autrui est chose si commode.

Heureusement, chez nous, dans nos familles, on ne rencontre pas partout ces anomalies. Le sens familial a gardé de sa force. Et le dogme du dévouement de la femme est consolidé par le dogme, inexprimé mais réel, du dévouement de l'homme dans la famille. Voilà pourquoi nos familles ont gardé leur solidité.

★ ★ ★

Mais, si l'on passe de la famille à la société, c'est là qu'on ne respire que le "chacun pour soi ».

Mais, oui, voyez-vous bien ? La femme est faite pour le foyer, a-t-on dit. Elle doit répandre sa charité dans sa maison. Elle doit tout donner aux siens.

Aussi, la femme s'emploie-t-elle à tout réclamer pour les siens. Sa famille à elle, il n'y a que cela qui compte. Les voisins, qu'ils se débattent pourvu que chez soi on soit bien à l'aise. Elle se réserve entièrement pour ses chers petits. Et elle apprend ainsi à croire que le reste du monde est fait pour sa famille à elle.

Les relations qu'elle entretient avec les autres, c'est pour s'amuser et servir les intérêts de sa famille. De relations de charité, point.

C'est l'homme, lui, qui entretient les rapports d'affaires dans la cité avec les citoyens, et l'homme, on a oublié de lui enseigner qu'il est fait pour aimer. C'est juste si on ne lui a pas dit qu'il est fait pour tirer le plus possible des autres afin de donner plus aux siens.

Et cet égoïsme familial nous a donné cette société de bourgeois honnêtes et rangés, édifice brillant sur un solage décrépi de faux principes.

★ ★ ★

La femme est faite pour se donner, soit. À sa famille, à la société tout entière. Point d'ordre social sans cela.

De même l'homme est fait pour se donner. À sa famille, à la société tout entière. Point d'ordre social parfait sans cela.

Gilberte CÔTÉ.

Gilberte Côté-Mercier

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