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Plans de production

le samedi, 15 mai 1943. Dans La politique

Les grands plans qui enrégimentent les hommes dans des entreprises d'État — tels le plan quin­quennal russe, les plans allemands, les plans d'a­près-guerre pour le Canada, l'Angleterre ou les États-Unis — sont certainement capables de don­ner une production remarquable. Mais cela ne suf­fit pas pour les justifier.

L'homme n'est pas né pour la production. La vie a un autre sens que la production de biens ma­tériels.

La sécurité économique est nécessaire pour que la liberté ait un sens. Mais, une fois un minimum de sécurité économique garanti, la liberté devient bien supérieure à la richesse.

Or la production moderne, en temps normal, est déjà plus que suffisante pour fournir l'aisance à tout le monde. Pourquoi alors tous les plans d'em­bauchage, de production sur grande échelle, avec intervention de l'État partout où l'entreprise pri­vée ne peut occuper tous les bras ? Quel est le but de tout cela ? Lorsqu'il y a suffisamment pour le nécessaire, pour l'aisance même, pourquoi ne pas laisser ceux qui le désirent se contenter de ce né­cessaire, de cette aisance ?

Pour ceux que seuls retiennent des buts maté­riels, les plans d'embauchage et de production peu­vent avoir un sens. Ils peuvent avoir un sens pour ceux qui veulent l'État socialiste. Ils peuvent avoir un sens pour les lumières sorties de l'École Économique de Londres, de ce "séminaire destiné à pré­parer les grands bureaucrates de l'État socialiste de demain".

Mais ils perdent leur sens pour ceux qui, comme les créditistes, ont un concept plus complet de la personne humaine. Ils répugnent à ceux qui refu­sent de sacrifier la liberté au matérialisme.

N'est-ce pas un peu ce que suggère le passage suivant de l'encyclique Quadragesirno Anno :

"De ce qu'une division appropriée du travail as­sure la production plus efficacement que des efforts individuels dispersés, les socialistes concluent que l'activité économique — dont les buts matériels retiennent seuls leur attention — doit, de toute nécessité, être menée socialement. Et de cette nécessi­té il suit, selon eux, que les hommes sont astreints, pour ce qui touche à la production, à se livrer et se soumettre totalement à la société. Bien plus, une telle importance est donnée à la possession de la plus grande quantité possible des objets pouvant procurer les avantages de cette vie, que les biens les plus élevés de l'homme, sans en excepter la li­berté, seront subordonnés, et même sacrifiés, aux exigences de la production la plus rationnelle."

Voilà pour les fervents de la production ration­nalisée. Les créditistes ne seront jamais de ceux qui placent la production rationnalisée au-dessus de la liberté. Les créditistes ne seront jamais de ceux pour qui le tout de l'activité économique consiste dans la production de biens matériels. Ils affir­ment, au contraire, que le premier but de l'activité économique devrait être de libérer l'homme en as­surant à chacun un minimum vital. Et ils compren­nent très bien l'Apôtre qui disait : "Dès lors que j'ai la nourriture, le vêtement et l'abri, je ne désire rien de plus" en fait de biens matériels. C'est alors que la liberté prend un sens et qu'il est odieux de la subordonner aux exigences des faiseurs de plans.

Cinq voix

D'après W. J. Brown, député indépendant aU Parlement anglais, cinq voix se font entendre en Grande-Bretagne (on pourrait dire aussi au Ca­nada) au sujet de l'après-guerre :

Première voix — Celle qui entrevoit la nation sortant de la guerre tellement chargée de dettes, qu'il faudra travailler, suer, peiner et se priver pendant au moins cinquante ans. Pour répondre à cette voix, il suffit de montrer le pays sortant de la guerre plus riche qu'il y est entré : avec une agriculture, une industrie, des moyens de trans­port plus parfaits et plus développés. La capacité de production sera plus grande que jamais : pour­quoi faudrait-il se priver des produits ?

Deuxième voix — Celle qui réclame le retour aux conditions de 1939. Cette voix oublie l'his­toire de la femme de Loth, changée en statue de sel parce qu'elle se tournait en arrière. Personne ne veut plus des conditions qui ont déshonoré la civi­lisation pendant la décade d'avant-guerre.

Troisième voix — La voix des Bevin, Beveridge, Marsh et tous leurs petits, qui conçoivent le mon­de nouveau pas mal semblable à celui de 1939, mais avec une extension dans les formules d'assu­rance collective, pour atténuer les cas extrêmes en rognant sur les meilleurs jours de tous et en di­minuant le nombre de ceux qui sont en sécurité absolue.

Quatrième voix — La voix du parti communiste qui, dans l'espoir plutôt incertain de procurer la sécurité économique, exige, comme préliminaires, l'immolation de toutes les libertés — personnelle, civile, politique et religieuse — si chèrement ache­tées au cours des siècles.

Cinquième voix — La voix du bon sens. La voix qui dit que les Anglais (et les Canadiens aus­si) sont capables de solutionner leurs propres pro­blèmes ; que le problème de la production étant de­puis longtemps réglé, il doit être facile d'assurer la distribution.

Et le député anglais, sans oser encore signer la technique créditiste, reconnaît que les principes du Crédit Social sont entièrement d'accord avec la cinquième voix, la voix de la sanité, la voix du bon sens.

Et à Ottawa ? Et à Québec ?... Voix de perro­quets !

Canada, pays d'abondance

Le bulletin No. 22 (édition de mars) de "Ca­nada at War", publié par le gouvernement fédé­ral, nous apprend que le Canada, tout en nourris­sant mieux sa population qu'avant la guerre, est devenu le grand nourricier de l'Angleterre.

En 1942, le Canada a pu exporter à l'Angleter­re 65 pour cent de sa production de fromage, 15 pour cent de sa production d'œufs, 75 pour cent de ses porcs abattus, toute sa capture de saumon et de harengs de l'année, de grosses quantités de fruits, de légumes, de miel et de céréales.

Et pourtant, remarque le bulletin officiel, "la consommation domestique de nourriture a subs­tantiellement augmenté au Canada depuis le commencement de la guerre".

Pourquoi donc faisait-on pénitence avant la guerre ?

Ce que l'agriculture canadienne peut produire aujourd'hui, avec tant de bras soustraits vers l'ar­mée et vers les industries de guerre, elle pouvait le produire beaucoup plus facilement avant la guerre. Pourquoi ne le produisait-elle pas ?

La question est posée au banquier-économiste Beaudry Leman qui, aussi tard que les derniers mois de 1939, disait dans son mémorable discours à la Chambre de Commerce cadette de Montréal : "D'abord, il n'est pas prouvé que l'abondance exis­te."

L'avez-vous maintenant, la preuve, monsieur le banquier ?

Peut-on, ou ne peut-on pas, nourrir les Canadiens en temps de paix ?

"Pour aller : vouloir. Pour aller droit : se vaicre. Pour aller vite : aimer." (Père Faber)

Où réside l'absurdité ?

À la radio B. B. C., en Angleterre, quelqu'un pose la question : "Comment se fait-il qu'on peut tant dépenser en temps de guerre alors qu'on prê­che toujours l'économie en temps de paix ?"

Réponse donnée par une autre voix : "Parce que nous avons de grandes ressources de richesse pour servir de base au crédit, mais en temps de paix on nous demande moins de sacrifices."

Cela voudrait dire que le crédit est bien basé sur la richesse, et non pas sur l'or, mais que l'usage de la richesse est un sacrifice ! Avouons que ce sacrifice en temps de paix ferait bien des heureux...

Mais le grand économiste de réputation mondia­le, Sir William Beveridge, a donné à la radio une autre réponse à cette question. D'après Sir Beverid­ge, en temps de guerre, l'argent n'a pas d'impor­tance, seules les réalités ont alors de l'importance. C'est pourquoi, en temps de guerre, on peut se per­mettre des choses qui sont "financièrement absur­des".

La guerre finie, il faut sans doute cesser les ab­surdités financières et, revenir aux absurdités réel­les : crever de faim devant des greniers trop pleins.

Le grand Beveridge a continué son explication en disant que l'argent n'est qu'un moyen pour mesurer la richesse réelle, et si l'on n'en dépense pas plus en temps de paix, c'est parce qu'on ne s'accorde pas pour décider sur quoi le dépenser.

Ces demi-dieux du jour ont d'étranges idées. En temps de guerre, d'après Beveridge, tout le monde est d'accord : il faut tuer. En temps de paix, il y a de sérieuses divergences d'opinion quant à la néces­sité de manger, de s'habiller et de se loger.

Salut, grands esprits, bâtisseurs de l'ordre mondial de demain !

De nouveau que le nom

Pour les bonnes gens qui attendent un ordre nouveau de plans cuisinés par des économistes pendus aux jupes des maîtres de la finance :

"J'ai déjà exprimé l'opinion que le but de l'or­dre nouveau est d'empêcher tout remède effectif aux défauts de l'ordre ancien.

"Le caractère dominant des soixante-quinze dernières années a été l'extension de l'insécurité, tant économique que politique. En dépit de l'im­mense accroissement dans la production possible, non seulement le "pauvre", mais l'individu de tout secteur de la population, se trouve beaucoup moins sûr, dans sa position et dans sa personne, et beaucoup moins capable d'améliorer cette condi­tion, qu'il ne l'était il y a une génération.

"La nouvelle technique politique consiste à re­connaître ce mal, à plaider repentir et changement de cœur, à nommer une commission royale et à publier un rapport". (Major C.-H. Douglas).

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