Le papier est rationné en Angleterre. Les journaux anglais doivent maintenant se contenter du cinquième seulement de leur approvisionnement normal d'avant-guerre. C'est devenu une offense criminelle, paraît-il, de brûler du papier en Angleterre.
Au Canada, on a commencé à rationner le papier-journal, mais on n'en est sûrement pas encore à juger criminel de brûler du papier, ou bien il faudra augmenter le nombre des pensionnaires dans les prisons d'Ottawa.
Une dépêche d'Ottawa, reproduite dans les journaux du 8 avril, annonce, en effet, que 1,130,000 carnets de rationnement No. 1 ont été brûlés. C'est ce qui restait, non distribué, des 13,000,000 carnets imprimés.
Ces carnets de rationnements comprenaient chacun 91 coupons. De ces coupons, 56 ne furent utilisés par personne, parce que les bureaucrates de Gordon n'ont pas marché assez vite dans leurs inventions de nouveaux rationnements.
Donc, sur un grand total de 1,183,000,000 coupons qui composaient l'émission des carnets No. 1, au moins 767,550,000 ont été brûlés ou jetés aux rebuts. Soit plus de 64 pour cent !
Le noviciat des rationneurs coûte cher en fait de papier, Même après le premier noviciat des cartes de rationnement qui précédèrent les carnets.
On veut ménager le papier. On n'en prend guère le moyen.
On veut ménager le temps aussi ; le temps si utile pour travailler aux industries essentielles à la guerre. En prend-on les moyens ? En prend-on les moyens, lorsqu'on demande à chaque personne d'écrire son nom et son adresse en tête de chaque page du carnet de rationnement ? 83,090,000 noms et adresses dans les carnets No. 1 ; 130,570,000 noms et adresses dans les carnets No. 2.
Mais qu'est-ce que cela, comparé aux formules de toutes sortes dont le gouvernement inonde les citoyens presque tous les mois, et plusieurs d'entre nous presque tous les jours — formules qu'il faut lire, essayer de comprendre, remplir avec soin, parfois en triplicata, sous la menace de sanctions, de pertes de licences, d'amendes ou de séjours en prison en cas de négligence ?
Temps gaspillé, méninges fatiguées, humeurs irritées — pour sauver la démocratie ou pour bâtir la bureaucratie paperassière dans laquelle vont sombrer nos dernières libertés ?
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"Je suis pour le respect de la propriété ; mais je ne crois pas qu'on puisse garder ce respect au peuple en maintenant la propriété au prix d'injustices sociales. Je suis aussi d'avis qu'il faut se garder d'attiser les convoitises et les haines populaires. Mais je suis encore à me demander en quoi le repos, la digestion lu spoliateur seraient plus sacrés que la détresse du spolié". — (Abbé L. Groulx)