par Louis Even
Voici un article de Louis Even publié dans Vers Demain du 15 février 1964. En effet, la création du Ministère de l'Éducation a été un « premier pas vers la neutralité scolaire totale ».
Par la fondation du Ministère de l'Éducation, les francs-maçons avaient fait un grand pas vers leur objectif de laïciser les écoles. Ensuite, ils ont continué leur travail de déchristianisation dans les écoles en y introduisant la mixité des garçons et des filles, l'enseignement du marxisme, de la révolution, les cours de sexe, des films pornographiques, des expériences honteuses, en ignorant la prière, le catéchisme, la morale, etc., etc., etc.
Maintenant, il y a la loi 107 du Parti Péquiste qui met la hache dans la confessionnalité scolaire du Québec en imposant des Commissions Scolaires officiellement athées avec des écoles athées. Mais pour appliquer cette loi infâme, il faut l'abrogation de l'article 93 de la Constitution Canadienne des Droits et Libertés permettant des Commissions Scolaires catholiques pour les écoles catholiques.
Les francs-maçons du Mouvement Laïque Québécois, les laïcistes tels que Lorraine Pagé de l'Alliance des Enseignants du Québec ont manigancé des pourparlers entre les gouvernements de Québec et Ottawa pour l'abrogation de l'article 93. Les débats sur cette question épineuse sont ouverts depuis le 19 septembre. Tous ces sans-Dieu souhaiteraient la réalisation de leur vœu d'ici Noël. Si cela se réalisait, la franc-maçonnerie aurait fait un pas de géant vers ses buts lucifériens.
Gilberte Côté-Mercier
Le Bill 60 tout le monde le sait aujourd'hui jette à terre le système scolaire qui a efficacement servi la population de la province de Québec, et dont tout le monde se trouvait satisfait, avant l'agitation d'une poignée de gauchistes, d'agnostiques, de laïcisants avoués ou sournois, qui, depuis quelques années, font 100 fois plus de tapage que leur nombre, surtout depuis l'avènement des Libéraux au pouvoir à Québec, en 1960.
À entendre ces Voltairiens, on dirait qu'il n'y a eu rien de bon avant eux dans Québec, qu'il n'est sorti de nos écoles que des ratés. Pourtant, tous nos hommes politiques actuels du Québec, nos chefs religieux, nos hommes cultivés, et même les esprits forts qui décrient tant nos institutions aujourd'hui, ont fait leurs études, au moins leur cours primaire, dans ces institutions-là.
Le système que le Bill 60 jette à terre était, de l'avis de tout observateur non préjugé, le meilleur système scolaire au monde, le plus démocratique, le mieux protégé contre la dictature d'État, le plus respectueux des croyances religieuses des parents. Notre édifice scolaire était né de la fidélité de nos pères à leur foi et à leur culture. Plutôt que d'accepter du conquérant anglais des gratuités pour payer leurs écoles, à condition qu'on n'y enseigne pas de religion, nos pères préférèrent se grouper autour de leurs Evêques et, malgré leur pauvreté, consentir les sacrifices voulus pour établir eux-mêmes leurs propres écoles, avec Dieu à sa place : la première.
En 1845, naissaient juridiquement les commissions scolaires. En 1875, après 6 années d'essai d'un ministère de l'instruction publique, le système scolaire, né et grandi à partir d'en bas, fut placé sous la haute juridiction d'un Surintendant de l'Instruction Publique, assisté d'un Conseil. Ce Conseil de l'Instruction Publique comprenait deux comités : un comité catholique, pour voir aux programmes, aux manuels, aux qualifications du personnel enseignant et à l'orientation de l'instruction dans les écoles d'obédience catholique ; le Comité protestant, pour les écoles d'obédience protestante. Les deux comités, formant le Conseil au complet, pouvaient se réunir pour traiter de questions communes aux deux.
La religion avait donc sa place dans l'éducation. Nos écoles formaient ainsi à la fois des citoyens et des chrétiens.
Étaient membres du Comité catholique, ex officio, tous les Evêques ayant juridiction dans la province de Québec, plus un nombre égal de laïcs nommés par le gouvernement.
Le gouvernement pouvait avoir à aider financièrement, mais il ne mettait pas son nez dans la conduite des écoles. La politique scolaire ne dépendait pas de politiciens favorisés par le sort d'une élection, mais d'hommes distingués composant le Conseil de l'Instruction Publique.
Au cours de ce siècle d'histoire, plusieurs gouvernements se sont succédé à Québec, les uns Conservateurs, d'autres Libéraux, d'autres Union Nationale. Mais le système scolaire restait heureusement à l'abri des caprices ou des manipulations de l'électorat. Le gouvernement pouvait changer de couleur politique, mais nos enfants continuaient de recevoir la même bonne éducation.
L'enseignement savait évoluer avec les développements dans les sciences profanes ; mais il savait aussi garder à la formation religieuse la place importante qui lui revient.
C'est à cette place-là, la place faite à la religion, qu'en veulent les agnostiques et les francs-maçons de chez nous, avec leur Mouvement Laïque de Langue Française, affilié à la Ligue d'Enseignement de France, elle-même fille de la Loge maçonnique, radicalement sectaire, du Grand-Orient.
Lors de la fondation de ce Mouvement Laïque de Langue Française, à Montréal, le 8 8 avril 1961, un des initiateurs, Jean Le Moyne, déclarait :
« Pour atteindre notre but, la première réforme qui s'impose, c'est la création d'un Ministère de l'Instruction Publique. »
Ce ne sont donc pas les parents, encore moins l'Église, qui demandent un Ministère de l'Éducation. Ce ministère est demandé par ceux qui veulent arriver à la laïcisation des écoles, à l'école neutre pour tous, à la destruction graduelle de la foi, en soustrayant les enfants au climat chrétien, depuis l'âge de six ans jusqu'à la fin de leur stage scolaire. On sait à quel degré de déchristianisation les écoles neutres ont conduit la France en l'espace de deux à trois générations.
Évidemment, Gérin-Lajoie et les autres ministres du gouvernement libéral-socialiste de Québec se défendront avec véhémence de vouloir poursuivre ce but, mais la porte est ouverte : le premier point du mouvement maçonnique de McKay, Rioux, Le Moyne et compagnie est gagné.
C'est la présence des Evêques dans le Comité catholique de l'Instruction Publique qui faisait le plus hurler les laïcisants de toutes nuances, pas seulement dans les officines du Mouvement Laïque de Langue Française, mais aussi dans des articles signés de noms de gens qui se disent catholiques, dans les colonnes du Devoir, de La Presse et des autres journaux à ordre. Eh bien ! avec le Bill 60, les Evêques sont chassés du corps des décisions.
Le Bill 60 supprime le poste de Surintendant. Il place tout le système sous la direction suprême d'un Ministre de l'Éducation, d'un politicien sorti heureux de l'urne électorale.
Le Bill comporte encore un Conseil, le Conseil Supérieur de l'Éducation, corps mixte de 24 membres, dont au moins 16 catholiques, au moins 4 protestants et au moins un qui ne soit ni catholique ni protestant tous siègeant ensemble. Or, 22 des 24 membres seront choisis par le gouvernement : il saura qui choisir, qui rejeter. Le texte dit bien que le choix se fera après consultation avec les chefs religieux catholiques et protestants. Consultation tant qu'on voudra, mais la décision reste au gouvernement.
Les deux autres membres du Conseil seront le président de chacun des Comités. Car, pour conserver un reliquat de confessionnalité, il y aura encore un Comité catholique et un Comité protestant, ayant le droit de faire des règlements pour la qualification des professeurs, l'approbation des manuels au point de vue religieux et moral, dans les écoles relevant de chacun d'eux. Mais ces règlements devront être approuvés par le lieutenant-gouverneur en conseil, c'est-à-dire par le gouvernement du jour. Le ministre pourra donc opposer son veto, s'il le veut, jusqu'à ce qu'on lui soumette des règlements délestés de tout ce que le ministre jugerait trop "intégriste".
Le Comité catholique, comme le protestant, sera composé de 15 membres. Les Évêques n'y seront plus. On leur concède toutefois le choix de 5 des membres. Là оù ils formaient, en personne, la moitié du la moitié du Comité, Comité, nos Evêques devront se contenter de représentants, et seulement pour un tiers du corps entier.
Telle est la part bien écornée faite à l'aspect religieux dans l'éducation sous le nouveau système, même après les légers amendements apportés à contrecœur à la première version du Bill, pour ne pas ignorer complètement le mémoire présenté au gouvernement par les Evêques au sujet du Bill.
C'est un recul considérable sur l'ancien système. C'est surtout l'étatisation du système scolaire — et les promoteurs ne s'en cachent pas.
Puisse l'avenir ne pas donner trop tôt une deuxième satisfaction au Mouvement Laïque de Langue Française, pour lequel la création d'un Ministère de l'Éducation n'est que le premier pas, nécessaire, vers la neutralité scolaire totale.
Pour nous, c'est le principe même du Bill qu'il fallait rejeter. C'est la création d'un Ministère de l'Éducation que nous dénonçons carrément. Et pourquoi donc cette étatisation ?
Le premier "attendu" préfaçant le texte du Bill 60 se lit ainsi :
"Attendu que tout enfant a le droit de bénéficier d'un système d'éducation qui favorise le plein épanouissement de sa personnalité" ;
Mais, est-ce que le plein épanouissement de la personnalité de l'enfant était irréalisable sous le système scolaire que le Bill remplace ? Est-ce que les 89 années écoulées depuis la loi établissant le Conseil de l'Instruction Publique n'ont produit que des personnalités avortés ou tronquées ?
On nous dit que cet "attendu" et les autres qui le suivent ont été introduits à la demande des Évêques. Cela ne nous surprendrait pas, parce que les raisons premièrement données par Gérin-Lajoie pour l'établissement d'un Ministère de l'Éducation ne disaient rien du plein épanouissement de la personnalité de l'enfant et "plein épanouissement" doit sûrement comporter l'épanouissement religieux, sans quoi le point capital de la vie serait ignoré : les plus brillantes réalisations profanes ne peuvent jamais compenser l'indigence en valeurs éternelles.
Mais quels étaient les motifs allégués par Gérin-Lajoie pour chambarder le système scolaire et en faire une affaire du gouvernement ?
Il en donnait trois :
Nous voici loin du plein épanouissement de la personnalité. La conception Gérin-Lajoie de l'éducation ressemble bien plutôt à celle qui prévaut en pays communistes, où la personne est appréciée en fonction de son rendement productif pendant sa vie terrestre — la seule vie à laquelle croient les communistes.
C'est là une violation des principes.
L'autorité en matière d'éducation de l'enfant appartient de droit et en premier lieu aux auteurs (auteur, autorité) : aux parents qui ont donné à l'enfant sa vie naturelle, et à l'Eglise qui, par le Baptême, lui a donné sa vie surnaturelle. Le gouvernement, lui, de quoi donc est-il auteur vis-à-vis de l'enfant ?
Le rôle de l'État en éducation doit en être un de subsidiarité, pour aider, et non pas remplacer ni dominer ; et un rôle de suppléance, seulement dans les rares cas où des parents refuseraient d'accomplir leur devoir.
Si c'est pour des raisons financières que les parents ne peuvent pas voir efficacement à l'éducation de leurs enfants, ce ne sont pas les parents qu'il faut mettre de côté, mais le système qui cause cette incapacité financière. L'obstacle purement financier n'est pas d'ordre naturel, ni d'institution divine. Il provient d'une institution humaine parfaitement changeable, l'institution financière. Et c'est là que le gouvernement a un rôle à accomplir, mais que, justement, il refuse d'accomplir, alors qu'il s'occupe de plus en plus de ce qui ne le regarde pas.
Quand la production est capable de fournir tous les produits et services nécessaires à une bonne vie, écoles et enseignement y compris, mais que le système financier a surtout comme résultat d'endetter en masse, les corps publics y compris, il y a là un désordre que seul le gouvernement peut faire disparaître, mais qu'il laisse criminellement persister. Et le gouvernement socialiste de Québec a le culot de s'autoriser des effets de ce désordre pour s'attribuer en éducation une suprématie qui constitue un autre désordre.
Voilà ce que que l'on comprend à l'école de Vers Demain. Mais voilà, malheureusement, ce qu'ignorent encore trop de gens, et ils se résignent à accepter comme inévitable une centralisation, une étatisation qui serre de plus en plus dans son étau les personnes, les familles et les institutions. Mais, à notre sens, cette ignorance-là est devenue trop crasse aujourd'hui pour rester excusable.
Louis Even Journal Vers Demain 15 février 1964