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Message électoral

Gilberte Côté-Mercier le jeudi, 01 juillet 1943. Dans La politique

Le programme du parti

Les élections provinciales se préparent dans la province de Québec. Elles ne sont pas encore an­noncées, mais les journaux les croient prochaines.

Les députés actuels et les députés éventuels ren­dent visite à leurs organisateurs; ils leur écrivent des lettres d'amitié; ils font des petites réunions in­times où ils avertissent les amis de se tenir prêts.

Dans des caucus tenus dans les clubs, autour d'une bouteille de Scotch, les politiciens font le programme de leur parti.

Une fois le programme fini, chaque candidat, ap­puyé par le chef, viendra devant les électeurs de son comté. Il montera sur une estrade. Il débitera avec plus ou moins d'éloquence le fameux pro­gramme. Puis, il implorera le vote des électeurs. Le programme n'est pas précisément ce qui fait l'intérêt du voteur dans les partis. C'est pourquoi, le programme des partis politiques peut être parfaitement incompréhensible. Même il vaut mieux qu'il le soit. Le vote se fait autour d'un fromage, comme l'appellent méchamment les adversaires. Ce qui veut dire, dans un langage plus décent, au­tour du patronage.

Tout ce que les candidats de partis débitent dans leurs discours, signifie: Si vous votez pour les adversaires, vous crèverez de faim; si vous votez pour moi, je vous donnerai un petit morceau du fromage du parti.

Et les électeurs ne s'y trompent pas. Voilà pour­quoi, ils ne se cassent pas la tête pour comprendre le programme. Il suffit qu'ils connaissent la cou­leur du candidat.

Un petit morceau du fromage pour eux, veut dire la misère des adversaires. C'est bien entendu. Ce n'est pas bien charitable ni bien catholique. Ce n'est pas exactement synonyme de bien com­mun, bien pour tous, mais ça a toujours été com­me ça.

C'est peut-être ces programmes de biens particu­liers qui ont fait un monde toujours dans le chô­mage ou dans la guerre, qui ont vendu la province de Québec aux étrangers, qui font des esclaves des Canadiens français, etc... Mais, ceux qui votent pour les partis ne s'en soucient pas. Ils n'ont ni tête ni coeur.

Le programme des électeurs

Ceux qui votent pour les partis... heureusement seront rares, parce que, cette année, un grand nom­bre d'électeurs de la province de Québec ont dé­cidé de faire eux-mêmes leur programme.

Ils ont fait eux aussi des petites assemblées, qu'ils appellent "assemblées de cuisine". Ça se pra­tique depuis le mois de novembre dernier, depuis que la Gendarmerie Royale fut alertée par les 78 assemblées dans la capitale de la province de Qué­bec.

Dans ces petites assemblées de cuisine, les élec­teurs se demandent quel est le programme de la population tout entière.

Et chacun vote pour avoir trois repas par jour, 4 ou 5 selon les besoins, pour eux-mêmes, leur fem­me et les enfants. Et de bons repas, faits de bonnes choses, riches en vitamines. Même, chacun désire être sûr de ne jamais en manquer. C'est facile dans un pays qui pourrait nourrir 80 millions d'habi­tants lorsqu'il n'y en a que 12 millions.

Chacun vote pour ça sans exception. Cela fait une union solide. L'Union des Électeurs. C'est le contraire de la division des partis.

Voilà pour le premier point.

Deuxièmement, chacun veut pouvoir se procurer tous les habits dont il a besoin pour vêtir sa famille, chaudement, convenablement, et même élégam­ment pour mettre de l'art dans la vie de tous les jours. C'est permis chez un pepule civilisé.

Que la femme puisse s'acheter un chapeau neuf assez souvent. Elle est de meilleure humeur lors­qu'elle est bien coiffée. Que toutes les femmes aient un manteau de fourrure. C'est agréable pour les belles qui se baladent dans les théâtres, et c'est uti­le pour les mamans et les soeurs qui font cinq milles en voiture pour aller à la messe le dimanche en hiver. Le manteau de fourrure n'est plus un luxe alors, mais une nécessité. Et ce ne sont pas les bê­tes qui manquent en forêt. S'il en manque, on prendra celles du parlement!

Troisième point au programme. Une maison à soi. Et aussi grande et aussi confortable que né­cessaire.

Une maison à soi, qu'on peut se faire construire avec son salaire et son dividende réunis, sans être obligé de faire une coopérative de construction pour travailler après son gagne-pain à gagner sa maison par dessus le marché. Une maison sans hy­pothèque, et sans grosses charges du gouverne­ment. Une maison de 4 pièces, si on veut, lorsque la famille ne contient que 2 personnes. Mais une maison de 15 pièces pour loger 10 personnes.

Les enfants des familles canadiennes-françaises, si nombreuses, ont, comme les autres, besoin de confort et d'aisance dans le logis pour grandir et se fortifier. Une chambre pour chacun, ce n'est pas exagéré. Pourtant, on ne connait pas ça chez nous. Est-ce l'espace qui manque en Nouvelle-France? Est-ce le bois? Sont-ce les ouvriers qui manquent?

* * *

Quatrième point du programme des électeurs. De l'argent pour payer un médecin et des remèdes et des soins préventifs et curatifs, aussi souvent qu'on en a besoin.

Tous les électeurs votent pour ça.

Cinquièmement. Des loisirs. Autant qu'il en faut pour pouvoir prier le bon Dieu comme il convient. La contemplation doit avoir ses droits. Et ses droits doivent être respectés lorsque l'abondance des choses matérielles est là pour y aider.

Des loisirs. Autant qu'il en faut pour pouvoir s'instruire. S'instruire lorsqu'on est enfant. N'être pas obligé de travailler à 10, 12 ou 14 ans pour ap­porter du pain sur la table. S'instruire lorsqu'on est grand, pour continuer à vivre comme des hom­mes intelligents.

Des loisirs pour permettre aux électeurs de s'oc­cuper des affaires politiques. La vie de la nation demande autant sinon plus de leur attention que la vie de la petite famille. Il faut du temps pour y penser et du temps pour y travailler. Et chaque électeur doit avoir ce temps-là.

* * *

Sixièmement. Les électeurs veulent leur liberté en tout. Pour dompter leur libre arbitre, pour le faire tenir dans la ligne droite, ils se serviront de la religion. Ils n'ont besoin ni des banquiers ni des francs-maçons du gouvernement pour leur mon­trer le chemin de la vertu.

Oui, la liberté, les électeurs y tiennent.

Finis les rationnements inutiles.

Finis, les compte-rendus écrasants et humiliants aux fonctionnaires des ci-devant nommés gouver­nements.

Finis, les inspecteurs qui ne viennent pas pour nous éclairer et nous aider, mais qui viennent pour nous enlever tout ce qui nous reste.

Finies, les tracasseries d'ordonnances injustes, faites pour protéger les amis et tuer les autres.

Finies, les demandes de privilèges autour des permissions de vivre.

Finis, les mouchardages, les dénonciations, les surveillances tracassières.

Fini, l'esclavage de l'embauchage forcé et imposé et ordonné par le service sélectif.

Finies, les assurance-chômage et assurance-ma­ladie obligatoires, qui sont des mensonges et des vols camouflés.

Les électeurs veulent leur liberté et ils votent pour l'avoir!

* * *

Le programme des électeurs se résume en quel­ques mots:

Nourriture abondante et saine;

Habits chauds et bien faits;

Logement pour des hommes;

Soins médicaux nécessaires;

Loisirs convenables pour permettre à l'âme de vivre et au citoyen de surveiller ses intérêts.

Et la liberté baignant tout cela. La liberté sain­te, respectée par Dieu même qui a fait l'homme ainsi et qui veut qu'il demeure ainsi.

* * *

Et ce programme est sans contredit le program­me de tous les électeurs. Aucun d'eux n'y a d'ob­jection pour lui-même.

S'il se trouve des électeurs qui ne désirent pas ce programme pour les autres, parce que, disent-ils, tout le monde ne peut pas être heureux, ces élec­teurs si charitables se gardent bien de demander un autre programme pour eux-mêmes et les leurs.

Le député

Mais, pour réaliser ce programme dans le pays, il faudrait un dividende national. Et pour donner un dividende national il faut des députés.

Les électeurs vont donc se nommer des députés. Des députés. De véritables députés.

Si nous n'avons jamais eu de dividende national dans la province de Québec, c'est sans doute parce que nous n'avons jamais eu de députés.

Ceux qui croient que nous avons eu des dépu­tés commettent une grave erreur.

À venir jusqu'à présent, nous avons eu des mé­decins au parlement, des avocats au parlement, des marchands au parlement, des ouvriers au par­lement, mais nous n'avons jamais eu de députés au parlement.

Un médecin est fait pour soigner les malades et les guérir. S'il continue à soigner une fois député, pendant qu'il soigne il ne fait pas son office de dé­puté. Il n'est donc pas député.

Et s'il est député trois ou quatre mois par année seulement, quatre jours par semaine dans ces 4 mois, et 4 heures par jour quand il est là sur ces 4 jours, il n'est pas député bien longtemps dans une année, pas bien longtemps dans 4 ans.

Administrer la chose publique est chose assez difficile qu'elle demande tout le temps d'un hom­me, et encore ceux qui s'y adonnent trouvent tou­jours les journées trop courtes.

Ce qu'il faut donc aux électeurs qui font leur programme eux-mêmes, ce sont de vrais députés, qui travaillent pour eux 365 jours par année, et 24 heures par jour, à certains jours, lorsqu'il le faut, par exemple en temps de guerre contre les fi­nanciers.

Avis donc,aux aspirants-candidats de l'Union des Électeurs. Si les marchands ne sont pas décidés à fermer leur magasin, les médecins et les avocats, leurs bureaux, ils n'ont qu'à ne pas se présenter. L'Union des Électeurs n'a pas besoin d'eux. Des députés comme eux, nous en avons trop eu.

Ce qu'il faut à l'Union des Électeurs, ce sont des députés qui en temps de sessions siègent au parlement sans absence, pour tout surveiller et fai­re des lois pour la réalisation du programme.

Ce qu'il faut à l'Union des Électeurs, ce sont des députés qui, en dehors de la session, parcourent la Nouvelle-France, comme les Commissaires du Cré­dit Social, qui vont manger dans les maisons des pauvres, qui partagent le toit des pauvres, qui se nourrissent de leur pauvreté, qui vont leur deman­der leur programme, étudier avec eux leurs pro­blèmes, et les instruire de ce qui se passe dans le pays.

Et ces députés là auront bien gagné leur $3,000 dollars par année. Et ils seront dignes de leurs fonctions si nobles, mais aujourd'hui prostituées, comme le dit Pie XI dans Quadragesimo Anno.

Aux prochaines élections provinciales donc, l'Union des Électeurs n'écoutera pas les beaux dis­cours creux des candidats de partis, mais se choi­sira elle-même un député, un vrai, qui s'engagera à mettre tout ses talents et tout son temps à faire passer le vrai programme des électeurs.

Gilberte Côté-Mercier

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