Liberté civile —
Liberté industrielle —
Liberté politique —
Liberté de conscience —
Toujours le même mot dans tous les domaines, et toujours le même esclavage dans la société !
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Comptez les chômeurs, gueux nouveau genre ; les ouvriers qui peinent pour des salaires ridicules ; les cultivateurs, les colons, qui vivotent péniblement sur leur lot ; les enfants qui travaillent ; les épouses, les jeunes filles qui s'étiolent dans les usines ; les mères qui s'angoissent sur des enfants, hélas ! trop nombreux pour un budget restreint ; comptez les victimes de cette vie économique
"devenue horriblement dure, implacable, cruelle." (Pie XI)
et dites si le peuple est libre !
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Observez les industriels qui font des miracles ou des fraudes, ou qui doivent immoler leurs employés, pour éviter la faillite :
"Ceux-là seuls restent debout, qui sont les plus forts, ce qui souvent revient à dire, qui luttent avec le plus de violence, qui sont le moins gênés par les scrupules de conscience." (Pie XI)
et pensez à notre liberté industrielle !
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Considérez les citoyens qui choisissent des candidats déjà choisis ; les politiciens qui leurrent les électeurs, développent les préjugés politiques, tronquent la vérité à pleins discours, travaillent à payer de retour les bailleurs de fonds électoraux et servent fidèlement les maîtres de l'argent ; considérez le système de patronage politique, qui dispense le droit de vivre au prix d'avilissements, de goujateries et de délations ; considérez le pouvoir civil,
"lui qui devrait gouverner de haut, comme souverain et suprême arbitre, en toute impartialité et dans le seul intérêt du bien commun et de la justice, il est tombé au rang d'esclave et devenu le docile instrument de toutes les passions et de toutes les ambitions de l'intérêt." (Pie XI)
et admirez notre liberté politique !
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Nombre de gens, inquiets, cherchent hélas ! trop souvent à se procurer, par tous les moyens, l'argent nécessaire pour jouir un peu et oublier, dans les plaisirs, la dureté d'une vie rendue anormale. Les jeunes gens doivent remettre indéfiniment leur mariage, et comment peuvent-ils rester bons à moins d'être des héros, de posséder cette éducation profondément religieuse et spirituelle que le matérialisme moderne a rendue trop rare ? La majorité des mariages scelle trop souvent des unions dans la pauvreté, où le seul moyen d'éviter la misère est de supplier la Providence de limiter le nombre des enfants, quand les époux ne s'instituent pas eux-mêmes leur propre providence. Les enfants élevés dans un milieu prolétarien reçoivent une éducation de... prolétaire.
"Il est exact de dire que telles sont, actuellement, les conditions de la vie économique et sociale qu'un nombre considérable d'hommes y trouvent les plus grandes difficultés pour opérer l'œuvre, seule nécessaire, de leur salut éternel." (Pie XI)
Et la liberté de conscience ?
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La liberté ?... Ah ! nous ne le savons que trop ! La liberté, sous notre civilisation, est dosée, conditionnée par l'argent que nous avons dans nos poches. Or, nous, du peuple, nous le grand nombre, nous qui avons à peine de quoi vivre, quel est notre degré de liberté ? C'est tout juste si nous avons la liberté de ne pas tout à fait crever de misère, et encore cette mince pellicule de liberté ne nous est pas assurée, puisque :
"ceux qui contrôlent l'argent et le crédit sont devenus les maîtres de nos vies ; et sans leur permission, nul ne peut plus respirer." (Pie XI)
Précaire, la liberté !
Paul GIGUÈRE