Le premier refrain des adversaires, surtout dans la province de Québec, où l’on est sûr que le refrain va émouvoir : Le Crédit Social est du communisme, une forme déguisée de communisme !
Si c’était du communisme, les évêques, le gouvernement provincial, nous auraient-ils laissés le prêcher et le diffuser pendant quatre ans, par la parole et par la plume ?
Si c’était du communisme, aurait-on permis nos nombreuses conférences jusque dans les collèges classiques, dans les séminaires, dans les scolasticats ?
Mais les financiers et leurs complices de la politique ont tellement fait circuler l’accusation de communisme que nosseigneurs les évêques crurent opportun, en août dernier, de nommer une commission de théologiens pour examiner la question.
Nous avions jusque-là en notre faveur la brochure argumentée d’un éminent sociologue religieux. le R. P. Lévesque. Nous avions contre nous quelques déclarations non argumentées et un livre fait de textes faussés, tronqués, déformés.
Les neuf théologiens de la Commission déclarèrent à l’unanimité que, selon eux, le Crédit Social n’est entaché ni de communisme, ni de socialisme. Ils prirent même la peine de réfuter les objections les plus courantes, au point de vue moral, contre les propositions du Crédit Social.
La "Semaine Religieuse" de Montréal, du 15 novembre dernier, celle de Québec, et d’autres, publièrent officiellement cette déclaration que notre numéro 3 de VERS DEMAIN a reproduite en entier.
Une autre voix, depuis, s’est élevée et trouve la déclaration des théologiens mal faite. C’est la voix d’un banquier, de Beaudry Leman. Nous lui avons répondu. Le Docteur Philippe Hamel lui a répondu. Nous laissons au public de choisir entre les neuf experts en théologie et l’expert en opérations bancaires.
L’accusation de communiste ne tenant pas debout, on en apporte une autre : C’est beau, mais ce n’est pas réalisable, c’est une utopie !
Utopie de dire que quand il y a du pain en abondance qui se perd en face de ventres creux, il faut permettre à l’affamé d’avoir de quoi acheter le pain !
Utopie de dire que tout ce qui est physiquement possible doit le devenir financièrement !
Utopie de demander au gouvernement le changement d’une loi qui fonctionne contre le bien commun et facilite l’exploitation de la multitude par quelques privilégiés !
Utopie de rappeler que l’argent n’a rien de divin, que c’est une création de l’homme et qu’il peut en changer les règlements quand ces règlements empêchent l’argent de fonctionner et tiennent le monde en pénitence !
L’expérience albertaine, exposée dans le présent numéro de VERS DEMAIN, prouve que ce n’est pas une utopie, puisque ça fonctionne. Si une province réussit à faire de l’argent de comptabilité qui aide le peuple au lieu de l’endetter, pourquoi pas le gouvernement fédéral pour tous les Canadiens ?
Le dividende du Crédit Social est un attrape-nigauds, disent des adversaires en ricanant orgueilleusement. Orgueilleusement, parce qu’ils se trouvent eux-mêmes plus sages que les trois quarts de la population de l’Alberta.
Lorsque la province de Québec aura, elle aussi, assez étudié pour voter un changement, elle se placera sans doute parmi les peuples de nigauds !
Nigaud, le Père Lévesque ! Nigaud, M. Ernest Grégoire, ancien maire de Québec, malgré ses études économiques au Canada, en Angleterre et en Belgique, malgré ses quatorze années de professorat de sciences économiques à Québec ! Nigauds, les neuf théologiens qui ont réfuté les objections contre le dividende !
Nigauds, des hommes qui laissent leur famille, le confort de leurs foyers, pour parcourir le pays et expliquer au public ses droits à un bien commun ! Nigauds, les 150,000 personnes de la province de Québec qui ont manifesté leur appréciation du Crédit Social à la suite d’exposés que tous trouvent clairs comme la lumière du jour !
Demandez à ceux-là qui, d’un air savant, avec un œil fixe et sévère, les lèvres pincées, vous disent que le Crédit Social est de l’inflation — demandez-leur ce que c’est que l’inflation.
C’est trop d’argent, répondront-ils. Mais qui est-ce qui demande trop d’argent ? On en veut assez, pas trop. Pour ne pas en avoir trop, faut-il s’en priver ? Pour que votre verre ne déborde pas, allez-vous vous contenter d’y verser quelques gouttes de vin ?
Pour compléter le tableau, demandez-leur ce que c’est que la déflation, s’ils connaissent cela — pas assez d’argent. S’ils craignent les prix gonflés, qu’ils aillent donc le dire aux cultivateurs qui vendent en dessous du prix coûtant.
Le crédit provincial mis en circulation en Alberta, par le gouvernement albertain, depuis un an, a-t-il créé de l’inflation ? Du travail, oui, mais c’est autre chose.
Le dividende invitera à la paresse ! La commission des théologiens a réfuté ce point.
Et c’est à croire, que si demain tout le monde recevait gratuitement cinq ou dix dollars, immédiatement les ouvriers quitteraient leurs salaires de $100 par mois, les cultivateurs tueraient leurs animaux pour les manger sans plus travailler, les médecins refuseraient de soigner les malades, renonçant à leurs honoraires pour quelques dollars de dividende par mois !
Ordinairement, ces timorés qui craignent que le dividende crée la paresse ne refuseraient pas un dividende pour eux-mêmes. Ils n’admettent pas qu’un dividende leur fasse du tort à eux, mais ce sont les autres, les pécheurs qui les entourent, les voisins qui n’ont pas autant de vertu qu’eux !... Hypocrites !
Le Crédit Social est une doctrine, pas un parti. Mais alors, pourquoi des candidats sur les rangs, qui se prévalent du Crédit Social au premier plan de leur programme ? Parce que c’est une question qui doit se résoudre au parlement, et parce que les politiciens de parti ne veulent pas la résoudre. Alors il faut des hommes en dehors des partis, des hommes non liés, pour en réclamer l’application.
Si les politiciens actuels sont trop ignorants ou trop lâches pour le faire, il faut, le plus tôt possible et le plus possible, les remplacer par des hommes plus soucieux du bien de la multitude.
Quant aux satisfaits qui évoluent autour du fromage que les partis politiques se disputent tour à tour, nous les tenons pour des hommes incomplets tant qu’ils ne se soucient pas du bien commun. Ils oublient le social, caractéristique de toute personne.
Quelques lecteurs ont trouvée raide la page 8 de notre dernier numéro. Ceux-là ignorent sans doute, ou ils oublient, que l’ouvrage critiqué, en circulation depuis bientôt douze mois, traite le Crédit Social de formule communiste des mieux réussies, le dividende d’attrape-nigauds, les créditistes d’exploiteurs de la crédulité populaire en quête de pouvoir ; que cet ouvrage, à base de textes falsifiés, reste en circulation permanente même depuis le rapport de la commission de théologiens ; que son auteur continue de l’annoncer dans des journaux dont le nom impressionne en certains milieux, dans des annales pieuses, dans des bulletins religieux ; que ce livre fait un tort plus considérable au Crédit Social que s’il était écrit par un simple laïc. Nous sommes en guerre et nous ne la faisons pas avec des tampons d’ouate. Ceux qui apprécient les échines assouplies par les courbettes ou des soldats en marshmallow devront les chercher ailleurs que dans la rédaction de VERS DEMAIN.