Léon porte un grand nom. Son père fut habile en politique et laissa à son fils renommée célèbre et grande fortune.
Léon est fidèle à la mémoire de son père. Il resta et restera toujours attaché au grand parti politique que son père servit avec tant de soumission, soumission qui en retour permit à son père d'encaisser des millions.
Léon n'est pas un génie. On se demande parfois même s'il est au-dessus de la moyenne. Mais cependant, Léon passe pour être un grand homme, puisqu'il est un aristocrate, et que, dans le monde des snobs, l'aristocratie tient lieu d'élite.
Héritages de nom et d'argent sont très honorables. Mais, un honneur personnel, pense Léon, quelque chose qui aurait l'air d'être mérité par la valeur du fils, serait un couronnement éblouissant sur toute cette gloire.
Un honneur personnel, une gloire acquise, comment y arriver ? Sans doute pas en suivant la voie d'humilité qu'enseigne l'Enfant Jésus de la crèche. Pas davantage en rendant témoignage à la vérité, comme le Christ qu'on a crucifié.
Non, décidément, pour être honoré ici-bas, il faut "se pousser" et puis se courber.
"Se pousser", c'est-à-dire faire valoir ses talents d'écraser les autres. Et se courber, c'est-à-dire montrer sa souplesse à adorer les puissants, quels qu'ils soient.
Léon comprend bien cela. Et la femme de Léon donc, si elle comprend cela !
Et les voilà tous les deux qui manœuvrent ! Dans les salons, dans les coulisses de parlement, dans les grandes salles de conférences.
Léon affiche très ostensiblement une grande intelligence des problèmes de l'heure. Il va même jusqu'à patronner une réforme à la mode, réforme d'autant mieux acceptée des politiciens qu'elle détourne l'attention du Crédit Social.
L'autre, la femme de Léon, prodigue les sourires, les mots d'esprit et joue des intrigues.
Et, ça y est. Léon reçoit un jour sa médaille. Il est nommé sénateur.
MARIE